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27/04/2017 | FRANCE | N°17/00545

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 27 avril 2017, 17/00545


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 27/04/2017



***



- JOUR FIXE -



N° de MINUTE :

N° RG : 17/00545



Ordonnance de Référé (N° )

rendue le 20 décembre 2016 par le président du tribunal de commerce de Dunkerque





APPELANTE

Société Aramis Entreprises Company prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant s

on siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Henri Najjar, membre du cabinet De...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/04/2017

***

- JOUR FIXE -

N° de MINUTE :

N° RG : 17/00545

Ordonnance de Référé (N° )

rendue le 20 décembre 2016 par le président du tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTE

Société Aramis Entreprises Company prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Henri Najjar, membre du cabinet Delviso, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES

Société Tranvast Shipping Co Limited prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social

à la société [Adresse 2]

[Adresse 2]

assignée le 08 février 2017 à personne habilitée, n'ayant pas constitué avocat

SAS Traxys France, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Fabien Chapon, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Christophe Nicolas avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Kalia Barrial, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Stéphanie André, conseiller

Nadia Cordier, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse Zandecki

DÉBATS à l'audience publique du 07 mars 2017 tenue en double rapporteur par Marie-Laure Dallery et Nadia Cordier, après accord des parties et rapport oral de l'affaire par Marie-Laure Dallery.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 avril 2017 après prorogation du délibéré en date du 06 avril 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Marie-Laure Dallery, président, et Maryse Zandecki, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Aramis Entreprises Company (ci-après Aramis), dont le siège social est [Adresse 1]), est propriétaire armateur du navire Nikator.

Suivant une charte-partie à temps du 31 août 2016, Aramis a donné en affrètement le navire Nikator à la société la société Tranvast Shipping Co Limited, (Tranvast) dont le siège social est [Adresse 1]), pour une période estimée à 55 jours.

Selon une charte-partie au voyage émise le 5 septembre 2016, la société Traxys France (Traxys) a affrété le navire Nikator auprès de Tranvast pour un voyage du port chinois [Établissement 1] au port français de [Établissement 2].

La marchandise (9 897,84 tonnes métriques de bauxite), chargée par la société de droit chinois [K] Yongzheng Metals and Minerals and co ([K]), au port chinois [Établissement 1] a été transportée au port français de [Établissement 2] pour le compte de Traxys en tant que destinataire de la marchandise sur la base d'un connaissement CONGENBILL du 9 septembre 2016, émis par l'agent du transporetur Aramis.

Par une ordonnance sur requête du 6 décembre 2016, le président du tribunal de commerce de Dunkerque a autorisé Aramis à faire pratiquer une saisie conservatoire au port [Établissement 3] de 1 500 tonnes de bauxite issues de la marchandise à bord du navire Nikator et à les consigner entre les mains de la société [A], en tant que tiers séquestre, pour sûreté, garantie et conservation de la somme de 200 000 USD, à laquelle la créance d'Aramis a été provisoirement fixée (Pièce n° 6-1 de Aramis).

Par ordonnance sur requête du 9 décembre 2016, le président du tribunal de commerce de Dunkerque a de même autorisé Aramis à faire pratiquer une saisie conservatoire au port [Établissement 3] de 1 500 tonnes de bauxite issues de la marchandise à bord du navire Nikator et à les consigner entre les mains de la société [A], en tant que tiers séquestre, pour sûreté, garantie et conservation de la somme de 218 450 USD, à laquelle la créance d'Aramis a été provisoirement fixée (Pièce n° 7-1 de Aramis).

Les saisies ont été réalisées suivant procès-verbal d'huissier respectivement des 8 et 9 décembre 2016 (Pièce n°6-2 et 7-2).

Par acte du 14 décembre 2016, Traxys France a fait assigner Aramis en référé d'heure à heure devant le tribunal de commerce de Dunkerque .

Par acte du même jour, Aramis, a fait assigner Tranvast en référé d'heure à heure devant le même tribunal et a fait dénoncer cette assignation à la société Traxys France.

