Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 19 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/01171 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ7X
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 DECEMBRE 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 16/03156
APPELANTS :
Monsieur [G] [V]
né le 26 Avril 1933 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 15]
et
Madame [F] [X] épouse [V]
née le 25 Novembre 1931 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 15]
Représentés par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Gilles BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [Z] [P]
né le 29 Mai 1952 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 12]
et
Madame [E] [I] épouse [P]
née le 28 Février 1948 à [Localité 20] ( CAMBODGE)
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 12]
Représentés par Me Xavier GROSCLAUDE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [J] [W]
née le 02 juin 1978 à [Localité 17]
[Adresse 1]
[Localité 21]
Représentée par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Gilles BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [C] [A]-[B]
[Adresse 3]
[Localité 21]
Non représentée - Assignée le 04 juin 2020 à étude
Madame [R] [H]
[Adresse 4]
[Localité 13]
Non représentée - Assignée le 04 juin 2020 par procès verbal de recherches infructueuses
Madame [N] [B]
née le 11 Juin 1958 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 21]
Représentée par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Gilles BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 25 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- rendu par défaut,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [V] et madame [F] [X] épouse [V] sont propriétaires depuis le 14 janvier 1993 de la parcelle cadastrée section BR n°[Cadastre 11] sur la commune de [Localité 21] (34) sur laquelle est édifiée une maison d'habitation, dont la toiture forme un tout avec celle des immeubles voisins appartenant à monsieur [Z] [P] et madame [E] [I] épouse [P] (propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section BR n°[Cadastre 7] depuis le 5 août 1991), à madame [J] [W] (parcelle n°[Cadastre 6]) et à mesdames [C] [A]-[B], [R] [H] et [N] [B] .
Constatant des désordres et notamment des infiltrations d'eau en provenance de la toiture de leur maison d'habitation, les époux [V] ont obtenu par ordonnances de référé des 7 février et 14 avril 2014 la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 24 novembre 2014.
Sur assignation des époux [V], par jugement réputé contradictoire du 2 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a notamment :
- débouté les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes,
- débouté les époux [P] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral subi,
- condamné solidairement les époux [V] à payer aux époux [P] une somme indivise de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement les époux [V] aux dépens de l'instance.
Le 25 février 2020, les époux [V] ont interjeté appel de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 20 juin 2022, les époux [V] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- dire et juger commune la toiture litigieuse,
- dire et juger que les charges relatives à la conservation et à l'entretien de la toiture litigieuse doivent être supportées par l'ensemble des propriétaires, à savoir ceux des lots n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 11], et
A titre principal,
- condamner les époux [P] à exécuter les travaux de réfection de la charpente et de la toiture mentionnés dans le devis établi le 30 mars 2016 par l'entreprise Correcher d'un montant de 21 254,86 euros à hauteur de leurs droits sur la toiture commune, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, passé lequel délai courra une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, passé lequel délai le juge compétent procédera à sa liquidation et à la fixation d'une astreinte définitive,
A titre subsidiaire,
- condamner les époux [P] à exécuter les travaux de réfection de la charpente et de couverture de la toiture au niveau des parcelles n° [Cadastre 7] et [Cadastre 11] préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport en date du 24 novembre 2014 et selon les proportions fixées, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, passé lequel délai courra une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, passé lequel délai le juge compétent procédera à sa liquidation et à la fixation d'une astreinte définitive,
En tout état de cause,
- condamner solidairement les époux [P] à leur payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les époux [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de leurs conclusions enregistrées au greffe le 17 octobre 2022, les époux [P] demandent à la cour de :
-A titre principal, confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demande de dommages et intérêts et :
- condamner solidairement les époux [V] à leur régler la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l'abus de droit commis, la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts venant compenser leur préjudice moral,
- condamner les époux [V] à prendre en charge la réparation à l'identique de leur toit [Cadastre 11] ainsi que les travaux collatéraux éventuels à réaliser sur la toiture [Cadastre 7],
- condamner les époux [V] à leur payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les dépens de l'appel,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les travaux de réfection sont ceux prévus par le rapport d'expertise judiciaire sur la base du devis de l'entreprise Vanclot,
- dire et juger que les travaux de réfection seront supportés par l'ensemble des propriétaires des parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], à époux [V], les époux [P], Madame [A] [B], madame [H], madame [B] et Madame [W] suivant la répartition faite par l'expert judiciaire.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 4 novembre 2020 et le 14 janvier 2021, madame [J] [W] et madame [N] [B] demandent à la cour de constater qu'elles ont déjà réalisé les travaux idoines sur la toiture, de débouter les époux [P] de leur demande subsidiaire de condamnation au paiement de la réfection de l'ensemble de la toiture et de condamner solidairement les époux [P] à leur payer à chacune la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame [C] [A]-[B] et madame [R] [H] n'ont pas constitué avocat.
