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04/07/2024 | FRANCE | N°21/02511

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 04 juillet 2024, 21/02511


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 04 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02511 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6XV





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'H

OMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F 20/00028





APPELANT :



Monsieur [W] [H]

né le 20 décembre 1963 à [Localité 3]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Audrey LISANTI, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



S.A.S. CDPO

Domicil...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 04 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02511 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6XV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F 20/00028

APPELANT :

Monsieur [W] [H]

né le 20 décembre 1963 à [Localité 3]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Audrey LISANTI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. CDPO

Domiciliée [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Julien BOUCAUD MAITRE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Nicolas LAVIGNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Mme Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE :

M. [H] a été embauché par la société Fermière du Languedoc à compter du 5 juillet 2007 en qualité d'agent d'entretien et de nettoyage dans le cadre d'un contrat à durée déterminée régi par les dispositions de la convention collective nationale des 'ufs et industries en produits d''ufs, à raison de 35 heures par semaine et moyennant une rémunération équivalente au SMIC en vigueur.

Par avenant du 8 septembre 2007, son contrat à durée déterminée était prolongé jusqu'au 8 novembre 2007 ; il s'est ensuite poursuivi en contrat à durée indéterminée à partir du 9 novembre 2007, selon un avenant signé le 30 octobre 2007.

Le 3 janvier 2013, M. [H] a été informé de la conversion de son poste d'agent d'entretien et de nettoyage en celui d'agent de production à compter du 14 janvier 2013.

Suite au rachat de la société, le contrat de travail de M. [H] a été transféré à la société CDPO Les 'ufs du soleil à compter du 1er mars 2017 dans le cadre d'une convention tripartite.

Par courrier du 25 octobre 2019, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, lequel devait se tenir le 8 novembre 2019 à 14h afin de recueillir ses explications sur une erreur d'étiquetage de date sur 310 boîtes d''ufs destinés à la vente.

Par courrier du 12 novembre 2019 et suite au report du premier entretien, la société CDPO Les 'ufs du soleil a de nouveau convoqué M. [H] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 22 novembre 2019, la convocation étant assortie d'une mise à pied conservatoire.

Suite à cet entretien et par courrier du 28 novembre 2019, la société CDPO Les 'ufs du soleil a notifié à M. [H] son licenciement pour faute grave.

Par courrier du 5 décembre 2019, M. [H] contestait les points contenus dans la lettre de licenciement à savoir :

- Un défaut de contrôle qualité à l'origine d'une erreur d'étiquetage de date sur 310 boîtes d''ufs,

- Une altercation avec Mme [U] [A], responsable qualité,

- Des visionnages de photographies et de vidéos sur son lieu de travail.

L'employeur maintenait sa position dans un courrier en date du 10 décembre 2019.

Par déclaration au greffe du 12 mars 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Sète afin de contester son licenciement comme étant dénué de cause réelle et sérieuse, et voir condamner la société CDPO Les 'ufs du soleil à lui verser les sommes suivantes :

- 19 198 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

- 5 719,71 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3 490 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 349 € au titre des congés payés y afférents,

- 888,13 € au titre de la mise à pied conservatoire et 88,81 € au titre des congés payés y afférents,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par jugement rendu le 22 mars 2021, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement de M. [H] est bien fondé et repose sur une faute grave, et a :

- Débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté la société CDPO Les 'ufs du soleil de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [H] aux entiers dépens de l'instance.

**

M. [H] a interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2021, intimant la société CDPO Les 'ufs du soleil. Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 29 décembre 2021, M. [H] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société CDPO Les 'ufs du soleil de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau :

Juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société CDPO Les 'ufs du soleil à lui payer les sommes suivantes :

- 19 198 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

- 5 719,71 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3 490 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 349 € au titre de l'indemnité compensatoire de congés payés sur préavis,

- 888,13 € au titre de la mise à pied conservatoire outre la somme de 88,81 € au titre des congés payés y afférents,

- 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamner la société CDPO Les 'ufs du soleil au remboursement de toutes sommes qui pourraient être mises à la charge de M. [H] en application des dispositions du décret n°2001-212 du 8 mars 2001, modifiant le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge des créanciers.