Par ordonnance de référé du 20 décembre 2016, le Président du tribunal de commerce de Dunkerque a :

- confirmé la jonction des instances ;

- déclaré hors de cause M. le capitaine du navire Nikator ;

- observé au surplus que le caractère opposable de la présente décision à la société Tranvast résulte de l'assignation délivrée à [Établissement 2] le 14 décembre 2016 chez son consignataire ;

- ordonné le cantonnement des deux saisies pratiquées à l'encontre de la société Traxys France pour se limiter à un total de 70 tonnes de bauxite provenant de la cargaison de ce navire, impliquant mainlevée pour le surplus, et réduit la sûreté correspondante à l'équivalent en euros à la date de la présente ordonnance de la somme de 10 000 USD ;

- autorisé d'office la substitution à cette garantie d'une caution qui serait fournie en faveur de la société Traxys France par tout établissement bancaire ayant siège en France et établissement dans le ressort ;

- débouté en l'état Aramis de sa demande d'organisation de la vente des marchandises demeurant saisies ;

- rejeté toutes les demandes d'indemnités procédurales ;

- fait masse des dépens pour être supportée par moitié par la société Aramis Entreprises Company et par moitié par la société Tranvast Shipping Co Limited.

Par acte du 6 février 2017, Aramis, suivant ordonnance du 1er février 2017 d'autorisation d'assignation à jour fixe, a fait assigner les sociétés Tranvast et Traxys France.

Par des conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2017, Aramis prie la cour, au visa notamment des dispositions de l'article 2286 du code civil, L. 5423-1 et l'article L. 5422-8 du code des transports, de l'article 110-10 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 3 du décret n°66 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, de l'article 48 du même décret repris à l'article R. 5422-15 du code des transports et l'article 53 du même décret repris à l'article R. 5422-20 du code des transports, de :

- dire qu'elle est créancière de la somme de 153 128,79 USD à parfaire, au titre de fret impayé et de la somme de 218 450 USD, à parfaire, au titre de fournitures de soutes ;

- dire qu'elle a un droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse sur la base de l'article 18 de la Charte-partie à temps en date du 31 août 2016,expressément visées dans les ordonnances des 6 et 8 décembre 2016, un droit de rétention légal sur la marchandise litigieuse sur la base de l'article 2286 du code civil, un droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse sur la base du connaissement du 9 septembre 2016 et un privilège légal sur la marchandise litigieuse, en tant que transporteur maritime, sur la base de l'article L. 5422-8 du code des transports ;

- dire qu'en tout état de cause, Traxys ne démontre pas avoir effectué le paiement de sommes quelconques à Tranvast et qu'en conséquence, elle bénéficie également du privilège consacré aux articles L 5423-3 et suivants du code des transports, sur l'intégralité de la marchandise litigieuse,

En conséquence,

- dire que les saisies pratiquées sur la marchandise litigieuse et leur consignation entre les mains de la société [A], en tant que tiers séquestre sur la base des ordonnances du 6 et du 8 décembre 2016, sont bien fondées ;

- révoquer l'ordonnance du 20 décembre 2016 ;

- dire que Traxys devra restituer les 2 930 tonnes de bauxite saisies sur la base des ordonnance des 6 et 8 décembre 2016 et les consigner entre les mains de la société [A] en tant que tiers séquestre ou à défaut, consigner un montant de 309 650 euros entre les mains de M. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Douai en qualité de séquestre ou à remetre une garantie bancaire du même montant émise par une banque française de premier rang ;

- condamner Traxys à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts sur la base de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner Traxys France et Tranvast Shipping à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Traxys France, par des conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2017, demande, au visa des articles L 5423-3 et suivants du code des transports et de l'article 1199 du code civil (anciennement 1165), de confirmer l'ordonnance entreprise ayant ordonné la mainlevée de la saisie pour 2 930 tonnes de bauxite et de l'infirmer en ce qu'elle a miantenu la saise pour 70 tonnes de bauxite dans l'attente de l'établissement du compte final d'affrètement, et, statuant à nouveau, de :

- constater qu'elle a payé le solde du fret de 9 500 USD sur le compte CARPA de son conseil, - lui donner acte qu'elle prend l'engagement formel de régler à concurrence 9 500 USD, toute somme à laquelle Tranvast serait condamnée à payer à Aramis sur présentation d'une sentence arbitrale définitive non susceptible d'appel,

- constater que la saisie portant sur 70 tonnes n'est plus justifiée compte tenu de la consignation du solde du fret qu'elle a effectuée sur le compte CARPA de son conseil,

- ordonner la mainlevée de la saisie des 70 tonnes de bauxite restant consignées à ce jour,

- condamner Aramis à lui payer 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance comprenant l'intégralité des frais d'huissier.

