C4
N° RG 21/01089
N° Portalis DBVM-V-B7F-KYY4
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SCP ALPAVOCAT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 31 JANVIER 2023
Appel d'une décision (N° RG F19/00025)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP
en date du 08 février 2021
suivant déclaration d'appel du 01 mars 2021
APPELANTE :
Association VVF VILLAGE LE VERGERET ORIENTAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Marie-Hélène FOURNIER-GOBERT de la SELEURL MHF ASCENT AVOCAT, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS, substituée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIME :
Monsieur [F] [S]
né le 08 Juillet 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 novembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 31 janvier 2023.
Exposé du litige :
Le 27 avril 2016, M. [S] a été engagé par l'Association VVF VILLAGES dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée saisonnier pour la période du 2 mai au 30 septembre 2016 en qualité de chef cuisinier au sein du village Le Vergeret Oriental situé à [Localité 5].
Le 5 avril 2019, M. [S] a saisi le Conseil de prud'hommes de Gap aux fins d'obtenir la condamnation de l'Association VVF VILLAGES à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires et menace de licenciement, une indemnité pour préjudice moral et physique, une indemnité compensatrice de congés payés, et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 février 2021, Conseil de prud'hommes de Gap a :
Débouté M. [S] de :
Sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires et menace de licenciement,
Sa demande d'indemnités pour préjudice moral et physique,
Sa demande de paiement de congés payés,
Condamné l'Association VVF VILLAGES à verser à M. [S] les sommes :
14 211 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées,
1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres frais et dépens,
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision a été notifiée aux parties et l'Association VVF VILLAGES en a interjeté appel.
Par conclusions du 17 novembre 2021, l'Association VVF VILLAGES demande de :
Juger son appel recevable et bien fondé en son appel,
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Gap et notamment en ce qu'il a débouté M. [S] de :
Sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires et menace de licenciement,
Sa demande d'indemnité pour préjudice moral et physique,
Sa demande de paiement de congés payés,
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Gap et notamment en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [S] les sommes de :
14 211 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées,
1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Débouter M. [S] de son appel incident,
Débouter M. [S] de ses demandes,
Condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [S] aux entiers dépens.
Par conclusions du 19 août 2021, M. [S] demande de :
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'Association VVF VILLAGES au paiement :
D'une somme de 14 211 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies sur la période du mois de mai 2016 au mois de septembre 2016,
D'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,
Le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,
Infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a débouté de :
Sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires et menace de licenciement,
Sa demande d'indemnités pour préjudice moral et physique,
Sa demande de paiement de congés payés,
Jugeant de nouveau,
Condamner l'Association VVF VILLAGES à lui payer :
La somme de 1 421,10 euros bruts à titre de congés payés sur heures supplémentaires,
La somme de 3 600 euros nets pour les conséquences du non-paiement des heures supplémentaires sur ses droits Pôle Emploi,
La somme de 3 600 euros nets pour préjudice moral et physique au titre des différents manquements de l'employeur à ses obligations conventionnelles,
Condamner l'Association VVF VILLAGES à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamner l'Association VVF VILLAGES aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
Moyens des parties,
M. [S] fait valoir qu'il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, que le 19 juin 2018 et qu'il a écrit à son employeur formulant un certain nombre de réclamations ayant trait notamment à des heures supplémentaires sur la période de mai à septembre 2016. N'ayant eu aucune réponse de son employeur, en dépit du courrier du 19 juin 2018, mais également de divers appels téléphoniques, il l'a relancé par lettre du 22 août 2018. Il a établi un relevé des horaires effectués sur la période de mai 2016 à septembre 2016 qui fait apparaître 255 heures travaillées au mois de mai, 264 heures travaillées au mois de juin, 399,5 heures travaillées au mois de juillet, 330 heures travaillées au mois d'août et 343 heures travaillées au mois de septembre.
