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12/12/2003 | FRANCE | N°2003/03262

France | France, Cour d'appel de Lyon, 12 décembre 2003, 2003/03262


LA COUR Le 22 avril 2002, au terme des vacances scolaires de Pâques, la commune de Saint Léger sur Roanne a repris l'exploitation du restaurant scolaire de la ville qu'elle avait confiée moyennant versements de subventions à l'association LE SOU DES ECOLES. Cette dernière en effet avait par lettre du 2 février 2002 demandé au maire de la commune de cesser de gérer ce restaurant. En conséquence de cette décision, le maire de la commune de Saint Léger sur Roanne n'ayant pas accédé à sa demande de reprise de la seule employée du restaurant scolaire, Madame X..., l'association le SO

U DES ECOLES a par lettre du 7 mars 2002 procédé au licencieme...

LA COUR Le 22 avril 2002, au terme des vacances scolaires de Pâques, la commune de Saint Léger sur Roanne a repris l'exploitation du restaurant scolaire de la ville qu'elle avait confiée moyennant versements de subventions à l'association LE SOU DES ECOLES. Cette dernière en effet avait par lettre du 2 février 2002 demandé au maire de la commune de cesser de gérer ce restaurant. En conséquence de cette décision, le maire de la commune de Saint Léger sur Roanne n'ayant pas accédé à sa demande de reprise de la seule employée du restaurant scolaire, Madame X..., l'association le SOU DES ECOLES a par lettre du 7 mars 2002 procédé au licenciement de cette salariée, employée depuis le 5 décembre 1985 à temps partiel, aux motifs économiques suivants : " La subvention accordée par la municipalité de Saint Léger sur Roanne pour l'année 2002, ne couvrant les frais de fonctionnement du restaurant scolaire, le bureau du Sou des Ecoles a décidé d'arrêter la gestion de celle-ci avant la fin de l'année scolaire 2001-2002 afin d'éviter un déficit ". Estimant que son contrat de travail avait été transféré par l'effet de l'article L 122-12 al 2 du Code du travail à la commune de ST LEGER sur ROANNE et que l'absence de reprise de sa collaboration par cette dernière s'analysait en un licenciement de sa part, Madame X... a saisi le 25 avril 2002 le conseil des prud'hommes de Roanne aux fins de condamnation de la commune au paiement de rappels de salaires et congés payés, de paiement de ses indemnités de rupture, de dommage-intérêts pour rupture abusive, de remise de bulletins de salaire et de documents de rupture. Par jugement du 9 avril 2003, la formation de départage du lconseil des prud'hommes de Roanne (section activités diverses) rejetant l'exception d'incompétence opposée par la commune de SAINT LEGER sur ROANNE a : - dit que celle-ci devait payer à Madame X... , avec exécution provisoire , les sommes suivantes :

- 940,55 ä à titre d'indemnité de préavis

- 94,05 ä à titre d'indemnité des congés payés,

- 1203,59 ä à titre d'indemnité de licenciement,

- 3400 ä à titre de dommage-intérêts pour rupture abusive, - débouté les parties de leurs autres demandes, - mis les dépens à la charge de la défenderesse,ainsi qu'une somme de 300 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR QUOI Vu la déclaration d'appel de la commune de SAINT LEGER sur ROANNE du 2 mai 2003, Vu la déclinatoire de compétence de Monsieur le Préfet de la Loire aux moyens tirés du principe de la séparation des pouvoirs que : - le contrat de travail de droit privé de Madame X... devait légalement faire l'objet d'une adaptation aux règles de droit public; le conseil des Prud'hommes devait par voie de conséquence constater le changement de régime contractuel au profit des règles de droit public et conclure à son incompétence, - la reconnaissance de la responsabilité d'une commune relève des juridictions de l'ordre administratif, - le conseil des prud'hommes n'a pas recherché la responsabilité de l'employeur initial de Madame X... , Vu l'avis du 17 septembre 2003 de Monsieur le procureur général près la cour d'appel, Vu les conclusions du 15 octobre 2003 régulièrement communiquées au soutien de ses observations à l'audience de la commune de SAINT LEGER sur ROANNE qui demande à la cour, par réformation du jugement déféré, de constater l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal administratif de Lyon; subsidiairement de rejeter toutes les prétentions de Madame X... et de la condamner au versement d'une somme de 2300 ä en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux moyens essentiels que : - Madame X... qui a été licenciée définitivement par le'association LE SOU DES ECOLES ne peut faire revivre son contrat, - elle n'a pas contesté le licenciement qui lui a permis de toucher ses indemnités, - l'activité de

