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15/06/2023 | FRANCE | N°21/00685

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 15 juin 2023, 21/00685


RUL/CH













[E] [W]





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S.A. KPMG





























































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00685 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZOB



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 20 Septembre 2021, enregistrée sous le n° RG 20/0038







APPELANT :



[E] [W]

[Adresse...

RUL/CH

[E] [W]

C/

S.A. KPMG

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00685 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZOB

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 20 Septembre 2021, enregistrée sous le n° RG 20/0038

APPELANT :

[E] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A. KPMG

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Sandrine ANNE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [W] a été embauché le 15 novembre 2010 par la société d'expertise comptable KPMG par un contrat de collaboration salariée en qualité de directeur du bureau de [Localité 6], statut cadre, niveau 2, coefficient 500 de la convention collective des cabinets d'expertise comptable et de commissaires aux comptes.

Il en est devenu actionnaire signataire à compter du 1er octobre 2011.

Le 15 juillet 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 suivant assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 30 juillet 2019, il a été licencié pour faute lourde.

Par requête du 28 juillet 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de contester son licenciement et faire condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes.

Par jugement du 20 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a rejeté l'ensemble des demandes du salarié.

Par déclaration du 7 octobre 2021, le salarié a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 2 mars 2023, l'appelant demande de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société KPMG à lui payer les sommes suivantes :

* 4 398,54 euros au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, outre 439,85 euros au titre des congés payés afférents,

* 24 421,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 442,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 18 316 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 74 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société KPMG aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 29 mars 2023, la société KPMG demande de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et lui délaisser les entiers dépens de la présente instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le bien fondé du licenciement :

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié.

L'employeur qui invoque la faute lourde doit en rapporter la preuve, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés ne constituent pas néanmoins une faute grave ou le cas échéant, une cause réelle et sérieuse du licenciement, le doute subsistant alors devant profiter au salarié.

Lorsque qu'une faute lourde n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute lourde par l'employeur constituent ou non une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement du 30 juillet 2019 énonce :

"Comme vous le savez parfaitement, dès le départ, votre engagement contractuel vous rappelait l'existence de certaines obligations fondamentales dans notre profession et notamment le respect du secret professionnel, le fait de consacrer l'exclusivité de votre activité professionnelle à KPMG SA et le respect de sa clientèle qu'il vous est interdit de détourner, soulignant que tout manquement à ces obligations serait constitutif d'une faute lourde.

Outre le respect de ces principes inhérents à notre activité, vous ne pouviez ignorer que tant votre ancienneté que votre position au sein du cabinet (cadre du management group et actionnaire signataire de KPMG) induisait une obligation de loyauté renforcée à son égard.

Force est pourtant de constater que vous avez fait fi de ces principes et ce, dans l'intention manifeste de nuire à la Société.

En effet, le vendredi 5 juillet dernier, vous m'avez appelé sur mon portable aux alentours de 16 h. Vous m'avez alors instantanément annoncé que vous aviez décidé de rejoindre le cabinet In Extenso, mais surtout que vous aviez entrepris des démarches auprès de ce dernier pour la vente des clients de KPMG dont vous vous occupiez sur le marché des professionnels.

Plus encore, vous m'avez également indiqué qu'outre ces démarches déloyales vous aviez également commis des actes de débauchage en proposant à certains collaborateurs de votre équipe de vous suivre [...].

Or, en votre qualité de directeur de bureau, actionnaire signataire, il est bien entendu que vous ne disposez d'aucune délégation de quelque nature que ce soit pour engager des négociations en vue de la cession de tout ou partie de la clientèle du cabinet avec des collaborateurs. Ce type d'opérations peut être proposé par les associés locaux du cabinet, mais est exclusivement décidé par la direction régionale, avec l'aval du Comex, car il impacte de manière importante le cabinet et sa stratégie de développement, ce que vous n'ignorez pas [...].

Il apparaît donc que vous avez ourdi cette opération seul pour KPMG, de concert avec votre futur employeur et sans l'aval d'aucun dirigeant ou délégataire du cabinet.

Par ailleurs, l'annonce que vous m'avez faite le 5 juillet dernier de par les détails que vous y avez associés, par exemple :

' la valeur des clients

' la notion de reprise de collaborateurs

' votre volonté que l'opération ' je vous cite ' « se passe bien »'

' ainsi que le fait que vous ayez largement fait état de ce projet au sein du bureau de [Localité 6],

démontre le caractère totalement prémédité et très avancé d'une opération de déstabilisation du bureau, visant à capter des clients et des collaborateurs dans le propre intérêt de votre départ vers un autre cabinet. Cette man'uvre est nécessairement constitutive d'une intention de nuire et de porter préjudice aux intérêts du cabinet.

