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07/06/2024 | FRANCE | N°22/03933

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 07 juin 2024, 22/03933


C3



N° RG 22/03933



N° Portalis DBVM-V-B7G-LSGR



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





Me Nadia BEZZI





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE

SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00377)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 31 octobre 2022





APPELANTE :



L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité a...

C3

N° RG 22/03933

N° Portalis DBVM-V-B7G-LSGR

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Nadia BEZZI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 20/00377)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 26 septembre 2022

suivant déclaration d'appel du 31 octobre 2022

APPELANTE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Gaëlle ACHAINTRE, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

SAS [9], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Julia ROSA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SAS [9] exerce une activité de chaudronnerie et d'usinage de pièces métalliques au sein notamment de deux établissements savoyards situés à [Localité 11] et [Localité 6].

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, l'URSSAF Rhône-Alpes a adressé le 14 juin 2019 à la SAS [9] une lettre d'observations retenant les chefs de redressement suivants :

1. Réduction générale des cotisations : absences - proratisation ; redressement de 333 euros pour l'établissement de [Localité 6] ;

2. Frais professionnels non justifiés ' principes généraux ; redressement de 2.794 euros pour l'établissement de [Localité 6] ;

3. Avantage en nature voyage ; redressement de 401 euros pour l'établissement de [Localité 6] ;

4. Comité d'entreprises : bons d'achats et cadeaux en nature ; observation pour l'avenir ;

5. Assiette minimum des cotisations et rémunérations non soumises à cotisations : majoration pour heures supplémentaires et heures complémentaires ; redressement de 4.380 euros pour l'établissement de [Localité 6] et 8.848 euros pour l'établissement de [Localité 11] ;

6. Réduction générale des cotisations : règles générales ; redressement de 645 euros pour l'établissement de [Localité 6] et 57 euros pour celui de [Localité 11].

Après maintien de l'ensemble des chefs de redressement par l'inspecteur du recouvrement, deux mises en demeure du 1er octobre 2019 ont été adressées par l'URSSAF Rhône-Alpes pour avoir paiement de la somme totale de 18.876 euros correspondant au rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, réparti comme suit, entre les deux établissements de la SAS [9] :

- 9.263 euros, dont 8.553 euros au titre des cotisations et 710 euros au titre des majorations de retard pour le site de [Localité 6] ;

- 9.613 euros dont 8.905 euros au titre des cotisations et 708 euros au titre des majorations de retard pour le site de [Localité 11].

Les points 1, 3 et 4 de la lettre d'observations n'ont pas été contestés par la SAS [9].

En revanche, cette dernière a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône-Alpes s'agissant du point n°2 pour l'établissement de [Localité 6] et des points n°s 5 et 6 pour les établissements de [Localité 6] et [Localité 11].

Par deux décisions du 25 septembre 2020 notifiées le 13 octobre, la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône-Alpes a rejeté le recours de la SAS [9] concernant le chef de redressement n°2 (frais professionnels) mais a transformé en observations pour l'avenir les chefs de redressement n°5 et n°6.

Ces décisions ont fait l'objet d'un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry saisi le 17 décembre 2020 afin de voir « reconnaître l'accord tacite de l'URSSAF concernant l'ensemble des chefs de redressement et d'annuler toutes observations pour l'avenir concernant l'intégration des primes dans l'assiette de calcul des majorations pour heures supplémentaires et celle concernant les frais professionnels ».

Par jugement du 26 septembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- annulé le point 2 « frais professionnels non justifiés ' principes généraux » du redressement notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes à la SAS [9] le 05/09/2019 ;

- condamné l'URSSAF Rhône-Alpes à rembourser à la SAS [9] la somme de 2.347 euros, acquittée par la société au titre du point 2 du redressement ;

- annulé le point 5 « assiette minimum des cotisations et rémunérations non soumises à cotisations : majoration pour heures supplémentaires et heures complémentaires » et le point 6 « réduction générale des cotisations : règles générales » du redressement, transformés en observations pour l'avenir par la commission de recours amiable le 25/09/2020 ;

- condamné l'URSSAF Rhône Alpes aux entiers dépens ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le 31 octobre 2022, l'URSSAF Rhône-Alpes a interjeté appel de cette décision portant sur l'ensemble des dispositions.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 26 mars 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 7 juin 2024.

