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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00510

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 30 juin 2023, 21/00510


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 1011/23



N° RG 21/00510 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRWH



MLB/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

26 Mars 2021

(RG 19/00253 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [F] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Patrick KAZMIERCZAK, avocat au barreau de DOUAI





INTIMÉ :



M. [U] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par ...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1011/23

N° RG 21/00510 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRWH

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

26 Mars 2021

(RG 19/00253 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [F] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Patrick KAZMIERCZAK, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉ :

M. [U] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Géry HUMEZ, avocat au barreau d'ARRAS

DÉBATS : à l'audience publique du 10 Mai 2023

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 19 avril 2023

EXPOSE DES FAITS

M. [W], né le 14 octobre 1987, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016 en qualité d'ouvrier agricole par M. [Y], qui applique la convention collective de travail concernant les exploitations de polyculture et d'élevage, d'arboriculture fruitière et des CUMA du département du Pas-de-Calais, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 539,45 euros pour 151,67 heures de travail.

Par lettre du 22 novembre 2016, M. [W] a réclamé à M. [Y] le paiement d'heures supplémentaires à hauteur de 3 606,93 euros au titre des mois de septembre et octobre 2016.

Il a fait d'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 21 novembre 2016.

Mis à pied à titre conservatoire et convoqué par lettre recommandée du 30 novembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 16 décembre 2016, auquel il ne s'est pas présenté, M. [W] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 10 janvier 2017.

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«-Vous avez endommagé «l'arracheuse» en percutant un mur d'habitation dans le village de [Localité 6]. Délibérément, vous n'avez pas jugé utile de nous en informer, ce qui a en plus dégradé le matériel que je vous avais confié.

- En octobre 2016, vous avez mal fait votre semis (des routes non semées), et vous avez continué ensuite à mal semer, malgré nos observations. Cela entraîne un préjudice d'exploitation pour notre entreprise.

- Le 19 novembre 2016, vous avez abandonné votre poste de travail sans nous en avertir et sans justifier de votre absence jusqu'au 21 novembre 2016.

- Le 25 novembre 2016 sur la parcelle à [Localité 5], lorsque j'ai repris votre travail d'arrachage des endives, je me suis aperçu que vous avez décalé des routes complètes d'endives et cela durant plusieurs hectares. Je ne peux que constater que vous n'avez absolument pas compté les routes avant de faire l'ouverture de la parcelle.

- J'en déduis donc que vous avez délibérément fait un travail inacceptable.

- Je vous avais fait remarquer que vos heures de travail n'étaient pas normales, car excessive. Or, en octobre 2016, vous prétendez avoir effectué un nombre d'heures totalement impossible.

- Vous n'acceptez pas les remarques sur votre travail et devenez agressif, même à l'égard d'autres intervenants.

Votre comportement est totalement inacceptable et perturbe gravement le fonctionnement de l'entreprise.

Pour seule réponse et pour échapper à vos responsabilités, vous avez sollicité l'organisation d'élections professionnelles à réaliser.

Or, notre entreprise employant moins de 11 salariés, votre demande est non avenue comme vous le savez pertinemment.

Ces faits qui vous sont reprochés constituent donc une faute grave.»

Par requête reçue le 11 septembre 2017 puis, après radiation, demande de réinscription de l'affaire le 24 septembre 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras pour obtenir un rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées, des paniers repas et faire constater l'illégitimité de son licenciement.

Par jugement en date du 26 mars 2021 le conseil de prud'hommes a déclaré le licenciement fondé sur une faute grave, débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes et condamné M. [W] à payer à M. [Y] la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 avril 2021, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions récapitulatives reçues le 10 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [W] sollicite de la cour qu'elle l'accueille en son appel et le dise bien fondé, infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, juge que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamne en conséquence M. [Y] à lui payer les sommes de :

2 147,46 euros pour les heures supplémentaires à 25 % et 50 %

214 euros au titre des congés payés afférents

260,40 euros au titre des paniers repas

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

1 539,45 euros au titre du salaire du mois de décembre

153,94 euros au titre des congés payés afférents

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande également la remise par M. [Y] de tous les documents de fin de contrat dûment modifiés et que M. [Y] soit débouté de toutes ses demandes.