Vous m'avez ainsi mis devant le fait accompli, et le fait est que vous en avez déjà largement fait état, suivant les informations qui m'ont été remontées localement.

Il ressort de cette analyse que vous avez agi sciemment contre les intérêts du cabinet et à rebours de vos obligations contractuelles essentielles en participant au développement de cette activité concurrente.

Par ailleurs, compte tenu de votre positionnement au sein du bureau de [Localité 6] et plus largement en votre qualité d'actionnaire signataire représentant le cabinet ' vous donnant accès à des informations essentielles ainsi qu'à notre fichier clients ', ce comportement traduit un manquement de la plus haute intensité à votre obligation de loyauté à l'égard de l'entreprise, et caractérise une volonté manifeste de nuire à ses intérêts premiers, ce qui est totalement inacceptable" (pièce n° 5).

Rappelant que c'est au jour du licenciement que doit être appréciée la faute reprochée à un salarié, et par ailleurs qu'il n'était soumis à aucune clause de non concurrence, M. [W] conteste le bien fondé de son licenciement aux motifs qu'au 30 juillet 2019 aucune faute ne peut lui être reprochée, le licenciement reposant sur une proposition de reprise de clientèle formulée par la société IN EXTENSO auprès de lui, de M. [A] et de Mme [D], dont il a immédiatement informé ses supérieurs hiérarchiques.

Il ajoute :

- d'une part que la société KPMG s'est opposé à cette reprise de clientèle et parallèlement décidé de le licencier pour faute lourde alors que finalement la société IN EXTENSO ne l'a pas embauché et aucun salarié de KPMG n'a été débauché, ni par lui-même, ni par IN EXTENSO,

- d'autre part qu'un certain nombre de clients de la société KPMG, pour la plupart déjà ses clients antérieurement à son embauche chez KPMG, l'ont suivi et la société IN EXTENSO a dédommagé la société KPMG de la reprise de clientèle.

L'employeur soutient pour sa part que M. [W] a conçu le projet de quitter son emploi afin de rejoindre un cabinet concurrent à son insu, négociant son embauche, valorisant la clientèle de son employeur qu'il avait prévu d'emmener avec lui et approchant même certains de ses collaborateurs en vue de leur proposer un transfert de leur contrat de travail, se bornant à l'informer de son projet qu'une fois que celui-ci lui a semblé abouti et que la liste des clients détournés a été arrêtée.

Ces éléments caractérisent selon lui une faute lourde, ou à tout le moins une faute grave.

Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, il produit les éléments suivants :

- le contrat de collaboration salariée prévoyant en son article 9 que "[...] Dans le cadre de l'obligation de loyauté et de respect de la clientèle inhérente au contrat de travail rappelée par l'article 6.6 de la Convention collective des cabinets d'expertise comptable et de commissaires aux comptes, [...] les fonctions du salarié lui font un devoir de ne pas détourner ou tenter de détourner la clientèle de KPMG S.A. pendant et au-delà de la rupture des relations contractuelles.

A quelque époque et pour quelque cause que ce soit, le salarié s'interdit tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société KPMG S.A" (pièce n° 1).

- une attestation de Mme [F] indiquant "Avec recul, l'analyse des événements me convainc que la date retenue par Monsieur [W] pour organiser sa captation de clientèle et de collaborateurs au profit du cabinet in extenso n'a rien d'un hasard. Le choix de l'été 2019 correspondait à une période pendant laquelle le bureau de [Localité 6] allait être fragilisé puisque, premièrement l'associé du bureau, Monsieur [J] [B], quittait le cabinet de [Localité 6] dans le cadre d'une mobilité interne à [Localité 5], et deuxièmement, son principal collaborateur, Monsieur [O] [A], partait à la retraite en septembre 2019. Les clients allaient nécessairement être déstabilisés par ces nombreux départs concomitants. Au fond le bureau KPMG de [Localité 6] a été sérieusement atteint par les agissements de M. [W] [...]" (pièce n° 9),