restauration scolaire ne présente pas un caractère industriel ou commercial mais constitue un service public administratif, - Madame X... ne démontre pas que l'activité économique dans le cadre de laquelle s'exerçait l'activité de restauration a été transférée, Vu les conclusions d'appel incident déposées à l'audience au soutien de ses observations orales de Madame X... qui demande à la cour, par réformation partielle du jugement déféré de condamner la commune de SAINT LEGER sur ROANNE à lui payer , avec intérêts de droit, les sommes suivantes : - 2070,02 ä à titre de salaires pour la période du 10 avril au 31 juillet 2002, - 207 ä au titre de l'incidence des congés payés selon la règle du dixième, - 1129,10 ä à titre d'indemnité du préavis, - 112,91 ä au tittre de l'incidence des congés payés, - 1203,59 ä à titre d'indemnité de licenciement, - 6800 ä à titre de dommage-intérêts pour rupture abusive, ainsi que la somme de : - 1525ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - à lui délivrer, sous astreinte de 15 ä par jour de retard passé le délai de huit jours de la notification de la décision, des bulletins de paie, un certificat de travail une attestation ASSEDIC conformes, aux moyens essentiels que : - l'article L 511-1 attribue compétence aux conseils des prud'hommes pour juger les litiges nés de l'exécution et de la rupture du contrat de travail de droit privé, - son contrat de travail est un contrat de droit privé, l'association LE SOU DES ECOLES est une personne morale de droit privé, soumise à la convention collective nationale des entreprises de restauration des collectivités, - la circonstance que le cessionnaire soit une personne de droit public liée à son personnel par des rapports de droit public ne suffit pas à caractériser une modification de l'entité économique transférée, et partant, à faire obstacle au transfert du contrat de travail, - les juridictions judiciaires sont donc compétentes pour statuer sur ce

transfert, - l'activité de restauration en cause est une entité économique autonome au sens de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001ä - cette entité a conservé son identité, son activité a été poursuivie, - la date de la rupture se situe au 30 juillet 2002, date des conclusions de la commune de SAINT LEGER sur ROANNE portant refus explicite de reprendre son contrat de travail, sur le déclinatoire de compétence et l'exception d'incompétence , Considérant qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article L 511-1 du code du travail, les conseils de prud'hommes sont compétents pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs et les salariés; qu'en l'espèce l'objet du litige est l'application de l'article L 122-12 al 2 du code du travail au bénéfice de Madame X..., titulaire d'un contrat de travail de droit privé; que le différend relève donc de la compétence de la juridiction prud'homale; - qu'en effet le moyen tiré, aux fins de renvoi des parties devant le tribunal administratif, de l'adaptation dudit contrat aux règles de droit public alors qu'en l'espèce aucun avenant en ce sens n'a été proposé par la commune de SAINT LEGER sur ROANNE et par suite qu'aucun litige est né à ce titre, n'est pas fondé; de même le moyen tiré, aux mêmes fins, du droit administratif de la responsabilité alors que le fondement de la demande n'est pas la responsabilité de droit commun d'une personne morale de droit public mais l'application du fait du transfert d'une activité de restauration par une personne morale de droit privé, de règles d'ordre public de transfert d'un contrat de travail de droit privé, peu important la qualité de personne morale reprenant l'activité et le caractère sans incidence sur l'identité transférée du service en suite dispensé par cette dernière; Qu'en outre, en cas de violation de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail , le salarié peut à son choix agir contre son nouvel

employeur ou l'auteur du licenciement illégal; que l'argument selon lequel Madame X... n'a pas agi contre l'association LE SOU DES ECOLES est inopérant; Que le déclinatoire de compétence sera rejetée et la disposition du jugement portant rejet de l'exception d'incompétence confirmée; Sur l'application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail Considérant qu'en vertu de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 et l'article L 122-12 alinéa

2 du Code du travail , les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel en cas de transfert d'une entité économique concernant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise; que selon la directive précitée, l'entité économique s'entend comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire; Qu'en l'espèce l'entité de restauration de l'association LE SOU DES ECOLES comportait des moyens propres, corporels et incorporels, permettant la poursuite de son activité: des locaux, des matériels (tables, chaises, vaisselles, couvert), une salariée, des fournisseurs de repas, des candidats à la prise de repas moyennant achat de tickets; que dans ces conditions, la reprise de cette entité, avec ses moyens propres, pour la poursuite de l'activité de restauration en gestion directe par la commune de SAINT LEGER, constitue un transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie, et partant emporte transfert de plein droit du contrat du travail de la salariée de cette entité, Madame X... ; que le licenciement de cette dernière par l'association LE SOU DES ECOLES est sans effet; Et considérant que le refus de la commune de reprendre la salariée nonobstant le transfert de droit de son contrat de travail et malgré la demande de l'association suivant courrier du 2 février 2002 et celle de l'intéressée suivant le courrier du 25 février 2002, produit