Il soutient que le régime de modulation en place chez VVF VILLAGES ne modifie en rien sa réclamation d'heures supplémentaires, car il existe une disposition spécifique pour les personnes titulaires d'un contrat à durée déterminée saisonnier. Il n'existe aucune anomalie factuelle dans le planning des heures travaillées qu'il a établi. Certaines des pièces produites par l'Association VVF VILLAGES ont été établies pour les besoins de la cause. La comparaison effectuée par l'employeur entre l'activité de restauration en 2016 et en 2019 n'est ni probante, ni pertinente,
Dans tous les cas, l'Association VVF VILLAGES est défaillante dans la fourniture d'éléments de contrôle du temps de travail et il estime avoir droit à une indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
L'Association VVF VILLAGES conteste la demande du salarié au titre des heures supplémentaires. Elle fait valoir qu'elle applique à l'ensemble de son personnel des villages de vacances, un accord relatif à l'aménagement du temps de travail, dit « Accord de modulation». Ce dispositif conventionnel permet de réguler les périodes hautes et basses de fréquentation des sites de l'Association VVF VILLAGES. Elle allègue que le décompte manuscrit du salarié recense 833 heures supplémentaires sur une période de travail de seulement 5 mois, ce qui est impossible eu égard à la taille de l'établissement, au nombre de repas servis et à la composition de l'équipe, et qu'il comporte de nombreuses erreurs et anomalies, à commencer par le caractère strictement identique du nombre d'heures comptabilisées quotidiennement. Elle indique produire de nombreuses pièces pour démontrer le caractère infondé de la demande relative aux heures supplémentaires, qui démontre que l'organisation de la cuisine de l'établissement en 2016 exclut nécessairement tous dépassements de la durée du travail dans les proportions avancées par le salarié.
Réponse de la cour,
Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.
Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [S] verse aux débats au soutien de sa demande, un décompte manuscrit de ses horaires de travail quotidien, et le nombre d'heures effectuées par semaine, sur la période d'exécution du contrat, soit du 2 mai au 30 septembre 2016, dont il ressort que le salarié aurait systématiquement dépassé la durée légale de 35 heures hebdomadaires, et un détail du calcul des rappels de salaire auxquels il prétend au titre des heures supplémentaires qu'il allègue avoir effectuées.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, débiteur de l'obligation de décompter le temps de travail de ses salariés, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Selon le contrat d'engagement du personnel saisonnier du 27 avril 2007, M. [S] a été engagé pour une durée hebdomadaire de 35 heures, et il ressort des bulletins de paie versés aux débats qu'il a toujours perçu une rémunération mensuelle correspondant à 151,67 heures.
S'agissant de l'application de l'accord sur l'aménagement du temps de travail du 3 septembre 2009, maintenu en vigueur par l'effet des dispositions de l'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail, il ressort de l'article 4 de cet accord, intitulé « Règles d'organisation du temps de travail et modulation », que :
L'importance de la fluctuation de l'activité, sur une grande partie de la saison et la variation de charge de travail nécessite de faire varier les horaires de travail en dessus ou en dessous de la durée conventionnelle hebdomadaire selon les règles d'organisation du temps de travail et de modulation définies au présent article (article 4.1) ;
Un calendrier indicatif d'activité détermine par établissement et par service les périodes d'activité et de non-activité en fonction du calendrier d'ouverture et du type d'emploi (article 4.2) ;
Pendant les périodes d'activité, le calendrier indicatif d'activité définit les semaines ou les mois de faible et de forte activité, ainsi que l'horaire qui sera pratiqué pendant chacune de ces périodes (article 4.2) ;
Les horaires de travail prévisionnels sont soit fixes et affichés suivant la réglementation, soit notifiés au personnel concerné au minimum deux semaines avant leur mise en 'uvre par voie d'affichage sur les lieux de travail ou bien par courrier en cas d'absence (article 4.2) ;
Les heures travaillées de chaque salarié sont consignées dans chaque service ou établissement par le responsable concerné sur un tableau d'enregistrement hebdomadaire des horaires quotidiens, signé par chaque salarié, indiquant le solde d'écart (positif ou négatif) par rapport à l'horaire contractuel au début et à la fin de la semaine (article 4.3) ;