Par ses conclusions n° 2 reçues le 14 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [Y] sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes et l'a condamné au versement de la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'elle le déboute de ses demandes et le condamne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 19 avril 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

 

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

 

En l'espèce, au soutien de sa demande, M. [W] produit des feuillets mentionnant pour chaque jour les horaires effectués selon lui. Il fait valoir des erreurs de calcul de M. [Y] dans l'application des majorations pour heures supplémentaires. Il ajoute que les relevés «prétendument» signés par lui sont incohérents. La cour observe toutefois l'existence d'incohérences entre les relevés d'heures produits par le salarié et ses demandes. A titre d'exemple, il aurait effectué selon son relevé 39,25 heures supplémentaires en septembre 2016 (8,75 la semaine du 5 septembre, 13 la semaine du 12, 13 la semaine du 19 et 24,50 la semaine du 26 septembre) mais demande le paiement de 16 heures au taux majoré de 25 % et 43,25 heures au taux majoré de 50 %, alors que, selon l'article 39 de la convention collective, qui ne déroge pas aux dispositions légales, seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de 8 heures supplémentaires par semaine sont majorées au taux de 50 %. Ces contrariétés entre les heures supplémentaires revendiquées selon son relevé et les majorations appliquées pour son calcul se retrouvent également en octobre et novembre.

M. [Y] oppose en réponse les relevés de temps de travail signés par le salarié, comportant un volume d'heures accomplies chaque jour. Il conteste toute erreur dans le paiement des heures supplémentaires.

La signature apposée sur les relevés produits par l'employeur est similaire à celle du salarié figurant sur son contrat de travail. L'allusion fait par M. [W] au fait qu'il ne serait pas le signataire de ces documents ne peut en conséquence être retenue. Selon ces décomptes, le salarié a bien effectué seulement 16 heures supplémentaires en septembre 2016 (5 la semaine du 5 septembre, 5 la semaine du 12 et 6 la semaine du 19), même si un total de 186 heures travaillées est mentionné de façon erronée au bas du feuillet. Ces 16 heures supplémentaires lui ont bien été payées au taux majoré de 25 % et M. [W] a en outre bénéficié d'un paiement au taux normal pour 167,67 heures au lieu de 151,59 heures dues. Selon le décompte d'octobre signé par le salarié, il a réalisé 32 heures supplémentaires, toutes majorables au taux de 25 %, qui lui ont bien été payées. Aucun relevé d'heures n'est produit par l'employeur pour le mois de novembre 2016. Le bulletin de salaire de novembre 2016 fait cependant apparaître le paiement de 21 heures supplémentaires majorées à 25 % et 25,25 heures supplémentaires majorées à 50 % pour trois semaines de travail. De plus, l'appelant ne s'explique pas sur la contradiction entre les documents qu'il produit et les relevés qu'il a signés. Enfin, M. [B], ouvrier agricole depuis octobre 1995, atteste n'avoir jamais eu de souci avec M. [Y] pour le paiement des heures supplémentaires et M. [G], chauffeur, indique que M. [W] lui a demandé ses heures d'octobre 2016 car il n'avait pas les siennes et lui a dit qu'il rajouterait 2 à 3 heures de plus par jour.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour se convainc de l'absence d'heures supplémentaires réalisées par M. [W] et restées impayées. Le jugement est confirmé.

Sur les paniers

Au soutien de sa demande, M. [W] invoque l'article 54 de la convention collective qui prévoit que «sauf accord écrit, les salariés nourris et logés le seront sans interruption tous les jours même non ouvrables, mais les salariés nourris mais non logés ne le seront que les jours ouvrés».

La seule référence à cette disposition ne suffit pas à justifier un droit pour M. [W] à être nourri et à bénéficier d'une indemnité de panier, en l'absence de toute stipulation contractuelle sur un tel avantage en nature.

Le jugement est confirmé.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application de l'article L.1235-2 du code du travail est motivée par l'accident causé par le salarié avec l'arracheuse et l'absence d'information sur cet accident, la mauvaise exécution de semis ayant persisté après observations, l'abandon de son poste de travail le 19 novembre 2016 sans justificatif de son absence jusqu'au 21 novembre 2016, un travail d'arrachage des endives délibérément bâclé, des prétentions irréalistes en matière d'heures supplémentaires, son agressivité lorsque des remarques lui sont faites sur son travail.

M. [W] conteste l'ensemble des griefs et fait observer qu'il ne s'est pas présenté à l'entretien préalable parce que son employeur n'a pas respecté son obligation de se conformer aux horaires de sortie autorisée. Toutefois, lorsque l'employeur a convoqué le salarié par lettre du 30 novembre 2016 à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 16 décembre 2016 à 11 heures, il ne pouvait par hypothèse savoir que l'arrêt de travail initial serait prolongé à partir du 1er décembre 2016 avec l'obligation pour M. [W] d'être présent à son domicile entre 9 heures et 11 heures. Le salarié n'a pas sollicité le report de l'entretien à un autre horaire.