Par une note en délibéré qui a été autorisée, en réponse aux demandes nouvelles formées par Aramis dans ses conclusions notifiées le 7 mars 2017, Traxys dit que la preuve du paiement du fret à Tranvast est rapportée et que la demande de restitution des 2 930 tonnes de bauxite est mal fondée en ce que la saisie des 2 930 tonnes de bauxite ayant été levée, la marchandise est redevenue disposnible et ne peut plus être restituée. Elle demande en conséquence de :

- dire que Aramis n'a pas sollicité du premier président la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé ayant ordonné la mainlevée de la saisie des 2 930 tonnes,

- dire en conséquence, que le propriétaire, Traxys et le détenteur, [A] pouvaient en disposer librement,

- débouter Aramis de sa nouvelle demande de restitution des 2 930 tonnes de bauxite, de consignation de la somme de 309 650 euros entre les mains du bâtonnier ou de remise d'une garantie bancaire de même montant,

- débouter Aramis de sa nouvelle demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile .

Sur la traduction du connaissement par Aramis, suivant note notifiée le 15 mars 2016, Traxys par une note notifiée le lendemain, dit que contrairement à ce que soutient Aramis, le connaissement ne constitue pas un contrat de transport entre Aramis et Traxys mais un simple reçu de la marchandise, s'agissant d'un connaissement émis par Tranvast, affréteur à temps, qui l'a remis à Traxys, affréteur de voyage, qui n'a pas circulé.

Par une note en délibéré notifiée le 22 mars 2017, Aramis dit qu'il aura fallu attendre le 15 mars pour que Traxys justifie du paiemnt du fret à Tranvast, qu'en tout état de cause ce paiement n'affecte pas son droit de rétention qu'elle peut exercer, erga omnes, sur l'intégralité de la marchandise principalement en sa qualité de fréteur à temps et subsidiairement de transporteur maritime. Elle ajoute que le connaissement constate un contrat de transport entre elle, en tant que transporteur maritime et Traxys en tant que destinataire.

***

Aramis soutient que :

- elle est créancière de la somme de 153 128,79 USD, au titre du fret relatif à l'affrètement à temps du navire et au transport de la marchandise litigieuse ainsi que de la somme de 218 450 USD, au titre de soutes fournies au navire ;

- elle peut exercer son droit de rétention sur la marchandise litigieuse pour défaut de paiement des sommes qui lui sont dues ; que la charte-partie à temps l'autorise à exercer son droit de rétention sur la marchandise litigieuse pour toutes sommes qui lui sont dues au titre de l'affrètement à temps du navire ; que Traxys France ne saurait valablement contester le droit de rétention conventionnel sur la base des articles L. 5423-3 et L. 5423-7 du code des Transports; qu'elle dispose en tout état de cause d'un droit de rétention légal sur la marchandise litigieuse et qu'elle détient un droit de rétention sur la marchandise litigieuse, en sa qualité de transporteur maritime ;

- elle bénéficie, en tant que transporteur maritime, d'un privilège légal sur la marchandise litigieuse pour le paiement de son fret ;

- elle est autorisée à procéder à la saisie conservatoire de la marchandise litigieuse, aux fins de garantir l'exercice de son droit de rétention et de son privilège.

A l'appui de la demande de confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle ordonne la mainlevée pour 2 930 tonnes de bauxite, Traxys dit qu'Aramis n'est titulaire d'aucune créance à son égard puisque l'intégralité des créances dont l'armateur tente de se prévaloir relève de l'exécution de la charte-partie à temps conclue avec Tranvast, que le privilège du fréteur ne peut s'exercer sur sa marchandise alors qu'elle a réglé les sommes dues au fréteur intermédiaire, Tranvast et que Aramis a sollicité sur requête l'exercice de son privilège sur la marchandise du sous-affréteur Traxys. Elle dénie l'existence d'un droit de rétention au profit d'Aramis en ce que:

- Aramis ne bénéficie pas de la garde de la marchandise et que la charte-partie à temps conclue entre Tranvast et Aramis ne lui est pas opposable,