À la demande du président, les parties ont été autorisées à verser avant le 20 avril 2024 une note en délibéré sur l'effectivité du versement par la société [9] à l'URSSAF de la somme de 2.794 euros au titre du chef de redressement n° 2.

La société [9] a déposé le 10 avril 2024 une note en délibéré, de même que l'Urssaf le 17 avril.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Rhône-Alpes selon ses conclusions d'appelante n° 2 notifiées par RPVA le 4 janvier 2024 reprises à l'audience demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 26 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu'il a :

- annulé le point 2 « frais professionnels non justifiés ' principes généraux » du redressement notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes à la SAS [9] le 05/09/2019;

- annulé le point 5 « assiette minimum des cotisations et rémunérations non soumises à cotisations : majoration pour heures supplémentaires et heures complémentaires » et le point 6 « réduction générale des cotisations : règles générales » du redressement, transformés en observations pour l'avenir par la commission de recours amiable le 25/09/2020 ;

- condamné l'URSSAF Rhône Alpes aux entiers dépens ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le confirmer pour le surplus,

En conséquence et statuant à nouveau sur le dispositif dont il est sollicité l'infirmation,

- débouter la société [9] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

- condamner la société [9] à lui régler la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [9] aux entiers dépens d'instance.

L'URSSAF Rhône-Alpes souligne tout d'abord qu'en l'espèce, il n'est pas question d'un rappel de cotisations sociales mais de la notification d'observations pour l'avenir. Or elle soutient que l'existence d'un accord tacite par nature temporaire, allégué par la SAS [9], ne peut être opposée qu'en matière de redressement et non pas en matière de notification d'observations pour l'avenir de sorte que le moyen soulevé à ce titre est, selon l'organisme, inopérant.

Sur le chef de redressement n°2 « frais professionnels non justifiés ' principes généraux »,elle prétend que les frais d'hôtel pris en charge par l'entreprise ont été remboursés hors situation de déplacement professionnel et doivent dès lors être soumis à cotisations sociales. Elle explique que lorsque Mme [D], domiciliée par choix personnel à [Localité 8] (69), assiste une fois par semaine aux réunions du comité de direction de la société [9] à [Localité 6], elle ne fait que se rendre sur son lieu de travail, le siège social de cette entreprise.

Sur les chefs de redressement n°5 et n°6, l'inspecteur du recouvrement a constaté au regard des bulletins de paie et des fiches individuelles que la majoration des salaires des heures supplémentaires est calculée uniquement par référence au salaire de base, alors que de nombreuses primes sont régulièrement versées aux salariés et doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations (primes de rendement, productivité, responsabilité, exceptionnelle, numérique, de chantier, de poste, d'assiduité et de remplacement du chef de chantier).

Elle soutient que les majorations pour heures supplémentaires doivent être calculées sur la base du salaire horaire effectif dû au salarié, lequel inclut les primes et indemnités qui sont la contrepartie directe du travail fourni par le salarié ou qui sont inhérentes à la nature de ce travail.

Elle estime qu'il importe peu que la prime soit forfaitaire ou collective ou encore indépendante d'un volume horaire.

La SAS [9] au terme de ses conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées par RPVA le 7 février 2024 reprises à l'audience demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 26 septembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu'il a :

- annulé le point 2 « frais professionnels non justifiés ' principes généraux » du redressement notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes à la SAS [9] le 05/09/2019;

- condamné l'URSSAF Rhône-Alpes à rembourser à la SAS [9] la somme de 2.347 euros, acquittée par la société au titre du point 2 du redressement ;

- annulé le point 5 « assiette minimum des cotisations et rémunérations non soumises à cotisations : majoration pour heures supplémentaires et heures complémentaires » et le point 6 « réduction générale des cotisations : règles générales » du redressement, transformés en observations pour l'avenir par la commission de recours amiable le 25/09/2020 ;

- condamné l'URSSAF Rhône Alpes aux entiers dépens ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Subsidiairement,

- juger qu'il existe un accord tacite de l'URSSAF Rhône-Alpes sur ses pratiques concernant les points n°2 et 5 du redressement notifié le 5 septembre 2019.

