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07/06/2024 | FRANCE | N°22/03896

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 07 juin 2024, 22/03896


C3



N° RG 22/03896



N° Portalis DBVM-V-B7G-LSDG



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBR

E SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00328)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 10 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 27 octobre 2022





APPELANTE :



Madame [F] [T]

née le 08 octobre 1983 à

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Jean-Charles PETIT, avocat au ...

C3

N° RG 22/03896

N° Portalis DBVM-V-B7G-LSDG

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 07 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00328)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 10 octobre 2022

suivant déclaration d'appel du 27 octobre 2022

APPELANTE :

Madame [F] [T]

née le 08 octobre 1983 à

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Charles PETIT, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/000812 du 28/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

La CPAM DE LA SAVOIE, n° siret : [N° SIREN/SIRET 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Juridique

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en la personne de Mme [I] [S] régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 mars 2024,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 22 décembre 2010, Mme [F] [T], à cette époque opératrice de production au sein de la société [6], a été victime d'un accident du travail ce qui a entraîné, d'après le certificat médical initial établi le jour même, une lombalgie aiguë.

Cet accident a été pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la Caisse Primaire d'Assurance maladie (CPAM) de la Savoie suivant notification du 30 décembre 2010.

L'assurée a été déclarée guérie le 7 janvier 2011 suivant notification du 6 mai 2011.

Par la suite, la caisse primaire a pris en charge quatre rechutes au titre de cet accident du travail, déclarées par Mme [T] :

- suivant certificat médical du 12 septembre 2011 mentionnant une « lombo-sciatique droite » dont elle a été déclarée consolidée au 1er mars 2012. Un taux d'IPP de 8 % dont 0 % au titre du taux socioprofessionnel lui a été attribué ;

- suivant certificat médical du 14 novembre 2014 mentionnant une « sciatique bilatérale et lombalgie » dont elle a été déclarée consolidée avec retour à l'état antérieur à la date du 30 novembre 2015 ;

- suivant certificat médical du 25 mars 2016 mentionnant : lombalgies + sciatalgies, étant précisé que la prise en charge, notifiée le 10 octobre 2016, a été décidée après réalisation d'une expertise médicale du docteur [N] désigné après contestation de l'assurée ; l'état de santé de Mme [T] a été déclaré consolidé au 19 novembre 2017 et un taux d'IPP de 18 % a été fixé ;

- suivant certificat médical du 16 janvier 2018 mentionnant : sciatique L4-L5 par hernie discale volumineuse, également prise en charge (le 29 juin 2018) après réalisation d'une expertise médicale par le docteur [W] désigné après contestation de l'assurée ; Mme [T] a été déclarée consolidée avec retour à l'état antérieur au 4 septembre 2020.

Le 25 octobre 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire, notifiée le 25 août 2021, et maintenant le refus notifié le 30 avril 2021 de prendre en charge une cinquième rechute déclarée suivant certificat médical du 30 mars 2021 mentionnant les lésions suivantes :

« rechute du 16/01/2018 - lombalgies + sciatique hyperalgique par hernie L4 L5. Consolidation le 5/09/2020 avec PSPC. Récidive des douleurs suite à une reprise de son ancien poste ».

La commission a fait valoir l'absence de communication par l'assurée des documents demandés et qu'en outre « le lien de causalité avec son accident du travail du 22 décembre 2010 a été retenu par le service médical uniquement pour les rechutes en date du 25 mars 2016 et du 16 janvier 2018 ».

Par jugement du 10 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- dit que Mme [F] [T] ne rapporte pas la preuve que les arrêts et soins postérieurs au 30/03/2021 entrent dans le cadre d'une rechute de l'accident de travail du 22/12/2010 ;

- débouté Mme [T] de sa demande tendant à voir pris en charge par la CPAM de la Savoie, au titre de la législation professionnelle, des arrêts et soins postérieurs au 30/03/2021 ;

- condamné la CPAM de la Savoie aux dépens de l'instance ;

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

Le 27 octobre 2022, Mme [T] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 26 mars 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 7 juin 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [F] [T] selon ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 6 juin 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :

- juger recevable son appel formé à l'encontre du jugement rendu le 10 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

- réformer entièrement cette décision.