- Aramis ne bénéficie pas des termes de la charte-partie au voyage en particulier l'article 37, le terme 'Owners' ne faisant pas référence aux armateurs dans le cadre du connaissement mais au fréteur au voyage, Tranvast et qu'elle s'est acquittée du paiement du fret,

- les dispositions du code des transports prévoyant un privilège au profit du fréteur impayé sont applicables, ce privilège ne pouvant s'exercer à l'égard du sous-affréteur que dans la mesure où celui-ci est encore redevable envers le fréteur intermédiaire,

-la référence au droit civil est inopérante dès lors que les dispositions spéciales du code des transports trouvent à s'appliquer, que le droit français n'est pas applicable et qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 2286 du code civil alinéa 1 et 2 dont se prévaut Aramis ne s'appliquent pas en l'espèce,

- Aramis n'a pas la qualité de transporteur maritime, seules les règles de l'affrétement ayant vocation à s'appliquer dès lors que le connaissement n'a pas circulé.

Au soutien de sa demande d'infirmation de l'ordonnance en ce que celle-ci maintient la mainlevée pour 70 tonnes de bauxite, Traxys invoque la consignation du solde du fret.

Sur ce

Observations liminaires

- En l'espèce, le fréteur à temps (Aramis) se disant non payé de son fret par l'affréteur à temps, fréteur au voyage (Tranvast) et se prévalant de son privilège sur la marchandise de l'affréteur au voyage (Traxys) placée à bord du navire, a obtenu l'autorisation d'effectuer une saisie-conservatoire et de consigner la marchandise entre les mains d'un tiers.

Selon la requête au président du tribunal de commerce de Dunkerque et l'assignation en réréfé du 14 décembre 2016, Aramis s'est prévalue devant le tribunal de commerce de Dunkerque tant pour obtenir l'autorisation du président de faire pratiquer une saisie-conservatoire sur la marchandise que pour voir ordonner la vente de la marchandise consignée, d'une part de sa qualité de créancière de Tranvast au titre du loyer et des soutes dont elle a fait l'avance auprès du bunker pour éviter la saisie du navire, d'autre part, du privilège dont elle bénéficie sur les marchandises pour le paiement de son fret en sa qualité de fréteur sur le fondement des articles L 5114-8 et L 5423-3 du code des transports et de l'article 18 de la charte-partie du 31 août 2016.( Le mot 'lien' étant traduit par 'privilège').

- Il est désormais constant que Traxys s'est acquittée des sommes dues au titre du fret litigieux au regard des versements et de la consignation intervenus.

-Tant la charte-partie à temps que la charte-partie au voyage sont régies par la loi anglaise, loi du contrat choisie par les parties.

- La charte-partie à temps est de type NYPE (New York Produce Exchange), le fréteur assume pour le compte de l'affréteur, les obligations d'un transporteur, alors qu'il s'est dessaisi de l'exploitation commerciale du navire et qu'il reçoit un loyer et non pas un fret de transport.

Sur la créance d'Aramis

Aramis soutient devant la cour qu'elle est créancière du fret à l'égard de la société de droit chinois [K] solidairement avec Traxys et des frais de fourniture de soutes engagées au bénéfice de Tranvast et Traxys, faisant valoir que des procédures d'arbitrage ont été engagées à cet égard et qu'en tout état de cause, elle bénéficie d'un droit de rétention sur la marchandise litigieuse pour le paiement de son fret et des frais de fourniture de soutes indépendamment de l'identité du débiteur.

Traxys rétorque qu'Aramis n'est titulaire d'aucune créance à son égard.

***

La qualité de créancière d'Aramis fait l'objet de procédures d'arbitrage en cours. Il n'appartient donc pas à la cour de statuer sur ce chef.

En outre, Aramis se prévaut de son droit de rétention sur la marchandise litigieuse pour le paiement de son fret et des frais de fourniture de soutes indépendamment de l'identité du débiteur.

