COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 24/00533 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QKWU
O R D O N N A N C E N° 2024 - 544
du 01 Août 2024
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur X se disant [L] [S]
né le 01 Juillet 1992 à [Localité 5] ( ALGÉRIE )
de nationalité Algérienne
retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté par Maître Bérenger JACQUINET, avocat commis d'office
Appelant,
et en présence de [O] [W], interprète assermenté en langue arabe
D'AUTRE PART :
1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non représenté
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Marie-José FRANCO conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Béatrice MARQUES, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 26 juillet 2024, de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant obligation de quitter le territoire national sans délai assorti d'une interdiction de retour d'une durée de 2 ans et ordonnant la rétention de Monsieur X se disant [L] [S], pour une durée de 4 jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur X se disant [L] [S] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 27 juillet 2024 ;
Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 29 juillet 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur X se disant [L] [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-six jours ;
Vu l'ordonnance du 30 Juillet 2024 à 14h47 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PERPIGNAN qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur X se disant [L] [S],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [L] [S] , pour une durée de vingt-six jours ;
Vu la déclaration d'appel faite le 30 Juillet 2024 par Monsieur X se disant [L] [S] , du centre de rétention administrative de [Localité 6], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 16h55,
Vu l'appel téléphonique du 30 Juillet 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 01 Août 2024 à 09 H 00
Vu les courriels adressés le 30 Juillet 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 01 Août 2024 à 09 H 00,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 09 H 00 a commencé à 09h 23
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de [O] [W], interprète, Monsieur X se disant [L] [S] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' [L] [S] né le 01 Juillet 1992 à [Localité 5] ( ALGÉRIE ) de nationalité Algérienne . Je suis allé à [Localité 3] pour faire renouveller mon titre de séjour en France Je suis marié. Je suis allé en Espagne pour me procurer le document dont j'avais besoin pour renouveller mon titre de séjour. J'ai fait la demande à la Préfecture en 2018. A la gare quand je me suis fait arrêter je revenais d'Espagne pour renouveller ma carte de séjour. En 2008, en Espagne j'étais mineur, en 2011 quand j'arrive en France mon titre de séjour était en cours de validité. Aujourd'hui, je n'ai pas de carte de séjour valable en Espagne. Je suis marié avec une femme qui demeure à [Localité 4]. J'avais des justificatifs sur mon téléphone mais je l'ai égaré. J'ai un dossier à la CAF et je leur ai indiqué l'adresse de [Localité 4] '; Vous devez avoir ces documents dans le dossier antérieur lors de ma première rétention en 2018. J'ai un dossier médical je souffre de difficultés respiratoires. J'ai un traitement. J'ai des problèmes de dos, des rhumatismes. Le traitement se fait par perfusions .
L'avocat, Me Bérenger JACQUINET développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Je soutiens la requête de forum réfugiés. Difficultés s'agissant de la formulation de la motivation de l'ordonnance du JLD ; Le préfet a fait un seul et même arrêté pour l'OQTF et le placement en rétention. Défaut de motivation de la décision du placement en rétention . Je demande la remise en liberté à titre subsidiaire l'assignation à résidence ;
Assisté de [O] [W], interprète, Monsieur X se disant [L] [S] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' ; je n'ai pas de passeport actuellement. Le mien est périmé . J'ai fait les démarche auprés du consulat . On me réclame l'ancien passeport avant d'initier les démarches. '
Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 6] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 30 Juillet 2024, à 16h55, Monsieur X se disant [L] [S] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de PERPIGNAN du 30 Juillet 2024 notifiée à 14h47, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
- sur le défaut allégué de motivation de l'ordonnance de prolongation de la rétention:
M. [S] soutient que l'ordonnance dont appel serait insuffisamment motivée en ce que le juge a précisé « rejeter également les différents moyens soulevés et par conséquence la requête de M. [S]» .
