Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 31 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02389 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ODC7
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MARS 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER/FRANCE
N° RG18/00325
APPELANTE :
Madame [C] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me DEJEANT avocat pour Me Gaëlle BETROM, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
CPAM DE L'HERAULT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Mme [U] [O] en vertu d'un pouvoir général
SAS [9]
[Adresse 1]
[Localité 6]/France
Représentant : Me ASTRUC avocat pour Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 JUIN 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
M. Patrick HIDALGO, Conseiller
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] La SAS [9] a embauché Mme [C] [Z] en qualité d'employée de commerce à compter du 16 décembre 2002. Le 7 février 2017, l'employeur a adressé à la CPAM de l'Hérault une déclaration d'accident de travail qui serait survenu le 14 janvier 2017 à 8 heures. Le 29 mars 2017, la caisse a notifié à la salariée une décision de refus de prise en charge d'un accident de travail. Cette dernière a saisi la commission de recours amiable le 21 avril 2017 laquelle s'est prononcée le 30 mai 2017 en ces termes :
« OBJET DU LITIGE : Prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident survenu le 14/01/2017 sur le lieu de travail.
TEXTES APPLIQUES : Article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.
AVIS DE LA CAISSE : L'accident n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, car il n'y a pas de preuve d'un fait accidentel en date du 14/01/2017. De ce fait, l'accident ne peut être pris en charge au titre de la législation des accidents du travail.
RENSEIGNEMENTS FIGURANT DANS LE DOSSIER :
' Date et heure de l'accident : Le samedi 14/01/2017 à 08h00.
' Horaire de travail : De 06h00 à 13h30.
' Lieu de l'accident : Charcuterie, lieu de travail habituel.
' Circonstances détaillées : « D'après les dires de la victime, en décrochant les broches de poulets à la rôtisserie j'ai ressenti un craquement à l'épaule droite. »
' Employeur avisé le : 07/02/2017 à 10h00. Déclaration d'accident du travail établie ce jour-là.
' Certificat médical établi le : 16/01/2017 par le Dr [I] pour « PSH traumatique de l'épaule droite. »
' Soins : du 16/01/2017 au 02/02/2017.
' Arrêt de travail : à compter du 03/02/2017.
' Du questionnaire expédié à la victime par le service accident de travail, il ressort que le 14/01/2017 à 08h00, à la rôtisserie de [8] à [Localité 7], Mme [Z] s'est blessée à l'épaule droite en inclinant une broche pleine de poulets. Elle a continué sa journée de travail pensant que la douleur passerait. M. [N], Mme [J] de la DRH à [Localité 7] et le contact RH à [Localité 11] ont été les premières personnes avisées.
' Du questionnaire expédié à l'employeur par le service accident de travail, il ressort que le 14/01/2017 à 08h00, Mme [Z] était en train de décrocher les broches de poulets à la rôtisserie quand elle a ressenti un craquement à l'épaule. Elle a informé l'employeur le 07/02/2017 à 10h00. Son collègue affecté à une autre tâche, n'a pas vu les faits. L'employeur émet des réserves sur l'accident car Mme [Z] est venue réclamer le document accident du travail trois semaines après et n'a pas prévenu le pointeau sécurité pour une inscription sur le registre.
Suite à la consultation de son dossier, l'assurée a transmis une lettre au service risques professionnels dans laquelle elle précise : « ['] J'ai déclaré l'accident au pointeau sécurité le 16/01/2017 auprès de M. [N] (chef sécurité), ainsi qu'à ma DRH à [Localité 11] et pour finir à Mme [L] [J] qui m'a remis la feuille de soins en main propre ce jour-là. Ce qui m'a permis de la faire tamponner et signer auprès de mon médecin traitant et de ma pharmacie pour pouvoir commencer mon traitement. [']. Je tiens à préciser que ['] le 14/01/2017, je travaillais seule, donc je n'ai pas de témoin. Aucun collègue n'effectuait d'autres taches [']. » Est joint à cette lettre le « récapitulatif des soins et fournitures. »
ÉLÉMENTS COMPLÉMENTAIRES FOURNIS PAR L'ASSURÉE : Celle-ci sollicite le réexamen de son dossier et précise avoir informé son employeur le 16/01/2017.
DÉCISION : Considérant que la preuve d'un accident survenu par le fait et à l'occasion du travail n'est pas rapportée, considérant l'absence de présomptions graves, précises et concordantes, la commission décide de maintenir le refus. »
[2] Contestant cette décision, Mme [C] [Z] a saisi le 24 août 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault. Le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier par jugement rendu le 4 mars 2019, a :
reçu Mme [C] [Z] en sa contestation ;
débouté Mme [C] [Z] de ses demandes ;
débouté la CPAM de l'Hérault et la SAS [9] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné Mme [C] [Z] aux dépens.
[3] Cette décision a été notifiée le 8 mars 2019 à Mme [C] [Z] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 6 avril 2019.
[4] Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [C] [Z] demande à la cour de :
débouter la CPAM de toutes ses demandes ;
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi que la décision du 30 mai 2017 de la CPAM ;
dire qu'elle a été victime d'un accident de travail le 14 janvier 2017 ;
déclarer l'arrêt opposable à l'employeur ;
condamner la CPAM à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
[5] Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS [10] demande à la cour de :
prononcer sa mise hors de cause ;
subsidiairement,
dire que les décisions de refus de prise en charge des 29 mars 2017 et 13 février 2018 lui sont définitivement acquises ;
lui dire inopposable toute éventuelle décision de prise en charge ;
débouter la CPAM de toutes ses demandes dirigées à son encontre ;
en tout état de cause,
condamner la CPAM à lui verser la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.
