AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 02/04175 X... C/ CGEA DE BORDEAUX AGS DE PARIS ME Y ME MALMEZAT APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 27 Juin 2002 RG : 99/4737 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2004 APPELANT : Monsieur Nicolas X... comparant, assisté de Maître MISSELIN, avocat au barreau de LYON INTIMES : CGEA DE BORDEAUX Bureaux du lac Rue domergue 33000 BORDEAUX représentée par la SCP DESSEIGNE ET ZOTTA, avocats au barreau de LYON AGS DE PARIS 3 rue cezanne 75008 PARIS représentée par la SCP DESSEIGNE ET ZOTTA, avocats au barreau de LYON Maître Y, Commissaire à l'exécution du plan de cession de la Ste AIRBONE représenté par Maître BARREAUX, avocat au barreau de STRASBOURG Maître Z, Représentant des créanciers de la Société AIRBORNE, représenté par Maître BARREAUX, avocat au barreau de STRASBOURG PARTIES CONVOQUEES LE : 19 Avril 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Octobre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame PANTHOU-RENARD, Président Madame DEVALETTE, Conseiller Monsieur CATHELIN, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame LE Y..., Greffier ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 26 Novembre 2004 par Madame PANTHOU-RENARD, Président, en présence de Madame Françoise Z..., Greffier, qui ont signé la minute. *************
LA COUR Monsieur X... a été engagé par la Société AIRBORNE qui exerce une activité de conception et de fabrication de matériels de bureau par contrat à durée indéterminée du 25 Février 1991, en qualité de Directeur Régional de LYON VILLEURBANNE. Son salaire initial était de 20.000 francs sur douze mois outre deux primes semestrielles. Par
avenant en date du 29 Décembre 1997, la Société AIRBORNE a proposé à Monsieur X... de nouvelles modalités de rémunération consistant en un fixe mensuel de 3.233,90 euros bruts outre deux primes semestrielles et une annuelle sur objectifs. Au dernier état de la collaboration, il percevait une rémunération mensuelle brute de 4.268,57 euros. Le 22 Novembre 1999, par lettre recommandée avec accusé de réception, la Société AIRBORNE a notifié à Monsieur X... sa mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué pour un entretien préalable au licenciement le 29 Novembre 1999. Le 3 Décembre 1999, la Société AIRBORNE a notifié à Monsieur X... son licenciement pour faute grave dans les termes suivants : "Lors de notre entretien du 29 Novembre 1999, nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre. Ces griefs se rapportent à votre gestion de l'appel d'offres du dossier ENS sur LYON. Le 29 Octobre 1999, vous avez écrit au président de la commission d'appels d'offres, pour lui demander "si nous devions ne pas être retenus, vous voudrez bien nous indiquer clairement les motifs de votre décision". Vous n'avez pas la délégation de pouvoir pour décider seul d'adresser un tel courrier, susceptible de préjudicier aux intérêts de l'entreprise AIRBORNE, et ce d'autant plus que vous n'avez ni informé votre manager, ni sollicité son avis, ni demandé son accord. Le 3 Novembre 1999, vous avez à nouveau écrit au président de la commission d'appels d'offres, pour lui demander de "bien vouloir nous communiquer les extraits du rapport de conclusion présenté à la Commission d'appels d'offres du 26 Octobre écoulé". Vous avez également demandé qu'il vous soit "confirmer que l'article 38 du code des marchés publics a été respecté", que "l'article 47 portant sur l'égalité de traitement fut respecté" et vous avez écrit que "s'il devait s'avérer que l'article 38 susmentionné n'ait pas été respecté, nous nous réservons le droit de mettre en oeuvre l'article L 22 du code des tribunaux
