N° RG 24/06414 N° Portalis DBVX-V-B7I-P2YS
Nom du ressortissant :
[N] [U]
[U]
C/
MME LA PRÉFETE DU RHONE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 03 AOÛT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Magali DELABY, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 03 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [N] [U]
né le 17 Juillet 1998 à [Localité 7] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [6]
comparant assisté de Maître Murielle LEGRAND-CASTELLON, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Madame [C] [O], interprète en langue arabe inscrite sur liste CESEDA, ayant prêté serment à l'audience
ET
INTIME :
MME LA PRÉFETE DU RHÔNE
[Adresse 1]
[Localité 3] (RHÔNE)
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 03 Août 2024 à 15 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 octobre 2023, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et assortie d'une interdiction de retour pendant 12 mois a été notifiée à [N] [U] né le 17 juillet 1998 à [Localité 7] en Algérie par le préfet du Rhône.
Par arrêté du 14 avril 2024, le préfet de l'Ain a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 2 ans.
Le 2 juin 2024, [N] [U] a été interpellé et placé en garde à vue por des faits de vol de téléphone portable. Il a reconnu les faits et a dit avoir agi de la sorte car il était ivre. La procédure a fait l'objet d'un classement code 61 par le procureur de la république.
Le 2 juin 2024, le préfet du Rhône a ordonné le placement de [N] [U] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ordonnance du 4 juin 2024 confirmée en appel le 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [N] [U] pour une durée de vingt-huit jours.
Par ordonnance du 2 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [N] [U] pour une nouvelle durée de trente jours.
Suivant requête du 31 juillet 2024 reçue le même jour à 15 heures 02, le préfet du Rhône a saisi à nouveau le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 1er août 2024 à 16h45, a fait droit à cette requête.
Par déclaration au greffe le 1er août 2024 à 18 heures 51, [N] [U] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir par l'intermédiaire de son conseil qu'aucun des critères définis par l'article L.742-5 du CESEDA n'est réuni, le préfet du Rhône ne rapportant pas la preuve de la délivrance d'un laissez-passer consulaire devant intervenir à bref délai, en l'absence de toute obstruction de sa part et de tout comportement de sa part constitutif d'une menace à l'ordre public.
[N] [U] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à troisième prolongation de la rétention.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 3 août 2024 à 10 heures 30.
* * * * *
Lors de l'audience du 3 août 2024, [N] [U] comparait en personne et est assisté de son conseil et d'une interprète en langue arabe. Il confirme son identité et indique être de nationalité algérienne.
Son conseil est entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Il souligne d'une part, l'absence de réponse des autorités algériennes malgré les relances et d'autre part, l'absence de suite donnée à la garde à vue de [N] [U], celui-ci ne pouvant donc être considéré comme une menace à l'ordre public.
Le conseil demande l'infirmation de la décision attaquée et la remise en liberté de son client mettant par ailleurs en exergue le caractère strictement exceptionnel de la troisième prolongation.
Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, demande la confirmation de l'ordonnance déférée soulignant que les diligences ont été accomplies par la Préfecture pour l'obtention du laissez-passer consulaire, que rien ne permet d'affirmer que ce document n'interviendra pas à bref délai et qu'enfin, [N] [U] a reconnu des faits de vol dans le cadre d'une enquête pénale diligentée dans le cadre de la flagrance ce qui constitue un comportement constitutif d'une menace à l'ordre public.
[N] [U] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur la procédure et la recevabilité de l'appel :
L'appel de [N] [U] relevé dans les formes et délais légaux prévus est recevable.
Sur le bien-fondé de la requête :
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
L'article L. 742-5 du même code dispose qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
Il ressort des pièces de la procédure et des débats que la Préfecture du Rhône justifie des diligences initiales suivantes faute de documents de voyage de [N] [U] en sa possession :
-une première demande de laissez-passer consulaire adressé au consulat d'Algérie à [Localité 4] par courriel du 2 juin 2024, jour de son placement en rétention,
- une transmission par courrier recommandé avec avis de réception du 10 juin 2024 au dit consulat des empreintes et photographies d'identité de l'intéressé,
- d'une première relance des autorités consulaires algériennes par courriel du 1er juillet 2024.
Depuis le dernière prolongation de la rétention le 2 juillet 2024, la Préfecture du Rhône justifie également d'une nouvelle relance au consulat d'Algérie par courriel du 24 juillet 2024. Les autorités consulaires algériennes ont donc été destinataires de l'intégralité des documents permettant la délivrance d'un laissez passer consulaire et rien ne permet donc d'affirmer que cela n'interviendra pas dans un bref délai.
Au surplus, si effectivement pour l'heure, [N] [U] n'a pas fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, il n'en demeure pas moins que son comportement est constitutif d'une menace à l'ordre public puisqu'il ressort d'un procès-verbal des services de police du 2 juin 2024 à 3h50 qu'il a été interpellé après que le service de vidéoprotection de la ville de [Localité 4] ait signalé aux forces de police le vol en direct d'un téléphone de la part d'un individu dont il a fourni la description et qui a caché le téléphone volé sous la porte d'un garage au [Adresse 2] à [Localité 5]. Il apparaît que le mis en cause qui s'est avéré être [N] [U] a été immédiatement interpellé et n'a pu que reconnaître les faits de vol, le téléphone ayant été découvert à l'endroit précisé et sa description correspondant en tous points à celle du mis en cause.
Comme l'a rappelé fort justement le premier juge, ces faits suivis en flagrance caractérisent à eux seuls que le comportement de la personne retenue est constitutif d'une menace à l'ordre public, peu importe que le procureur de la république ait finalement décidé en opportunité de ne pas le poursuivre pénalement.
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, une nouvelle prolongation de la rétention s'impose. L'ordonnance querellée sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [N] [U],
Confirmons l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Manon CHINCHOLE Magali DELABY