COUR D'APPEL DE DOUAI Chambre de la Protection Juridique des Majeurs et Mineurs
N° RG : 12/ 03322
NOTIFICATION de l'arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception adressée le :
République Française Au nom du Peuple Français
ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2012 MINUTE N° 241/ 12
APPELANTS :
Madame Eliane X... épouse Y...... 59500 DOUAI Non comparante
Monsieur Eric X...... 62980 NOYELLES LES VERMELLES Comparant en personne
AUTRE PARTIE INTERVENANTE :
Madame Emilie Z... veuve X... née le 15 Mai 1929 à MERICOURT (62680)... 59100 ROUBAIX Non comparante
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
Thierry VERHEYDE, Conseiller délégué à la protection des majeurs, faisant fonction de Président, désigné suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI en date du 17 janvier 2012
Mathilde VALIN, Conseiller,
Philippe LEMOINE, Greffier présent aux débats,
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil à l'audience du 20 Septembre 2012, au cours de laquelle Monsieur VERHEYDE a été entendu en son rapport.
Le dossier a été communiqué avant l'audience des débats au Ministère Public près la Cour d'appel de DOUAI, qui a également été avisé de la date de cette audience, à laquelle il n'a pas comparu.
A l'issue des débats, le président a avisé les parties présentes que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel de Douai à la date du 05 OCTOBRE 2012.
COMPOSITION DE LA COUR DU DÉLIBÉRÉ
Thierry VERHEYDE, Conseiller délégué à la protection des majeurs, faisant fonction de Président, désigné suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI en date du 17 janvier 2012
Marie-Charlotte DALLE, Mathilde VALIN, Conseillers,
Philippe LEMOINE, Greffier présent au prononcé de l'arrêt,
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé hors la présence du public par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 7 juillet 2011, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Douai a placé Mme Emilie Z... veuve X... sous tutelle pendant une durée de 60 mois, a désigné Mme Eliane Y..., sa fille, et M. Eric X..., son fils, en qualité de tuteurs, avec mission de représentation pour l'ensemble des actes relatifs à la personne en application de l'article 459 al. 2 du code civil, et a ordonné la suppression de son droit de vote.
Par ordonnance en date du 24 avril 2012, le juge des tutelles de Douai a autorisé Mme Eliane Y... et M. Eric X..., en leur qualité de tuteurs de Mme Emilie Z... veuve X..., à accepter purement et simplement la succession de sa soeur, Mme Cécile Z....
Par ordonnance en date du 22 mai 2012, le juge des tutelles de Douai a rejeté la requête de Mme Eliane Y... et M. Eric X..., en leur qualité de tuteurs de Mme Emilie Z... veuve X..., aux fins d'être autorisés à faire une donation partage de la somme de 88. 000 € à répartir par parts égales entre les enfants. Cette décision est motivée par le fait que le budget de Mme Emilie Z... veuve X... est déficitaire et que Mme Emilie Z... veuve X... est dans l'incapacité de donner un avis éclairé sur l'acte envisagé.
Par lettre expédiée le 29 mai 2012, Mme Eliane Y... et M. Eric X... ont fait appel de cette ordonnance, au motif que leur demande leur semble " tout à fait légitime ".
Par courrier postérieur daté du 2 juillet 2012 adressé à la Cour, ils ont expliqué que leur mère hérite de sa soeur la somme de 168. 184 € et que la donation partage sollicitée ne mettrait pas en péril le paiement de son hébergement en maison de retraite, d'un montant d'environ 2. 000 € par mois, alors qu'elle perçoit 1. 700 € par mois de retraite, la différence étant payée par prélèvements sur ses avoirs, qui s'élevaient au 10 mars 2012 à la somme de 88. 860, 60 €, auxquels s'ajoutent donc la somme héritée de sa soeur. Ils précisent également qu'ils sont garants l'un et l'autre du paiement des frais d'hébergement de leur mère.
Le ministère public a eu communication du dossier de l'affaire.