Pour chaque salarié, l'établissement ou le service tient un compte individuel d'heures travaillées ou d'absence rémunérées, selon leur nature (article 4.3) ;
A la fin de la période de référence de la modulation, qui correspond à la fin de l'exercice ' soit le 31 octobre actuellement ', ce compte permet de déterminer le nombre d'heures travaillées (article 4.3) ;
Les horaires de travail prévisionnels sont définis par établissement et par service, semaine par semaine, pour une période minimale de 4 semaines consécutives (article 4.4) ;
Sauf demande autre du salarié, la rémunération est lissée sur l'année. Le salaire mensuel est calculé en fonction de l'horaire mensuel moyen prévu au contrat, déduction faite des éventuelles absences (article 4.5) ;
En fin d'exercice, au moyen de décompte individuel d'heures, l'employeur vérifie pour chaque salarié que les heures ouvrant droit à rémunération ont bien été payées et que la moyenne hebdomadaire prévue a bien été respectée (article 4.7) ;
Pour les entrants et les sortants en cours d'exercice ainsi que pour les salariés sous contrat à durée déterminée, la régularisation est effectuée par comparaison entre le nombre d'heures réellement accomplies et celui correspondant à l'application, sur la période de présence du salarié, de la moyenne hebdomadaire prévue (article 4.8) ;
En application de l'annulation du temps de travail, si le compte d'heures est créditeur, les heures seront payées au titre des heures supplémentaires avec majoration en application des dispositions prévues dans la loi Tepa (article 4.8).
L'Association VVF VILLAGES ne verse aux débats ni les horaires de travail prévisionnels correspondant à la période d'emploi du salarié, ni le compte individuel d'heures travaillées ou d'absence rémunérées prévues par les dispositions susvisées de l'accord du 3 septembre 2009.
Dès lors, l'employeur, qui ne démontre pas quelle était la durée de travail prévue, au titre de la modulation autorisée par l'accord du 3 septembre 2009, sur les semaines d'emploi de M. [S], ne peut valablement soutenir que les heures que le salarié a effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures durant la période d'emploi ne constituent pas des heures supplémentaires.
L'Association VVF VILLAGES, tenue de décompter le temps de travail de ses salariés, ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir les horaires de travail réalisés par le salarié durant la période d'emploi.
Il ne peut valablement être invoqué par l'employeur qu'il n'était pas tenu de conserver les documents permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié en vertu des dispositions de l'articles D. 3171-16 du code du travail, cette obligation ne s'appliquant qu'aux relations entre l'employeur et l'inspection du travail.
Dès lors que la prescription en matière de rappel de salaire est triennale, l'Association VVF VILLAGES se devait de conserver ces documents durant trois ans.
De même, l'Association VVF VILLAGES ne peut invoquer le fait que le directeur en poste lors de la période d'emploi de M. [S] a démissionné à compter de septembre 2018, cette circonstance n'étant pas une cause exonératoire de sa responsabilité.
Toutefois, pour démontrer que le salarié n'a pas pu effectuer les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, l'Association VVF VILLAGES verse aux débats :
-Un tableau Excel comptabilisant pour les mois de mai à septembre 2016, le nombre de repas servis le matin, le midi et le soir, ainsi que les nombre de paniers repas, pour chaque jour des mois concernés
-Un tableau des repas servis pour les mois de mai à septembre 2019, duquel il ressort qu'il a été servi significativement moins de repas en 2019 qu'en 2016 ;
Les fiches hebdomadaires des trois salariés employés en cuisine durant la saison 2019, dont il ressort que ceux-ci ont effectué des heures supplémentaires au-delà de la durée légale du travail de 35 heures comprises entre 29,5 et 68,5 heures.
Le salarié ne démontre pas, comme il le soutient, que les tableaux Excel des repas servis durant les saisons 2016 et 2019 auraient été établis pour les besoins de la cause. Il n'est pas contestable que la date apparaissant en haut à gauche de chaque feuille correspond à la date d'impression du fichier. Et il ne peut être déduit de la mention « corrigé » portée dans le nom du fichier du tableau de la saison 2016 que le tableau produit aurait été modifié pour les besoins de la cause.