La cour constate que le premier juge a répondu précisément en droit et en fait à l'ensemble des moyens soulevés par le conseil de M. [S] énoncés rappelés en page 2 de la décision à savoir la qualification du trouble à l'ordre public, et l'appréciation de sa situation personnelle devant justifier d'une assignation à résidence au soutien de sa contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative de sorte que les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ont été respectées;
- sur l'insuffisance alléguée de la motivation de l'arrêté au regard de la situation personnelle
Aux termes de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA), la décision de placement émanant de l'autorité préfectorale doit être écrite et motivée.
Il convient de rappeler que l'autorité préfectorale n'a pas à énoncer tous les éléments de fait qu'elle a à disposition et peut fonder sa décision sur ceux qui justifient sa décision de placement en rétention administrative.
M. [S] soutient que le préfet n'a pas tenu compte de sa situation personnelle et en particulier sa présence en France depuis 2008, sa situation conjugale et son état de santé;
Or dans sa décision du 26 juillet 2024 portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour et placement en rétention le préfet des Pyrénées Orientales relate bien le récit biographique fait par M. [S] à savoir son arrivée en France en 2008 de même que sa situation matrimoniale est également évoquée et des difficultés de santé évoquées lors de son interpellation à savoir des rhumatismes chroniques, le préfet ayant précisé sans encourir la critique que cette pathologie n'était pas de nature à faire obstacle à son placement en rétention dès lors qu'il pouvait bénéficier au centre de rétention d'un suivi et d'un traitement médical.
Le moyen développé par le conseil de M. [S] à l'audience selon lequel la décision du préfet aurait dû faire état d'une motivation propre au placement en rétention ne peut être suivi dès lors que les motifs de nature à justifier son placement en rétention à savoir notamment l'absence de garanties de représentation effectives en France du fait de l'absence de justification d'un domicile et l'absence de document de voyage ou d'identité ressortent clairement du corps de la décision préfectorale et qu'il est clairement fait référence à ce motif de placement en rétention dans le premier paragraphe de la page 5 de l'arrêté contesté.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
- sur l'insuffisance et l'erreur d'appréciation alléguées au regard de la menace pour l'ordre public
La cour partage l'analyse du premier juge quant au fait que la situation pénale de l'intéressé ne permettait pas de caractériser au regard des éléments soumis à son appréciation et notamment au regard de l'ancienneté de la condamnation de 2008 une menace pour l'ordre public
- sur l'erreur d'appréciation alléguée quant au placement en rétention administrative
M. [S] soutient que contrairement à ce que jugé en première instance, le préfet aurait dû l'assigner à résidence dès lors que les autorités françaises disposent de la copie de son passeport , qu'il bénéficie d'un domicile fixe à [Localité 4] et qu'il a respecté les obligations d'une assignation à résidence antérieurement prononcée.
Cependant, le préfet a pu sans que sa décision ne soit entachée d'une erreur d'appréciation considérer que M. [S] ne présentait pas des garanties sérieuses de représentation, dès lors qu'il a relevé qu'au moment de son contrôle l'intéressé indiquait revenir d'Espagne, a déclaré explicitement qu'il refusait tout retour dans son pays d'origine, a précisé lors de son interpellation qu'il ne disposait d'aucun passeport ni autre document d'identité en cours de validité ce qu'il confirme à l'audience , que la préfecture ne détient que la simple copie d'un passeport non valide depuis 2012 et qu'il n'a pas davantage en cause d'appel qu'en première instance de l'effectivité d'une domiciliation à [Localité 4].
- sur la prolongation de la mesure de rétention:
En vertu de l'article L742-1 du CESEDA le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.
Conformément à l'article L742-2 du dit code, l'étranger est maintenu à disposition de la justice, dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance.
En application de l'article L742-3 du même code, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1.
La cour confirmera la décision du premier juge ayant fait droit à la requête aux fins de la prolongation de la mesure de rétention seule mesure -en l'absence de garanties de représentation et de possession d'un passeport ou document d'identité en cours de validité- de nature à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ailleurs la cour ne pourra faire droit à la demande d'assignation à résidence formée à l'audience par M. [S] en application des dispositions de l'article L 743-13 du CESEDA à défaut de remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original d'un passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 01 Août 2024 à 11h06.
Le greffier, Le magistrat délégué,