A l'audience des débats devant la Cour, seul M. Eric X... a comparu et a maintenu son appel. Il a précisé qu'au cas où la Cour ferait droit à la demande, un cousin, M. Stéphane A..., au courant de l'affaire, serait susceptible d'être désigné tuteur ad hoc.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 476 alinéa 1er du code civil dispose que : “ La personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge..., être assistée ou au besoin être représentée par le tuteur pour faire des donations ”.
Aucune disposition légale ne prohibe par principe une donation au profit du tuteur, l'article 509 du code civil, qui fixe la liste des actes que le tuteur ne peut accomplir, réservant au contraire, dans son 1°, les dispositions propres à la donation.
En l'espèce, Mme Emilie Z... veuve X... est dans l'incapacité de donner un avis éclairé sur l'acte envisagé, si bien que cet acte ne pourrait être passé que par représentation, étant observé que, contrairement au régime du testament, prévu par l'alinéa 2 de l'article ci-dessus rappelé, et qui dispose expressément que le tuteur ne peut ni assister ni représenter le majeur sous tutelle pour faire un testament, aucune disposition légale n'interdit un acte de donation du seul fait que le donataire, majeur sous tutelle, serait dans l'incapacité de fait d'y consentir.
Par ailleurs, par sa nature même, la donation est un acte d'appauvrissement du patrimoine. Sauf à rendre par principe impossible tout acte de donation par un majeur sous tutelle incapable d'y consentir lui-même, ce qui serait équivalent à créer une incapacité de jouissance non expressément prévue par la loi, il faut donc admettre qu'une telle donation est juridiquement possible, sous réserve qu'elle ne soit pas fondamentalement contraire à l'intérêt du donataire.
En l'espèce, la donation partage est envisagée au profit des deux enfants de la majeure protégée, par parts égales, ses deux enfants étant a priori ses seuls héritiers potentiels.
Par ailleurs, il ressort des explications et des pièces produites aux débats par M. Eric X... qu'au 19 septembre 2012, sa mère disposait des avoirs suivants :-219. 956, 64 sur son compte courant, cette somme prenant en compte un virement d'un montant de 168. 363, 67 € provenant de la succession de sa soeur ;-13. 838, 65 € sur un LEP ;-3. 683, 08 € sur un LDD ;-731, 67 € sur un livret A.
Les revenus de la majeure protégée sont certes insuffisants pour couvrir ses frais d'hébergement en maison de retraite, le différentiel étant de l'ordre de 300 € par mois, si bien que les avoirs de celle-ci, même amputés de la somme faisant l'objet de l'autorisation sollicitée, dès lors que celle-ci est d'un montant raisonnable, devraient suffire pour payer ce différentiel jusqu'au décès de Mme Emilie Z... veuve X..., née en 1929, étant rappelé que ses deux enfants, en toute hypothèse, sont obligés alimentaires.
Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la requête et l'ordonnance frappée d'appel sera infirmée.
Compte tenu de l'opposition d'intérêts entre les cotuteurs et la majeure sous tutelle dans l'acte autorisé, il y a lieu de désigner un tuteur ad hoc, qui sera celui proposé par M. Eric X... lors de l'audience et qui a fait connaître son accord pour cette désignation par courrier envoyé à la Cour en cours de délibéré, et de prévoir que l'acte sera passé devant notaire.
DÉCISION DE LA COUR,
statuant en chambre du conseil, par arrêt réputé contradictoire :
• infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance frappée d'appel et, statuant à nouveau :
- autorise la donation partage par Mme Emilie Z... veuve X... de la somme de 88. 000 €, par parts égales, à ses deux enfants, Mme Eliane Y... et M. Eric X... ;
- désigne M. Stéphane A... (demeurant ... 62680 MERICOURT) en qualité de tuteur ad hoc pour représenter Mme Emilie Z... veuve X... dans l'acte de donation partage, qui devra être passé devant notaire ;
- laisse les dépens à la charge du Trésor public.