COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00598 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U272
N° de Minute : 608
Ordonnance du mardi 11 avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [N] [M] [X]
né le 05 Juin 1989 à [Localité 5]
de nationalité Afghane
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne par viso-conférence
assisté de Me Loic LANCIAUX, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de M. [C] [K] interprète assermenté en langue pachtou, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
MONSIEUR LE PREFET DE L'OISE
Bureau des étrangers
[Adresse 1]
[Localité 2]
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT DELEGUE : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assisté de Jean-Luc POULAIN, greffier
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 11 avril 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue par mise à disposition au greffe à Douai le mardi 11 avril 2023 à 15h30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'article L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 avril 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [N] [M] [X] ;
Vu l'appel interjeté par M. [N] [M] [X], ou son Conseil, par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 10 avril 2023 ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
A la suite de la levée d'écrou du CP de [Localité 2] en date du 07 avril 2023 à 09h24, monsieur [N] [M] [X], de nationalité afghane, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par madame la préfète de l'Oise le 07 avril 2023 (09h10) pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de 10 années prononcée par le tribunal correctionnel de Beauvais le 08/07/2022 et confirmée par la cour d'appel d'Amiens le 02 novembre 2022.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 09 avril 2023 (10h53),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative .
' Vu la déclaration d'appel du 10 avril 2023 à 12h23 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au titre de sa déclaration d'appel monsieur [N] [M] [X] expose que sa demande d'asile a été rejetée par l'Ofpra et par la Cour Nationale du Droit d'Asile et soutient les moyens suivants :
Absence de nécessité du placement en rétention administrative en l'absence de toute perspectives d'éloignement vers l'Afghanistan.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le juge judiciaire, qui ne peut statuer sur le choix du pays de destination doit néanmoins s'assurer que le placement en rétention est fondé sur une base légale.
Cette base légale est constituée par l'existence d'un titre administratif.
Il ressort de la compétence exclusive de la juridiction administrative de statuer sur les moyens soutenus de nullité interne ou de nullité externe du titre d'éloignement, le juge judiciaire ne pouvant, au titre du contrôle de la base légale de l'arrêté de placement en rétention administrative, que vérifier l'existence et l'absence de caducité du titre d'éloignement.
De même l'absence de fixation ou l'indétermination du pays de destination est un critère relatif aux perspectives d'éloignement et aux diligences faites pour parvenir à cet éloignement, mais ne constitue pas la base légale du placement en rétention administrative qui n'est constituée que par le titre d'éloignement ou d'expulsion.
Il se déduit de ce principe en premier lieu, que le juge judiciaire ne saurait fonder la décision relative à la prolongation de la rétention administrative sur les critères ayant conduit l'autorité administrative au choix du pays d'éloignement, l'appréciation des conditions de sécurité du dit pays, au titre notamment de l'article 3 de la CEDH, devant fait l'objet d'un contrôle et d'une sanction éventuelle du seul juge administratif.
(Cour de cassation 1ère civile 05 décembre 2018 n° Y 17-30.978)
Il est constant qu'il se déduit également de ce principe, que le juge judiciaire ne saurait fonder la décision relative à la prolongation de la rétention administrative sur son appréciation de l'existence ou l'absence de perspectives d'éloignement vers le pays de destination choisi par l'autorité administrative.
Ce raisonnement revient en effet, implicitement mais nécessairement, à s'arroger un droit de contrôle sur le choix du pays d'éloignement, en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs donnant compétence exclusive au juge administratif pour ce faire.
(Cour de cassation 1ère civile 05 décembre 2018 n° Y 17-30.979)
En conséquence, nonobstant les probabilités réduites d'éloignement en raison de la conjoncture politique de l'Afghanistan, le juge judiciaire ne peut considérer l'arrêté de placement en rétention administrative comme dépourvu de base légale et/ou d'utilité, monsieur [N] [M] [X] n'ayant aucune garantie de représentation, la sanction du choix du pays d'éloignement revenant exclusivement à la juridiction administrative.
Le moyen sera rejeté.
La prolongation du placement en rétention administrative est nécessaire en l'attente du laissez-passer consulaire sollicité avant même la levée de l'écrou, le 04/04/2023 à 15h00.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [N] [M] [X] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Jean-Luc POULAIN, greffier
Bertrand DUEZ, conseiller
N° RG 23/00598 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U272
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 608 DU 11 Avril 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le 11 avril 2023
- M. [N] [M] [X]
- interprète :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [N] [M] [X] le mardi 11 avril 2023
- décision transmise par courriel pour notification à MONSIEUR LE PREFET DE L'OISE et à Maître Loic LANCIAUX le mardi 11 avril 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le mardi 11 avril 2023
N° RG 23/00598 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U272