administratifs". Là encore, vous avez agi sans en avoir informé au préalable votre manager. De plus, vous avez également cru pouvoir engager la société AIRBORNE dans le cadre du recours que vous entendiez mettre en oeuvre conformément à l'article L 22 du code des tribunaux administratifs. En agissant de la sorte, vous avez outrepassé vos pouvoirs puisque seuls le directeur commercial et logistique ou le directeur général d'AIRBORNE sont susceptibles d'introduire une telle action. Vos agissements sont d'autant plus préjudiciables à notre entreprise que les interrogations portées dans ces courriers laissent peser une suspicion quant à la régularité du déroulement de l'appel d'offres. En effet, cette attitude ne manquera pas de gravement nous pénaliser à l'avenir dans le cadre des appels d'offres futurs que nous serions amenés à faire auprès des membres de cette commission. Ces faits constituent une faute grave. C'est pourquoi, nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise AIRBORNE, même pendant un préavis. Nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à première présentation de cette lettre. Votre certificat de travail est tenu à votre disposition, ainsi que les salaires vous restant dus et l'indemnité compensatrice de congé payé acquise à ce jour." Le 7 Décembre 1999, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de LYON qui, le 27 Juin 2002, a : - dit que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, - condamné la Société AIRBORNE à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :
*11.000 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 12.700 euros à titre d 'indemnité de préavis,
* 1.270 euros à titre de congés payés afférents,
* 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par déclaration au greffe du 11 Juillet 2002, Monsieur X... a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 1er Juillet 2002. Entre temps le Tribunal de Commerce de BORDEAUX a ordonné le 5 Juin 2002 l'ouverture d'un redressement judiciaire et nommé Maître Z en qualité de représentant des créanciers et Maître Y en qualité d'administrateur judiciaire de la Société AIRBORNE.
°°°°°°°°°° Monsieur X... demande la confirmation du jugement sur les indemnités de rupture allouées mais en sollicite l'infirmation en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Il observe en premier lieu que les Premiers Juges n'ont pas caractérisé un fait fautif de nature à justifier un licenciement disciplinaire. Il demande à la Cour de ne pas retenir de faute à son encontre, en l'absence de la moindre observation antérieurement à l'appel d'offre de l'E.N.S., du moindre défaut de transparence vis à vis de la Direction, au dépassement de pouvoirs, en l'absence enfin de preuve des prétendues conséquences dommageables. Monsieur X... sollicite la fixation de sa créance à hauteur de 152.600 euros, en réparation du préjudice occasionné par la rupture abusive - après neuf ans d'ancienneté - outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
°°°°°°°°°° La Société AIRBORNE , assistée de Maître Y et de Maître Z, es qualités, forme appel incident, sollicitant la réformation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et a alloué des indemnités de rupture. La Société AIRBORNE considère que dans le cadre de l'appel d'offre présenté par le groupement Ensemble-Harmonie, Monsieur X... a gravement outrepassé ses fonctions pour l'essentiel, à caractère commercial et a fait montre d'une initiative scandaleuse et outrageante, pour un cadre de son niveau de responsabilité - compromettant définitivement l'image de la Société et les chances d'obtention de marchés publics - La Société AIRBORNE demande donc que Monsieur X... soit débouté de toutes ses réclamations et condamné à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
°°°°°°°°°° L'AGS et le CGEA de BORDEAUX, son gestionnaire, rappelant le caractère subsidiaire de la garantie dont est exclue, par ailleurs, toute condamnation au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, demandent également l'infirmation du jugement qui n'a pas retenu la faute grave et qui a alloué à Monsieur X... des indemnités de rupture.
