Cour d'appel de Douai
Chambre des Libertés Individuelles
soins psychiatriques
ORDONNANCE
mardi 11 avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
N° RG 23/00042 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2Z2
N° MINUTE : 45
APPELANTE
Mme [U] [D]
née le 15 Février 1992 à [Localité 5]
actuellement hospitalisée au centre hospitalier d'[Localité 3]
résidant habituellement [Adresse 1]
comparante en personne
assistée de Maître Louis YARROUDH-FEURION, avocat commis d'office, avocat au barreau de Douai
INTIMÉ
M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER D'[Localité 3]
non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
M. le procureur général représenté par M. Olivier DECLERCK, substitut général ayant déposé un avis écrit
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assistée de Jean-Luc POULAIN, greffier
DÉBATS : le mardi 11 avril 2023 à 10 h 00
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe dans le délai prescrit par l'article R 3211-32 al 2 du code de la santé publique (CSP)
ORDONNANCE : rendue à DOUAI par mise à disposition au greffe le mardi 11 avril 2023 à 12h00.
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L 3211-12-2, III, al 5, R 3211-41, R 3211-41, IV, al 1 du CSP ;
Vu les avis d'audience, adressés par tout moyen aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le mardi 11 avril 2023 à 10 h 00, conformément aux dispositions de l'article R 3211 -13 sous réserve de l'article R 3211-41-11 de ce même code ;
FAITS et PROCÉDURE
1-1) Madame [U] [D], fait l'objet de soins psychiatriques contraints impliquant son, hospitalisation complète, sous la responsabilité de M. Le directeur du Centre Hospitalier d'[Localité 3] depuis le 16.06.2022, à la demande d'un tiers en urgence.
1-2) Par décisions en date des 27 juin 2022 et 26 décembre 2022, le Juge des libertés, et de la détention, a autorisé la prolongation de l'hospitalisation complète contrainte dela patiente.
Le Juge des libertés et de la détention a ensuite été saisi, le 27 février 2023, d'une demande de mainlevée de la mesure de soins sans consentement par madame [U] [D].
1-3) Par ordonnance du 10 mars 2023 le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Béthune a fait droit à cette demande de main-levée de la mesure de soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète aux motifs suivants :
'II est patent que l'avis du collège délivré par la clinique de psychiatrie [2] le 2 mars 2023, porte les signatures des Drs [T] [V] et [O] [R], tous deux psvchiatres et participants à la prise en charge de Mme [U] [D], de même que celle de M. [M] [E], cadre de santé participant également à la prise en charge de cette patiente.
Ce collège est donc illégalement et irrégulièrement constitué aux visas des articles L. 3211-9 et R. 3211-2 du code de la santé publique qui disposent tous deux que le collège prévu en cas de demande de mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte conformément à l'article L. 3211-9 dudit code doit être constitué d'un psychiatre participant à la prise en charge de la patiente, d'un psychiatre ne participant pas à sa prise en charge, de même que d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire participant à sa prise en charge. .
De telles illégalité et irrégularité portent donc nécessairement atteinte aux droits de la patiente hospitalisée d' office.
Il résulte donc que la présente procédure de soins sous contrainte de Madame [U] [D] ne peut être maintenue depuis la dernière décision judiciaire rendue le 26 décembre 2022 à son sujet.'
1-4) Par mail du 18 mars 2023 à 15h55 madame [U] [D] a interjeté appel de cette décision exposant :
' Que ses proches (mère) et le personnel hospitalier sont sous emprise de l'église de scientologie et se liguent pour la maintenir en régime de soins contraints, alors qu'elle conteste toute nécessité de ces soins et réfute le syndrome de persécution mentionné par les équipes médicales.
' Qu'il lui est administré des traitements médicaux lourds sans nécessité médicale
' Que la mesure d'hospitalisation complète aurait du être levée le 26 décembre 2022 le juge des libertés et de la détention n'ayant pas été saisi en temps utile.
1-5) Par ordonnance du 27 mars 2023 la conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a considéré cet appel irrecevable faute d'intérêt à agir dans la mesure où la décision pour laquelle madame [U] [D] avait interjeté appel lui donnait satisfaction.
