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07/06/2024 | FRANCE | N°22/04085

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 07 juin 2024, 22/04085


C5



N° RG 22/04085



N° Portalis DBVM-V-B7G-LSTQ



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBR

E SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 19/01316)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 24 juin 2022

suivant déclaration d'appel du 15 novembre 2022





APPELANTE :



Madame [S] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparante en personne





INTIMEE :



La CAF DU RHONE, prise en la personne...

C5

N° RG 22/04085

N° Portalis DBVM-V-B7G-LSTQ

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 19/01316)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 24 juin 2022

suivant déclaration d'appel du 15 novembre 2022

APPELANTE :

Madame [S] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en personne

INTIMEE :

La CAF DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparante, ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu la partie appelante en ses conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier du 9 février 2016, la caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône a notifié à Mme [S] [L] un indu de 7.978,01 euros au titre d'une aide au logement (AL) perçue à tort entre juin 2014 et janvier 2016, et un indu de 382,64 euros au titre d'une allocation de rentrée scolaire (ARS) perçue à tort en août 2015, un contrôle ayant permis de constater que l'allocataire, connue au chômage non indemnisé puis sans activités professionnelles depuis le 27 mars 2014, avait été salariée, commerçante puis autoentrepreneuse depuis juin 2014.

La commission de recours amiable de la caisse a, par décision du 21 juillet 2016, rejeté le recours de Mme [L] contre la suppression de l'ARS pour août 2015, le montant d'AL servi entre juin et décembre 2014 et la suppression de cette allocation à compter de janvier 2015.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble, saisi d'un recours de Mme [L] contre la CAF du Rhône, a par jugement du 24 juin 2022 :

- déclaré le recours recevable mais mal fondé,

- dit que c'est à bon droit que la caisse a notifié un indu de 7.978,01 euros au titre de l'AL et de 382,64 euros au titre de l'ARS,

- condamné Mme [L] à rembourser la CAF,

- débouté Mme [L] de ses demandes de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [L] aux dépens.

Par déclaration du 15 novembre 2022, Mme [L] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions en réponse n° 1 du 25 février 2024 reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [L] demande :

- le rejet des demandes de la CAF,

- l'infirmation du jugement et de la décision de la commission de recours amiable,

- subsidiairement, la condamnation de la CAF à lui payer l'allocation mensuelle de 20 euros qui ne lui est plus versée depuis le 1er janvier 2016 jusqu'au 1er septembre 2016 si ces sommes ne sont pas incluses dans le solde de 7.920 euros,

- à titre reconventionnel, la condamnation de la caisse à lui payer une somme de 7.929,65 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier et que soit ordonnée la compensation des sommes dues et perçues, et 1 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- subsidiairement la condamnation de la caisse à lui payer une somme de 7.929,65 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et que soit ordonnée la compensation des sommes dues et perçues,

- plus subsidiairement que soit ordonnée une remise ou une annulation exceptionnelle de la somme réclamée,

- la condamnation de la CAF aux dépens des deux instances et à lui verser 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La CAF du Rhône ne s'est pas présentée à l'audience ni ne s'est fait représenter pour soutenir ses conclusions du 22 janvier 2024.

Lorsque le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée (article 472 du code de procédure civile).

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions de la partie comparante pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.

MOTIVATION

1. - Mme [L] produit un courrier du 25 mai 2013 envoyé en recommandé à la CAF pour l'informer de sa situation personnelle (divorce, coordonnées bancaires, fin de sa pension alimentaire en 2012, perte d'emploi en 2013), en joignant divers documents (RIB, jugement, avis d'imposition, déclaration de revenus).

Elle produit également un courrier de la CAF du 6 juin 2013 lui demandant des documents listés pour la régularisation de son dossier, dont des déclarations de ressources pour les années 2009 à 2011, et un autre courrier de la CAF du 14 juin 2013 lui demandant la période exacte d'activités en 2012-2013 pour l'étude de ses droits.

Il résulte de ces éléments que Mme [L] connaissait donc l'obligation de déclarer sa situation personnelle, ses activités et ses ressources dès avant les demandes de prestations concernées par la présente instance.

2. - En ce qui concerne les demandes de prestations familiales objet du présent litige, il convient de reprendre les différentes informations déclarées par Mme [L] à la CAF, entre mars 2014 et mai 2015.