MOTIFS DE LA DECISION Sur le licenciement Il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 alinéa 1 et L 122-14-3 du
Code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; En l'espèce, il est reproché à Monsieur X..., qui ne conteste pas être le rédacteur des deux lettres adressées au Président de la Commission d'appel d'offres de la COURLY les 29 Octobre et 3 Novembre 1999 - courriers signés par lui en sa qualité de Directeur régional d'AIRBORNE, mandataire du Groupement Ensemble-Harmonie ; d'avoir adressé ces courriers en dehors de toute délégation de pouvoir, et sans en avoir informé sa hiérarchie ni lui avoir demandé son accord ; S'il est constant qu'en l'espèce, Monsieur X..., en sa qualité de Directeur régional, non cantonné toutefois à des fonctions commerciales puisqu'il avait également un pouvoir de gestion administrative et de recrutement, n'avait pas officiellement délégation de pouvoirs pour conduire des marchés, a bénéficié, de fait, pour le marché de l'E.N.S. de LYON, d'une délégation de pouvoir, selon une pratique antérieure de soumission à appels d'offre "en blanc", ce que l'employeur n'a pas contesté lors de l'entretien préalable dont le contenu a été rapporté par Monsieur A..., qui assistait Monsieur X... ; Aucun des délégataires officiels, Messieurs B... et C n'est intervenu d'ailleurs au cours de l'instruction de l'appel d'offres (sauf pour signer une offre (non datée) de baisse du prix de l'offre) Monsieur X... ayant signé tous les documents (lettre de candidature du groupement le 20 Mai 1999, lettre d'intention au futur coordonnateur en cas d'obtention du marché - réponse au questionnaire adressé par la COURLY) sans qu'il lui ait été reproché d'avoir
outrepassé ses pouvoirs ; C'est dans ce contexte que Monsieur X... a pu adresser au Président de la Commission d'appels d'offres ces courriers au nom du Groupement sans en référer à sa hiérarchie, oubliant que la Société AIRBORNE était mandataire de ce groupement et non lui-même, la grande liberté d'initiative dont il jouissait sur ce projet comme le soutien unanime des autres membres du groupe, qui ont tous attesté en ce sens, ayant pu lui faire penser que son employeur partageait cette position -, eu égard à l'importance que revêtait le marché de p lus de 4 MF pour l'entreprise ; Ce manquement ne constitue cependant pas un acte d'insubordination justifiant qu'il fût mis fin immédiatement, après neuf ans de collaboration sans observation, et une augmentation de salaire récente, à un contrat de travail sans exécution de la courte période préavis, ni même que ce grief constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, comme l'ont considéré les Premiers Juges, la Société ne justifiant pas de surcroît du prétendu préjudice occasionné pour l'image de la Société et pour la soumission de nouveaux marchés dont le sort ne dépend pas, en principe, de telles considérations ; Le jugement doit donc être confirmé sauf sur les indemnités de rupture allouées - dont le quantum n'est pas contesté - et qui doivent être portées au passif de la Société AIRBORNE; Compte tenu de l'ancienneté de Monsieur X... , qui ne justifie cependant pas de sa situation postérieure à la perte d'emploi, il convient d'allouer à ce dernier la somme de 42.000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail;t d'allouer à ce dernier la somme de 42.000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail; L'AGS-CGEA devra assurer le règlement des créances de Monsieur X... dans les conditions et limites de sa garantie ; En application de l'article L 122-14-4 du Code du travail, il y a lieu d'ordonner à la Société AIRBORNE de
rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Monsieur X... dans la limite de deux mois d'allocations ; Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS La Cour, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf sur les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents et sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, toutes ces sommes devant être portées au passif de la Société AIRBORNE, en redressement judiciaire, Et statuant à nouveau, DIT que le licenciement de Monsieur NICOLAS X... est dénué de cause réelle et sérieuse, FIXE à 42.000 euros (quarante deux mille euros) les dommages-intérêts alloués à Monsieur X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant être portés au passif de la Société AIRBORNE, en redressement judiciaire, DIT que l'AGS-CGEA de BORDEAUX devra procéder à l'avance des créances dans les conditions et limites de sa garantie, DEBOUTE Monsieur Nicolas X... du surplus de ses demandes, ORDONNE à la Société AIRBORNE, dûment assistée des organes de la procédure collective, de rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Monsieur X... dans la limite de deux mois d'allocations, FIXE les dépens en frais privilégiés au passif de la procédure collective. Le Greffier
Le Président F. LE Y...
E. PANTHOU-RENARD