AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00474 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZ7L
[O]
C/
S.A.S. FIDUCIAL PRIVATE SECURITY
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 20 Décembre 2019
RG : 18/03623
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 02 JUIN 2023
APPELANT :
[B] [O]
né le 18 Décembre 1972 à [Localité 5] algerie (99)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Raouda HATHROUBI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Soiciété FIDUCIAL PRIVATE SECURITY
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON
et représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Etienne FOLQUE, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Avril 2023
Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, président
- Catherine CHANEZ, conseiller
- Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 02 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SAS société française d'intervention et de prévention (SFIP) exerce son activité dans le secteur de la sécurité privé.
Elle applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
M. [B] [O] a été embauché par la SAS SFIP du 22 mars 2004 au 31 mars 2004 en qualité d'agent de sécurité dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.
La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Au mois de décembre 2011, la société SFIP a perdu le marché de la tour de la Part Dieu au profit de la société SGPI. Le contrat de travail de M. [B] [O], qui était affecté sur le site de la tour, a été transféré à la société SGPI en application de l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective.
La société SGPI lui a proposé la signature d'un nouveau contrat de travail, que l'intéressé, estimant que son contrat était modifié en méconnaissance de l'accord du 5 mars 2002, a refusé de régulariser.
M. [B] [O] a saisi le 2 avril 2014 le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil des prud'hommes de Lyon a :
-prononcé la résiliation judiciaire de la relation de travail à la date de prononcé aux torts exclusifs de la SAS SFIP,
-condamné la SAS Fiducial Private Sécurity venant aux droits et obligations de la SAS SFIP à payer à M. [B] [O] les sommes suivantes :
-3.157,60 euros d'indemnité de préavis, outre 315,76 euros a titre de congés payés afférents,
-2.578, 69 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-3.000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
M. [B] [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 17 janvier 2020 en visant expressément les dispositions attaquées.
Dans ses uniques conclusions notifiées le 27 juillet 2020, M. [B] [O] demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il dit que le contrat a été exécuté déloyalement et a prononcé la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur,
- l'infirmer sur le montant des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
de travail et condamner la SAS Fiducial Private Security à lui verser 10 000 euros de ce chef,
- à titre principal, infirmer le jugement pour le surplus, dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et condamner la SAS Fiducial Private Sécurity au paiement des sommes suivantes :
-3.157,60 euros à titre d'indemnité de préavis,
-315,76 euros au titre des congés payés afférents,
-2.578,69 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-25.000 euros à titre de dommages et intérêts nets pour licenciement nul,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SAS Fiducial Private Sécurity au paiement des sommes suivantes :
-3.157, 60 euros à titre d'indemnité de préavis,
-315,76 euros au titre des congés payés afférents,
-2.578,69 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-25.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner la SAS Fiducial Private Sécurity au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. [O] soutient que la résiliation judiciaire de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul car au jour de la demande de résiliation il était un salarié protégé.
Il affirme que la société SFIP n'a pas exécuté loyalement son contrat de travail en l'absence de transfert de son contrat de travail à la suite de la reprise du marché, en ce sens qu'elle aurait dû le réintégrer dans l'effectif de la société.
Il fait valoir que la société SFIP ne lui a jamais fourni de travail alors qu'elle maintenait sa rémunération, puis qu'elle lui a demandé d'effectuer une vacation ne correspondant pas à son contrat de travail, puis qu'elle lui a imposé de poser ses congés payés, et qu'enfin il a découvert au travers de ses bulletins qu'il était considéré comme étant en congés sans solde depuis le mois de mai 2012.
Dans ses uniques conclusions notifiées le 15 octobre 2020, la SAS Fiducial Private Sécurity, qui a formé appel incident, demande pour sa part à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande au titre de la violation du statut protecteur et de sa demande afférente de nullité du licenciement ;
-le réformer pour le surplus, dire qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail et débouter M. [B] [O] de l'ensemble de ses demandes.
Elle fait valoir que le salarié ne bénéficiait pas du statut protecteur puisqu'il ne détenait aucun mandat depuis le mois de mars 2014 et qu'en matière de résiliation judiciaire le juge prud'homal apprécie la situation du salarié au moment où il statue.
