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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01167

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 30 juin 2023, 21/01167


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 1014/23



N° RG 21/01167 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXCB



MLB/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

20 Mai 2021

(RG 18/00459)







































GROSSE :
>

aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [B] [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Julie PENET, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES :



- ASSOCIATION UNION FRANCAISE DES CENTRES DE VACANCES ET DE LOIS IRS

[Adr...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1014/23

N° RG 21/01167 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXCB

MLB/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

20 Mai 2021

(RG 18/00459)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [B] [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Julie PENET, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

- ASSOCIATION UNION FRANCAISE DES CENTRES DE VACANCES ET DE LOIS IRS

[Adresse 1]

[Localité 3]

- S.A.R.L. PEVELE ACCUEIL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentées par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Céline NOEL, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2023

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 avril 2023

EXPOSE DES FAITS

M. [M], né le 8 novembre 1968, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 juillet 1994 en qualité de comptable par l'association UFCV, qui applique la convention collective des métiers de l'éducation, de la culture, des loisirs et de l'animation agissant pour l'utilité sociale et environnementale, au service des territoires et emploie façon habituelle au moins onze salariés.

Il s'est vu notifier une lettre de recadrage le 10 avril 2014 et des avertissements les 12 décembre 2014, 8 juin 2015 et 9 janvier 2018.

Il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 4 décembre 2017 au 18 février 2018.

M. [M] a été convoqué par lettre recommandée du 19 mars 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 27 mars 2018, à l'issue duquel il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 9 avril 2018.

Par requête reçue le 7 mai 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille pour voir annuler les sanctions, faire constater l'illégitimité de son licenciement et obtenir de l'association UFCV et de la société Pévèle Accueil des dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 10 mai 2021 le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la lettre de recadrage du 10 avril 2014 et des avertissements des 12 décembre 2014 et 8 juin 2015, débouté M. [M] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 9 janvier 2018 et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, dit que le licenciement est justifié pour une faute grave, débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes au titre de son licenciement et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté l'association UFCV de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de toutes autres demandes et laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens.

Le 7 juillet 2021, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 1er avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [M] sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes ou l'en a débouté, qu'elle le confirme en ce qu'il a débouté l'association UFCV et la société Pévèle Accueil de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en conséquence qu'elle annule la lettre de recadrage du 10 avril 2014 et les avertissements des 12 décembre 2014, 8 juin 2015 et 9 janvier 2018, juge que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et :

- condamne solidairement l'association UFCV et la société Pévèle Accueil à la somme de 13 843,62 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- condamne l'association UFCV aux sommes de :

4 661,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

466,16 euros au titre des congés payés y afférents

16 652,15 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

39 223,59 euros nets de CSG CRDS et charges sociales à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.

Il demande également la condamnation de l'association UFCV à délivrer une attestation Pôle Emploi conforme à l'arrêt à intervenir sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours suivant sa notification et un certificat de travail conforme à l'arrêt à intervenir sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours suivant sa notification, la cour se réservant expressément la possibilité de liquider les astreintes, qu'il soit jugé que les créances de nature salariale emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation en première instance, que les créances de nature indemnitaire emportent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et que l'association UFCV et la société Pévèle Accueil soient déboutées de l'ensemble de leurs demandes.

Par leurs conclusions reçues le 4 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'association UFCV et la société Pévèle Accueil sollicitent de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté l'association UFCV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé à chaque partie la charge des dépens et condamne M. [M] à payer à l'association UFCV la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, à titre subsidiaire sur le licenciement qu'elle requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamne en conséquence l'association UFCV au paiement de la somme de 14 250,43 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 3 989,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 398,93 euros au titre des congés payés y afférents et déboute M. [M] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement qu'elle condamne l'association UFCV au paiement de la somme de 14 250,43 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 3 989,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 398,93 euros au titre des congés payés y afférents et 5 983,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 12 avril 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande d'annulation de la lettre de recadrage du 10 avril 2014 et des avertissements des 12 décembre 2014 et 8 juin 2015

Selon l'article L.1471-1 du code du travail, t oute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

M. [M] était en mesure d'exercer son droit de contester la lettre de recadrage le 10 avril 2014 et les avertissements des 12 décembre 2014 et 8 juin 2015 dès la notification de ces sanctions. Son action tendant à leur annulation était donc bien prescrite lorsqu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 7 mai 2018. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 9 janvier 2018

L'avertissement notifié à M. [M] le 9 janvier 2018 lui reproche la comptabilisation d'une même facture de 120 euros sur deux exercices distincts et son enregistrement comme étant payée, valant à l'association un avis d'huissier avant opposition sur comptes bancaires, ainsi que la saisie d'une facture de 475,99 euros TTC pour son montant net et non son montant réel, sans tenir compte de l'acompte de 120 euros indiqué ni détecter l'anomalie sur le destinataire du virement.