En conséquence, ces tableaux ne sont pas dépourvus de valeur probante et peuvent être invoqués par l'employeur, notamment, pour établir le nombre de repas servis par jour lors de la période d'emploi du salarié.
Il ressort de la comparaison du tableau produit par l'employeur pour la saison 2016 avec le décompte de ses heures de travail par le salarié que celui-ci a indiqué avoir effectué des heures supplémentaires certains jours du mois de mai 2016 ainsi que les derniers jours du mois de septembre 2016, où aucun repas n'a été servi.
M. [S] n'apporte aucune explication, ni ne produit aucun élément permettant de justifier de l'amplitude horaire qu'il allègue avoir effectuée ces jours-là.
Il doit également être constaté que le nombre de repas servis variait parfois significativement d'un jour à l'autre. Or, il ressort du décompte horaire produit par le salarié que ses horaires de travail ne sont parfois pas cohérents avec la quantité des repas servis, le salarié n'apportant aucune explication sur ce point.
Enfin, M. [S] n'explique pas sur quels éléments, il s'est appuyé pour établir le décompte de ses horaires de travail, ce décompte n'ayant manifestement pas été effectué au fur et à mesure de la relation de travail, mais a posteriori, la cour relevant en outre que les heures de début et de fin de service sont toujours des heures rondes.
S'agissant de la comparaison effectuée par l'employeur entre le nombre de repas servis durant la saison 2016 et le nombre de repas servis durant l'année 2019, il ne peut être retenu, comme l'Association VVF VILLAGES le soutient, que le nombre de repas significativement plus importants servis en 2016, a été compensé par la présence d'un quatrième salarié employé en cuisine au cours de cette saison (quatre salariés en 2016 contre trois salariés en 2019), et qu'ainsi aucun salarié des quatre salariés en poste durant la saison 2016, dont M. [S], n'a effectué d'heures supplémentaires en 2016.
Au contraire, il ressort de la comparaison de ces tableaux et des fiches hebdomadaires des trois salariés employés en cuisine durant la saison 2019 que des heures supplémentaires ont bien été effectuées par le salarié durant sa période d'emploi en 2016.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments et aux éléments de comparaison produits par l'employeur entre l'année 2016 et l'année 2019, il y a lieu de retenir que M. [S] a effectué des heures supplémentaires durant sa période d'emploi qui ne lui ont pas été rémunérées par son employeur qu'il convient d'évaluer à la somme de 1 234,92 euros.
Il y a lieu en conséquence de condamner l'Association VVF VILLAGES à lui payer cette somme à titre de rappel de salaire, outre 123,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Sur la demande au titre du préjudice résultant du non-paiement des heures supplémentaires :
Moyens des parties,
M. [S] fait valoir que le non-paiement des heures supplémentaires a eu des conséquences sur son indemnisation par Pole Emploi puisqu'il s'est retrouvé sans emploi du mois d'octobre 2016 jusqu'au printemps 2017 et pendant toute cette durée son indemnisation par Pôle emploi a été calculée sur la base d'un salaire journalier de référence (SJR) erroné, puisque ne prenant pas en considération les heures supplémentaires effectuées.
M. [S] expose également que le non-paiement des heures supplémentaires a eu également des conséquences sur le calcul de la pension d'invalidité qu'il perçoit depuis le 1er mars 2019.
L'Association VVF VILLAGES fait valoir qu'elle a respecté ses obligations en matière de règlementation sur la durée du travail et de paiement des salaires. Elle soutient que le silence du salarié durant plusieurs années alors même qu'il entreprenait des démarches administratives pour obtenir des revenus de remplacement, décrédibilise la demande d'indemnisation du salarié eu égard au volume d'heures demandées dans le cadre du présent contentieux.
M. [S] ne peut sérieusement alléguer un préjudice au titre d'heures supplémentaires alors, d'une part qu'il n'a pas effectué ces heures, d'autre part, qu'il l'a porté à la connaissance de l'association employeur bien après les démarches entreprise auprès de Pôle Emploi et de l'assurance maladie.