La clôture de la procédure a été prononcée le 25 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé du litige, il est expressément fait référence au jugement déféré et aux conclusions des parties.
MOTIFS
Sur l'application du statut de la copropriété
Il résulte des dispositions des articles 1 et 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que le statut de la copropriété doit recevoir application en présence de tout immeuble bâti dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes, le gros 'uvre des bâtiments étant réputé partie commune.
En l'espèce, les parcelles BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5], cadastrées individuellement, proviennent des parcelles D n°[Cadastre 8] et n°[Cadastre 9], qui supportaient un seul et comportant à ce titre une toiture unique, et dont la particularité est de ne présenter qu'un seul versant.
Ces parcelles D n°[Cadastre 8] et n°[Cadastre 9] ont été vendues et divisées par acte du 14 janvier 1993 pour donner naissance aux parcelles BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5], le même bâtiment d'origine, avec sa toiture unique, subsistant.
La toiture surplombant l'immeuble édifié sur les parcelles actuellement cadastrées BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] fait partie du gros 'uvre de l'immeuble en ce qu'elle assure la conservation et l'étanchéité de l'immeuble et, à ce titre, est donc commune.
S' il résulte des pièces versées aux débats que les parcelles BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] sont cadastrées individuellement, qu'il n'existe pas d'état descriptif de division ni de règlement de copropriété, que les titres de propriété ne font pas référence à l'existence d'une copropriété laissant apparaître notamment la propriété de quotes-parts de parties communes, pour autant la configuration des lieux laisse apparaître des parties privatives (les logements) et une partie commune, à savoir la toiture, laquelle est d'un seul tenant et surplombe l'ensemble des logements.
Dès lors, en application de l'article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, il sera dit que le statut de la copropriété doit recevoir application.
Sur la nécessité d'effectuer des travaux de réfection de la toiture et leur ampleur
L'expert judiciaire a relevé des traces d'infiltration chez les époux [V] et a retenu que la vétusté de l'ouvrage était la cause principale de ces désordres, l'entretien de la totalité de la couverture n'ayant pas été assuré. Il a précisé que ce vieillissement de l'ouvrage pouvait, à terme, le mettre en péril.
Contrairement à ce que soutiennent les époux [P], les travaux effectués par les époux [V] dans leur logement (au niveau des fenêtres de toit et de la souche de la cheminée) apparaissent, aux termes du rapport d'expertise judiciaire, non comme la cause des désordres mais comme pouvant expliquer que les infiltrations se produisent précisément au droit de ces deux ouvrages, la cause principale des désordres étant identifiée clairement comme résidant dans la vétusté de la toiture.
Contrairement à ce que soutiennent par ailleurs mesdames [W] et [B], la réfection de toiture apparaît nécessaire à l'expert judiciaire, qui n'a pas été contredit sur le plan technique sur ce point, sur l'ensemble de la toiture, et non pas uniquement sur la partie de toiture surplombant les logements des époux [V] et [P], et ce nonobstant les travaux déjà entrepris.
Ainsi, au vu du rapport d'expertise judiciaire, il sera dit que les travaux de réfection de la totalité de la toiture commune apparaissent nécessaires.
