ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 100/23
N° RG 20/01178 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7TD
OB/VDO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
12 Février 2020
(RG 17/00504 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [E] [W]
[Adresse 1]
représenté par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
S.A.R.L. LITEYEAR EST, en liquidation judiciaire
S.C.P.[O]L [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LITEYEAR EST [Adresse 3]
n'ayant pas constitué avocat, assignation en intervention forcée delivrée le 30 mai 2022 à personne habilitée
Association CGEA AGS de [Localité 4], [Adresse 2]
n'ayant pas constitué avocat, assignation en intervention délivrée le 17 mai 2022 à personne habilitée
DÉBATS : à l'audience publique du 06 Décembre 2022
Tenue par Olivier BECUWE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE :
M. [W] a travaillé à compter du 24 janvier 2013 en qualité de vendeur à domicile indépendant.
Par contrat du 23 octobre 2013, il a été engagé à durée indéterminée en qualité de vendeur, représentant et placier (VRP) non exclusif par la société Liteyear Est (la société) pour la prospection et la vente aux particuliers d'abonnement d'énergie, de téléphonie et d'accès internet.
Il a été en arrêt maladie du 10 février 2014 au 31 avril 2016 avant d'être déclaré inapte, par avis du médecin du travail du 1er décembre 2016, dans le cadre d'une visite de reprise liée à une maladie ou un accident non professionnel.
Disant s'étonner de ne pas avoir eu de nouvelles de la société consécutivement à l'avis d'inaptitude, le salarié indique s'être alors rapproché de son employeur en lui rappelant, par lettre du 8 mars 2017, l'obligation subséquente de reclassement et de paiement des salaires.
M. [W] a été convoqué à un entretien préalable puis, par lettre du 28 avril 2017, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il a saisi en mai 2017 le conseil de prud'hommes de Lille de demandes en paiement de complément de salaires, des congés payés, de l'indemnité de licenciement, des frais de visite médicale et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par un jugement rendu le 12 février 2020, la juridiction prud'homale l'en a débouté.
Par déclaration du 15 mai 2020, le salarié a fait appel.
Par conclusions notifiées le 9 août 2020, auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens, l'appelant sollicite l'infirmation du jugement et réitère ses prétentions initiales, ce à quoi s'oppose la société intimée par des conclusions notifiées le 14 septembre 2020.
Par jugement du tribunal de commerce du 9 juin 2021, la société a été placée en liquidation judiciaire et la société de mandataires judiciaires [O] [V] a été désignée, prise en la personne de M. [O], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire.
M. [W] a fait assigner en intervention forcée, par actes d'huissier des 17 et 30 mai 2022, le liquidateur ainsi que l'association Unedic pour la garantie des créances des salariés agissant par l'intermédiaire du centre de gestion et d'étude de [Localité 4] (l'AGS-CGEA) lesquels n'ont pas constitué.
MOTIVATION :
Les conclusions de la société n'ayant pas été reprises par la liquidateur, il s'en déduit que celle-ci, bien que constituée, est réputée défaillante.
L'arrêt sera, par ailleurs, réputé contradictoire dès lors que ni le liquidateur, ni l'AGS-CGEA, assignés en leur personne, n'ont constitué avocat.
Mais la cour doit, conformément à l'article 472 du code de procédure civile, vérifier que l'appel est fondé.
1°/ Sur le rappel de salaire :
A - Sur le principe :
Les conclusions de l'appelant ne sont pas dépourvues d'ambiguïté et apparaissent lacunaires sur la période de 12 mois justifiant, selon lui, un rappel de salaire.
M. [W] ne soutient pas, par exemple, qu'informé de la date de la fin de l'arrêt de travail à compter du 1er mai 2016, la société devait, conformément à l'article R. 4624-31 du code du travail, organiser une visite de reprise et que, faute pour elle de l'avoir organisée alors qu'il s'était tenu à sa disposition, le salaire était dû.
Il ne déclare d'ailleurs même pas qu'il aurait recommencé à travailler à compter du 1er mai 2016.
Le salarié insiste bien davantage, dans ses conclusions, sur la période postérieure à l'avis d'inaptitude du 1er décembre 2016 et sur l'application de l'article L.1226-4 du code du travail relatif à l'obligation pour l'employeur, à l'expiration du délai d'un mois qui suit l'avis d'inaptitude, de reprendre le paiement du salaire à défaut de reclassement ou de licenciement.
En l'espèce, ce délai peut courir du 1er janvier 2017 au 28 avril 2017, étant précisé qu'il n'est pas démontré le respect par l'employeur de la procédure prévue afférente à l'article L.1226-4.
Le périmètre de la demande doit donc être fixée à 4 mois.
B - Sur le montant :
M. [W] se prévaut d'un salaire mensuel de 1 198,22 euros.
Mais, ainsi qu'il résulte de son contrat de travail, il avait été engagé pour occuper les fonctions de VRP non exclusif rémunérées à la commission.
Il ne soutient pas qu'il était, dans les faits, VRP exclusif, et bénéficiaire à ce titre d'une rémunération conventionnelle minimale garantie.