M. [M] conclut à l'annulation de cette sanction au motif que l'employeur ne communique aucun élément et que le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve.

L'association UFCV répond que M. [M] n'apporte pas la moindre pièce ou le moindre élément en vue de contester la validité de cet avertissement alors qu'en la matière cette preuve n'incombe pas spécialement à l'employeur et que le conseil de prud'hommes a d'ailleurs reconnu la sanction régulière en la forme et parfaitement proportionnée au regard des griefs jugés suffisamment circonstanciés, précis et détaillés.

Les éléments retenus par l'employeur pour sanctionner M. [M] ne sont pas versés aux débats. La cour n'est pas en mesure de vérifier l'existence des faits ayant motivé l'avertissement. Le doute profite au salarié. L'avertissement n'étant pas justifié, il doit être annulé en application des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-6 et L.1234-1 du code du travail, la lettre de licenciement est motivée par des manquements de M. [M] dans la gestion de son travail et la tenue de la comptabilité révélés à l'occasion de l'intervention de collaborateurs de la direction administrative et financière pour la réalisation des travaux de clôture de l'exercice comptable lors de son absence pour maladie du 4 décembre 2017 au 18 février 2018, alors qu'il avait déjà été averti le 9 janvier 2018 pour des manquements dans la conduite de ses missions. La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait état des manquements suivants :

- absence de classement et d'archivage des documents comptables ayant généré du travail supplémentaire pour deux de ses collègues de la direction administrative et financière qui ont retrouvé des remises de chèques BAFA des années 2015 à 2018 empilées sur une étagère, des opérations diverses comptables saisies mais non classés, un classeur avec des bons de commandes datant de 1998, trois chèques de 27,70 euros, 7,28 euros et 373,10 euros datant de 2016, trop anciens pour être encaissés, 44 chèques datant de septembre à novembre 2017 pour un montant total de 1 714,63 euros non encore déposés à la banque et pour 34 d'entre eux pour un montant total de 1 253,73 euros non saisis en comptabilité, quatre enveloppes contenant une somme totale de 279,36 euros issues d'actions de juillet, octobre et novembre 2017 non comptabilisée ni déposée dans le coffre dédié,

- écart de caisse de 300 euros depuis juillet 2017 sans régularisation ni justification auprès de son délégué régional,

- recharge de cartes bancaires prépayées attribuées à certains salariés sans demande de production de justificatifs de dépenses, notamment 17 recharges en 2017 pour le logisticien de [Localité 5] avec 13 opérations ni justifiées ni provisionnées pour un montant total de 8 927,75 euros de mars 2017 à décembre 2017,

- existence d'un solde de 53,94 euros d'une avance en espèce de 1 000 euros au profit de ce même salarié, ni provisionné ni remboursé,

- provisionnement au 31 décembre 2014 d'une charge de 900 euros pour la prestation de la CCA de La Madeleine alors que la facture avait été enregistrée en date du 11 décembre 2014,

- provisionnement au 31 décembre 2014 d'une charge de 800 euros pour la prestation du lycée [7] et saisie de la facture correspondante le 10 octobre 2016 pour 960 euros, sans reprise de la provision,

- saisie d'une facture du fournisseur Bo Ka Ro en date du 31 janvier 2017 sur l'exercice 2018.

Pour caractériser ces griefs, l'association UFCV produit un mail de Mme [U] [C] à M. [K] [Y] en date du 16 janvier 2018 ayant pour objet le « compte rendu comptable Bouvine 15 janvier 2018 », ainsi qu'un compte rendu dactylographié daté du 1er février 2018, émanant de Mme [O] [X] - mission intérim en comptabilité UFCV Nord-Pas de Calais et débutant par la formule : « Ma mission sur [Localité 5] se termine !!! ».