- juger que les observations pour l'avenir faites par la commission de recours amiable sur les points 2 et 5 du redressement notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes le 5 septembre 2019, sont infondées et doivent être annulées avec comme conséquence :

- l'annulation du point 2 du redressement « frais professionnels non justifiés ' principes généraux » du redressement notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes le 5 septembre 2019 ;

- la condamnation de l'URSSAF Rhône-Alpes à lui rembourser la somme de 2.347 € acquittée par la société au titre du point 2 du redressement ;

- l'annulation du point 5 : assiette minimum des cotisations et rémunérations non soumises à cotisations, majoration pour heure supplémentaire et heure complémentaire.

- confirmer le jugement en ce qui concerne la transformation du point 6 « réduction générale des cotisations, règles générales » du redressement, en observation pour l'avenir par la commission de recours amiable.

- débouter l'URSSAF Rhône-Alpes de ses demandes.

Très subsidiairement,

- confirmer la décision de la commission de recours amiable.

En tout état de cause,

- condamner l'URSSAF Rhône-Alpes de manière reconventionnelle à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'URSSAF Rhône-Alpes aux entiers dépens d'instance et d'exécution en cause d'appel.

A titre principal, la SAS [9] se prévaut d'un accord tacite lors d'un contrôle effectué antérieurement au cours de l'année 2016 portant sur les années 2013, 2014 et 2015 à l'issue duquel il lui a été notifié une lettre d'observations du 6 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du recouvrement n'a pas constaté d'irrégularités pour l'ensemble des établissements. Elle estime en conséquence que le rappel de cotisations sociales n'est pas justifié.

S'agissant des conditions de l'accord tacite, elle précise qu'il y a bien identité de la personne contrôlée et rappelle qu'à la suite d'une fusion-absorption de la société [10] par la holding [7] avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, l'entreprise [10], ainsi dénommée en 2013 et 2014, est devenue la SAS [9], la société contrôlée en 2015.

Elle ajoute que les pratiques de la société [9] n'ont pas changé depuis le dernier contrôle, ni en ce qui concerne la prise en charge des frais d'hôtel de Mme [D], ni en ce qui concerne la détermination de l'assiette de calcul des heures supplémentaires et aussi que, depuis le dernier contrôle de 2016, aucune modification n'est intervenue quant à la législation applicable aux frais professionnels, constante depuis les arrêtés de décembre 2002.

Sur le chef de redressement n°2 « frais professionnels non justifiés ' principes généraux », elle maintient que la prise en charge des frais d'hôtel de Mme [D] s'inscrit dans le cadre de la prise en charge de frais de déplacements pour se rendre aux réunions puisque la salariée, domiciliée dans la banlieue lyonnaise, télétravaille depuis son embauche et que ses frais d'hôtel ont toujours été remboursés.

Sur les chefs de redressement n°5 et n°6 (calcul des heures supplémentaires / intégration des primes de rendement, productivité, responsabilité, exceptionnelle, numérique, de chantier, de poste, d'assiduité et de remplacement du chef de chantier),

elle estime que ni la loi ni notre convention collective ne prévoient que ces primes devraient être intégrées dans le salaire pour le calcul de la majoration pour heures supplémentaires et qu'en outre, ces primes sont déjà soumises à cotisations car intégrées aux salaires.

Elle fait valoir également qu'aucune des primes versées n'est liée au nombre d'heures de travail accomplies par les salariés.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le chef de redressement n° 2

L'article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la lettre d'observations du 14 juin 2019 prévoit que :

« Le redressement établi en application des dispositions de l'article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n'ont pas donné lieu à observations de la part de l'organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l'article R. 243-59 dès lors que :

1° L'organisme a eu l'occasion, au vu de l'ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;

2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées ».

Il est justifié par les pièces versées aux débats que la SAS [10] immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro [N° SIREN/SIRET 2] a fait l'objet d'un contrôle d'assiette de l'URSSAF portant sur les années 2013 à 2015, notamment pour son établissement situé au [Adresse 1] à [Localité 6] (pièce [9] n° 14). À l'occasion de ce contrôle n'ayant donné lieu à aucun redressement dans la lettre d'observations du 6 octobre 2016, les documents consultés ont été, entre autres, les pièces justificatives de frais de déplacement (cf lettre d'observations du 6 octobre 2016 - page 2).

