COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 27 Juin 2024
N° RG 23/00823 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HH55
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de THONON LES BAINS en date du 26 Avril 2023, RG 1123000002
Appelante
Mme [T] [S]
née le 03 Avril 1974 à [Localité 14] - BULGARIE, demeurant [Adresse 7]
Représentée par Me Lucie D'ALU, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro N73065-2023-001922 du 29/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimés
OPH [Localité 13] CÔTE D'AZUR HABITAT dont le siège social est sis [Adresse 4] pris en la personne de son représentant légal
représenté par Me Marina POUSSIN, avocat au barreau de NICE substituée par Me Emma SANSIQUET, avocat au barreau de CHAMBERY
TRESORERIE ALPES MARITIMES AMENDES dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal
non comparante ni représentée
SIP [Localité 13] CENTRE COLLINES, sise [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal
non comparante ni représentée
[10] - EX [9] dont le siège social est sis [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal
non comparante ni représentée
CAF DES ALPES-MARITIMES dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal
non comparante ni représentée
[12] dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
non comparante ni représentée
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 09 avril 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière ,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 11 octobre 2018, Mme [T] [S] a saisi la commission de surendettement des Alpes Maritimes de sa situation. Celle-ci a déclaré son dossier recevable le 6 novembre 2018.
Le 10 janvier 2019, la commission prenait une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette décision était contestée par l'un des créanciers en l'espèce la société [8].
Le 26 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nice déclarait l'opposition recevable, disait n'y avoir lieu à rétablissement personnel et renvoyait le dossier à la commission pour élaboration d'un plan.
Le 30 mars 2021, la commission élaborait un plan détaillé des dettes lequel était contesté par Mme [T] [S] le 30 avril 2021.
Le 11 août 2021, juge des contentieux de la protection fixait les dettes de Mme [T] [S] et renvoyait à la commission pour élaboration d'un plan.
Le 20 octobre 2022, la commission orientait Mme [T] [S] vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette mesure, notifiée le 12 décembre 2022 à l'intéressée, était contestée par la débitrice elle-même le 13 janvier 2023.
Le 26 avril 2023, par jugement réputé contradictoire, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains déclarait irrecevable la contestation de Mme [T] [S] comme formée hors délai. Le juge rappelait néanmoins que l'existence et l'exigibilité des dettes avait été constatées par jugement définitif du 11 août 2022. Cette décision était notifiée à Mme [T] [S] le 3 mai 2023.
Par courrier recommandé avec avis de réception posté le 23 mai 2023 et reçu au greffe le 25 mai 2023, Mme [T] [S] interjetait appel de la décision.
La commission de surendettement des particuliers des Alpes Maritimes avait retenu en 2018 :
- au titre des ressources :
- 427 euros euros de RSA,
- 219 euros d'APL,
soit un total de 646 euros,
- au titre des charges :
- 554 euros forfait de base,
- 108 euros forfait habitation,
- 83 euros forfait chauffage,
- 372 euros logement,
soit un total de 1 117 euros
Les dettes étaient les suivantes :
Dettes de logement
- OPH [Localité 13] Habitat : 19 314,32 euros
Dettes fiscales
- SIP [Localité 13] : 728 euros
- Trésorerie Alpes Maritimes Amendes : 40,50 euros
Dettes sociales
- CAF Alpes Maritimes : 48,40 euros
Crédit consommation
- [11] : 4 179,44 euros
Autres dettes
- [10] : 200,35 euros
soit un total de 24 511,01 euros.
Toutes les parties ont été régulièrement convoquées.
Par courrier reçu au greffe le 14 août 2023, l'office public de l'habitat Côte d'Azur a fait savoir qu'il interjetait appel incident et a demandé à la cour de constater que Mme [T] [S] est de mauvaise foi.
A l'audience du 20 février 2024 où le seul créancier représenté était l'OPH Cote d'Azur, l'affaire a été renvoyée pour permettre à la débitrice de constituer avocat, la cour ayant mis dans les débats l'irrecevabilité de l'appel pour tardiveté.
Toutes les parties ont été régulièrement convoquées pour une nouvelle audience.
Par courrier du 28 février 2024, la CAF a fait savoir que Mme [T] [S] n'était plus débitrice à son égard.
A l'audience du 9 avril 2024, se rapportant à ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, le conseil de Mme [T] [S] a demandé à la cour de :
- déclarer recevable l'appel,
- réformer le jugement et déclarer recevable la contestation formée par Mme [T] [S],
- renvoyer sur le fond à une prochaine audience de la cour d'appel de Chambéry,
- statuer ce qu'il appartiendra sur les dépens.