Il ressort des fiches de commission que le salarié a été payé à compter du mois de décembre 2013 jusqu'à son arrêt de travail, le 10 février 2014, au titre de l'activité qu'il avait alors déployée sur cette période pour la somme globale en brut, décommissionnement compris, de 1 655,97 euros, soit, au titre des 3 mois et demi d'activité du 23 octobre 2013 au 10 février 2014, un revenu mensuel moyen de 473,13 euros en brut (1 655,97 / 3,5).
Il a donc droit, au titre de l'absence de reprise du paiement du salaire, à la somme de 1 892,53 euros en brut (473,13 x 4).
2°/ Sur les congés payés :
A - Sur le principe :
M. [W] ne conteste pas que son absence pour maladie l'a été pour un motif non professionnel de sorte que n'ayant pas été effectivement travaillée, la période du 10 février 2014 jusqu'au licenciement ne lui a pas fait acquérir de congés.
Par ailleurs, s'il a commencé à travailler à compter du 24 janvier 2013, c'était en qualité de vendeur à domicile indépendant ce qui, en l'absence de précisions supplémentaires, ne lui ouvrait pas droit au statut de salarié.
Il s'ensuit que la seule période d'acquisition de congés a été du 23 octobre 2013 au 10 février 2014, soit 3,5 mois.
La durée du congé annuel étant de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif, et le statut de VRP étant sur ce point soumis au droit commun en application de l'article D.7313-1 du code du travail, il s'ensuit que M. [W] a droit à 8,75 jours de congés payés (2,5 x 3,5) qu'il n'a pu prendre.
B - Sur le quantum :
La règle du dixième aboutit au rappel d'indemnité compensatrice dans les conditions suivantes :
473,13 euros / 10 = 47,31 euros, à multiplier par 8,75 jours de congés payés, soit la somme globale de 413,96 euros.
3°/ Sur l'indemnité de licenciement :
L'appelant n'apparaît pas réclamer d'indemnités conventionnelles de rupture ou encore une indemnité de clientèle.
Il se borne, en réalité, à solliciter, par des conclusions qui auraient gagné à être plus précises, une indemnité légale de licenciement, ce qui suffit à exclure la définition plus favorable de l'ancienneté prévue à l'article 18 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 étendu.
L'ancienneté à retenir est donc celle correspondant au service effectif dans l'entreprise en vertu de l'article R.1234-1 du code du travail, soit, comme il l'a été calculé précédemment, la durée de 3,5 mois.
Cette durée est inférieure au minimum requis par l'article L.1234-9 en sa version alors applicable.
La demande sera donc rejetée et il sera ajouté au jugement qui n'a pas statué.
4°/ Sur les frais de visite médicale :
L'appelant produit les photocopies de ticket de caisse du 1er décembre 2016, date à laquelle il a dû se rendre à [Localité 5] pour sa visite médicale de reprise de travail, pour un montant de 140,16 euros.
Ces frais auraient dû être pris en charge par la société en vertu de l'article R.4624-39 du code du travail, fondement applicable et non précisé par l'appelant.
Il y sera donc fait droit.
5°/ Sur les dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [W] ne soutient pas véritablement que la non-reprise du paiement du salaire en violation de l'article L.1226-4 du code du travail constitue un manquement justifiant que la rupture soit rendue imputable à l'employeur, étant observé, sur ce point, que le licenciement avait déjà été prononcé, en l'espèce, lors de la saisine du conseil de prud'hommes de sorte qu'un tel manquement n'aurait pu ouvrir droit qu'à réparation au titre du préjudice subi, comme la Cour de cassation l'a d'ailleurs déjà jugé (Soc., 24 juin 2009, n° 07-45.006).
Il prétend que la société n'a recherché aucun reclassement, ce qui n'apparaît pas réfuté.
Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais le préjudice doit être évalué en application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail en leur version alors en vigueur.
Compte tenu de l'ancienneté de l'ordre de quelques mois et de la faible rémunération moyenne telle que calculée précédemment, le préjudice de perte d'emploi sera réparé par l'octroi d'une somme de 200 euros.
6°/ Sur les frais irrépétibles :
Il sera équitable d'allouer à l'appelant la somme de 1 000 euros au titre des frais d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
- confirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il déboute la société Liteyear Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, dit que le licenciement de M. [W] n'est pas fondé ;
- fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Liteyear Est les sommes suivantes :
* 1 892,53 euros en brut au titre du rappel de salaire ;
* 413,96 euros en brut au titre des congés payés ;
* 140,16 euros au titre des frais engagés pour la visite médicale ;
* 200 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- dit que l'AGS-CGEA garantit le paiement de ces sommes et s'en acquittera entre les mains de la société de mandataires judiciaires [O] [V], prise en la personne de M. [O], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire ;
- fixe au passif de la liquidation judiciaire la somme de 1 000 euros à titre de frais irrépétibles d'appel ainsi que les dépens de première instance et d'appel ;
- rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Olivier BECUWE