les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que ce refus ayant été notifié à Madame X... par les conclusions du 30 juillet 2002 de la commune de SAINT LEGER sur ROANNE, cette dernière est tenue au paiement des salaires et congés payés restant dus à cette date et des indemnités de rupture dont les montants déterminés selon des calculs précis ne sont pas contestés; que l'appelante doit en outre indemniser la salariée de la perte de son emploi par le paiement en réparation, au regard des éléments du préjudice que la cour trouve en la cause et du niveau mensuel brut de rémunération de la salariée en dernier lieu, soit 564,55 ä, de la somme de 6000 ä; Considérant que les intérêts moratoires au taux légal sont de droit et se calculent dans les termes des articles 1153 et 1153-1 du code civil; Considérant qu'en conséquence de ces décisions, la commune nouvel employeur remettra à Madame X... des bulletins de paie et des documents de rupture conformes Que les circonstances n'imposent cependant pas la fixation d'une astreinte, Considérant que la commune de SAINT LEGER sur ROANNE succombe en son appel; que sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ne peut prospérer; qu'au contraire, Madame X... doit être indemnisée de ses frais d'instance; Qu'une somme de 1525 ä lui sera allouée au titre de ses frais de première instance et en cause d'appel, PAR CES MOTIFS Rejette le déclinatoire de compétence, Confirme le jugement en sa disposition portant rejet de l'exception d'incompétence, STATUANT A NOUVEAU AU FOND, condamne la commune de SAINT LEGER sur ROANNE à payer à Madame X... :

avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2002, les sommes de deux mille soixante dix euros et deux centimes (2070,02 ä) à titre de rappel de salaire, deux cent sept euros (207ä) au titre de l'incidence des congés payés, mille cent vingt neuf euros et dix centimes (1129,10 ä) à titre d'indemnité de préavis, Cent douze euros et quatre vingt onze centimes (112,91 ä) au titre des

congés payés afférents , mille deux trois euros et cinquante neuf centimes (1203,59 ä) à titre d'indemnité de licenciement, avec les mêmes intérêts à compter du 9 avril 2003 sur trois mille quatre cents euros (3400ä) et à compter de cet arrêt pour le surplus, la somme de six mille euros (6000 ä) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Dit que la commune de SAINT LEGER sur ROANNE devra remettre à Madame X... des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pour l'ASSEDIC conformes au présent arrêt, Dit n'y avoir lieu à astreinte, Condamne la commune de SAINT LEGER sur ROANNE aux dépens d'appel, Rejette sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, La condamne à verser à Madame X... la somme de mille cinq cent vingt cinq euros (1525ä) en application de cet article.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 2003/03262
Date de la décision : 12/12/2003

Analyses

PRUD'HOMMES - Compétence.

1° En application des dispositions de l'alinéa premier de l'article L. 511-1 du Code du travail, le Conseil de prud'hommes est seul compétent s'agissant d'un litige dont l'objet est l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail.N'est pas fondé le moyen tiré, aux fins de renvoi devant le Tribunal administratif, de l'adaptation d'un contrat de droit privé aux règles de droit public en raison de la qualité du cessionnaire, alors qu'en l'espèce aucun avenant en ce sens n'a été proposé par la commune cessionnaire et par suite qu'aucun litige n'est né à ce titre. 2° Il est indifférent, pour l'application de l'article L. 122-2, alinéa 2, du Code du travail, que le repreneur de l'entité économique soit une personne morale de droit public liée à son personnel par des rapports de droit public et que l'entité économique transférée soit exploitée sous la forme juridique d'un service public administratif ou sous celle d'un établissement public industriel ou commercial.3° L'entité économique au sens de l'article L. 122-2, alinéa 2 du Code du travail, est défini par la directive 2001/23/CE comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.En l'espèce, la reprise d'une entité de restauration avec des moyens propres, corporels et incorporels, en l'espèce des locaux, des matériels, une salariée, des fournisseurs de repas, des candidats à la prise de repas moyennant achat de tickets, pour la poursuite de son activité en gestion directe par une commune, constitue un transfert d'une entité économique conservant son identité, et, partant, emporte transfert de plein droit du contrat de travail de la salariée, de sorte que le licenciement de cette dernière par l'ancien employeur est sans effet et que le refus de la commune de la reprendre produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2003-12-12;2003.03262 ?
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