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23/06/2004 | FRANCE | N°2000/07188

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 23 juin 2004, 2000/07188


AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 00/07188 X C/ SARL EXPRESSELF APPEL D'UNE DECISION DU Conseil de Prud'hommes LYON du 02 Novembre 2000 RG : 199805930 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 23 JUIN 2004

APPELANT : Monsieur Jean Luc X X... par Me FAVRE, Avocat au Barreau de THONON LES BAINS INTIMEE : SARL EXPRESSELF 5 BIS ALLEE GONON 69330 MEYZIEU Représentée par Me AGUERA, Avocat au Barreau de LYON Substitué par Me BROCHARD, DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mai 2004 Présidée par Madame MORIN, Conseiller, rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisé

es) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pend...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR R.G : 00/07188 X C/ SARL EXPRESSELF APPEL D'UNE DECISION DU Conseil de Prud'hommes LYON du 02 Novembre 2000 RG : 199805930 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 23 JUIN 2004

APPELANT : Monsieur Jean Luc X X... par Me FAVRE, Avocat au Barreau de THONON LES BAINS INTIMEE : SARL EXPRESSELF 5 BIS ALLEE GONON 69330 MEYZIEU Représentée par Me AGUERA, Avocat au Barreau de LYON Substitué par Me BROCHARD, DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mai 2004 Présidée par Madame MORIN, Conseiller, rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Monsieur Julien Y..., Greffier COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Madame Claude MORIN, Conseiller Madame Patricia MONLEON, Conseiller ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 23 Juin 2004 par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, en présence de Monsieur Julien Y..., Greffier, qui ont signé la minute.
EXPOSE DU LITIGE

Jean-Luc X a été engagé par la société EXPRESSELF le 4/11/1996 en qualité de directeur commercial adjoint. Par une lettre du 31/8/1998, son employeur, alléguant l'insuffisance de ses résultats, l'a informé de sa décision de modifier ses fonctions et sa rémunération, qu'il a aussitôt appliquée. Refusant ce qu'il considérait comme une rétrogradation, Jean-Luc X a engagé le 24/11/1998 devant le Conseil de Prud'hommes de Lyon une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail. La société EXPRESSELF a procédé à son licenciement pour faute grave le 17/3/1999.

Par une décision en date du 2/11/2000, le juge prud'homal, a rejeté comme irrecevable la demande de résolution du contrat de travail, a dit que le licenciement pour faute grave était justifié, a rejeté les demandes de Jean-Luc X relatives à la rupture de son contrat de travail, a donné acte à la société EXPRESSELF de son offre de lui verser la somme de 4 123 F au titre de la prime 1997/1998 et l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Jean-Luc X a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions écrites reprenant ses observations orales, visées par le greffe le 7/4/2004, il demande à la Cour de dire que la rupture de son contrat de travail, imputable à l'employeur, équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement que son licenciement pour faute grave est abusif. Il réclame les sommes suivantes:

- salaire et congés payés pendant la période de mise à pied conservatoire : 1 287.57 ä,

- indemnité compensatrice de congés payés: 128.05 ä,

- indemnité compensatrice de préavis: 8 728.33 ä,

- indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis:

872.83 ä,

- indemnité conventionnelle de licenciement: 773.07 ä,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

44 715.15 ä,

- dommages-intérêts pour préjudice moral distinct: 7 622. 45 ä.

Il réclame également le paiement de diverses primes et des indemnités compensatrices de congés payés correspondantes, ainsi que la somme de 60 991.80 ä en réparation du préjudice que lui a causé la clause de non-concurrence illicite, et enfin la somme de 2 500 ä en application de l'article 700 du NCPC.

Oralement, il demande à la Cour de prononcer la résiliation du contrat de travail au jour de l'audience de conciliation devant le Conseil de Prud'hommes.