Réponse de la cour,
Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.
M. [S] justifie avoir bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 13 octobre 2016 jusqu'au 31 mars 2017.
Il n'est pas contestable que le montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi est calculé sur la base du salaire journalier de référence, lequel est calculé sur l'ensemble des rémunérations perçues par le salarié, dont les salaires perçus au titre des heures supplémentaires.
M. [S] justifie également qu'il s'est vu attribuer une pension d'invalidité d'un montant de 568,44 euros à compter du 1er mars 2019, et que le montant de cette pension a été calculé sur son salaire annuel moyen de base, lequel a été déterminé notamment à partir des salaires perçus par M. [S] au cours de l'année 2016.
M. [S] établit ainsi qu'il a subi un manque à gagner résultant de l'absence de déclaration et de paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préjudice subi par le salarié sera justement réparé par la condamnation de l'Association VVF VILLAGES à lui payer la somme de 300 euros à ce titre, par infirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et physique :
Moyens des parties,
M. [S] fait valoir que l'Association VVF VILLAGES s'est rendue coupable de plusieurs manquements à son encontre ayant pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé :
Non-respect des dispositions conventionnelles concernant le nombre d'heures supplémentaires,
Non-respect des dispositions de l'accord d'aménagement du temps de travail concernant le repos hebdomadaire,
Non-respect des durées des repos de nuit,
Non-respect de la durée maximum de travail journalière,
Non-respect de la durée maximum de travail hebdomadaire.
M. [S] soutient que ces manquements de l'employeur sont liés à l'absence de mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.Il a subi une charge de travail excessive qui a conduit à la dégradation de son état de santé, laquelle est démontrée par les arrêts de travail qui sont intervenus durant la période d'emploi.
L'Association VVF VILLAGES fait valoir pour sa part que les éléments produits par le salarié ne permettent d'établir de lien entre la dégradation de son état de santé courant 2017, sa situation actuelle, et le travail effectué au sein du village de [Localité 5] durant la saison 2016.
Réponse de la cour,
En application de l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur est tenu, vis-à-vis de son personnel, d'une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique de chaque salarié.
Tel est le cas lorsque l'employeur justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Dès lors que le salarié recherche la responsabilité de son employeur pour violation de son obligation de sécurité de résultat, il lui incombe d'apporter la preuve du manquement qu'il invoque et de démontrer le préjudice subi dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.
Par ailleurs, selon l'article L. 3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.
Selon l'article L. 3121-19 du même code, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoit le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.
Selon l'article L. 3121-20 du même code, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
En outre, selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
Selon l'article L. 3132-2, le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er.
Il est de principe que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail relatifs aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail, qui incombe à l'employeur.
Par ailleurs, il est de principe que le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire applicable, en ce qu'il prive le salarié de repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. Ainsi, le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvre droit à réparation.
Selon l'accord sur l'aménagement du temps de travail du 3 septembre 2009 :
Dans des circonstances extrêmes d'accumulation de contraintes peu prévisibles, la durée maximale hebdomadaire pourra être de 46 heures sur une semaine et 42 heures sur 10 semaines consécutives (article 4.4) ;
La durée journalière minimale est de 3 heures (cf. art. 7.1.2 alinéa 3 de la CCN) et maximale de 10 heures. Cette durée peut exceptionnellement être portée à 12 heures avec l'accord du salarié, sans que cette durée remette en cause le repos de 11 heures entre deux journées de travail (article 4.4) ;
Chaque fois que le service le permet, le personnel bénéficie de 2 jours consécutifs. En période d'activité haute, le minimum de jours de congés hebdomadaires est d'un jour par période de 7 jours, soit dans ce cas un arrêt minimum de 35 heures à compter de la fin du dernier service ; de 6 jours minimum par période de 28 jours. Dans ce cas, les congés hebdomadaires non pris sont différés.