- dire que la pathologie décrite dans le certificat médical du 30 mars 2021 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle.

- la renvoyer devant la CPAM pour la liquidation de ses droits.

- condamner la partie adverse aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 pour la procédure de première instance et 1 500 euros pour la procédure d'appel.

Au soutien de sa demande de prise en charge de la rechute, elle fait valoir que la pathologie décrite dans le certificat médical du 30 mars 2021 est imputable à l'accident de travail du 22 décembre 2010 comme ont pu le retenir tous les médecins consultés.

Ainsi elle se prévaut, en cause d'appel, des conclusions du docteur [Y] (pièce 19) qui retient : « Compte tenu de tous ces éléments il est évident qu'il y a un continuum et une imputabilité directe et certaine entre l'activité professionnelle et l'accident du travail de 2010 et la pathologie actuelle ».

Elle rappelle aussi les conclusions des docteurs [N] et [W], s'étant prononcés sur l'imputabilité des deux précédentes rechutes de 2016 et 2018 :

- docteur [N] : « Il existe une relation de causalité directe et certaine entre l'accident du travail du 22/12/10 et la pathologie décrite dans le certificat de rechute du 25/03/16 du Docteur [A] : lombalgies + sciatalgies ».

- rapport d'expertise du Docteur [W] (pièce 12) : « Conclusions : Il existe un lien de causalité direct et certain entre l'AT survenu le 22/12/2010 et les lésions décrites sur le certificat de rechute du Docteur [A] en date du 16/01/2018 ».

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie selon ses conclusions d'intimée déposées le 21 mars 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de :

- constater que l'avis du service médical s'impose à elle ;

- confirmer que la pathologie mentionnée sur le certificat de rechute du 30 mars 2021 n'est pas imputable à l'accident du travail du 22 décembre 2010 ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 octobre 2022 ;

- rejeter la demande formulée par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la présomption d'imputabilité ne s'applique pas aux rechutes qui doivent être considérées séparément les unes des autres. Elle reprend à son compte l'avis du médecin conseil ayant retenu des discopathies étagées et une surcharge pondérale pour exclure l'imputabilité de la rechute à l'accident de 2010.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

En application des dispositions de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2013, la rechute s'entend de toute modification de l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la date de la guérison apparente ou de la consolidation de la blessure.

L'article L. 443-2 du même code prévoit que si l'aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.

Postérieurement à la guérison ou à la consolidation, les lésions ne bénéficient donc plus de la présomption d'origine professionnelle de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et il appartient à l'assuré d'apporter la preuve que l'aggravation ou l'apparition de la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail, sans intervention d'une cause extérieure.

Seules les aggravations de l'état de santé du salarié victime qui ont justifié de nouveaux traitements survenus postérieurement à la consolidation ou à la guérison de l'accident du travail initial ou de la maladie professionnelle initiale du salarié, sont à considérer comme des rechutes.

Mme [T] alors opératrice de production, a été victime le 22 décembre 2010 d'un accident du travail survenu dans les circonstances suivantes selon la déclaration effectuée par son employeur, la société [6] :

- circonstances : en déplaçant un technifil, elle s'est bloquée le dos ;

- appareil utilisé : objets en cours de transport manuel ; accident du travail

- siège des lésions : région lombaire ;

- nature des lésions : douleur d'effort, lumbago.

Le certificat médical établi le même jour décrivait une « lombalgie aiguë » dont elle a été déclarée guérie le 7 janvier 2011.

Le litige se rapporte à une nouvelle rechute selon certificat médical du 30 mars 2021 (pièce assurée n° 14) faisant état de « rechute 16/01/2018 - lombalgies et sciatique hyperalgique par hernie L4L5 - consolidation le 05/09/2020 avec PSPC - récidive des douleurs suite à reprise de son ancien poste. Latéralité : gauche ».

D'après ses déclarations à un précédent expert (Dr [N] : rapport du 20 septembre 2016), Mme [T] n'est plus agent de production mais désormais aide soignante en maison de retraite et agent d'entretien en station service un week end sur deux.

Par sa décision du 25 août 2021, la commission de recours amiable a refusé la prise en charge de la rechute du 30 mars 2021 au motif que le médecin conseil avait été dans l'impossibilité de se prononcer sur le lien de causalité entre les lésions décrites sur le certificat médical de rechute et l'accident du travail, faute d'avoir reçu les documents demandés.