- une attestation de Mme [H] épouse [D] indiquant que "J'ai compris à l'occasion de ce rendez-vous que [E] [W] et [O] [A], qui devait prendre sa retraite fin septembre 2019, envisageaient de rejoindre le cabinet in extenso à court terme. Le projet consistait à racheter des clients, principalement du secteur santé, rattaché au portefeuille de [O] [A] et au mien, et à associer également des collaborateurs de KPMG. [...] Il était convenu que ces discussions étaient, à ce stade, confidentielles, et que le cabinet KPMG ne serait informé de cette intention qu'une fois le périmètre du rachat arrêté par [E] [W] et les responsables d'in extenso. [...] A cette époque, mon souhait était de pouvoir m'associer ; cependant j'ai très vite compris lors de cette réunion que Monsieur [W] me manipulait et que sa seule intention était de faire valoir la qualité de mon portefeuille de clients afin de mener à bien son propre projet de rejoindre in extenso. En effet, lui n'avait que très peu de clients à présenter à in extenso. [...] Cette réunion est la seule à laquelle j'ai assisté mais j'ai compris que [E] [W] avait eu plusieurs échanges avec in extenso avant celle-ci. Lors de cette réunion on m'a précisé que des rachats de clientèle avaient pu se produire entre les deux cabinets de gré à gré. Cependant personne n'a évoqué l'existence d'un accord-cadre spécifique laissant entendre que les deux cabinets s'autorisaient le rachat réciproque de clients. L'opération menée par [E] [W] avec le soutien entier de [O] [A], a eu pour conséquence, le départ de très nombreux clients ce qui a fortement déstabilisé le bureau de [Localité 6]. Enfin, n'ayant jamais donné suite à cet unique RDV et ne m'étant jamais intéressé à ce que ce projet était advenu, je considère que l'initiative de P. [A] d'intégrer mon nom à mon insu dans le cadre de la procédure actuelle concernant M. [W] est tout à fait indélicate". (pièce n° 12),

- une lettre du 18 juillet 2019 de M. [V], membre du Comex, et M. [L], représentant la société In Extenso, démentant l'existence d'un « droit de tirage » entre les deux structures "qui mènerait à une désorganisation profonde de nos bureaux concernés, à une instabilité permanente pour nos équipes, et in fine à une concurrence déloyale" (pièce n° 7),

- une attestation de M. [J] [B] selon lequel « le 5 juillet 2019 [E] [W] salarié ayant pour fonction Directeur de Bureau à [Localité 6] est venu me voir pour m'indiquer qu'il allait quitter le cabinet. Il m'a aussi indiqué qu'il rejoindrait le cabinet dijonnais In Extenso en accord avec le Directeur Régional de ce dernier. De plus, il m'a précisé que certains de ses clients qui le suivaient seraient transférés dans le cadre d'un rachat de clientèle et qu'il choisirait certains collaborateurs du bureau. A ce jour, je n'avais reçu aucune information de la Direction Régionale en ce sens, ces actions relevant de cette dernière ». (pièce n° 5),

- une attestation de M. [C] [G] indiquant que " Mardi le 09 juillet 2019, M. [W] jusqu'alors directeur de bureau KPMG, est venu à ma rencontre en fin de matinée pour m'annoncer qu'il allait quitter KPMG. Il m'a expliqué qu'il avait été approché par le cabinet In Extenso, qui a proposé à KPMG un rachat de clientèle du bureau KPMG de [Localité 6]. Il m'a dit que ce rachat était négocié au niveau de la direction générale KPMG et In Extenso, et qu'elle s'appliquait au bureau de [Localité 6]. Ce rachat selon lui, allait se solder par le transfert de tout le portefeuille Marché des Professionnels KPMG [Localité 6] et de l'équipe correspondante, constituée de 5 personnes, vers le cabinet In Extenso [Localité 6]. La semaine suivante, il m'a informé que des négociations étaient en cours et qu'il reviendrait vers moi le moment venu pour me donner plus de détails sur ce transfert de portefeuille et d'équipe. J'ai été très surpris par cette annonce faite par M. [W], puisque je n'avais à aucun moment eu une information de la part de notre direction KPMG. De plus, selon moi, cette transaction allait à l'encontre de la stratégie de développement du cabinet KPMG " (pièce n° 6),

- un contrat de présentation de clientèle du 3 décembre 2020 régularisé entre les sociétés KPMG et IN EXTENSO à la suite du mouvement important de clientèle au bénéfice de cette dernière provoqué par le départ de M. [W], faisant mention en préambule que " Monsieur [E] [W], Associé au sein de la société KPMG, a quitté les effectifs le 30 juillet 2019 pour rejoindre la société In Extenso Centre-Est. Certains clients dont KPMG SA avait confié le suivi à Monsieur [E] [W] dans le cadre de son contrat de travail ont manifesté, sur proposition de ce dernier, leur volonté de continuer à travailler avec lui et son nouvel employeur, la société In Extenso Centre-Est, malgré son départ de KPMG SA.

KPMG SA ne souhaite pas céder sa clientèle, mais dans ce contexte particulier, a accepté de consentir la présente présentation de clientèle ". (pièce n° 8),

- une liste des résiliations de clients ayant précédé et suivi le départ de M. [W] (pièce n° 10).