Sur le droit de rétention d'Aramis sur la marchandise litigieuse pour le paiement de son fret et des frais de fourniture de soutes,

- Sur le droit de rétention conventionnel d'Aramis au titre de la charte-partie à temps,

Devant la cour, alors que l'affréteur au voyage (Traxys), s'est acquitté du paiement du fret dû au sous-fréteur ou fréteur intermédiaire, Tranvast, le fréteur à temps (Aramis) invoque son droit de rétention sur la marchandise litigieuse pour défaut de paiement des sommes qui lui sont dues, en vertu de la clause 18 de la charte-partie à temps conclue avec Tranvast qui précise, selon la traduction de l'appelante : ' Les armateurs peuvent exercer un droit de rétention sur toutes marchandises et tous sous-frets, surestaries, loyers, sous-loyers, pour toute somme due au titre de la présente charte-partie...'.

La traduction du mot anglais'lien' figurant à cette clause par 'droit de rétention ' est contestée par Traxys qui soutient qu'il s'agit d'un 'privilège'.

Selon la "Common Law", le mot 'lien' est un lien possessoire qui est seulement un droit de rétention des marchandises, et qui n'habilite pas le fréteur à vendre celles-ci en paiement de la dette de fret. En outre, ce "lien" se perd dès lors que la marchandise est déchargée à destination

Traxys soutient ainsi qu'Aramis ne peut se prévaloir d'aucun droit de rétention dès lors qu'elle n'a plus la garde de la marchandise déchargée et stockée dans les entrepôts de [A].

La mise en oeuvre du droit de rétention étant soumis à la loi du lieu de situation de la marchandise litigieuse, la loi française est applicable. En vertu de l'article 3 du décret du 31 décembre 1966, ce droit ne peut jouer lorsque la marchandise est à bord.

Dès lors, Aramis n'a pas perdu son droit de rétention sur la marchandise qu'elle a été autorisée à consigner.

En outre, si la charte-partie à temps intervenue entre le fréteur à temps et l'affréteur à temps, n'est pas opposable à Traxys, affréteur au voyage, qui n'y est pas partie, il n'en demeure pas moins que le droit de rétention dont se prévaut le fréteur est opposable à tous, s'agissant d'un droit réel selon la loi française applicable.

En revanche, la chose retenue doit être la propriété du débiteur prétendu. Pour que le droit de rétention existe, une connexité entre la créance invoquée et la marchandise retenue doit être établie.

Ainsi, Aramis n'est en droit d'exercer son droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse pour le paiement des sommes qui lui sont dues au titre de la charte-partie à temps, qu'à la condition qu'il existe une connexité entre la créance qu'elle invoque à l'encontre de Tranvast et la marchandise retenue susceptible de résulter d'une créance de fret de Tranvast sur Traxys.

Or, un tel lien n'est pas établi et la marchandise litigieuse appartient à Traxys.

En l'absence de connexité établie entre sa créance alléguée et la marchandise retenue, c'est à tort qu'Aramis se prévaut de son droit de rétention conventionnel fondée sur la charte-partie à temps.

-Sur le droit de rétention légal d'Aramis sur la marchandise litigieuse en vertu de l'article 2286 2° et 3° du code civil,

Aramis invoque son droit de rétention légal sur la marchandise litigieuse pour défaut de paiement des sommes qui lui sont dues en vertu de l'article 2286 2° et 3° du code civil, aux termes duquel : 'Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose :

...

2°) celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ;

3°) celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ;

(...)'

Elle dit que ce droit réel est opposable à tous même aux tiers non tenus de la dette, que les droits réels consacrés par la loi française sont applicables sur tous biens situés enFrance et qu'en tant que transporteur maritime, elle avait l'obligation de livrer la marchandise qu'elle détenait à bord.

Traxys rétorque que l'armateur-propriétaire étant domicilié aux Iles Marschall et ayant conclu un contrat d'affrétement à temps avec Tranvast également domicilié aux Iles Marschall, le code civil français ne peut servir de fondement au droit de rétention sur la marchandise, que le droit spécial du code des transports prime sur les dispositions générales du code civil et qu'en tout état de cause, seule Tranvast dans le cadre de la charte-partie au voyage détenait et avait l'obligation de livrer la marchandise et non Aramis.

***

La loi de la charte-partie à temps est la loi anglaise. La loi applicable au droit de rétention est la loi française, loi du lieu de situation de la marchandise.

Néanmoins, en raison du caractère supplétif des dispositions légales relatives à l'affrétement, seules les dispositions conventionnelles de la charte-partie à temps sont applicables.