Le tribunal a retenu que, dans le cadre de la présente instance, la régularité de la mesure d'expertise diligentée par la caisse n'est pas contestée et que l'assurée n'a apporté aucun élément médical nouveau de nature à remettre en cause les conclusions d'expertise qui sont claires et sans ambiguïté. Or ces mesures d'expertises pratiquées en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure concernaient les deux précédentes rechutes de 2016 et 2018 mais non celle du 30 mars 2021 pour laquelle aucune mesure d'instruction n'est encore intervenue.

Le tribunal s'est donc prononcé sur un différend d'ordre médical qui aurait nécessité le recours à une telle mesure, dès lors que les deux précédentes expertises article L. 141-1 du code de la sécurité sociale des docteurs [N] du 20 septembre 2016 et [W] du 11 juin 2018 ont toutes deux retenu un lien de causalité directe entre les rechutes des 25 mars 2016 et 16 janvier 2018 et l'accident du travail du 22 décembre 2010.

Cette mesure d'expertise médicale avait été sollicitée à titre subsidiaire par Mme [T] devant la juridiction de première instance.

Le jugement sera donc infirmé et avant dire droit il sera ordonné une mesure d'expertise.

Les demandes de Mme [T] seront réservées, y compris s'agissant des dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n° 21/00328 rendu le 10 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

Statuant à nouveau,

Ordonne une expertise

Désigne le Docteur [Z] [H] - [Adresse 2] pour y procéder avec pour mission après avoir examiné contradictoirement l'intéressée, consulté toutes pièces utiles et entendu tout sachant :

- Convoquer et d'entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs avocats et médecins conseils, recueillir leurs observations ;

- Se faire communiquer par les parties, tous documents médicaux relatifs à l'événement (certificat médical initial, certificats de prolongation et de consolidation, autres certificats, radiographies, scanners, échographies, compte-rendus d'opérations et d'examens, dossier médical...) ;

- donner son avis sur l'existence ou non d'un lien de causalité direct et exclusif entre la rechute décrite au certificat médical du 30 mars 2021 et l'accident du travail du 22 décembre 2010.

Rappelle que le médecin conseil ou la commission médicale de recours amiable doit transmettre au médecin expert ou consultant désigné par la juridiction l'intégralité du rapport médical ayant fondé la décision, sans que puisse lui être opposé le secret médical (article L. 142-10 du code de la sécurité sociale).

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du Code de Procédure Civile, qu'il pourra entendre toutes personnes,

qu'il aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport.

Dit que l'expert devra, au terme des opérations d'expertise, mettre en mesure les parties en temps utile de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport et y répondre ;

Rappelle que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, si elles sont écrites les joindre à son rapport si les parties le demandent, faire mention dans son avis de la suite qu'il leur aura donnée et qu'enfin l'expert peut fixer un délai aux parties pour formuler leurs observations à l'expiration duquel il ne sera plus tenu d'en prendre compte sauf cause grave et dûment justifiée auquel cas il en fait rapport au juge chargé du contrôle de l'expertise.

Rappelle les dispositions de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale : « Les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes dans le cadre des contentieux mentionnés aux 1° et 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L. 142-1 sont pris en charge par l'organisme mentionné à l'article L 221-1 », soit la Caisse Nationale d'Assurance Maladie.

Dit que l'expert dressera rapport de ses opérations pour être déposé au Greffe dans les six mois de sa saisine en un original et une copie après en avoir adressé un exemplaire à chacune des parties en cause.

Dit que l'expert tiendra le magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire informé de l'avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté y afférente.

Dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé à la demande de la partie la plus diligente par simple ordonnance du magistrat de la chambre sociale chargé d'instruire l'affaire.

Sursoit à statuer pour le surplus des demandes dans l'attente du dépôt du rapport.

Rappelle que le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut constater la conciliation des parties sur les conclusions du rapport d'expertise (article 941 du code de procédure civile).

Dit qu'à défaut l'instance sera reprise après dépôt du rapport d'expertise à la requête de la partie la plus diligente.

Réserve les dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 22/03896
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.03896 ?
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