Mme [L] a informé la CAF du Rhône, par courrier du 30 mai 2014, être notamment en fin de droits au Pôle emploi avec arrêt des indemnités chômage au 26 mars 2014, et a demandé à la caisse ses droits pour une aide au logement, une allocation de parent isolé ou le revenu de solidarité active (RSA).

Par courrier du 12 juin 2014, la CAF a répondu en demandant, pour l'étude des droits de l'allocataire, une déclaration de situation, une demande d'aide au logement, une attestation de loyer et une demande de RSA.

Le 26 juin 2014, Mme [L] a signé une demande d'aide au logement mentionnant, à titre de « situation(s) professionnelle(s) actuelle(s) », uniquement, une croix pour la rubrique chômeur (indemnisé ou non) en précisant l'être depuis le 12 avril 2013, non indemnisée depuis 3 mois. Sa signature était précédée de la phrase : « Je certifie sur l'honneur l'exactitude de cette déclaration et des documents joints » ; elle était suivie de la mention : « Vous avez l'obligation de signaler immédiatement tout changement modifiant cette déclaration. La Caf/MSA vérifie l'exactitude des déclarations (art. L. 114-19 du Code de la sécurité sociale). La loi punit quiconque se rend coupable de fraude ou de fausse déclaration ».

Une demande de RSA comportait un tableau pour les mois de mars à mai 2014 mentionnant 1.000 euros de pensions alimentaires et 1.261,96 et 1.171,82 euros d'indemnités de chômage pour mars et avril ; il y était également mentionné une absence d'activité professionnelle depuis le 29 avril 2013.

Dans aucune de ces deux déclarations n'était mentionné quoi que ce soit aux rubriques « travailleur indépendant ou employeur » et « auto-entrepreneur ».

Par courrier du 30 avril 2015, la CAF a demandé à Mme [L], au titre d'un contrôle de loyer et ressources, si un changement était intervenu dans sa situation, l'allocataire étant connue sans activité ni revenu. Mme [L] a coché une absence de changement de situation familiale et professionnelle, et au titre des moyens d'existence, elle a mentionné une pension alimentaire, quelques prestations et des prêts divers, dans sa réponse du 15 mai 2015.

Dans une déclaration de situation pour les prestations familiales du 15 mai 2015, Mme [L] a cette fois :

- coché la case « auto-entrepreneur » en précisant l'être depuis 2009 outre une mention de 2.000 euros en 2014 ;

- mentionné, sur la ligne « chômeur », l'être depuis 2013 et officiellement depuis 2015 car elle avait arrêté de pointer.

Une demande de RSA signée le même jour mentionnait une absence d'activité professionnelle depuis mai 2013, une inscription comme demandeuse d'emploi depuis mai 2013 et elle ajoutait avoir demandé une aide au logement et de parent isolé depuis un an. Pour les trois derniers mois, il était indiqué uniquement une ressource de 516 euros comme revenu exceptionnel, et trois sommes de 1.000 euros à titre de pensions alimentaires.

3. - En ce qui concerne les décisions contestées relatives aux indus et diminutions ou suppressions de droits aux prestations familiales, la CAF a notifié à Mme [L], par courrier du 9 février 2016, une information suite à contrôle, un contrôleur s'étant présenté à son domicile le 8 février 2016 et ayant constaté que, alors qu'elle était connue comme étant au chômage non indemnisé puis sans activité professionnelle depuis le 27 mars 2014, lui permettant de bénéficier d'une aide au logement à taux plein depuis juin 2014, elle était en réalité salariée, commerçante puis autoentrepreneuse, ce qui a entraîné un recalcul de ses droits à l'AL depuis juin 2014, un recalcul de ses droits à l'ARS, et des indus de 7.978,01 euros d'AL perçue entre juin 2014 et janvier 2016, et 382,64 euros d'ARS en août 2015.

Mme [L] a saisi la commission de recours amiable qui, le 21 juillet 2016, a rejeté son recours au motif qu'elle était connue en situation de chômage non indemnisé puis sans activité, donc bénéficiaire de la neutralisation de ses ressources annuelles entre 2012 et 2014, alors qu'elle était salariée depuis le 29 mars 2012, au chômage indemnisé du 16 mai 2013 au 26 mars 2014, salariée à compter de mai 2014, travailleuse indépendante en autoentreprise depuis le 21 septembre 2015.