Il s'ensuit que c'est à tort qu'Aramis se prévaut du droit de rétention légal d'Aramis en vertu de l'article 2286 2° et 3° du code civil.

Ce moyen est rejeté.

- Sur le droit de rétention conventionnel d'Aramis sur la marchandise litigieuse en sa qualité de transporteur maritime pour le paiement de son fret et de ses accessoires

Aramis invoque son droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse en sa qualité de transporteur maritime de la marchandise du port chinois à [Établissement 2] pour le compte de Traxys sur la base d'un connaissement CONGENBILL du 9 septembre 2016 qui la définit comme le transporteur.

Traxys dénie à Aramis la qualité de transporteur maritime et soutient que seules les règles de l'affrétement s'appliquent entre le fréteur et l'affréteur au voyage, le connaissement émis par le capitaine étant un simple reçu de la marchandise à l'égard de l'affréteur au voyage dès lors qu'il n'a pas circulé.

Aramis rétorque qu'en l'absence d'identité de parties au connaissement et à l'affrétement au voyage, le connaissement qui constitue la seule convention conclue entre Aramis et Traxys, vaut contrat de transport et se prévaut de l'article 37 de la charte-partie au voyage en vertu duquel 'les armateurs ont un droit de rétention sur la marchandise pour le fret, le faux fret et les surestaries', soutenant que le terme anglais 'owners' lui est applicable, la charte-partie se trouvant incorporée au connaisement ainsi qu'il résullte des mentions figurant au verso de ce document.

***

En l'espèce, le connaissement a été délivré par l'agent de l'armateur Aramis, Traxys y figure en qualité de destinataire, le chargeur étant la société de droit chinois [K].

Traxys est destinantaire des marchandises et sous-affréteur du navire qui a été mis à sa disposition par Tranvast laquelle en assure la gestion nautique et commerciale en vertu d'une charte-partie au voyage et qui l'exploite commercialement en vertu d'une charte-partie à temps conclue avec Aramis.

Le fréteur assure pour le compte de l'affréteur principal, les obligations d'un transporteur alors qu'il est dessaisi de l'exploitation commerciale du navire et qu'il ne perçoit qu'un loyer et non pas un fret de transport.

Le connaissement qui vise la charte-partie au voyage, n'a pas vocation à circuler dans la mesure où le destinataire est l'affréteur au voyage et porteur du connaissment.

Ainsi, la situation entre les parties reste soumise aux règles de l'affrétement et le connaissement ne constitue qu'un simple reçu de la marchandise.

Enfin, même à admettre d'une part l'existence d'un contrat de transport opposable par Aramis, en qualité de transporteur à Traxys, en tant que destinataire des marchandises, coexistant avec un contrat d'affrétement au voyage, d'autre part l'existence d'un droit de rétention conventionnel sur la marchandise opposable à Traxys en vertu de la charte-partie au voyage incorporé au connaissment alors que celle-ci s'est acquittée ou a consigné les sommes dont elle est redevable à l'égard de Tranvast, il n'en demeure pas moins que la charte-partie au voyage étant soumise au droit anglais, ce 'lien' est seulement un droit de rétention des marchandises, qui n'habilite pas le fréteur à vendre celles-ci en paiement de la dette de fret.

En conséquence, Aramis se prévaut à tort d'un droit de rétention conventionnel sur la marchandise pour le fret, le faux fret et les surestaries, en vertu de l'article 37 de la charte-partie au voyage.

Sur le privilège légal d'Aramis pour le paiement du fret,

En vertu des articles L 5423-3 et L 5423-7 du code des transports, le fréteur dispose d'un privilège pouvant être exercé à l'égard du sous-affréteur dans la limite de ce dont celui-ci demeure redevable envers l'affréteur au titre du fret.

Au vu du règlement effectué par Traxys, sous-affréteur, à Tranvast, affréteur intermédiaire au titre du fret, le tribunal de commerce a cantonné la garantie à l'équivalent du solde paraissant dû par Traxys et a rejeté la demande du fréteur à temps, Aramis, de vente des marchandises.

Il est désormais établi que Traxys, sous-affréteur s'est acquittée ou a consigné les sommes dues au fréteur intermédiaire, dès lors le privilège dont se prévaut Aramis, en sa qualité de fréteur, ne peut plus s'exercer à l'égard de Traxys.