Mme [C] évoque un travail de rangement et de classement effectué dans un premier temps avec Mme [X], indiquant que « rien n'est classé ». Elle fait état d'un gros paquet de remise de chèques BAFA des années 2015 à 2018 ni rangé ni archivé sur une étagère de l'armoire, d'OD saisies par M. [M] mais non classées, d'un classeur avec des bons de commande de 1998. Elle indique qu'un « gros ménage » reste à faire avec « encore une armoire basse à voir ce qu'il y a dedans », deux caissons et des bannettes remplis de documents. Elle ajoute avoir rapporté à [Localité 6] une pochette avec une cinquantaine de chèques (solde de compta, chèques Abelium d'octobre, sortie musée, atelier senior...).

Mme [X] indique pour sa part que la zone « comptable » est maintenant nettoyée et fait état des problèmes qu'elle a constatés et qu'elle impute à un manque de procédure ou à un manque d'application des procédures, s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles une erreur de 300 euros de caisse en juillet n'est pas encore traitée en décembre et des virements sont reçus alors que la facture n'est pas enregistrée, sur le mode de gestion des CB (attribution, rechargement...), la présence d'espèces dans les retours de compta, l'absence des soldes de compta avec les retours, l'absence de numéro de client, de chrono et de code affaire sur les factures clients. Elle fait état du temps passé à la recherche d'informations qui devraient arriver aux services comptables et se demande « comment en arrive-t-on au cauchemar des comptables, à savoir double enregistrement et double règlement ' ».

M. [M] oppose à l'employeur l'épuisement de son pouvoir disciplinaire, la prescription des faits, leur caractère non fautif et la circonstance qu'ils ne sont guère justifiés.

M. [M] fait justement observer qu'aucun élément n'est versé aux débats concernant les manquements allégués aux règles de comptabilisation (CCA de La Madeleine, lycée [7] et facture Bo Ka Ro).

Il fait également justement observer l'absence de production par l'association UFCV d'élément matériel corroborant les comptes rendus de Mmes [C] et [X]. Il apparaît que le grief relatif à des chèques trop anciens pour être encaissés ou non encore déposés à la banque et pour certains non saisis en comptabilité ne repose que sur l'évocation par Mme [C] d'une pochette rapportée à [Localité 6] avec une cinquantaine de chèques, sans description desdits chèques et notamment de leurs dates ni analyse de ces documents. Le grief sur les enveloppes contenant des espèces non comptabilisées ni déposées dans le coffre dédié ne repose que sur l'allusion de Mme [X] à la présence d'espèces dans les retours de compta, sans indication des sommes et des dates des actions concernées. Mmes [C] et [X] ne font pas état du solde non provisionné ni remboursé d'une avance consentie à un salarié. Ces griefs ne sont pas établis, étant observé que M. [M] était en arrêt de travail depuis le 4 décembre 2017 et que le doute lui profite.

Les interrogations de Mme [X] sur la gestion des CB (pourquoi un tel retard dans les retours de CB prépayées ' Pourquoi les fichiers d'intégration excel des CB ne sont pas utilisés ' Qui gère ces CB (attribution, rechargement...) ' Peut-on utiliser la CB prépayée de quelqu'un d'autre') ne permettent pas, en l'absence de réponses à ces questions et d'éléments fournis par l'association UFCV sur la procédure applicable en la matière, d'imputer à M. [M] les rechargements litigieux, notamment au profit du logisticien de [Localité 5], étant observé que, selon la description de la chaîne d'ordonnancement de l'association UFCV, le comptable n'intervient en aucun cas dans le processus d'ordonnancement ou de décaissement.

Apparaissent seuls établis et imputables à M. [M] les griefs relatifs à l'absence de régularisation de l'écart de caisse de 300 euros depuis juillet 2017, évoquée par Mme [X], et le manque de classement et d'archivage des documents comptables, décrit avec précision par Mme [C]. Ces manquements ne relèvent pas d'une insuffisance professionnelle mais bien d'une négligence du salarié.

Toutefois, M. [M] fait justement valoir que les messages de Mme [C] et de Mme [X], tous les deux postérieurs à l'avertissement qui lui a été notifié le 9 janvier 2018, constituent des comptes rendus de leur intervention sur le site de [Localité 5] plutôt que des messages alertant et portant à la connaissance de l'association UFCV la teneur de leurs constatations. Dans sa lettre de licenciement, l'association UFCV rappelle que M. [M] a été absent pour maladie à compter du 4 décembre 2017, période de clôture annuelle des comptes et qu'il a été nécessaire de faire intervenir plusieurs collaborateurs de la direction administrative et financière pour procéder aux différents travaux de fin d'année. Elle ne produit pas d'éléments établissant de façon certaine les dates d'intervention de Mme [C] et de Mme [X] et que ces dernières ne se seraient ouvertes à elle des faits dont elles font état dans leurs comptes rendus qu'à l'occasion de ces comptes rendus. Elle ne produit aucun témoignage en ce sens de Mme [C] et de Mme [X] en réponse à l'argumentation de M. [M]. Mme [X] évoque d'ailleurs, dans son compte rendu, l'aide du personnel du siège qui s'est déplacé pour la soutenir et l'aider, ce dont il ressort que Mme [C] et Mme [X] n'ont pas travaillées isolément mais en coordination et en relation avec le siège.