Elle ajoute que le salarié a pris un congé sans solde à compter du mois de mai 2012, pendant lequel il a reçu régulièrement ses bulletins de salaire indiquant le terme 'congé sans solde', et qu'il ne justifie pas s'être tenu à la disposition de l'employeur pendant toute cette période.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 février 2023.
SUR CE :
Attendu que la cour constate en premier lieu que les dispositions du jugement déboutant M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur n'ont pas été frappées d'appel puisqu'elles ne figurent pas dans la déclaration d'appel ; qu'elles sont donc définitives ;
- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Attendu que, si M. [O] soutient sans être contredit avoir été exonéré de travail de janvier à mars 2012 tout en voyant sa rémunération maintenue, ce seul fait ne caractérise pas un manquement de la SAS Fiducial Private Security à son devoir de loyauté, alors même qu'il est concomitant à la perte, par la société, du marché de la tour de la Part Dieu sur lequel le salarié était affecté ;
Attendu par ailleurs qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la vacation proposée à Confluence n'aurait pas été conforme à son contrat de travail ou encore que les congés payés pris du 7 au 30 avril 2012 lui auraient été imposés ;
Attendu, enfin, qu'il résulte de l'attestation précise et circonstanciée de M. [I], responsable d'exploitation, que, si M. [O] a été en congé sans solde à compter du mois de mai 2012, c'est bien à sa demande ; que c'est ainsi que le témoin déclare : 'Suite à une conversation téléphonique avec Monsieur [O] fin avril 2012, j'ai accepté sa demande de le positionner en congé sans solde à compter du 2 mai 2012. / Nous avions convenu qu'il devait me faire parvenir un courrier précisant sa demande, notamment la durée du congé sans solde souhaité. / N'ayant jamais réceptionné la demande écrite de Monsieur [O], j'ai tenté à plusieurs reprises de le contacter par téléphone afin d'obtenir le document attendu. / Lors de l'une de ces tentatives pour joindre Monsieur [O], j'ai pu constater que ce dernier avait vraisemblablement changé de numéro de téléphone. J'ai donc en date du 27 juillet 2012 adressé un mail à Monsieur [O] lui demandant de reprendre contact avec moi à réception du message. / Faute de retour, j'ai envoyé un nouveau courriel en date du 8 août 2012, demandant une fois de plus à Monsieur [O] de me transmettre la date de fin souhaitée pour ses congés sans solde. / En l'absence de réponse, nous avons continué de le planifier en congés sans solde dans l'attente d'un retour de sa part. Le service paie a donc établi et adressé chaque mois à Monsieur [O] des bulletins de salaire faisant état de son congé sans solde. / Ce dernier ne pouvait donc ignorer sa situation administrative.' ; que, si M. [O] conteste l'authenticité de cette attestation, aucun élément ne vient établir ses allégations ; qu'en outre ce témoignage est confirmé par la production des deux courriels des 27 juillet et 8 août 2012 dont il fait état ; qu'il est encore corroboré par le fait que M. [O] ne conteste pas avoir reçu mensuellement depuis le mois de mai 2012 des bulletins de paie portant la mention 'congé sans solde' sans aucune réaction de sa part jusqu'à la saisine du conseil de prud'hommes ;
Attendu que, les différents griefs formulés par M. [O] à l'encontre de son employeur n'étant pas constitués, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail doit être rejetée ;
- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Attendu que, conformément aux articles 1224 et 1228 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ;
Attendu qu'en l'espèce la matérialité du seul manquement invoqué par M. [O], consistant en l'exécution déloyale de son contrat de travail, n'étant pas établie, la demande de résiliation judiciaire doit être rejetée ; que le salarié est donc débouté de ses demandes tendant au paiement d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
- Sur les frais irrépétibles :
Attendu que, M. [O] étant débouté de ses prétentions, sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions attaquées, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,
Déboute M. [B] [O] de l'ensemble de ses prétentions,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel,
Le Greffier La Présidente