[6] Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par sa représentante aux termes desquelles la CPAM de l'Hérault demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris ;
à titre principal,
confirmer la décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré survenu le 14 janvier 2017 par la salariée conformément aux dispositions des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
débouter la salariée des fins de sa demande ;
à titre subsidiaire,
reconnaître que l'attitude de l'employeur lui a causé un préjudice ;
renvoyer l'affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire afin qu'elle puisse procéder au chiffrage du préjudice résultant du comportement de l'employeur au cours de l'instruction ;
rejeter la demande de condamnation au paiement de la somme de 1 500 € ;
en tout état de cause,
condamner l'employeur à la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la caractérisation d'un accident de travail
[7] La salariée expose que le 14 janvier 2017 elle a ressenti une douleur d'effort soudaine au niveau de l'épaule droite en décrochant les broches à poulets de la rôtisserie. Elle indique qu'elle a consulté un médecin le 16 janvier 2017 qui a déclaré un accident de travail sans arrêt mais que, son état s'étant dégradée, elle a été placée en arrêt de travail à compter du 3 février 2017. Elle fait valoir que le registre du pointeau de sécurité porte bien la mention de l'événement intervenu à 7h30 le 14 janvier 2017, soit : « en manipulant les caisses de poulet ainsi la broche, j'ai forcé l'épaule », siège des lésions « bras avant droit », nature des lésions « douleur épaulé », toutes mentions inscrites sous le numéro d'ordre 9 le 14 janvier 2017 et barrées en sorte qu'était inscrit un nouvel événement concernant un autre salarié, sous le même numéro d'ordre 9 le 17 janvier 2017. Elle produit une lettre adressée le 22 août 2017 par l'employeur à la caisse ainsi rédigée :
« Nous faisons suite au courrier de refus de prise en charge de l'accident de travail de Mme [Z] [C]. Nous vous avons envoyé un premier courrier en date du 7 avril 2017 afin de vous demander la prise en charge de l'accident de travail de Mme [Z]. Cette salariée a également fait un recours qui n'a pas abouti favorablement. À cet effet, nous réitérons notre demande de prise en charge de son AT. Nous tenons à vous confirmer que son accident de travail a bien eu lieu en date du 14 janvier 2017, constaté à cette même date au pointeau sécurité, Mme [Z] a récupéré la feuille de soin AT le 16 janvier et est allée voir son médecin ce même jour (voir document en pièce jointe). Elle a travaillé jusqu'au 2 février 2017 puis a été en arrêt à compter du 3 février 2017. Nous vous remercions de prendre en compte notre demande de recours afin que son arrêt soit pris au titre de l'accident de travail. Nous restons à votre di.sposition pour tout renseignement complémentaire. »
[8] La caisse réplique que lors de l'enquête, l'employeur avait pris une position différente en répondant ainsi aux questions qui lui étaient posées :
« -les conditions de travail expliquent-elles l'absence de témoin ' Elle ne travaillait pas seule, à ce moment-là, son collègue n'a pas vu les faits. Il effectuait une autre tâche.
-Si vous estimez devoir apporter des précisions ou des informations complémentaires sur cet accident : Nous émettons quelques réserves sur cet accident, car elle est venue réclamer le document AT 3 semaines après pour obtenir des soins. Elle n'a pas prévenu le pointeau sécurité pour une inscription dans le registre. »
[9] La cour retient que la matérialité des faits et leur date se trouvent suffisamment établies par la production du registre de sécurité qui porte bien la mention des faits inscrite le jour même de leur survenue ainsi que d'un certificat médical établi seulement deux jours plus tard concordant avec les mentions du registre de sécurité. Dès lors, il apparaît que les faits soudains survenus le 14 janvier 2017 au temps et au lieu du travail constituent bien un accident de travail devant être pris en charge comme tel par la CPAM.
2/ Sur la faute reprochée à l'employeur
[10] La caisse recherche la responsabilité de l'employeur en lui reprochant d'avoir varié dans ses déclarations après que la décision de refus de prise en charge soit devenue définitive à son endroit. L'employeur répond qu'il n'a pas commis de faute mais simplement une erreur dans sa réponse au questionnaire, erreur qu'il a tenté de corriger en écrivant à la commission de recours amiable dès le 7 avril 2017 avant même que la salariée ne la saisisse le 21 avril 2017 et qu'elle se prononce le 30 mai 2017.
[11] La cour retient que la caisse disposait des deux éléments précités, registre de sécurité et certificat médical, lui permettant de reconnaître l'existence d'un accident de travail nonobstant les réserves formulées de manière erronée par l'employeur. Dès lors, en l'absence tant de faute que de lien de causalité, la caisse sera déboutée de sa demande de condamnation de l'employeur à réparer son préjudice, indéterminé en l'état.
3/ Sur les autres demandes
[12] En application du principe d'indépendance des rapports, le bénéfice du rejet de la demande de la salariée par la caisse reste acquis à l'employeur dans ses seuls rapports avec la caisse.
[13] Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur et de la caisse les frais irrépétibles qu'ils ont respectivement exposés. Il convient d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. La CPAM supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
reçu Mme [C] [Z] en sa contestation ;
débouté la CPAM de l'Hérault et la SAS [9] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [C] [Z] a été victime d'un accident de travail le 14 janvier 2017.
Déboute la CPAM de l'Hérault de sa demande de condamnation de la SAS [9] à réparer son préjudice.
Dit que le bénéfice du rejet de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la CPAM de l'Hérault reste acquis à la SAS [9] dans ses rapports avec la CPAM de l'Hérault.
Déboute la SAS [9] et la CPAM de l'Hérault de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles d'appel.
Condamne la CPAM de l'Hérault à payer à Mme [C] [Z] la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne la CPAM de l'Hérault aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT