La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2012 | FRANCE | N°11/04690

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 14 février 2012, 11/04690


R.G : 11/04690

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 14 Février 2012

Décision du Tribunal de Commerce de LYONRéférédu 07 juin 2011

RG : 2011r353ch no

SARL EASY PIECE AUTO

C/
S.A.S. MISTER AUTO
APPELANTE :
SARL EASY PIECE AUTO représentée par ses dirigeants légaux20 avenue Léon Paul Fargue95200 SARCELLES

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY
assistée de Me Florence ANDREANI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS MISTER AUTO représentée par ses dirigeants légaux17 rue Jean Rostand69740 GENAS
>représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assistée de Me Renaud BARIOZ, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'in...

R.G : 11/04690

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 14 Février 2012

Décision du Tribunal de Commerce de LYONRéférédu 07 juin 2011

RG : 2011r353ch no

SARL EASY PIECE AUTO

C/
S.A.S. MISTER AUTO
APPELANTE :
SARL EASY PIECE AUTO représentée par ses dirigeants légaux20 avenue Léon Paul Fargue95200 SARCELLES

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY
assistée de Me Florence ANDREANI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS MISTER AUTO représentée par ses dirigeants légaux17 rue Jean Rostand69740 GENAS

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET
assistée de Me Renaud BARIOZ, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Décembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Décembre 2011
Date de mise à disposition : 14 Février 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société EASY PIECE AUTO est une société commerciale de vente au détail de pièces de carrosserie uniquement. Elle a été créée le 4 mai 2007.

La société MISTER AUTO est également une société commerciale qui a été créée le 8 octobre 2008 et qui vend des pièces moteur et mécaniques par l'intermédiaire de son site internet sous le nom de domaine www.mister-auto.com, déposé le 8 avril 2006.
La société MISTER AUTO a soutenu que la société EASY PIECE AUTO avait tiré profit abusivement des très nombreux investissements qu'elle a réalisés pour développer son site internet www.mister-carrosserie.com.
Elle a également prétendu que dans la mesure où l'objet des deux sites était très proche et même similaire, le risque de confusion dans l'esprit du public était patent et en a conclu que ces faits étaient constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire.
La société MISTER AUTO a donc fait délivrer une assignation en référé devant le tribunal de commerce de Lyon le 31 mars 2011 et ce afin de voir dire et juger que le dépôt et l'exploitation du nom de domaine « mister-carrosserie.com » par la société EASY PIECE AUTO sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société MISTER AUTO, de condamner la société EASY PIECE AUTO à cesser toute utilisation du nom de domaine « mister-carrosserie.com ».
Le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a, le 7 juin 2011, rejeté l'exception d'incompétence rationae loci soulevée par la société EASY PIECE AUTO et ordonné à la société EASY PIECE AUTO la cessation de toute utilisation du nom de domaine « mister-carrosserie.com » dans un délai d'un mois.
La société EASY PIECE AUTO a relevé appel de cette décision et demande à la cour de considérer que le juge des référés n'était pas compétent au visa de l'article 873 du code de procédure civile en l'état d'une contestation sérieuse puisque l'usage par la société EASY PIECE AUTO de son nom de domaine www.mister-carroserie.com ne créerait aucun risque de confusion avec le site internet accessible sous le signe www.misterauto.com et aucun préjudice avéré n'aurait été subi par la société MISTER AUTO puisqu'il est consacré à une autre activité.
Il serait établi que la prétendue renommée du site internet de son adversaire ne serait pas apportée et donc sa connaissance par le public, que le terme « MISTER » est couramment utilisé, en terme d'attaque, par de nombreux sites internet, que le nom de domaine www.mister-auto.com n'est absolument pas arbitraire mais bien descriptif pour désigner un site internet désignant des éléments pour l'automobile et dont la cible est exclusivement masculine.
Il n'y aurait au reste aucun risque de confusion entre les deux sites du fait de leur présentation distincte et du fait de la différence des produits vendus.
En tout état de cause, aucun préjudice ne serait démontré.
Il y aurait donc lieu d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 7 juin 2011, de condamner la société MISTER AUTO à payer à la société EASY PIECE AUTO la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamner la société MISTER AUTO à payer à la société EASY PIECE AUTO la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

A l'opposé, la société MISTER AUTO demande à la cour de dire et juger que le dépôt et l'exploitation du nom de domaine mister-carroserie.com par la societe EASY PIECE AUTO sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, au préjudice de la société MISTER AUTO, de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon Ie 7 juin 2011 en toutes ses dispositions, y ajoutant, de condamner la société EASY PIECE AUTO à payer à la société MISTER AUTO la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, de débouter la societe EASY PIECE AUTO de sa demande de dommages et intérêts, de condamner la société EASY PIECE AUTO en tous les dépens.

SUR QUOI LA COUR
Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il opère bien la distinction entre le droit des marques, faisant l'objet d'une protection spécifique, et le droit né du nom des domaines depuis la création d'internet qui fait également l'objet de protection par le biais d'une construction jurisprudentielle.
Présentement effectivement, l'action introduite par la société MISTER AUTO ne repose que sur la concurrence déloyale et sur les actes de parasitismes qu'elle reproche à la société EASY PIECE AUTO par la réservation du nom de domaine "mister-carrosserie.com" avec l'exploitation du site correspondant, pour la vente de pièces de carrosserie pour automobiles.
Les critères en la matière sont bien ceux de l'antériorité et du risque de confusion dans l'esprit du public.
Premièrement, il est avéré en l'espèce que la société EASY PIECE AUTO a déposé le nom de domaine mister-carroserie.com le 16 décembre 2008, soit plus d'une année après le commencement d'exploitation du site mister-auto.com, qui lui même a été réservé le 8 avril 2006.
Deuxièmement, à l'évidence l'utilisation du mot "mister" est purement arbitraire et n'est en rien descriptif pour signifier "monsieur" en langue anglaise ce qui est sans rapport même éloigné avec un site de vente de pièces détachées automobiles qui s'adresse spécialement à un public français des deux sexes.
L'association des deux mots laisse au contraire entendre qu'une personne : un "monsieur" ou "mister", va s'occuper de votre automobile et non pas que l'acquéreur va devoir s'en occuper lui-même après l'achat de pièces détachées.
Au reste, ce mot "mister" est souvent confondu chez un public non anglophone avec le mot français "mystère" qui se prononce à la française de la même manière. Les professionnels de la communication n'ignorent pas cette confusion et s'en servent pour jouer à la fois sur le terrain de l'américanisme par cet anglicisme toujours considéré comme valorisant et sur celui très porteur du jeu, de la surprise, du "mystère" par le biais de cette confusion phonétique.
Dans ces conditions, effectivement l'association du mot "mister" avec le mot "auto" devient bien une création arbitraire, c'est-à-dire sans logique interne, par association de deux mots que rien ne destinait à s'assembler et qui ne sont en rien descriptifs de l'activité poursuivie alors même que le terme "auto" ne renvoie pas obligatoirement dans l'esprit du public à la vente de pièces détachées pour automobile, pouvant faire référence par exemple à tout matériel "automatique" et non pas obligatoirement "automobile" sans parler de tout service dérivé de l'utilisation de l'automobile comme l'assurance, le sport ou encore le transport.

A bon droit donc, il convient de dire et juger même au provisoire qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur le fait que le nom de site : mister.auto n'est pas descriptif, ce qui offre bien le droit à une protection au profit de son propriétaire.

Il en est nécessairement de même pour le site mister.carrosserie qui utilise les mêmes composants et génère les mêmes ambiguïtés, le mot carrosserie ne s'appliquant pas lui aussi exclusivement aux véhicules terrestres à moteur mais bien également aux chemins de fer et autres appareils électro-ménagers sans parler des véhicules hippomobiles.
Reste à savoir si il existe un risque de confusion dans l'esprit du public entre les noms de domaines www.mister-auto.com et www.mister-carrosserie.com.
En effet, comme déjà remarqué par le juge des référés du tribunal de commerce, la cour constate que l'accroche par le mot arbitraire : "mister" est la même, que les produits commercialisés sont très voisins, voire similaires s'agissant de pièces détachées pour automobiles, que le public visé est strictement identique s'agissant dans les deux cas de personnes à la recherche d'économie dans la réparation de leurs automobiles au moyen de l'achat de pièces détachées hors des circuits traditionnels des concessionnaires des grandes marques de véhicules.
Dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif, le site "mister carrosserie" est une déclinaison du site plus général que constitue "mister auto", ce même consommateur s'attendant probablement à trouver plus avant un site "mister moteur" ou un site "mister suspensions" dans le cadre de la même déclinaison de produits sous couvert de la même accroche : "mister".
La société EASY PIECE AUTO, par la création d'un site "mister carosserie", que rien n'obligeait à intituler ainsi alors même qu'elle commercialise par ailleurs ses produits sur un site easy.piece.com qui ne pose aucune difficulté, et qui par son intitulé ne se réfère aucunement à une activité générique, a clairement voulu s'insérer dans une mouvance mise en place et initiée par la société mister.auto.
Il y a bien là les éléments du parasitisme et de la concurrence déloyale, la société EASY PIECE entendant manifestement se placer dans le sillage de la société "mister auto" à seule fin d'entraîner la confusion dans l'esprit du public et de profiter de sa notoriété bien supérieure pour avoir créé une série de sites pour automobiles à partir de l'accroche que constitue le mot "mister".
Un tel comportement est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il importe bien de faire cesser.
L'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a condamné sous astreinte la société EASY PIECE AUTO à faire cesser l'exploitation du nom de domaine "mister carrosserie" et en ce qu'elle a condamné la société EASY PIECE AUTO au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Même si l'on considère que le site mister.carrosserie a généré un chiffre d'affaires des dizaines de fois inférieur à celui de mister.auto, ce chiffre de 10.000 euros, modeste en matière industrielle et commerciale, est obligatoirement en rapport avec l'importance réelle du préjudice de la société lésée laquelle a engagé plus de 300.000 euros pour promouvoir ce site aux yeux du public.
Il y aurait inéquité à laisser à la société MISTER AUTO la charge de l'intégralité de ses frais d'avocat, il échet de la faire bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour une somme de 3.000 euros comme sollicité.
Il convient encore de condamner la société EASY PIECE AUTO aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon Ie 7 juin 2011 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société EASY PIECE AUTO à payer à la société MISTER AUTO la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société EASY PIECE AUTO SARL aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11/04690
Date de la décision : 14/02/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-02-14;11.04690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award