4. - Il ressort enfin des pièces versées au débat par Mme [L] que :

- son inscription au Pôle Emploi a été enregistrée le 23 avril 2013 et la fin d'indemnisation au titre de l'allocation de solidarité spécifique est intervenue le 26 mars 2014 ;

- ses avis d'imposition révèlent des revenus de 12.974 euros de salaires et assimilés en 2012 (outre 15.400 euros de pensions alimentaires) ; 23.195 euros de salaires et assimilés et autres revenus salariaux en 2013 (outre 12.000 euros de pensions alimentaires) ; 12.974 euros de salaires et assimilés et autres revenus salariaux en 2014 (outre les mêmes pensions) ; 10.594 euros de salaires et assimilés en 2015 (idem) ;

- elle a été nommée par décret du 29 mars 2012 comme juge de proximité dans la juridiction de Bourgoin-Jallieu ;

- des états de vacations à lui servir mentionnent 595,60 euros en janvier 2014, 1.637,90 euros en mars 2014, 781,73 euros en juin 2014, 74,45 euros en août 2014, 632,83 euros en décembre 2014, 335,03 euros en février 2015, 781,73 euros en juillet 2015, 744,50 euros en août 2015 ;

- des déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires au Régime social des indépendants de zéro euro en avril et octobre 2014, avril et novembre 2015, 545 euros de vente de marchandises en février 2016 et zéro euro en mai 2016.

Ces éléments montrent que Mme [L], qui reconnaît l'ensemble de ces faits, était indemnisée pour son chômage entre avril 2013 et mars 2014, qu'elle avait une activité de juge de proximité depuis 2012 qui lui procurait des ressources au sujet desquelles elle ne verse pas un détail exhaustif, et qu'elle avait une activité de travailleuse indépendante qui lui procurait également des ressources au sujet desquelles elle ne verse pas davantage la totalité des justificatifs, ses avis d'imposition faisant état de ressources salariales, ou assimilées à des salaires, entre 10.594 et 23.195 euros entre 2012 et 2015.

5. - Mme [L] reconnaît ne pas avoir informé la CAF de son activité de juge de proximité, en se fondant sur les dispositions de l'article 41-22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifié par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003, qui prévoiraient selon elle l'interdiction de mentionner sa qualité de juge de proximité dans tout document et y compris à l'égard de la CAF.

Cet article dispose que : « les juges de proximité peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires (') Les juges de proximité ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l'exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement. » Ainsi, c'est dans les documents relatifs à l'exercice d'une activité professionnelle concomitante à leur activité de juge de proximité qu'il est interdit à ceux-ci de faire état de leur qualité de magistrat. Mme [L] tire donc à tort de ces dispositions l'idée que l'interdiction concernait également toute déclaration à un organisme de sécurité sociale.

En omettant de déclarer son activité de juge de proximité et les ressources qui en découlaient, Mme [L] n'a donc pas satisfait à ses obligations déclaratives.

C'est en vain qu'elle fait valoir que :

- les prestations familiales indues n'auraient pas été versées en 2014 mais avec retard après un an d'attente et rétroactivement à compter de juin 2015, ou après des demandes de justificatifs auxquelles elle a répondu, ceci ne changeant rien au caractère incomplet de ses déclarations ;

- elle n'aurait pas eu connaissance de la distinction entre le montant des ressources, base de calcul des droits, et la situation professionnelle, pouvant impacter les ressources prises en compte, dès lors qu'il lui appartenait de déclarer l'une comme l'autre ;

- elle ignorait que le fait de se déclarer inscrite à Pôle emploi sans indemnité entraînait une neutralisation des ressources, ceci découlant des dispositions légales et réglementaires ;

- le droit à l'erreur est d'autant plus réel que l'envoi de justificatifs permettrait à l'allocataire une moindre vigilance déclarative, surtout au stade de la demande, alors que l'obligation déclarative et l'obligation d'exactitude et de sincérité subsistent et que leur violation peut entraîner des sanctions ;