Dans ses écritures venant au soutien de ses observations orales, visées par le greffe le 10/5/2004, la société EXPRESSELF demande la confirmation du jugement et le paiement de la somme de 1 500 ä en application de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient essentiellement que l'action en résolution du contrat de travail est irrecevable, dès lors que celui-ci a été rompu le 17/3/1999, et expose que Jean-Luc X s'étant révélé incapable de mener à bien sa mission, elle a décidé de l'affecter temporairement à des fonctions plus adaptées à ses compétences après qu'il ait donné son accord; que la structure de sa rémunération a été modifiée, et non son niveau; qu'il a accepté ces modifications, puisqu'il a rempli sa nouvelle mission pendant plus d'un mois et demi sans émettre la moindre contestation; qu'en dépit de son désaccord manifesté tardivement, il lui appartenait d'exécuter son contrat de travail

loyalement dans l'attente de la décision du Conseil de Prud'hommes; qu'il a commis plusieurs fautes professionnelles qui ont justifié son licenciement. Elle s'oppose au paiement des primes individuelles et collectives, les objectifs fixés n'ayant pas été atteints.

Oralement, elle ajoute que la demande en résiliation du contrat de travail est nécessairement sans objet puisqu'il y a eu licenciement et qu'en tout état de cause les réclamations du salarié sont erronées si la résiliation est fixée au jour de la conciliation devant le Conseil de Prud'hommes. Elle conteste, en outre, tant dans son principe que dans son quantum, la demande en dommages-intérêts pour concurrence illicite. DISCUSSION

Sur la résiliation du contrat de travail :

Le salarié, qui reproche à son employeur d'avoir manqué à ses obligations, peut demander au juge de prononcer la résiliation de son contrat de travail. Si la gravité du manquement allégué le justifie, il appartient au juge, qui prononce la résiliation du contrat de travail, d'en fixer la date au jour de ce manquement, ou au jour où la demande en résiliation a été formée. En cas de poursuite du contrat de travail, malgré le litige opposant les parties, la date de la résiliation sera fixée à une date antérieure à la cessation effective des relations contractuelles, de telle sorte que, même si celle-ci a été provoquée par un licenciement, il sera dépourvu d'effet, la rupture du contrat étant d'ores et déjà acquise au moment où il est prononcé.

Il convient donc de rechercher si le contrat de travail de Jean-Luc X n'avait pas déjà été rompu avant son licenciement pour faute grave.

Il est établi que la société EXPRESSELF a modifié tant les fonctions qu'il exerçait que sa rémunération. La comparaison des organigrammes de l'entreprise (pièces 7 et 14 de l'appelant) montre qu'il s'agit d'une véritable rétrogradation avec même une diminution de la partie

fixe de sa rémunération. Même si la décision de l'employeur est fondée sur l'insuffisance professionnelle du salarié, elle ne pouvait être mise en oeuvre sans obtenir au préalable son accord et en cas de refus, une procédure de licenciement devait être engagée. La société express invoque l'accord de Jean-Luc X sur la modification de son contrat de travail sans apporter la preuve de sa volonté claire et non équivoque, qui ne peut résulter du seul exercice pendant quelques semaines de ses nouvelles fonctions. En maintenant sa décision, malgré le refus exprimé par celui-ci dans sa lettre du 16/10/1998, elle a gravement manqué à ses obligations, ce qui justifie la résiliation du contrat de travail à ses torts et la fixation de la date de la rupture au jour où Jean-Luc X a saisi le juge prud'homal, soit le 27/11/1998.

La décision du premier juge doit par conséquent être infirmée.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les indemnité de rupture réclamées par le salarié ne sont pas contestées par l'employeur dans leur montant. Il lui sera donc alloué les sommes de:

- 8 728.33 ä au titre de l' indemnité compensatrice de préavis et 872.83 ä au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- 773.07 ä au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 27/11/1998. Jean-Luc X, qui avait deux ans d'ancienneté à la date de la résiliation du contrat de travail, est resté au chômage jusqu'en octobre 1999. Sur le fondement de l'article L 122-14-4 du Code du Travail, il est justifié de lui accorder en réparation de son préjudice matériel et moral la somme de 20 000 ä.