- Sur le privilège légal d'Aramis sur la marchandise litigieuse en tant que transporteur maritime pour le paiement de son fret. .

Aramis se prévaut des dispositions de l'article L 5422-8 du code des transports qui dispose:

'Le transporteur est privilégié pour son fret, sur les marchandises de son chargement, pendant les quinze jours suivant leur délivrance si elles ne sont pas passées entre les mains de tiers'.

Aramis dit que le paiement du fret par Traxys à Tranvast importe peu dans le cadre du contrat de transport dès lors qu'elle n'a pas été payée de son fret. Elle soutient d'une part que la somme dont elle est créancière au titre du fret relativement à l'affrétement à temps du navire à Tranvast correspond également au fret qui lui est dû au titre du transport de la marchandise sous connaissement CONGENBILL du 9 septembre 2016 par la société de droit chinois [K] en tant que chargeur solidairement avec Traxys en qualité de destinataire d'autre part qu'elle est créancière des fournitures de soutes impayées aux fins de permettre la réalisation du voyage et le transport de la marchandise litigieuse au bénéficie de Tranvast et de Traxys, dont les affréteurs sont solidairement tenus en vertu de l'article 2 de la charte-partie à temps.

***

La loi anglaise à laquelle est soumise la charte-partie au voyage insérée au connaisement, ne prévoit pas de droits équivalents dans leurs effets au privilège de l'article L 5422-8 du code des transports.

Dès lors, Aramis ne peut se prévaloir que des dispositions contractuelles et non du privilège légal du transporteur.

En outre, Aramis ne peut davantage opposer les termes de la charte-partie à temps qui sont étrangères à Traxys.

Dès lors, ce moyen pris du privilège légal d'Aramis en qualité de transporteur maritime ne peut prospérer.

Sur les autres demandes

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise du 20 décembre 2016 en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie pour 2 930 tonnes de bauxite et de l'infirmer pour le surplus, de constater la consignation par Traxys du solde du fret de 9.500 USD sur le compte CARPA de son conseil, de constater en conséquence que la saisie portant sur 70 tonnes de bausite n'est plus justifiée, d'en ordonner la mainlevée, de donner acte à Traxys de son engagement de régler à concurrence de 9 500 USD toute somme à laquelle Tranvast serait condamnée à payer à Aramis, sur présentation d'une sentence arbitrale définitive non susceptible d'appel.

Aramis est déboutée de ses demandes tendant notamment à la révocation de l'ordonnance du 20 décembre 2016, à la restitution des 2 930 tonnes de bauxite saisies et à leur consignation.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 32-1 du code de procédure civile et la demande de dommages-intérêts présentée par Aramis sur ce fondement est rejetée.

Enfin, Aramis qui succombe en ses demandes, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et paie à Traxys la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance du 20 décembre 2016 sauf en ce qu'elle a :

- ordonné le cantonnement des deux saisies pratiquées à l'encontre de la société Traxys France pour se limiter à un total de 70 tonnes de bauxite provenant de la cargaison de ce navire, impliquant mainlevée pour le surplus, et réduit la sûreté correspondante à l'équivalent en euros à la date de la présente ordonnance de la somme de 10 000 USD ;

- autorisé d'office la substitution à cette garantie d'une caution qui serait fournie en faveur de la société Traxys France par tout établissement bancaire ayant siège en France et établissement dans le ressort ;

- débouté en l'état la société Aramis Entreprises Company de sa demande d'organisation de la vente des marchandises demeurant saisies,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Ordonne la mainlevée des deux saisies pratiquées à l'encontre de la société Traxys France

Déboute en conséquence la société Aramis Entreprises Company de ses demandes.

Donne acte à la société Traxys France de son engagement de régler à concurrence de 9 500 USD toute somme à laquelle la société Tranvast Shipping Co Limited serait condamnée à payer à la société Aramis Entreprises Company, sur présentation d'une sentence arbitrale définitive non susceptible d'appel.

Condamne la société Aramis Entreprises Company aux dépens d'appel et à payer à la société Traxys France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Le greffierLe président,

Maryse ZandeckiMarie-Laure Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 17/00545
Date de la décision : 27/04/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°17/00545 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-27;17.00545 ?
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