2-1) A la suite de cette main-levée de l'hospitalisation complète, madame [U] [D] est sortie en programme de soins dès le 10 mars 2023 avec les mesures suivantes:
retour au domicile de sa mère
prise de traitement par une infirmière à domicile
IM retard dans le service et consultation médicale mensuelle
2-2) Il ressort du certificat médical du docteur [A] [I] du 13 mars 2023 (12h41) que madame [U] [D] s'est représentée elle-même au service en demande d'une ré-hospitalisation devant une angoisse importante avec somatisation.
Ce certificat constatait la persistance du déni psychiatrique et la nécessité d'une réhospitalisation complète.
2-3) Par décision du directeur d'établissement en date du 13 mars 2023 (14h18) la mesure de soins contraints a donc fait l'objet d'une reprise sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée de un mois.
3-1) Par décision du 24 mars 2023 le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Béthune, statuant en contrôle systématique des soins dans le délai de 12 jours suivant la ré-hospitalisation de madame [U] [D] a considéré qu'il y avait lieu de poursuivre la mesure sous la forme d'une hospitalisation complète.
3-2) Lors de la décision du juge des libertés et de la détention l'état médical de madame [U] [D] était actualisé par un certificat médical du 20 mars 2023 rédigé par le docteur [T] [V], relevant le tableau clinique et psychique suivant :
'Melle [D] [U], patiente connue depuis de nombreuses années pour une schizophrénie résistante aux diverses thérapeutiques.
Le délire de persécution reste très actif avec un déni complet de sa pathologie.
On note un rationalisme morbide. La patiente est constamment dans la négociation du traitement.
Les SDT sont la seule garantie à ce que tribunal administratif patiente accepte l'administration du traitement, étant dans la procédure et dans le respect de la loi.
Par conséquent les SDT sont à maintenir afin d'éviter un arrêt de traitement qui engendrait une majoration de délire, un envahissement affectif et un risque de passage à l'acte.'
4-1) Par mail du 31 mars 2023 à 10h06 madame [U] [D] a interjeté appel de cette décision soulevant l'irrégularité formelle de la mesure et l'inutilité médicale des soins sous la forme d'une hospitalisation complète.
4-2) Au soutien de son appel madame [U] [D] expose principalement :
Qu'elle avait intérêt à contester les décisions de Me Meunier du 26 Décembre (2022) et de Me Lionet du 10 Mars 2023.
Que contrairement aux indications du certificat médical elle ne s'est pas représentée volontairement le 13 mars 2023 pour être ré-hospitalisée mais y a été contrainte par sa mère elle-même 'sous l'influence de la scientologie'.
Qu'elle ne présente aucun symptôme d'une maladie schizophrénique mais plutôt d'une 'maladie vertigineuse développée en chambre d'isolement'
En ce qui concerne la procédure, madame [U] [D] soutient les irrégularité suivantes :
Un collège de médecin mal constitué.
Un maintien en hospitalisation par le président Meunier du Tribunal Judiciaire de Béthune le 26 décembre 2022 qu'elle estime ne pas avoir statué dans les délais légaux
Un harcèlement du corps médical avec intrusion intempestives en chambre
La procédure a été audiencée sur le fond à la cour d'appel de Douai le 11 avril 2023 à 10h00.
Vu les réquisitions de monsieur le procureur général près la Cour d'appel de DOUAI
Vu l'avis psychiatrique motivé en vue de l'audience d'appel rédigé par le docteur [V] le 07 avril 2023
Vu les observations du conseil de madame [U] [D]
Vu l'audition de madame [U] [D]
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens de légalité externe de la mesure
A/ Le moyen tenant au collège médical 'mal constitué' selon les dires de l'appelante, (avis mensuel du collège médical du 02 mars 2023) ne saurait de nouveau être évoqué puisqu'il a justement été sanctionné par la main-levée de la procédure sous la forme d'une hospitalisation complète décidée par le juge des libertés et de la détention de Béthune le 10 mars 2023 pour ce seul motif.
B/ Le législateur, en instaurant un contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention de la régularité des décisions administratives, telles que les admissions en soins sans consentement, et toutes les décisions prises en application des articles L. 3211-1 et suivants du Code de la santé publique, a entendu instaurer une purge de toutes les irrégularités de la procédure de soins psychiatriques sans consentement si bien qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure.
Cette règle, d'évidence procédurale, est également seule à même d'assurer un élément de stabilité nécessaire au bon déroulement des soins administré au patient.
En tout état de cause, et dans le but de répondre à l'interrogation récurrente de madame [U] [D] sur l'irrégularité de la décision de maintien prise à son encontre par le président du Tribunal Judiciaire de Béthune le 26 décembre 2022 à laquelle elle reproche sa tardiveté, il sera rappelé de manière exhaustive :
que la mesure initiale de soins de madame [U] [D] a été commencée le 16/06/2022,
que cette mesure a été validée dans les 12 jours de l'admission et prolongée pour six mois par décision du juge des libertés et de la détention du 27 juin 2022
que, par application de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique, le second contrôle judiciaire doit être effectué dans le délai de six mois à compter de la décision prise dans le délai de 12 jours,
qu'il s'en déduit que le second contrôle de la mesure s'appliquant à madame [U] [D] devait être jugé avant le 27 décembre 2022, ce qui a été le cas puisque la décision a été rendue le 26 décembre 2022.
Il n'existe donc aucune irrégularité de ce chef.
C/ Enfin le juge des libertés et de la détention ne dispose d'aucun élément pour qualifier de 'harcèlement médical' le traitement administré à madame [U] [D].
En tout état de cause il ne relève pas des prérogatives du juge des libertés et de la détention de poser une appréciation sur un traitement médical.
L'appelante n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
2) Sur l'état de santé de madame [U] [D]
L'article L 3212-1 I du code de la santé publique dispose qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
Les soins contraints s'imposent lorsque la personne n'a pas conscience de ses troubles et/ou n'accepte pas volontairement de suivre le traitement médical nécessaire.
Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu'il résulte notamment d'un avis émanant de la Haute autorité de santé s'entend d'une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé.
En l'espèce la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée des avis médicaux produits et par des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la mesure de soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète.
Y ajoutant :
1) La cour de cassation a considéré que dès lors que les certificats et avis médicaux répondent aux prescriptions du code de la santé publique et sont suffisamment précis et circonstanciés pour lui permettre d'exercer son contrôle du bien-fondé des mesures de soins, les appréciations médicales portées dans ces certificats médicaux s'imposent au juge.
(Cass 1ère civ 27 septembre 2017 n° 16-22.544)
Tel est le cas en l'espèce puisque les avis médicaux sont circonstanciés et motivés. Aucune pièce produite à l'appui de la déclaration d'appel de madame [U] [D] n'est de nature à corroborer un quelconque 'acharnement médical' sur la personne de cette dernière qui impute, de manière récurrente, comme il est indiqué dans sa déclaration d'appel, la totalité de sa situation à 'une machination ourdie par l'église de scientologie.'
2) L'actualisation de l'état de santé de madame [U] [D] par la production d'un avis médical actualisé en vue de l'audience d'appel rédigé le 07 avril 2023 par le docteur [V] n'est pas de nature à modifier les appréciations de fait et de droit du juge des libertés et de la détention dés lors que l'état psychique de madame [U] [D] est décrit comme suit :
'Le délire de persécution reste très actif avec un déni complet de sa pathologie. On note un rationalisme morbide. La patiente est constamment dans la négociation du traitement...'
En conséquence la décision de première instance devra être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement (après débats en chambre du conseil) par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe de la juridiction
Confirme l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Béthune en date du 24 mars 2023.
Laisse les dépens tant de première instance que d'appel aux frais du trésor public.
Jean-Luc POULAIN, greffier
Danielle THEBAUD, conseillère
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 11 Avril 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
- Mme [U] [D]
- Maître Lousi YARROUDH FEURION
- M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER D'[Localité 3]
- M. le procureur général
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert au requérant et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
''''
- copie au Juge des libertés et de la détention de BETHUNE
- communication de la décision au tiers demandeur, le cas échéant
Le greffier, le mardi 11 avril 2023
N° RG 23/00042 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2Z2
COUR D'APPEL DE DOUAI
Service : Chambre des libertés indivuduelles
Référence : N° RG 23/00042 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2Z2
à l'audience publique du mardi 11 avril 2023 à 10 H 00
Magistrat : Danielle THEBAUD, conseillère
Mme [U] [D]
M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER D'[Localité 3]
Occultations complémentaires : ' OUI ' NON
' Appliquer les recommandations d'occultations complémentaires
Complément ou substitution aux recommandations de la Cour de cassation :
Décision publique : ' OUI ' NON
Signature