Sa demande en paiement au titre de la rémunération de la période de mise à pied conservatoire, qui est postérieure à la résiliation du contrat de travail, doit être rejetée comme mal fondée.

La Cour est tenue d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés d'une partie des indemnités de chômage payée au salarié licencié , ce remboursement étant limité à 6 mois.

Sur les demandes en paiement de primes:

Pour l'exercice 1997/1998, le calcul de la prime individuelle sur objectif de Jean-Luc X a été validé par son supérieur hiérarchique . Compte-tenu des règlements déjà effectués par l'employeur, c'est à juste titre qu'il réclame encore la somme de 2 991.51 ä.

Pour l'exercice suivant, Jean-Luc X ne peut revendiquer l'ouverture que d'un seul restaurant avant la résiliation de son contrat de travail. L'employeur ne démontre pas que le versement de la prime dépend du résultat positif de l'affaire. Il est par conséquent débiteur de la somme de 41 391 F, soit 6 310 ä, pour le restaurant Jarrie.

C'est à tort que le salarié réclame le versement de la prime collective pour l'exercice 1997/1998, dès lors que l'objectif fixé par l'employeur n'a pas été atteint. En ce qui concerne l'exercice suivant, la réparation de la perte de chance d'obtenir cette prime est comprise dans l'indemnité allouée au titre de la résiliation du contrat de travail.

Sur la clause de non-concurrence:

Le contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière, la clause de non-concurrence est illicite. Dés lors que la société EXPRESSELF ne démontre pas que Jean-Luc X a violé son obligation de non-concurrence, elle est tenue de réparer le préjudice qu'il a subi en la respectant et qui sera évalué à la somme de 30 000 ä.

L'équité commande enfin d'allouer à l'appelant la somme de 2 000 ä en

application de l'article 700 du NCPC.

La même demande formée par l'employeur doit être rejetée comme mal fondée. Par ces motifs, La Cour,

Infirme le jugement critiqué, sauf sur la constatation de l'accord de la société EXPRESSELF sur le versement d'une prime de 4 123 F, et sur sa condamnation au titre de l'article 700 du NCPC et des dépens,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de la société EXPRESSELF et dit que celle-ci est intervenue le 27/11/1998,

Condamne la société EXPRESSELF à verser à Jean-Luc X les sommes suivantes:

- 8 728.33 ä au titre de l' indemnité compensatrice de préavis et 872.83 ä au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- 773.07 ä au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 991.51 ä et 6 310 ä au titre des primes individuelles sur objectif, outre 299.15 ä et 631 ä au titre des indemnités compensatrices de congés payés afférentes,

outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 27/11/1998, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code Civil,

- 20 000 ä à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral,

- 30 000 ä à titre de dommages-intérêts pour le respect de la clause de non-concurrence illicite,

- 2 500 ä en application de l'article 700 du NCPC,

Déboute Jean-Luc X de ses autres demandes,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés d'une partie des indemnités de chômage payée au salarié licencié , ce

remboursement étant limité à 6 mois;

Déboute la société EXPRESSELF de sa demande en application de l'article 700 du NCPC,

Condamne la société EXPRESSELF aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2000/07188
Date de la décision : 23/06/2004
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Résiliation judiciaire - Recevabilité - Conditions - Inexécution par l'une des parties de ses obligations

Le salarié peut agir en résiliation de son contrat de travail en cas de man- quement grave de l'employeur à ses obligations. Une décision de rétrogra- dation fondée sur l'insuffisance professionnelle du salarié ne peut être prise qu'avec son accord ou, en cas de refus, ne peut aboutir qu'à la mise en uv- re d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. L'accord du salarié à la rétrogradation doit résulter d'une volonté claire et non équivoque. Celle-ci fait défaut lorsqu'il résulte des faits que le salarié n'a exercé ses nouvelles fonctions que quelques semaines et qu'il a ensuite exprimé son refus dans une lettre. La résiliation est dès lors justifiée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-06-23;2000.07188 ?
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