COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00823 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WX
N° de Minute : 828
Ordonnance du lundi 15 mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [M] [P]
né le 19 Novembre 1999 à [Localité 3] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Hubert COCQUEREZ, avocat au barreau de LILLE et de [L] [Z] interprète assermenté en langue ARABE, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du lundi 15 mai 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 15 mai 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 13 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [M] [P] ;
Vu l'appel interjeté par Maître COCQUEREZ venant au soutien des intérêts de M. [M] [P] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 14 mai 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [P], né le 19 Novembre 1999 à [Localité 3] (Algérie), de nationalité Algérienne a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 3 février 2022 avec reconduite vers le pays dont il a la nationalité ou en application d'un accord de réadmission communautaire ou bilatéral à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage, sans délai de départ volontaire de 30 jours pris par M. le Préfet du Pas-de-Calais, et d'un arrêté de placement en rétention administrative pris par M. le Préfet du Nord le 11 mai 2023 et notifié à l'intéressé à 14h05.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 13 mai 2023 à 17h19, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [M] [P] du 14 mai 2023 à 17h07 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
irrégularité du contrôle d'identité,
avis tardif au procureur de la République.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
Sur l'irrégularité du contrôle d'identité :
Il ressort de l'article 78-2 al 1 et 2 du code de procédure pénale qu'un contrôle d'identité peut être effectué d'initiative par un officier de police judiciaire ou un agent de police judiciaire sur ordre d'un officier de police judiciaire lorsqu'il existe une ou plusieurs raison plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis, de tenter de commettre une infraction ou de préparer un crime ou un délit ou encore d'être susceptible de fournir des renseignements utile à une enquête en cas de crime ou de délit.
En l'espèce, il ressort du procès-verbal du 10 mai 2023 à 15h00, que les policiers ont indiqué :
" ---De patrouille portée à bord du véhicule de service ayant pour indicatif [Immatriculation 1], en mission de sécurisation sur la commune de [Localité 5].---
---Équipé d'une camera piéton non active lors des faits,
--Nous trouvons [Adresse 4] à [Localité 5], apercevons trois individus qui pédestrement à notre vue se dispersent et dont l'un cherche à se débarrasser d'un vêtement --
---Décidons à QUINZE HEURES ET CINQ MINUTES (15H05) de procéder au contrôle d'identité des trois individus de sexe Masculin.--- "
Il s'ensuit qu'à la seule vue de la voiture des forces de l'ordre l'intéressé et les deux autres personnes qui l'accompagnait se sont dispersés et que l'un deux a chercher à se débarrasser d'un vêtement, de sorte qu'à la vue de ce comportement suspicieux les policiers ont pu légitimement soupçonner les trois individus d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi que l'a justement relevé le premier juge les conditions d'application de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont remplies et le contrôle d'identité régulier.
Le moyen sera rejeté.
Sur la tardiveté de l'information au procureur de la République du placement en retenue
L'article L 813-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le procureur de la République est informé dés le début de la retenue et peut y mettre fin à tout moment.
Le début de la retenue s'entend de la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire et non de la date de début de la mesure rétroagissant au contrôle d'identité.
Civ 1ère 05 septembre 2018 n° 17-22.507
En l'espèce, M. [M] [P] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 10/05/2023 à 15h05 il a été présenté l'officier de police judiciaire et placé en retenue le 10/05/2023 à 16h10 (avec rétroaction de la mesure de l'heure du contrôle).
Le procureur de la République prés le Tribunal Judiciaire de Lille a été informé le 10/05/2023 à 17h32.
La durée des opérations de contrôle, de vérification auprès des fichiers et la durée de trajet entre le lieu de contrôle et les locaux du commissariat peuvent justifier le délai avant la présentation devant l'officier de police judiciaire.
Toutefois, en l'occurrence, c'est plus d'une 1 heure après le placement en retenue que le procureur de la République a été averti de la mesure, sans qu'il soit justifié de circonstances particulières expliquant cette durée.
Dès lors, il y a lieu de considérer que l'avis à parquet a été tardif et que la procédure et les actes subséquents sont donc irrégulier.
En conséquence, l'ordonnance dont appel sera infirmée, et le placement en rétention administrative de M. [M] [P] sera levé.
PAR CES MOTIFS
ACCORDE l'aide juridictionnelle sue le siège à M. [M] [P] ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
LÉVE le placement en rétention administrative de M. [M] [P] ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THEBAUD,
conseillère
N° RG 23/00823 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WX
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 828 DU 15 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le lundi 15 mai 2023 :
- M. [M] [P]
- l'interprète
- l'avocat de M. [M] [P]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [M] [P] le lundi 15 mai 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Hubert COCQUEREZ le lundi 15 mai 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le lundi 15 mai 2023
N° RG 23/00823 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WX