D'autre part selon un traité de fusion du 30 juin 2015 à effet au 1er janvier 2015 dûment enregistré au registre du commerce et des sociétés (cf pièces [9] n°s 10 et 11), la SAS [10] identifiée sous le numéro R.C.S [N° SIREN/SIRET 2] a été absorbée par son actionnaire unique, la SAS [7], immatriculée au R.C.S sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] et désormais dénommée SAS [9] (cf extrait R.C.S [Localité 6] au 10 septembre 2020 pièce intimée n° 11).

La deuxième lettre d'observations du 14 juin 2019 objet du litige a bien été notifiée par l'URSSAF à cette SAS [9] immatriculée [N° SIREN/SIRET 3] (-LO : cf pièce URSSAF n°1) et tant pour son établissement du [Adresse 1] que celui de [Localité 11].

Il s'agit donc bien du même établissement, au sens des dispositions de l'article R. 243-59-7 précité.

En second lieu la situation de fait et de droit était identique, la société [9] ayant justifié en pièce 12 que Mme [R] [D] était déjà salariée et présentait des notes de frais en 2014 et 2015 pour ses frais d'hôtel (pièce [9] n° 12).

Le jugement sera donc confirmé pour avoir retenu que cette pratique avait été validée lors du précédent contrôle et avoir annulé le redressement et condamné l'URSSAF à rembourser la somme correspondante, sauf à rectifier d'office l'erreur matérielle qu'il comporte en ce qu'il ne s'agit pas d'une somme de 2.347 euros mais de 2.794 euros qui correspond dans la lettre d'observations à ce chef de redressement et à prononcer une condamnation en deniers et quittance, puisque l'URSSAF soutient dans sa note en délibéré avoir affecté suite au jugement ce crédit sur d'autres dettes ayant fait l'objet d'un plan d'apurement (majorations de retard 2016-2017 et cotisations novembre 2020).

- Sur les chefs de redressement n° 5 et 6

* Les dispositions de l'article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale relatives à l'opposabilité à l'URSSAF d'un accord implicite antérieur à raison d'un précédent contrôle ne peuvent, en tant qu'elles sont dérogatoires au principe général selon lequel toutes sommes ou avantages procurés directement ou indirectement à un salarié rentrent dans l'assiette des cotisations (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale), que s'interpréter de façon restrictive.

L'URSSAF objecte ainsi à bon droit que dans sa formulation littérale, cet article ne permet d'opposer un accord tacite antérieur qu'à un redressement de cotisation opéré sur le même point contrôlé et non à une observation pour l'avenir.

Le chef de redressement n° 5 et le chef de redressement n° 6 qui en est la conséquence mathématique ne peuvent donc être annulé pour ce motif.

* Sur le fond l'article L. 3121-28 du code du travail dispose que :

« Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

Et l'article L. 3121-36 du même code :

« A défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % ».

Le point n° 5 de la lettre d'observations ne porte pas sur la soumission ou non à cotisations des diverses primes pouvant être versées aux salariés de la société [9] de rendement, de productivité, de responsabilité, exceptionnelle, numérique, de chantier, de poste, d'assiduité, de remplacement du chef d'atelier, mais sur le calcul de l'assiette soumise à cotisations des majorations pour heures supplémentaires versées aux salariés qui, selon les bulletins de salaires remis aux débats (pièce [9] n° 12), l'ont été sur la base de 25 % uniquement du salaire de base, sans intégration d'aucune prime, étant rappelé que dans le cadre d'un dispositif relatif au pouvoir d'achat des salariés, les heures supplémentaires effectuées sont exonérées de certaines cotisations salariales, dans la limite d'un plafond.

L'URSSAF entend ainsi appliquer une assiette de cotisations supérieure à la majoration pour heures supplémentaires perçue concrètement par les salariés qui ne l'ont pas réclamée et ne sont pas parties à la présente instance.

Pour être intégrée au calcul de la majorations pour heures supplémentaires, une prime quelle que soit la qualification qui lui est donnée, doit pouvoir pour être considérée comme un élément du salaire de base, être directement rattachable à l'activité personnelle du salarié, dans son mode de calcul comme dans ses critères de répartition et qu'elle soit ainsi individualisée, c'est à dire en relation avec l'action individuelle et effective d'un salarié, que ce travail ait été fourni individuellement ou collectivement au sein d'un groupe déterminé et identifié.