**

La société CDPO Les 'ufs du soleil, dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 octobre 2021, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner M. [H] au paiement de la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Subsidiairement, elle demande à la cour de juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande de limiter sa condamnation au titre de la demande de dommages et intérêts de M. [H] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au plancher de trois mois de salaire visé à l'article L.1235-3 du code du travail, soit la somme de 5 392,89 €, et de débouter M. [H] de ses autres demandes.

**

Pour l'exposé des moyens, il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été fixée au 2 avril 2024 et la date d'audience au 13 mai 2024, les parties étant enjointes à communiquer au greffe pour la date de clôture un extrait Kbis actualisé de la société.

La société CDPO a déposé la pièce sollicitée au greffe.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve. La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires. La lettre de licenciement fixe les limites du litige, et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à M. [H] le 28 novembre 2019 fait état des griefs suivants :

« Le 19 octobre 2019, la société a été contrainte de procéder en urgence au rappel de 310 UVC à la MDD VOLAE présents dans les magasins Intermarché, pour défaut d'étiquetage (erreur de date) et emballés sous votre responsabilité le 8 octobre 2019 et constatée par l'enseigne le 19 octobre. L'enquête qui s'en est suivie le même jour, menée par le service qualité d'Intermarché, [N] [P] (directeur qualité groupe) assisté de Mme [A] [U], a clairement démontré des manquements importants qui vous étaient directement imputables, dans le cadre de l'exécution de votre travail. Les règles stipulées dans la fiche de poste et portant notamment sur les réglages et paramétrages des machines composantes de la ligne d'emballage et les entrées de données y sont clairement indiquées. Il a notamment été constaté que vous n'aviez pas effectué les contrôles qualité obligatoires qui auraient automatiquement permis de stopper la production et surtout d'interdire l'expédition des produits chez notre client. Il semblerait après enquête que vous soyez coutumier du fait. Outre une perte financière importante, votre manque de respect des règles de contrôle et d'enregistrement de ces contrôles a causé à la société un préjudice d'image important, qui aurait pu porter une grave atteinte au lien de confiance qui l'unissait à ce client représentant plus de 20% de notre CA, voir conduire à une sanction pouvant conduire à notre déréférencement.

Lorsque la responsable qualité, Mme [A] [U], le 19 octobre, vous a fait part de ses remarques sur ce sujet, après en avoir échangé avec son directeur et le directeur de site [M] [S], vous avez tenu à son égard ainsi qu'à l'encontre de la société des propos insultants et irrespectueux, propos dans lesquels vous avez été très grossier et vous avez confirmé que vous vous moquiez de ses remarques et que vous vous moquiez du risque de perte de marché et d'image de marque de la société. Vous avez notamment indiqué que « cela ne vous trouait pas le' ». Ajouté à vos autres manquements, ceci a conduit à ce que vous soyez convoqué à un premier entretien préalable à sanction disciplinaire le 8 novembre 2019.

Le 12 novembre, une nouvelle vive altercation vous a opposé, M. [V] [K] et vous, à Mme [U] [A], responsable qualité. Celle-ci vous a surpris alors que vous aviez délibérément quitté votre poste de travail et au mépris de la continuité de la production, à participer, sur votre temps de travail, au visionnage de photos et vidéos de la chaîne d'emballage sur laquelle vous ne travailliez pas. A l'occasion de l'enquête que nous avons menée conformément à votre demande, nous avons découvert qu'à plusieurs reprises par le passé, vous aviez vous-même pris des photos et vidéos avec votre téléphone portable et partagé avec M. [K] [V].