Nonobstant le fait que l'attestation de Mme [F] est dépourvue de force probante en ce qu'elle se borne à rapporter un point de vue personnel issu de déductions auxquelles elle procède a posteriori, il ressort des éléments produits :

- d'une part que si M. [W] peut effectivement utilement soutenir n'être astreint à aucune clause de non concurrence après la rupture de la relation contractuelle, l'argument est toutefois sans objet puisque les faits qui lui sont reprochés sont antérieurs à ladite rupture et qu'il est démontré qu'au titre de l'article 9 de son contrat de collaboration salariée du 15 novembre 2010 non modifié par l'avenant de 2011, il était soumis à une obligation de loyauté et de respect de la clientèle telle que rappelée par l'article 6.6 de la convention collective applicable lui faisant interdiction de détourner ou tenter de détourner la clientèle de son employeur, à quelque époque et pour quelque cause que ce soit, et de tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société KPMG S.A (pièce n° 1),

- d'autre part qu'au 5 juillet 2019, date de l'appel téléphonique qu'il admet avoir passé à son employeur pour, selon lui, l'informer d'une proposition de reprise de clientèle formulée par la société IN EXTENSO auprès de lui comme auprès de M. [A] et Mme [D], il avait en réalité déjà répondu aux sollicitations de la société IN EXTENSO en participant, à l'insu de son employeur, à une réunion sur le sujet courant juin.

En outre, sa participation à cette réunion, alors même que le sujet abordé revêt une importance certaine, s'est faite sans information préalable de son employeur et donc, a fortiori, sans son aval, confirmée par les attestations de Mme [D] et de MM. [B] et [G], caractérise un manquement à son obligation de loyauté au sens de la lettre de licenciement dès lors que ces éléments établissent que dès le mois de juin 2019, le salarié a organisé son départ, ainsi que celui d'une partie de la clientèle et de certains collaborateurs de son employeur, vers une autre société, qui plus est directement concurrente.

Sur ce point, l'attestation de M. [A] affirmant qu'un accord-cadre spécifique existait et "laissant entendre" que les deux cabinets s'autorisaient le rachat réciproque de clients est contredite par celle de Mme [D] dont il ressort en outre qu'il n'est pas un témoin objectif puisque partie prenante du transfert organisé par M. [W], de sorte qu'elle est dépourvue de force probante.

Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ce manquement est d'autant plus caractérisé que M. [W], en sa qualité de directeur, occupait non seulement une place déterminante dans le fonctionnement de la société KPMG mais de surcroît ne pouvait ignorer le fait qu'il ne disposait d'aucun mandat, d'aucune délégation de la part de son employeur pour mener ce type d'opération dont il est par ailleurs également démontré qu'aucun accord de "droit de tirage" n'avait été conclu entre les deux sociétés impliquées.

Sur ce point, le positionnement hiérarchique du salarié est exclusif de toute bonne foi de sa part quant au fait d'avoir "cru" qu'un tel accord avait été acté par les instances régionales des deux structures, quand bien même son interlocuteur M. [U] le lui aurait indiqué, ce qu'il lui appartenait en tout état de cause de vérifier.

Au surplus, la convention de présentation de clientèle de décembre 2020 ne remet pas en cause l'absence d'accord antérieur des parties dès lors qu'il est fait mention en préambule de celle-ci que la cession résulte d'un état de fait (le transfert d'une partie de la clientèle consécutive au départ de M. [W]) et non d'une volonté de la société KPMG.

Il s'en déduit qu'à la date du licenciement, le 30 juillet 2019, peu important les circonstances survenues ensuite, le grief fondé sur le fait d'avoir organisé son départ vers un cabinet comptable concurrent avec un transfert de clientèle et de salarié caractérise d'évidence une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

En revanche, s'il est incontestable que les manoeuvres, notamment de dissimulation jusqu'au 5 juillet 2019, mises en oeuvre ont eu pour conséquence de nuire aux intérêts de la société KPMG, notamment financiers du fait du départ de plusieurs clients (pièce n° 9), elles ne suffisent pas à établir qu'elles ont été mises en oeuvre dans l'intention de nuire du salarié, de sorte que la cour considère que le licenciement repose sur une faute grave et non sur une faute lourde, le jugement déféré étant partiellement infirmé sur ce point.

Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [W] à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

M. [W] sera condamné à payer à la société KPMG la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La demande de M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

M. [W] succombant, il supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [E] [W] est fondé sur une faute lourde,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [E] [W] repose sur une faute grave,

CONDAMNE M. [E] [W] à payer à la société KPMG la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de M. [E] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [W] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00685
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.00685 ?
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