- et, dans le même ordre d'idée, que le système d'allocations ne serait plus déclaratif dès lors que des justificatifs sont envoyés à la caisse, qui plus est à la demande de celle-ci, permettant à l'organisme d'avoir une vision éclairée de sa situation personnelle et professionnelle, alors que les justificatifs doivent être précédés de déclarations conformes à la réalité ;

- la caisse n'informe pas les allocataires de l'absence de contrôle automatique, alors qu'il appartient à chaque allocataire de respecter ses obligations lorsqu'il demande une prestation familiale ;

- la caisse aurait vérifié sa situation et ses ressources pour lui refuser le bénéfice du RSA ou d'une prime d'activité, alors qu'elle n'établit pas que les critères d'attribution des prestations litigieuses étaient identiques ;

- la CAF aurait accès à Pôle emploi et divers organismes, alors qu'il lui appartient d'abord de respecter ses obligations d'allocataire indépendamment des moyens de contrôle de la CAF ;

- elle n'aurait connu aucun changement dans sa situation entre 2014 et 2016, alors qu'il s'agit ici de l'absence de sincérité de la demande d'AL effectuée en 2014 et en 2015 ;

- elle n'aurait pas perçu d'héritage ni acheté un appartement en 2015, alors que ces éléments ne sont pas retenus à l'occasion de la réclamation des indus par la CAF ;

- l'activité de juge de proximité serait à durée limitée, aléatoire en nombre de vacations, et qu'elle ne serait pas salariée à ce titre ni cotisante à l'assurance chômage ni bénéficiaire de congés payés ou d'avancement de carrière, ou qu'il ne s'agissait pas pour elle d'une activité principale, dès lors que les indemnités de vacation lui ont bien procuré des ressources au titre d'une activité professionnelle entre 2012 et 2016, et notamment, comme elle le rappelle elle-même, une somme de 7.746 euros en 2014 ;

- elle ne serait pas à l'initiative de la demande de RSA en 2015, le débat ne portant pas sur ce point.

Enfin, c'est en vain que Mme [L] se prévaut du fait d'avoir envoyé à la CAF ses avis d'imposition ou des décisions de juge aux affaires familiales mentionnant sa situation, et reproche à la caisse de ne pas en avoir tenu compte dans l'évaluation de sa situation, d'autant que celle-ci réévalue habituellement les droits des allocataires chaque année en vertu de ces avis, dès lors que Mme [L] aurait dû commencer par rédiger des déclarations exactes et complètes pour pouvoir faire grief à la CAF de ne pas avoir étudié suffisamment précisément son dossier et ne pas avoir noté qu'elle avait des revenus provenant d'une cour d'appel ou d'une activité d'autoentrepreneuse.

6. - Mme [L] reconnaît également ne pas avoir informé la CAF dès le départ en 2014 de sa qualité d'autoentrepreneuse, par réel oubli, mais l'avoir fait dans sa demande de 2015, alors qu'aucune AL ou ARS ne lui avait encore été versée, et alors que ses ressources à ce titre étaient très modiques et n'intervenaient que lors de la vente de broderies en fin d'année, donc pour une activité marginale, ponctuelle et insignifiante.

Il n'en demeure pas moins que sa demande de prestations familiales était entachée de cette omission, qu'elle ne justifie pas de ses revenus d'activité indépendante de manière exhaustive, qu'un revenu de 2.000 euros en 2014 n'était pas insignifiant, et que par ailleurs et ainsi qu'il a été vu ci-dessus, tant la demande de prestation de 2014 que celle de 2015 ne mentionnaient pas son activité de juge de proximité et les ressources afférentes.

7. - Au surplus, il convient de rappeler que, même si l'ensemble des déclarations avaient été faites dans les formes et dans le respect des obligations déclaratives, il n'en demeure pas moins que la CAF du Rhône serait en droit de réclamer le remboursement de sommes versées, même par erreur, sur le fondement de l'article 1302-1 du Code civil qui prévoit que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Mme [L] n'a d'ailleurs pas été visée par une procédure de pénalité au regard des dispositions de l'article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale applicables à l'époque des faits litigieux, au sujet des déclarations inexactes ou au caractère incomplet faites pour le service des prestations familiales qu'elle demandait, et n'a pas été qualifiée de personne exempte de bonne foi dans les décisions contestées de la CAF. Ainsi, les sommes réclamées ne constituent pas des pénalités, mais des sommes qu'elle a perçues indument au regard de sa situation et de ses ressources.