Concernant l'accident avec l'arracheuse à endives, l'employeur produit un constat amiable établi pour un accident survenu le 3 novembre 2016. M. [Y] explique que ce constat a été signé par son épouse après qu'il a finalement appris l'accident par ses autres salariés et, s'agissant d'un petit village, après que la victime s'est plainte auprès de différentes personnes. Le constat indique que l'arracheuse était conduite par M. [W] et a accroché la maison d'habitation de Mme [R], provoquant des dégâts sur la gouttière de la maison et la tôle de protection de l'échappement de la machine. Le devis du 22 février 2017 évalue à 602 euros HT le changement de la tôle de protection du pot d'échappement. Mme [R] atteste que le conducteur de la machine était un jeune homme qui lui a dit qu'il allait en parler à son patron mais que, n'ayant pas de nouvelles, elle a effectué une réparation de fortune. M. [B], ouvrier agricole, atteste qu'il a constaté les dégâts sur la gouttière lorsqu'ils sont allés chercher l'arracheuse avec M. [W] le 4 novembre, que la «dame» est sortie de son habitation pour leur confirmer que la machine avait accroché le mur et la gouttière, qu'il a dit à M. [W] «qu'il fallait qu'il en parle au patron» et qu'il pensait que son collègue l'avait fait.

M. [W] indique qu'il a commencé sa journée à 7 heures le 3 novembre, selon le SMS envoyé par M. [A], chef d'exploitation, et travaillé 12 heures ce jour, selon les décomptes horaires versés aux débats en première instance par l'employeur, de sorte que l'accident qui serait survenu à 19h30 selon le constat amiable ne peut lui être imputé. Toutefois, M. [W] ne travaillait pas en continu mais bénéficiait, selon ses propres relevés, de pauses méridiennes de 30 minutes à 1 heure, de sorte qu'il n'était pas impossible, au contraire de ce qu'il suggère, qu'il conduise l'arracheuse à 19h30 le 3 novembre 2016. Le procès-verbal de constat n'indiquant pas qu'il est établi le 3 novembre 2016, cette date étant celle de l'accident, M. [W] ne fait pas utilement valoir une contradiction avec les explications de Mme [R] selon lesquelles elle serait restée sans nouvelles après l'accident. La circonstance que Mme [R] ne nomme pas M. [W] et que le salarié n'a pas rédigé et signé le procès-verbal de constat amiable, ce qui n'est pas contesté, est indifférente dès lors qu'il ressort clairement de l'attestation de M. [B] que l'accident a été causé par l'appelant. Le salarié n'a en effet formulé aucune dénégation lorsque M. [B] l'a invité à faire part de l'accident à M. [Y]. Il est donc établi que M. [W] a bien causé l'accident et qu'il s'est gardé d'en aviser son employeur alors que l'accident avait causé des dommages non seulement au matériel de l'entreprise mais également à l'habitation d'un tiers.

S'agissant de la mauvaise exécution répétée des semis, M. [J], second d'exploitation, atteste qu'il a informé M. [W] le 28 octobre 2016 qu'il y avait dû y avoir un problème de manipulation du boîtier de commande du semoir sur les deux parcelles semées les 11 et 14 octobre 2016 et qu'il lui a demandé de surveiller le travail du semoir pour que cela ne se reproduise pas sur les deux parcelles restantes. Il ajoute qu'en dépit des assurances données par M. [W], le problème n'a pas été corrigé et qu'il manquait quatre rangs de semis tous les trois mètres de large sur les deux parcelles semées les 28 et 29 octobre 2016, engendrant une perte de rendement et des complications techniques.

M. [B] atteste pour sa part qu'il a constaté avec M. [Y] le 25 novembre 2016 que compte tenu du réglage du raccord de semoir devant servir de repère, l'arrachage avait été décalé d'une route dès l'ouverture du champ, ce qui était très difficile à reprendre.

M. [W] considère que les reproches sur son travail s'apparentent davantage à une insuffisance professionnelle qu'à une faute grave. Il fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de formation ou à tout le moins d'explications sur le travail à effectuer et la manière de le faire, qu'il n'a jamais été sanctionné et n'a pas reçu d'instructions, contrairement à ce qu'impose la classification 302 de la convention collective. Il ajoute que les photographies produites ne montrent pas un décalage tous les 3 mètres mais à 1,50 m soit au traçage en amont des roues de pulvérisation, que s'il y a trop de traçages c'est en raison de la défaillance de la machine utilisée, laquelle comprend un semoir dont le boîtier doit se désactiver.