Sur le chiffrage des travaux de réfection de la toiture
L'expert a préconisé des travaux permettant une pente continue et une étanchéité de la totalité de l'ouvrage et, privilégiant pour des raisons techniques la pose de plaques sous tuiles, a validé le devis de l'entreprise Vanclot pour un montant de 25 518,60 euros.
Les époux [V] demandent que les travaux de réfection de la toiture soient chiffrés sur la base d'un autre devis, établi par l'entreprise Correcher après l'expertise judiciaire, lequel devis prévoit notamment la réalisation d'un chéneau qui servirait de raccordement entre les toitures.
Or, cette solution, qui n'est pas celle retenue par l'expert judiciaire, n'a pas été soumise au contradictoire des parties lors de l'expertise judiciaire et n'a pas donné lieu à un avis technique de l'expert judiciaire, alors que les époux [V] se contentent d'affirmer, sans étayer leur affirmation d'un quelconque élément technique, que la solution préconisée par l'entreprise Correcher est la solution la plus appropriée pour remédier aux désordres.
Dans ces conditions, il sera dit que les travaux de réfection de la toiture seront ceux prévus par le rapport d'expertise judiciaire sur la base du devis de l'entreprise Vanclot.
Sur la prise en charge des travaux de réfection de la toiture
Aux termes des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
La toiture étant un ouvrage commun, chaque copropriétaire doit assumer la charge des frais nécessaires la concernant en proportion des tantièmes détenues dans les parties communes, en application des dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 le statut de la copropriété.
Or, en l'espèce, faute d'état descriptif de division et de règlement de copropriété, les époux [V] se trouvent dans l'incapacité d'indiquer dans quelle proportion la contribution des époux [P] à l'ouvrage commun serait due, cette appréciation nécessitant une décision relative à l'établissement juridique de la copropriété qu'il leur appartient le cas échéant de solliciter, étant observé au surplus que, dans le cadre de la copropriété, chaque copropriétaire devra régler sa quote-part non pas aux époux [V] mais à la copropriété amenée à financer les travaux dans l'intérêt commun.
Dans ces conditions, il sera dit que Monsieur [G] [V] et madame [F] [X] épouse [V], monsieur [Z] [P] et madame [E] [I] épouse [P], à madame [J] [W] et mesdames [C] [A]-[B], [R] [H] et [N] [B] doivent participer chacun à proportion de sa quote-part dans les parties communes à la prise en charge de la réfection de la toiture, mais, faute notamment pour les époux [V] d'apporter la preuve de l'évaluation de la quote-part de participation des époux [P] dans cette réfection d'ouvrage commun, le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté les époux [V] de leurs demandes.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l'issue du litige, le jugement de première instance sera confirmé.
En appel, compte tenu de ce que, malgré l'issue du litige, il apparaît que la demande tendant au partage des frais liés aux travaux de réfection de la toiture est fondée en son principe, les époux [P] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive tandis que les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge des époux [V] succombants.
PAR CES MOTIFS
La cour, par décision réputée contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que le statut de la copropriété doit recevoir application s'agissant des parcelles cadastrées BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 21] (34),
Dit que les travaux de réfection de la totalité de la toiture commune aux parcelles cadastrées BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 21] (34) apparaissent nécessaires,
Dit que les travaux de réfection de la toiture seront ceux prévus par le rapport d'expertise judiciaire sur la base du devis de l'entreprise Vanclot,
Dit que Monsieur [G] [V] et madame [F] [X] épouse [V], monsieur [Z] [P] et madame [E] [I] épouse [P], madame [J] [W], et mesdames [C] [A]-[B], [R] [H] et [N] [B] doivent participer chacun à proportion de sa quote-part dans les parties communes à la prise en charge de la réfection de la toiture,
Déboute monsieur [Z] [P] et madame [E] [I] épouse [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne monsieur [G] [V] et madame [F] [X] épouse [V] aux dépens.
Le greffier, Le président,