Au-delà des absences à votre poste injustifiées, et des motifs vous ayant poussé à de telles actions, vous avez sciemment manqué à vos obligations. Comme vous l'avez-vous-même reconnu lors de l'entretien préalable, la prise de photos et de vidéos sur les lieux de travail est interdite pour des raisons de sécurité et de confidentialité : à la fois par le règlement intérieur qui dispose qu'il est « interdit au personnel d'introduire sans autorisation préalable dans l'entreprise des appareils photos, caméras, caméscopes. Il est également interdit d'utiliser un smartphone disposant d'un appareil photo dans l'enceinte de l'entreprise sauf cas exceptionnel » ; et par le référentiel IFS que nous appliquons afin de garantir la sécurité des aliments et des produits : « les caméras et appareils sont interdits sauf accord de la direction ». Cette interdiction est par ailleurs clairement affichée dans les locaux de la société à plusieurs endroits. Ces faits dénotent un manquement grave à vos obligations professionnelles, et notamment à votre obligation de loyauté envers la société. Ils constituent également un manquement important à votre obligation de fournir la prestation de travail pour laquelle vous avez été embauché, puisque vous n'avez pas hésité à suspendre la production le temps que vous puissiez prendre et/ou visionner ces différentes vidéos et photos. (')

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et après une longue enquête et cela conformément à votre demande et en particulier en raison des altercations quotidiennes qui vous opposent désormais à vos supérieurs hiérarchiques et tout particulièrement avec la responsable qualité depuis que des manquements dans l'exécution de votre travail ont été constatés, votre maintien dans notre entreprise apparait donc comme impossible. Nous vous notifions en conséquence par la présente votre licenciement pour faute grave ».

Il ressort des termes de la lettre de licenciement trois griefs à savoir :

- Un défaut de contrôle qualité à l'origine d'une erreur d'étiquetage de date sur 310 boîtes d''ufs,

- Des visionnages de photographies et de vidéos par le salarié sur son lieu de travail,

- Une altercation avec Mme [U] [A], responsable qualité.

Concernant l'erreur d'étiquetage :

L'employeur indique que le 8 octobre 2019, M. [H] était placé en ligne de production et avait pour mission d'étiqueter les emballages d''ufs de manière à assurer la traçabilité des produits en vue de leur commercialisation et de leur consommation ; qu'il devait ainsi mettre sous film plastique des unités de vente de 20 ou 30 'ufs, après avoir préalablement réglé une imprimante afin d'imprimer sur l'étiquette la date de consommation recommandée (DRC) ; que ce jour-là, M. [H] a mis sous film 31 colis (310 unités de vente soit 6200 'ufs) destinés au client Intermarché, en indiquant une DRC au 31 novembre 2019 au lieu du 31 octobre 2019, ce qui a finalement contraint la société à retirer ces unités de vente chez son client ; que cette négligence est d'une particulière gravité puisqu'elle a exposé les consommateurs à un risque d'intoxication alimentaire, et la société CDPO à des sanctions administratives, civiles voire pénales ou contractuelles et à un préjudice d'image auprès de sa clientèle.

M. [H] reconnait avoir commis une erreur quant à la DRC imprimée sur les emballages, qu'il impute à un manque de fiabilité du matériel de l'usine qui selon lui n'aurait pas dû valider une date inexistante (31 novembre 2019). Cependant, et en l'absence de démonstration d'une quelconque défaillance du matériel, il n'en demeure pas moins que M. [H] a commis une erreur lors de la saisie manuelle de cette date de DRC.

M. [H] soutient également qu'il n'était qu'agent de production et non opérateur de la machine de conditionnement, comme cela ressort de ses bulletins de paie, et qu'ainsi, aucune faute ne peut lui être reprochée. Cependant, la fiche de poste versée aux débats indique au contraire qu'il était à compter du 26 juin 2019 « opérateur régleur (filmeuses) » et que figuraient parmi ses missions : « intervenir auprès de la filmeuse et des équipements adjacents (jet encre), régler les différents paramètres suivant les instructions de filmage, optimiser les flux et les rendements dans le respect des exigences de qualité, de sécurité et de traçabilité ; effectuer les contrôles qualité en production ». Dès lors il lui appartenait, conformément à sa fiche de poste, de se montrer vigilant quant aux dates de DRC apposées sur les produits.

Le grief est donc justifié.

Concernant la prise et le visionnage de photos et vidéos sur le lieu de travail :

Il est reproché au salarié d'avoir, le 12 novembre 2019, sur son temps et lieu de travail pris et visionné des photos et vidéos de la chaîne d'emballage avec son téléphone portable, qu'il aurait partagées avec l'un de ses collègues M. [K], contrevenant ainsi au règlement intérieur de l'entreprise qui précise en son article 3.5 qu'il est « interdit au personnel d'introduire sans autorisation préalable dans l'entreprise des appareils photos, caméras, caméscopes. Il est également interdit d'utiliser un smartphone disposant d'un appareil photo dans l'enceinte de l'entreprise sauf cas exceptionnel ».

L'employeur produit une attestation de Mme [A], responsable qualité sur site, selon laquelle : « Le 12/11/19 vers 11h30, [B] [T] la contrôleuse de lignes en poste ce jour, est venue m'informer que M. [V] [K] était venu faire des photos et vidéos de la calibreuse. Je suis donc allée à la filmeuse, qui est le poste de [V] [K]. Il était avec son collègue de filmeuse, M. [W] [H], de dos en train de regarder les films et photos sur le téléphone portable. ('). Les deux m'ont dit qu'ils prenaient régulièrement des photos de l'usine afin de dénigrer l'image de l'entreprise à l'extérieur ».

M. [H], qui nie avoir pris des photos ou consulté des vidéos, explique qu'il avait son téléphone à la main car il attendait un message personnel important.

Selon l'attestation versée aux débats M. [H] a été vu, sur son temps et son lieu de travail, en train de visionner des photos et vidéos prises par M. [K] sur le téléphone portable de ce dernier, le grief de visionnage de films ou photo est caractérisé, par contre il n'est pas justifié que M. [H] a pris des photos ou vidéos sur son lieu de travail.

Concernant l'altercation avec Mme [A] :

La lettre de licenciement fait mention de deux altercations ayant eu lieu avec Mme [A] :

- L'une le 19 octobre 2019, au cours de laquelle M. [H] aurait tenu à son égard des propos insultants et irrespectueux suite à ses observations concernant l'erreur d'étiquetage des boîtes d''ufs ;

- L'autre le 12 novembre 2019 suite aux observations de Mme [A] quant au visionnage de photos et vidéos par le salarié sur son lieu de travail.

Selon l'attestation de Mme [A] produite par l'employeur, concernant la première altercation avec M. [H] : « Lorsque je suis allée le voir pour l'informer de son erreur grave et des conséquences financières que cela engendrerait pour l'entreprise, il m'avait répondu « ça me fera pas un 2ème trou au cul ».

Concernant le seconde altercation, Mme [A] rapporte que lorsqu'elle est allée voir M. [H] et M. [K] : « Le ton est monté, ils étaient incontrôlables, je ne me sentais plus en sécurité, j'ai donc appelé ma direction. M. [V] [K] m'a menacée « de faire très attention à moi en dehors de CDPO, qu'il allait s'en prendre gravement à moi » car il a perdu son travail. Il a juré que « sur la tête de ses 5 enfants, il allait m'attraper ». Je ne me suis pas sentie en sécurité avec la crainte de revoir ces 2 personnes ».

Les seuls propos rapportés comme émanant de M. [H] ont été tenus lors de la première altercation ; en effet, les menaces lors de la seconde altercation ont été proférées par M. [K] et non par M. [H], comme cela ressort également des attestations de Mrs [R] et [S] produites par le salarié. Il est donc établi que M. [H] le 19 octobre 2019 a tenu des propos irrespectueux à l'égard de sa collègue de travail le 19 octobre 2019 en réaction aux observations de cette dernière.

Les dix courriels échangés entre Intermarché et la société CDPO les Oeufs du Soleil entre le 19 octobre 2019 12h12 et le 22 octobre 2019 à l'issue desquels a été décidé le retrait ne démontrent pas l'importance du préjudice allégué par l'employeur. Les griefs caractérisés à l'encontre de M. [H], en l'absence de tout antécédant disciplinaire ne revêtent donc pas une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une faute grave.

Cependant, au regard des manquements commis par le salarié à ses obligations professionnelles, il convient de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. M. [H] sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement :

M. [H] dont le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse est fondé à solliciter le versement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement et de solliciter le remboursement du salaire correspondant à mise à pied conservatoire.

Sur la demande de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire :

M. [H] a été mis à pied du 12 novembre 2019 au jour de son licenciement le 28 novembre 2019, et la somme de 888,13 € a été déduite de son bulletin de salaire du mois de novembre 2019 à ce titre, par conséquent il convient d'infirmer le jugement et de lui allouer la somme de 888,13 € à titre de rappel de salaire et la somme de 88,81 € au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de préavis :

L'article L.1234-1 du code du travail prévoit que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. M. [H] qui a été embauché le 5 juillet 2007 et a été licencié le 28 novembre 2019 bénéficie de plus de deux ans d'ancienneté, il est donc fondé à solliciter une indemnité de préavis égale à deux mois de salaire.

Il ressort de l'attestation Unedic produite aux débats et des conclusions de la société CDPO les Oeufs du Soleil que le salaire moyen brut de M. [H] s'élevait à la somme de 1 797,63 €. M. [H] qui est en droit de solliciter le versement de la somme de 3 595,26 € correspondant à deux mois de salaire ne sollicite que le versement de la somme de 3 490 € brut outre la somme de 349 € brute à titre de congés payés y afférents, il sera fait droit à sa demande dans cette limite, le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de licenciement :

Selon l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Pour solliciter le versement de la somme de 5 719,71 € à titre d'indemnité de licenciement, M. [H] se réfère dans ses conclusions aux dispositions de la convention collective nationale des centres immatriculés de conditionnement, de commercialisation et de transformation des 'ufs et des industries en produits d''ufs.

Toutefois il a commis une erreur en mentionnant les modalités de calcul de cette indemnité dont le calcul doit être opérée comme suit :

- moins de 10 ans d'ancienneté : 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté,

- plus de 10 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans, puis 1/3 de mois par année d'ancienneté au-delà, et non 1/5 et 2/15 comme mentionné dans ses conclusions.

En tout état de cause les dispositions de la convention collective sont moins favorables au salarié que celles prévues par l'article R.1234-2 code du travail, il convient dès lors de faire application des dispositions légales savoir que savoir que le salarié a droit à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire brut par année d'ancienneté pour les dix premières années, et un tiers de mois de salaire brut par année d'ancienneté au-delà de ces dix années.

M. [H] avait une ancienneté de 12 années lors de son licenciement Tenant la moyenne des douze derniers mois de salaire, soit 1 797,63 € bruts, l'indemnité de licenciement à laquelle a droit M. [H] s'élève à la somme de 5 692,46 €, le jugement sera infirmé de ce chef et la société CDPO Les 'ufs du Soleil sera condamnée à payer à M. [H] la somme de 5 692,46 €.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

En l'espèce, le salarié ne développe explicitement aucune argumention au soutien de sa demande d'indemnisation du caractère brutal ou vexatoire alléguer du licenciement, sauf à indiquer que 'la volonté manifeste de la société CDPO est de se séparer des salariés les plus anciens mais également de ceux assumant des fonctions syndicalistes au sein de l'entreprise et qu'ainsi, alors même que Monsieur [H] n'avait jamais fait l'objet de quelque sanction disciplinaire que ce soit, il a été licencié quelques mois seulement après qu'il assistait un autre salarié de l'entreprise durant l'entretien préalable au licenciement'.

Aucun lien n'est établi entre le fait que le salarié a assisté un de ses collègues à l'occasion de l'engagement d'une procédure de licenciement le concernant, et la procédure initiée le 25 octobre 2019, laquelle repose sur une cause réelle et sérieuse.

À défaut pour l'appelant d'établir une faute de l'employeur dans l'engagement de la procédure disciplinaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur les autres demandes :

La société CDPO qui succombe principalement sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, et condamnée en équité à verser à M. [H] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 22 mars 2021, sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société CDPO les Oeufs du Soleil à payer à M. [H] la somme de 5 692,46 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Condamne la société CDPO les Oeufs du Soleil à payer à M. [H] la somme de 3 490 € brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 349 € brute à titre de congés payés y afférents ;

Condamne la société CDPO les Oeufs du Soleil à payer à M. [H] la somme de 888,13 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre la somme de 88,81 € au titre des congés payés y afférents ;

Condamne la société CDPO les Oeufs du Soleil à verser à M. [H] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CDPO les Oeufs du Soleil aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02511
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.02511 ?
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