Les constatations reprises dans la lettre d'observations qui renvoie sur ce point à des annexes non versées aux débats, sont très succinctes puisqu'il est seulement indiqué « qu'au cas particulier et au regard de l'étude des bulletins de paie et fiches individuelles des salariés concernés, doivent être pris en compte les primes et indemnités versées à certains salariés de façon individualisée et les primes et indemnités inhérentes aux conditions de travail » avec ensuite la liste de celles-ci (rendement, productivité, responsabilité, exceptionnelle, numérique, de chantier, de poste, d'assiduité, de remplacement du chef de chantier), ce qui ne permet pas à la cour d'exercer un véritable contrôle puisqu'il est procédé par affirmations et non constatations et déductions de celles-ci détaillées dans la lettre d'observations.

La description de ces primes dans les écritures des parties est cependant concordante et, en l'absence de constatations contraires de l'inspecteur du recouvrement reprises dans la lettre d'observations, il sera pris en compte pour trancher le litige la description qu'en fait la société [9].

* La prime de rendement d'un montant de 10 euros par heure gagnée sur le temps initialement prévu d'une affaire avec un plafond de 200 euros est attribuée aux membres de l'équipe ayant réalisé le travail considéré et peut donc être rattachée à l'activité personnelle d'un salarié au sein d'une collectivité de travail identifiée.

* La prime de productivité est la redistribution du gain obtenu sur une affaire à l'équipe de production qui a travaillé sur le dossier et peut être considérée pareillement.

* La prime de responsabilité de 40 euros par jour est versée au salarié remplaçant le chef d'atelier durant ses absences et procède aussi de l'activité personnelle du salarié ayant remplacé ce chef d'atelier.

* Aucun élément n'a été apporté par la SAS [9] sur la prime exceptionnelle et l'URSSAF n'a pas non plus établi par les éléments versés aux débats si de telles primes ont profité à des salariés en particulier ou à l'ensemble du personnel ; par conséquent elle ne peut rentrer dans l'assiette de la majoration.

* La prime numérique pour les salariés utilisant des machines numériques, la prime de chantier pour ceux affectés sur un chantier et la prime de poste pour ceux travaillant en équipe sont inhérentes aux conditions de travail et n'ont aucun lien avec l'activité personnelle du salarié et ne pourraient être incluses dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires.

* La prime d'assiduité d'un montant mensuel forfaitaire vient gratifier les salariés qui n'ont pas été absents dans le mois et est donc rattachable à leur activité personnelle.

* La prime de remplacement du chef d'atelier est la même que la prime de responsabilité citée précédemment.

En conséquence, le jugement ne sera que partiellement confirmé pour avoir annulé en totalité les points 5 et 6 transformés en observations pour l'avenir s'agissant des primes exceptionnelle, numérique, de chantier, de poste et il sera infirmé pour les primes de rendement, productivité, responsabilité et assiduité, sans préjudice du bien fondé d'un redressement ultérieur de ces chefs.

L'appelante succombant majoritairement en ses prétentions supportera les dépens.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 20/00377 rendu le 26 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry, sauf en ce qu'il a annulé les points n°s 5 et 6 transformés en observations pour l'avenir relativement aux primes de rendement, de productivité, de responsabilité et d'assiduité et l'infirme uniquement de ces chefs.

Rectifie d'office l'erreur matérielle dont il est affecté et dit qu'au dispositif la phrase :

« Condamne l'URSSAF Rhône Alpes à rembourser à la SAS [9] la somme de 2 347 euros, acquittée par la société au titre du point 2 du redressement »,

est remplacée par :

Condamne l'URSSAF Rhône Alpes à rembourser en deniers ou quittances à la SAS [9] la somme de 2 794 euros, acquittée par la société au titre du point 2 du redressement.

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS [9] de sa demande d'annulation des observations pour l'avenir aux point n° 5 : « assiette minimum des cotisations : majorations pour heures supplémentaires » et point n° 6 : « réduction générale des cotisations : règles générales - réintégrations », relativement aux primes de rendement, de productivité, de responsabilité et d'assiduité.

Condamne l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Rhône Alpes aux dépens d'appel.

Déboute l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Rhône Alpes et la SAS [9] de leurs demandes par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03933
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.03933 ?
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