Le conseil de l'OPH [Localité 13] Cote d'Azur Habitat a renvoyé à ses écritures en date du 10 août 2023, déjà présentées lors de la dernière audience.
Aucun autre créancier n'était présent ou représenté.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la recevabilité de l'appel
L'article R. 713-7 du code de la consommation dispose que : 'Le délai d'appel, lorsque cette voie de recours est ouverte, est de quinze jours. Celui-ci est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du code de procédure civile'.
L'article 43 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 prévoit que : 'Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter:
1° De la notification de la décision d'admission provisoire ;
2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée;
4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente'.
En l'espèce le jugement a été notifié à Mme [T] [S] le 3 mai 2023. Elle justifie avoir saisi le bureau d'aide juridictionnelle le 11 mai 2023. Elle a ensuite interjeté appel le 23 mai 2023.
Il convient donc de dire son appel recevable.
2. Sur le fond
Mme [T] [S] explique que le courrier de notification de la décision de la commission faisait mention d'un délai de recours, sans autre précision, ce qui peut donc s'entendre tant des jours ouvrables que des jours fériés. Elle ajoute que, si l'exposé des voies de recours est ambigu et, que cette ambiguïté est à l'origine du retard dans l'exercice de la voie de recours ou de la saisine d'une mauvaise identité, aucune exception de procédure ne peut être opposée à l'intéressée. Selon elle, l'ambiguïté dans la notification de la voie de recours s'assimile une absence de mention de cette voie de recours. Ayant calculé le délai en jours ouvrables elle estime avoir bien exercé son recours dans les 30 jours ouvrables de la notification, soit avant le 16 janvier 2023.
L'article R. 741-1 du code de la consommation dispose que : 'lorsque la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, cette décision est notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre mentionne les dispositions de l'article L. 741-4. Elle indique que la décision peut être contestée par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au secrétariat de la commission dans un délai de trente jours à compter de sa notification. Cette lettre précise que cette déclaration indique les nom, prénoms et adresse de son auteur, la décision contestée ainsi que les motifs de la contestation. La déclaration est signée par son auteur'.
En l'espèce, la décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été notifiée à Mme [T] [S] le 12 décembre 2022. Sa contestation a été faite le 13 janvier 2023. Contrairement à ce qu'affirme Mme [T] [S] le délai de recours indiqué dans la lettre de notification ne comporte aucune ambiguïté. Il indique en effet : 'si vous n'êtes pas d'accord avec cette décision vous pouvez la contester (...) dans un délai de 30 jours à compter de la réception du présent courrier'. Dès lors la notification ne fait que reprendre la formule du texte ci-dessus rappelé lequel n'apporte pas plus de précision et ne donne pas d'indication laissant à penser qu'il s'agit de 30 jours ouvrables. L'article 641 du code de procédure civile précise que lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de la notification qui le fait courir ne compte pas. L'article 642 du code de procédure civile ajoute que tout délai expire le dernier jour à 24 heures et s'il expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Il s'agit de la seule incidence des jours fériés, chômés ou des fins de semaine.
La règle normale de computation des délais appelle donc un décompte de tous les jours, y compris les samedi, dimanche, jours fériés ou chômés, sans que rien ne puisse laisser penser que le décompte ne devrait se faire que sur les jours ouvrables. Le délai de recours expirait en l'espèce le mercredi 11 janvier 2023 à 24 heures comme l'a très bien relevé le premier juge. La contestation de la mesure formée le 13 janvier 2023 l'a donc été hors délai. Le jugement donc confirmé en toutes ses dispositions.
Il sera rappelé, au surplus, comme l'a fait le premier juge, que Mme [T] [S] continue de contester la créance de l'OPH [Localité 13] Cote d'Azur Habitat alors que les dettes ont été définitivement fixées par un précédent jugement de sorte qu'elles ne pourraient plus être discutées désormais.
Enfin, quant à la demande de l'OPH [Localité 13] Cote d'Azur Habitat tendant à faire constater que Mme [T] [S] est de mauvaise foi, la cour rappelle qu'elle n'est saisie ici que de l'appel contre une décision d'irrecevabilité de la contestation formée par Mme [T] [S] contre la décision de la commission. La demande de l'OPH [Localité 13] Cote d'Azur Habitat, auquel il appartenait de contester la bonne foi de Mme [T] [S] devant le juge des contentieux et de la protection, n'est donc pas recevable.
Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Dit recevable l'appel interjeté par Mme [T] [S],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit irrecevable l'OPH [Localité 13] Cote d'Azur Habitat en sa demande tendant à faire constater la mauvaise foi de Mme [T] [S],
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi prononcé publiquement le 27 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente