La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2016 | FRANCE | N°15/04400

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 30 septembre 2016, 15/04400


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/04400





[I]



C/

Association REPONSES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 21 Mai 2015

RG : F 14/00031

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2016





APPELANTE :



[N] [I]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Compa

rante en personne, assistée de Me Paul TURCHET, avocat au barreau de l'AIN



INTIMÉE :



Association REPONSES

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Mr. [K] [P], Président et Mr. [S] [X], Directeur Général Adjoint, assistés de Me Guillaume GO...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/04400

[I]

C/

Association REPONSES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 21 Mai 2015

RG : F 14/00031

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2016

APPELANTE :

[N] [I]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en personne, assistée de Me Paul TURCHET, avocat au barreau de l'AIN

INTIMÉE :

Association REPONSES

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Mr. [K] [P], Président et Mr. [S] [X], Directeur Général Adjoint, assistés de Me Guillaume GOSSWEILER de la SELARL BLANC LARMARAUD BOGUE GOSSWEILER, avocat au barreau de l'AIN,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Juin 2016

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Septembre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L'association Réponses est une entreprise d'insertion par l'activité économique et une association intermédiaire. Elle applique volontairement à ses salariés la grille de classification et de salaires de la convention collective nationale des missions locales et PAIO du 21 février 2001.

[N] [I] a été engagée par contrats à durée déterminée dits d'usage :

en qualité de secrétaire du 17 au 31 décembre 2007 puis du 1er au 31 janvier 2008 par suite du renouvellement du contrat,

en qualité de chargée d'accueil et d'agent administratif du 1er février au 31 juillet 2008 (contrat d'accompagnement dans l'emploi),

en qualité de chargée d'accueil et d'agent administratif du 1er août 2008 au 31 janvier 2009 (contrat d'accompagnement dans l'emploi),

[N] [I] a été engagée pour une durée indéterminée par contrat de travail écrit du 1er février 2009, toujours en qualité de chargée d'accueil et d'agent administratif, moyennant un salaire mensuel brut de 1 651,69 € pour 35 heures hebdomadaires de travail.

Le compte rendu de la réunion du conseil d'administration du 20 mai 2011 porte mention de ce que le poste de directeur semblait être destiné à [N] [I].

Le 5 septembre 2011, [S] [X], directeur, a notifié à l'AFPA la résiliation de la convention de formation de conseiller en insertion professionnelle concernant [N] [I] en raison d'impératifs propres à l'association.

Le 9 octobre 2013, [N] [I] a été victime d'un accident du travail occasionnant une fracture de la malléole externe droite et une entorse de la cheville gauche.

Pendant l'immobilisation consécutive à cet accident, [N] [I] a accepté pendant plusieurs semaines d'effectuer certains travaux à son domicile pour l'association Réponses. Cependant, son époux a mis un terme à cette situation et fait comprendre au directeur qu'il était 'personna non grata'.

En novembre 2013, l'association Réponses a confié à la société d'expertise comptable FB et associés une mission complémentaire de saisie de ses factures sur le logiciel Quadratus.

L'arrêt de travail de la salariée a pris fin le 20 janvier 2014.

Par lettre recommandée du 4 février 2014, [N] [I], rappelant à l'association Réponses leurs désaccords sur l'indemnisation de son accident du travail, a dénoncé la modification de ses conditions de travail et de sa rémunération. Elle avait constaté, en effet, que sur son bulletin de paie de janvier, son salaire horaire avait été réduit de 12,62 € à 11,89 €, tandis que sa durée du travail était passée de 151,67 heures à 161 heures pour maintenir le montant brut de son salaire mensuel.

Par lettre recommandée du 12 février 2014, le directeur de l'association lui a notifié un avertissement pour les motifs suivants :

Du 10 oct. 2013 au 17 janv. 2014, j'ai dû vc [suite illisible]

J'ai pu évaluer votre poste ainsi sa charge de travail.

J'ai relevé deux irrégularités concernant les salaires

$gt; Du 11 au 15 juill. 2012, vous étiez en arrêt de travail. Cependant votre salaire ne le mentionne pas. Vous avez de votre propre chef décidé qu'il y avait subrogation.

$gt; Toujours en juillet 2012, votre taux horaire est passé de 11.85€ à 12.62€ (augmentation de 6%, et un taux horaire supérieur à celui du Directeur). Vous avez de votre propre chef décidé d'une augmentation de votre salaire.

On peut considérer ces deux faits comme graves.

$gt;Vous êtes chargée de l'activité travaux ménagers. Je vous ai demandé à de nombreuses reprises de faire le nécessaire pour développer ou du moins maintenir cette activité dans son volume et sa rentabilité.

année

Nbre heure

Facturation

2013

3400

55K€

2012

4300

69K€

2011

4000

62 K€

$gt;Votre courrier du 4 février 2014 à mon attention fait l'objet d'une réclamation salariale non chiffrée, suivie d'une mise en demeure véhémente et tout à fait injustifiée.

Je réitère ce que j'ai dit verbalement.

En novembre 2013, vous m'avez dit ne pas être satisfaite du mode de calcul de vos absences sur votre feuille de salaire d'octobre (par la méthode courante dit de l'horaire mensuel moyen). Pour accéder à votre demande. j'ai utilisé la méthode de l'horaire réel (d'ailleurs validée par la cour de Cassation (Cass. Soc 11 février 1982,n°80-40359, BC Vn°90). Une régularisation de salaire de 76.78€ a été versée sur votre salaire de novembre. Les salaires de novembre, décembre 2013 et janvier 2014 ont été calculés avec la méthode de l'horaire réel.

Croyez que je suis tout à fait disposé à entendre vos explications.

Le 19 mars 2014, [N] [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Belley d'une demande d'annulation de l'avertissement, d'une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par lettre du 15 octobre 2014, l'association Réponses a constaté l'absence de [N] [I] à son poste entre le 9 et le 14 octobre.

Par lettre recommandée du 26 janvier 2015, l'association Réponses a notifié à la salariée que les récentes et importantes modifications du montant des subventions perçues par l'association et l'application stricte par les autorités de tutelle des règles de gestion des salariés en insertion imposaient la suppression des primes suivantes :

prime de vacances payée en juin,

prime de Noël payés en décembre,

prime mensuelle basée sur le chiffre d'affaires du mois précédent.

Par lettre du 30 mars 2015, portant en objet 'retenue sur salaire', l'association Réponses a constaté que [N] [I] s'était absentée de son travail sans prévenir et sans autorisation pour assister à l'audience du Conseil de prud'hommes à Belley.

Par lettre recommandée du 9 avril 2015, l'association Réponses a reproché à la salariée une 'faute de service' pour n'avoir pas effectué la déclaration et le règlement des cotisations sociales de retraite complémentaire à la Caisse Klesia. Elle lui a demandé des explications sur ce point.

[N] [I] a répondu le 17 avril 2015 que le directeur lui avait demandé de ne pas se charger de ces tâches qu'elle accomplissait habituellement.

Le 14 avril 2015, [N] [I] a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant pour anxio-dépression aigüe dans le cadre d'une vraisemblable souffrance au travail majeure.

Par jugement du 21 mai 2015, le Conseil de prud'hommes de Belley (section activités diverses) a :

- annulé l'avertissement notifié à l'encontre de Madame [N] [I] par l'association REPONSES le 12 février 2014,

- condamné l'association REPONSES à payer à Madame [N] [I] à titre de dommages-intérêts la somme de 3 000 euros (trois mille euros),

- condamné l'association REPONSES à verser à Madame [N] [I] la somme de 659,20 euros (six cent cinquante neuf euros vingt centimes) à titre de rappel de salaire outre celle de 65,92 euros (soixante cinq euros quatre vingt douze centimes) de congés payés afférents,

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

- débouté en conséquence Madame [N] [I] de ses demandes d'indemnité de préavis, de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- condamné l'association REPONSES à payer à Madame [N] [I] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 2 000 euros (deux mille euros),

- débouté l'association REPONSES de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour toute créance à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, et pour toute pièce que l'employeur est légalement tenu de délivrer,

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire totale,

- condamné l'association REPONSES aux dépens.

La salariée a interjeté appel de cette décision le 26 mai 2015.

[N] [I] a été déclarée inapte à son poste sans reclassement possible par le médecin du travail lors des deux examens médicaux de la visite de reprise, les 30 juin et 21 juillet 2015.

Après avoir convoqué la salariée le 24 août 2015 en vue d'un entretien préalable à son licenciement, l'association Réponses lui a notifié celui-ci par lettre recommandée du 28 août 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

*

* *

LA COUR,

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 9 juin 2016 par [N] [I] qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu en date du 21 mai 2015 par le Conseil des prud'hommes de Belley,

- dire et juger que l'association REPONSES a commis à l'encontre de Madame [I] des agissements de harcèlement moral par application des dispositions de l'article du code du travail et la condamner à payer à Madame [I] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêt,

Sur la rupture du contrat de travail :

- A titre principal, dire et juger fondée en son principe la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par Madame [I] aux torts de son employeur L'ASSOCIATION REPONSES et condamner l'association REPONSES à lui payer les sommes de :

4 440 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

444 € de congés payés afférents,

40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- A titre subsidiaire, dire et juger dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [I] et condamner l'association REPONSES à lui payer les sommes de :

40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement du 12 février 2014, et a condamné l'association REPONSES à payer à Madame [I] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner au surplus l'association REPONSES à payer à Madame [I] la somme nette de 1 107,63 € à titre de rappel de salaires et congés payés 110 €,

- condamner l'association REPONSES à payer à Madame [I] la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle prononcée sur ce fondement pat le Conseil,

- condamner l'association REPONSES aux entiers dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 9 juin 2016 par l'association Réponses qui demande à la Cour de :

-dire et juger recevable et fondée l'argumentation développée par l'Association REPONSES,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BELLEY le 21 Mai 2015 en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement adressé à Madame [I] le 12 Février 2014 et condamné l'Association REPONSES à lui verser la somme de 3 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- confirmer ledit jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

- débouter Madame [I] [N] de sa demande tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude prononcé le 28 Août 2015,

- condamner Madame [I] [N] au paiement d'une indemnité de 3 500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Sur la demande d'annulation de l'avertissement :

Attendu qu'aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, qui demeurent applicables lorsqu'un licenciement a été ultérieurement prononcé, le juge du contrat de travail peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ;

Qu'en l'espèce, l'avertissement du 12 février 2014 est la réponse de l'employeur à la réclamation de [N] [I] en date du 4 février ; que celle-ci est d'ailleurs visée au nombre des motifs de la sanction ; qu'une réclamation salariale, présentée dans des termes qui n'étaient ni injurieux ni excessifs, ne pouvait pourtant entraîner une sanction disciplinaire, que cette réclamation soit fondée ou non ;

Que l'association Réponses ne communique aucun élément de nature à permettre d'imputer à [N] [I] la diminution qu'elle allègue, et que la salariée conteste, du nombre d'heures facturées dans le cadre de l'activité de travaux ménagers ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ;

Qu'en l'espèce, l'association Réponses ne démontre pas que son directeur [S] [X] n'a découvert qu'à la faveur du congé de maladie de [N] [I] que celle-ci avait décidé de son propre chef d'appliquer la subrogation des indemnités journalières pendant son congé de maladie du 11 au 15 juillet 2012 et de faire passer son taux horaire de 11,85 € à 12,62 € au cours du même mois de juillet 2012 ; qu'en outre, l'appelante communique une note manuscrite signée '[S]' et rédigée ainsi : 'j'ai augmenté ton salaire sur juillet du même montant que celui de X. [illisible] en mars' ; que la comparaison de cette pièce 10 avec d'autres écrits du directeur permet de lui en attribuer la paternité ; que [S] [X] suivait donc de suffisamment près, en 2012, salaires et bulletins de paie délivrés par l'association pour que la subrogation des indemnités journalières, au sujet de laquelle [N] [I] avance des explications pertinentes, n'ait pu lui échapper ; que les faits, à les supposer réels, sont couverts par la prescription ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'annulation de l'avertissement ; qu'une sanction disciplinaire injustifiée cause au salarié qui la subit un préjudice moral qui doit être réparé ; qu'il en est particulièrement ainsi lorsque l'employeur fonde la sanction sur une augmentation de salaire dont il avait lui-même pris l'initiative et qu'il vient ensuite reprocher à la bénéficiaire comme un abus de fonction ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé sur le montant des dommages-intérêts alloués ;

Sur la demande de rappel de salaire (octobre 2013 à avril 2014) :

Attendu qu'il ressort de l'examen des bulletins de paie de [N] [I] que depuis juillet 2009, celle-ci percevait un salaire mensuel brut de base pour 151,67 heures mensuelles, complété par la rémunération de 15 heures supplémentaires (parfois 14, parfois 16) payées au taux de base majoré de 25% ; que le salaire à maintenir pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail a été calculé sur la seule base de la rémunération correspondant à la durée légale du travail ; qu'en janvier 2014, un taux de base réduit (11,890 au lieu de 12,620 en septembre 2013) a été appliqué à 161 heures au lieu de 151,67 heures mensuelles ; qu'en février 2014, le taux de base de 12,620 € a été appliqué à 151,67 heures de travail, sans heures supplémentaires ; que les bulletins de paie de mars et avril 2014 n'ont pas été remis à la Cour ;

Attendu, s'agissant du salaire maintenu pendant la suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail, que ce salaire ne peut être tributaire du nombre d'heures de travail effectuées dans l'association pendant la période de prise en charge de la victime ; qu'il doit être déterminé en considération du salaire mensuel moyen que celle-ci percevait pendant la période de référence antérieure à l'accident ; qu'en conséquence, un rappel de salaire brut de 624,89 € sera alloué à [N] [I] sur la période d'octobre à décembre 2013 ;

Attendu que l'association Réponses ne pouvait, en janvier 2014, calculer la rémunération de [N] [I], non sur la base de 151,67 heures rémunérées au taux de base et de 16 heures supplémentaires rémunérées au taux de base majoré de 25%, mais de 161 heures mensuelles (incluant 9,33 heures supplémentaires) payées à un taux inférieur au taux de base ; que compte tenu de l'absence de l'appelante du 1er au 19 janvier 2014, le rappel de salaire brut qui lui est dû s'élève à 34,32 € ;

Attendu, s'agissant du salaire perçu après la reprise du travail, que la mention, sur les bulletins de paie remis au salarié en application des articles L. 3243-2 et R. 3243-1 du code du travail, de la nature et du montant des sommes versées, n'a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits ; qu'aucun droit à l'exécution et à la rémunération d'un nombre déterminé d'heures supplémentaires ne pouvait donc naître en faveur de [N] [I] de la mention et de la rémunération de 14 à 16 heures supplémentaires sur ses bulletins de paie de juillet 2009 à septembre 2013 ; que l'appelante sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaire sur février 2014 ; que l'absence de bulletins de paie ne permet pas d'apprécier ses droits sur les mois de mars et avril 2014 ;

Que l'association Réponses sera condamnée à payer la somme brute totale de 659,20 € à titre de rappel de salaire d'octobre 2013 à janvier 2014 et celle de 65,92 € à titre d'indemnité de congés payés ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'il ressort, en l'espèce, des pièces et des débats, que la trajectoire de [N] [I] au sein de l'association Réponses, qui semblait au printemps 2011 pouvoir la conduire au poste de directeur, s'est infléchie à dater du moment où, lassé de voir son domicile devenir une annexe de l'association, le mari de la salariée a mis un terme aux visites intéressées du directeur ; que pendant la suspension de son contrat de travail, [N] [I] était allée très au-delà de ses obligations, dont le but non lucratif de l'association employeur ne modifiait pas l'étendue ; que l'association qui, à quatre reprises dans ses écritures, stigmatise 'la plus parfaite mauvaise foi' de [N] [I], n'a pas été en reste sur ce plan ; qu'elle soutient que la salariée a mis fin à sa formation de conseiller en insertion professionnelle alors qu'il résulte de la pièce 15 de l'appelante que l'employeur a lui-même résilié la convention en raison de contraintes de service ; que le directeur est remonté jusqu'en juillet 2012 pour trouver deux griefs de nature à motiver un avertissement ; qu'il a fait mine de découvrir l'existence d'une augmentation de salaire qu'à l'époque, il avait lui-même accordée à l'appelante ; que l'association Réponses reproche à celle-ci d'avoir refusé de s'adapter au nouveau logiciel comptable alors qu'il appartenait à l'employeur de lui procurer la formation nécessaire ; que ce changement de logiciel, les missions croissantes confiées au cabinet comptable FB et associés et la défiance dont [N] [I] était l'objet de la part de la direction rendent compte du sentiment de 'mise au placard' éprouvé par une salariée qui a décrit à son médecin des journées entières passées à ne rien faire ; que, néanmoins, l'association Réponses a reproché à la salariée, le 30 mars 2015, de s'être absentée sans prévenir pour se rendre à l'audience du 12 mars 2015 à laquelle le président et le directeur avaient eux-mêmes assisté ; que ces faits ont eu lieu dans le climat débilitant résultant de la suppression des heures supplémentaires ainsi que des primes de vacances, de Noël et de la prime mensuelle sur le chiffre d'affaires, dans un contexte de contraintes budgétaires ; que [N] [I] a établi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'au-delà de vaines imprécations, l'association Réponses ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement ;

Qu'en conséquence, le jugement qui a débouté [N] [I] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera infirmé ; que la dégradation des conditions de travail de [N] [I] à dater de janvier 2014 a fini par altérer la santé de celle-ci, lui causant un préjudice qui justifie l'octroi d'une somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu qu'aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières ; que l'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément à l'article 1184 du code civil, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations ;

Attendu que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée ; que c'est seulement s'il ne l'estime pas fondée qu'il doit statuer sur le licenciement ;

Attendu que des agissements répétés de harcèlement moral constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur pour être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Qu'en conséquence, la résiliation du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l'employeur ; qu'elle prend effet le 28 août 2015, date du licenciement ;

Sur la dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse :

Attendu que [N] [I] ne demande pas que la résiliation produise les effets d'un licenciement nul sur le fondement de l'article L 1152-3 du code du travail ; que la résiliation judiciaire produira donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que [N] [I] qui était employée dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi ; que la salariée, âgée de soixante ans à la date de la résiliation, avait alors validé 136 trimestres de cotisations retraite ; qu'elle a perçu les allocations de Pôle Emploi en décembre 2015 ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 25 000 € le montant des dommages-intérêts dus à l'appelante en réparation de son préjudice ;

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis :

Attendu que dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est toujours due ; que l'association Réponses sera donc condamnée à payer à [N] [I] une indemnité compensatrice de 4 440 € et une indemnité de congés payés afférente de 444 € ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- annulé l'avertissement notifié à [N] [I] par l'association REPONSES le 12 février 2014,

- condamné l'association REPONSES à payer à [N] [I] à titre de dommages-intérêts la somme de 3 000 euros (trois mille euros),

- condamné l'association REPONSES à verser à Madame [N] [I] la somme de 659,20 euros (six cent cinquante neuf euros vingt centimes) à titre de rappel de salaire outre celle de 65,92 euros (soixante cinq euros quatre vingt douze centimes) de congés payés afférents,

- condamné l'association REPONSES à payer à [N] [I] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 2 000 euros (deux mille euros),

- débouté l'association REPONSES de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'association REPONSES aux dépens de première instance ;

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que [N] [I] a été victime de harcèlement moral,

En conséquence, condamne l'association Réponses à lui payer la somme de huit mille euros (8 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'association Réponses et à la date du 28 août 2015,

Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne l'association Réponses à payer à [N] [I] la somme de vingt-cinq mille euros (25 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Condamne l'association Réponses à payer à [N] [I] :

la somme de quatre mille quatre cent quarante euros (4 440 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

la somme de quatre cent quarante-quatre euros (444 €) à titre d'indemnité de congés payés,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2016, date de transmission des conclusions d'appel de [N] [I] ;

Dit que les sommes allouées tant en première instance qu'en cause d'appel supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales,

Y ajoutant :

Condamne l'association Réponses aux dépens d'appel,

Condamne l'association Réponses à payer à [N] [I] la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/04400
Date de la décision : 30/09/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/04400 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-30;15.04400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award