Selon l'article 2 de l'avenant n° 37 du 25 juillet 2001 relatif à l'ARTT de la convention collective nationale de tourisme social et familial du 28 juin 1979, mise à jour du 10 octobre 1984, en vigueur étendu, le contingent annuel des heures supplémentaires rémunérées et ne nécessitant pas l'autorisation de l'inspection du travail est fixé à 9/13 du contingent réglementaire, limité à 30 heures par trimestre pour les saisonniers. Les heures supplémentaires faisant l'objet d'une récupération dans les conditions de l'article 2.2 ci-dessous ne sont pas prises en compte pour le calcul du contingent ainsi fixé.
En cas de litige portant sur le respect du droit d'un salarié à la prise de congés, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Il lui appartient de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
S'agissant du respect de la durée maximale de travail, l'Association VVF VILLAGES, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne produit aucun élément démontrant qu'elle a respecté, durant la relation de travail, la durée maximale de travail prévue par les dispositions légales et conventionnelles susvisées.
S'agissant de la prise des congés, l'Association VVF VILLAGES ne démontre pas qu'elle a pris toutes les mesures propres à permettre à M. [S], qui conteste avoir bénéficié de l'intégralité des jours de congés auxquels il avait droit selon les dispositions conventionnelles susvisées, d'exercer son droit à congé, et ne produit aucun élément démontrant que le salarié aurait bien bénéficié de l'intégralité des jours de congés auxquels il pouvait prétendre sur la période d'emploi.
Enfin, s'agissant du respect de la limite maximale d'heures supplémentaires prévue par les dispositions conventionnelles susvisées, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats par l'employeur que celui-ci aurait respecté cette limite maximale, la cour d'appel ayant précédemment retenu que le salarié avait bien effectué des heures supplémentaires au cours de la période d'emploi.
Le salarié, qui allègue qu'il a subi un préjudice résultant du manquement de l'Association VVF VILLAGES à son obligation de sécurité, en raison du non-respect par celle-ci de la durée maximale de travail et de son droit aux congés, ayant entraîné une dégradation de son état de santé, ne démontre pas que les arrêts de travail dont il fait état (arrêt de travail pour la journée du 11 août 2016 et courriel du Docteur [Z] [D] [G] du 18 mars 2019 dans lequel celui-ci indique que le salarié est venu le consulter le 22 août 2016 et qu'il lui a prescrit un arrêt de travail d'une durée de dix jours) trouveraient leur origine dans ses conditions de travail.
En effet, il ne ressort pas de la fiche de consultation du centre hospitalier d'[Localité 6] datée du 11 août 2016 que les raisons de la consultation du salarié (insomnie et « palpitations ») seraient dues à ses conditions de travail, la seule mentionne « stress ++ » étant insuffisante pour établir ce lien, la fiche mentionnant par ailleurs « Tabac ++, Surpoids, cholestérol » et « Prends du Xanax », ce dont il résulte que le salarié souffrait manifestement de problèmes de santé antérieurement au début de sa période d'emploi.
Toutefois, les différents manquements établis de l'employeur ont nécessairement privé le salarié de repos, à l'origine d'un préjudice qu'il convient de réparer par la condamnation de l'Association VVF VILLAGES à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris est infirmé sur les dépens, et confirmé sur les frais irrépétibles.
L'Association VVF VILLAGES, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [S] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
Débouté M. [S] de sa demande d'indemnités pour préjudice moral et physique,
Condamné l'Association VVF VILLAGES à payer à M. [S] la somme de 14 211 euros au titre des heures supplémentaires,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres frais et dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE l'Association VVF VILLAGES à payer à M. [S] les sommes suivantes :
1 234,92 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
123,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
300 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du non-paiement des heures supplémentaires,
2 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la privation de repos résultant du non-respect par l'employeur de la durée maximale de travail, de la limite maximale des heures supplémentaires, et de l'atteinte du droit à congés de M. [S],
1 500 euros au titre des heures supplémentaires en cause d'appel.
REJETTE le surplus des demandes des parties,
CONDAMNE l'Association VVF VILLAGES aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,