M. [W] a été recruté au coefficient 302 correspondant selon la convention collective à un emploi nécessitant une maîtrise professionnelle et une expérience adaptées au besoin du terrain, assuré non plus à partir de consignes, mais d'instructions (explications verbales ou écrites qui ne sont pas détaillées pour chaque phase de travail mais décrivent les conditions générales d'interventions, indiquant le résultat recherché), des capacités de réactions aux difficultés et comportant la mise en 'uvre de capacités d'autonomie et de réactions aux difficultés, d'éventuelles polyvalences et d'adaptabilité aux différentes tâches. Il ne ressort pas du témoignage de M. [J] que lorsqu'il a alerté le salarié sur le problème de manipulation du boîtier de commande du semoir le 28 octobre 2016, M. [W] lui a fait part d'une difficulté liée soit à sa maîtrise du matériel fourni soit à un dysfonctionnement de la machine. Au contraire, M. [W] lui a répondu qu'il n'y avait pas de souci et qu'il s'occupait de résoudre le problème. Il apparaît donc bien que c'est en raison de la négligence fautive de M. [W] que le problème n'a pas été corrigé sur les deux parcelles restantes.

S'agissant de l'abandon par M. [W] de son poste de travail le 19 novembre 2016 sans justificatif de son absence jusqu'au 21 novembre 2016, M. [J] atteste que, le 19 novembre 2019, il a été appelé par M. [W] qui se plaignait du fait que la machine bourrait tout le temps et qu'il n'avançait plus, qu'il lui a annoncé qu'il venait sur place pour se rendre compte des conditions et régler éventuellement la machine avec lui, que lorsqu'il est arrivé sur place, M. [W] était en colère, lui a dit de se débrouiller seul avec l'arracheuse et qu'il démissionnait, qu'il a mis les clefs de l'entreprise dans la cabine d'un des tracteurs présents sur les lieux avant de partir à pied. M. [H], chauffeur agricole, confirme que M. [W] a quitté le chantier en laissant la machine allumée et les bennes au milieu des champs, qu'il était énervé et a dit qu'il s'en allait et en avait marre. Il précise que M. [J] a poursuivi le travail abandonné par M. [W]. L'employeur se prévaut également des stipulations contractuelles selon lesquelles M. [W] s'est engagé à lui communiquer son arrêt de travail dans un délai de 48 heures.

M. [W] lui oppose l'article 46 de la convention collective qui prévoit que le salarié obligé de s'absenter inopinément est tenu de prévenir son employeur par tout moyen dans le délai maximum de trois jours. Il souligne avoir informé son supérieur hiérarchique, M. [J], qu'il partait et, ensuite, son employeur de son arrêt de travail ayant débuté le 21 novembre 2016 dans le délai maximum de trois jours en le lui adressant par lettre recommandée reçue le 24 novembre 2016. S'agissant de la journée du 19 novembre 2016, M. [W] explique qu'il avait travaillé 46 heures cette semaine, qu'il était à bout de nerf, raison pour laquelle il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 novembre 2016, qu'il avait travaillé ce jour-là plus de 12 heures alors que la durée maximale de travail est de 10 heures.

L'avis d'arrêt de travail du 21 novembre 2016 fait état d'un syndrome dépressif réactionnel. L'attestation de Mme [O] produite par M. [W] confirme les témoignages de M. [H] et de M. [J] quant à l'état nerveux de M. [W]. Elle explique qu'il l'a appelée en sanglots à 19 heures en lui disant qu'il avait quitté le chantier, qu'il l'avait déjà appelée dans l'après-midi pour la prévenir que son patron lui demandait de finir la parcelle commencée en arrachage d'endives et qu'il ne rentrerait pas avant 23 heures.

L'employeur ne fournit pas d'éléments explicatifs et justificatifs de nature à contredire les volumes d'heures de travail allégués par M. [W] concernant la semaine et le jour considérés, étant rappelé que 46,25 heures supplémentaires ont été rémunérées pour la période du 1er au 19 novembre 2016. Ces volumes importants de travail, ajoutés aux difficultés mécaniques évoquées par M. [J], peuvent expliquer que le salarié ait pu ne pas supporter la situation, ce qui prive son départ brutal des lieux de tout caractère fautif.

En revanche, alors que M. [H] indique que ce n'était pas la première fois le 19 novembre 2016 que M. [W] se mettait en colère et qu'une fois il avait «balancé une bêche, de rage» qu'il avait failli «prendre sur la figure», l'appelant ne formule aucune observation sur ce geste agressif et dangereux.

Les négligences de M. [W] dans la conduite de l'arracheuse et ses semis, le silence gardé sur l'accident causé avec l'arracheuse et son geste violent avec la bêche sont autant de fautes qui par leur accumulation sur un court laps de temps empêchaient son maintien dans l'entreprise et justifiaient la mise à pied conservatoire et son licenciement pour faute grave.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes au titre du licenciement.

Sur les frais irrépétibles

Il convient de confirmer le jugement du chef de ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne M. [W] aux dépens.

Le Greffier

Valérie DOIZE

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 21/00510
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00510 ?
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