8. - Mme [L] demande, à titre subsidiaire, l'application de l'article R. 532-7 du Code de la sécurité sociale pour bénéficier d'un abattement de 30 % sur ses revenus compte tenu de sa situation de recherche d'emploi.

Toutefois, cet article disposait, dans sa version en vigueur du 22 août 2009 au 1er janvier 2016, que : « Lorsque, depuis deux mois consécutifs, la personne ou l'un des conjoints ou concubins se trouve en chômage total et perçoit l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 5422-1 du code du travail ou se trouve en chômage partiel et perçoit l'allocation spécifique prévue à l'article L. 5122-1 du code du travail, les revenus d'activité professionnelle perçus par l'intéressé pendant l'année civile de référence sont affectés d'un abattement de 30 %. (')

Lorsque la personne ou l'un des conjoints ou concubins, en chômage total depuis au moins deux mois consécutifs, ne bénéficie pas ou ne bénéficie plus d'une indemnisation dans les conditions fixées au premier alinéa ci-dessus, ou si l'indemnisation a atteint le montant minimum prévu par l'accord mentionné à l'article L. 5422-20 du code du travail, après application du taux dégressif prévu à l'article L. 5422-3 du même code, il n'est pas tenu compte des revenus d'activité professionnelle ni des indemnités de chômage perçus par l'intéressé durant l'année civile de référence. »

Ainsi, comme Mme [L] ne percevait pas les allocations visées par cette disposition à compter de juin 2014, elle ne pouvait pas bénéficier de l'abattement demandé ; et c'est en vain qu'elle développe une confusion entre la neutralisation des revenus et l'abattement prévus par l'article R. 532-7 puisque la première découle de l'absence de versement d'allocations chômage alors que le second implique le versement de telles allocations.

9. - Mme [L] ne remet pas en cause le calcul de l'indu réclamé par la CAF en dehors de cette question d'abattement.

10. - Mme [L] reproche à la CAF de ne pas justifier en quoi l'ARS était indue au titre de son fils [O], alors que, au regard des déclarations inexactes de Mme [L] relevées par la CAF au soutien de sa réclamation d'indu, il appartenait alors à l'allocataire d'établir qu'elle avait droit à l'allocation sollicitée. Or elle ne développe aucun argument sur ce point.

11. - Mme [L] réclame également le versement de 40 ou 20 euros d'AL de janvier à septembre 2016, mais ne développe aucun moyen sur ce point en sachant que le litige porte sur des indus perçus entre juin 2014 et janvier 2016.

12. - Mme [L] demande des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financiers et moraux.

Au regard des considérations énoncées ci-dessus, Mme [L] ne justifie pas avoir subi un préjudice financier en l'état d'indus devant être récupérés par la CAF et de déclarations incomplètes ayant généré lesdits indus, et ce même avec la prise en compte d'un délai d'un an entre sa demande et le versement des prestations litigieuses. Il convient de noter, au surplus, que Mme [L] ne justifie pas avoir perdu une chance de relogement ni avoir subi un préjudice du fait d'avoir cru pouvoir prétendre à des allocations alors qu'elle n'y avait finalement pas droit en raison de ses déclarations incomplètes.

Compte tenu de ce défaut de déclaration exacte et sincère, elle ne justifie pas davantage une faute ou une négligence fautive de la caisse qui aurait généré pour elle un préjudice moral, d'autant qu'elle motive spécialement cette demande sur des faits postérieurs à 2015 : son renoncement à demander toute allocation à compter de 2016 alors qu'elle y aurait eu droit au regard de la diminution de ses ressources, ce qui découlait donc de son seul choix ; sa nomination comme magistrate en 2018 à l'issue d'un stage probatoire non rémunéré et une procédure anxiogène susceptible de nuire à son image ou impliquant d'importantes recherches juridiques, alors que ses manquements à ses obligations déclaratives résultaient également de ses propres choix.

13. - Dans ces conditions, le jugement sera intégralement confirmé et Mme [L] supportera les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 24 juin 2022,

Y ajoutant,

Condamne Mme [S] [L] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/04085
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.04085 ?
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