L'association UFCV ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe d'une part qu'elle n'a été informée qu'après la notification de l'avertissement notifié le 9 janvier 2018 des griefs ayant motivé le licenciement, d'autre part qu'elle n'a eu connaissance de ces griefs que dans les deux mois précédant la convocation à l'entretien préalable du 19 mars 2018, la date du message de Mme [C] du 1er février 2018 étant insuffisante à rapporter cette preuve. Il n'est donc pas établi qu'elle n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire et que les griefs n'étaient pas prescrits lorsqu'elle a engagé la procédure de licenciement.

Dans ces conditions, il y a lieu, infirmant le jugement, de dire que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse. M. [M] a droit aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'association UFCV s'oppose au calcul de M. [M] s'agissant des indemnités de rupture en faisant valoir un salaire de référence de 1 994,64 euros, toutefois inférieur à la moyenne des trois derniers mois de salaire, plus favorable au salarié. L'association UFCV sera en conséquence condamnée à payer à M. [M] la somme de 4 661,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 466,16 euros au titre des congés payés y afférents et celle de 16 652,15 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En considération de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération brute mensuelle, de son âge et de l'absence de tout élément sur sa situation professionnelle depuis son licenciement, il convient de lui allouer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail. L'indemnité allouée est soumise à charges sociales dans les conditions prévues par la loi.

Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'association UFCV des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [M] à hauteur de six mois d'indemnités.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Au soutien de sa demande, M. [M] fait valoir qu'il avait pour instruction de travailler pour le compte de la société Pévèle Accueil, qui assume les prestations de location et de restauration sur le site de l'association UFCV, comme ses entretiens d'évaluation en font état depuis 2003, sans avoir fait l'objet d'aucune déclaration à l'endroit de cette société, qu'il avait deux employeurs, que l'association UFCV ne justifie pas de la régularisation d'une convention de prêt de main d'oeuvre avec la société Pévèle Accueil.

Les intimées répondent que la rédaction d'une convention de mise à disposition n'est pas exigée par la jurisprudence entre une association mère et une société filiale, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un cadre comptable qui doit nécessairement vérifier, au regard de la logique d'intégration fiscale et comptable, les données des filiales. Elle font en outre valoir, à juste titre, que M. [M] ne justifie pas d'un lien de subordination avec la société Pévèle Accueil. En effet, M. [M] n'a jamais cessé de travailler pour le compte de l'association UFCV et s'il a été affecté par l'association UFCV à des missions comptables au sein de sa filiale pour la facturation et les salaires de la société Pévèle Accueil et le suivi des refacturations entre l'association UFCV et la société Pévèle Accueil, l'association UFCV exerçait seule le pouvoir disciplinaire à son égard et procédait seule à l'évaluation de son travail, comme il ressort de ses entretiens d'évaluation sur des supports à en-tête de l'association UFCV.

Cette situation ne caractérise aucune intention de l'association UFCV ou de la société Pévèle Accueil de se soustraire aux déclarations prévues par l'article L.8221-5 du code du travail. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Sur les autres demandes

L'association UFCV devra remettre à M. [M] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [M] les frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la lettre de recadrage du 10 avril 2014 et des avertissements des 12 décembre 2014 et 8 juin 2015, débouté M. [M] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et débouté l'association UFCV de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Annule l'avertissement notifié à M. [M] le 9 janvier 2018.

Dit que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne l'association UFCV à verser à M. [M] :

4 661,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

466,16 euros au titre des congés payés y afférents

16 652,15 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

25 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à l'association UFCV de remettre à M. [M] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à l'arrêt.

Ordonne le remboursement par l'association UFCV au profit du Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [M] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d'indemnités.

Dit que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

Condamne l'association UFCV aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,

Valérie DOIZE

Pour le Président empêché,

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 21/01167
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01167 ?
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