COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 24 Janvier 2023
N° RG 22/00862 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7TW
Décision attaquée : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 22 Avril 2022
Appelants
M. [F] [Z]
né le 24 Septembre 1972 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]/FRANCE
S.A.R.L. SARL HALDYS, dont le siège social est situé [Adresse 1]/FRANCE
Représentés par Me Sid ahmed ZOUAOUI, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimées
S.C.I. VILLE LA GRAND PARC INGENIERIE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
S.C.I. TREFLE A QUATRE FEUILLES, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentées par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Corinne PEYRONNARD, avocat plaidant au barreau de LYON
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 10 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 novembre 2022
Date de mise à disposition : 24 janvier 2023
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et Procédure
Par acte sous seing privé en date du 30 novembre 2018, la société civile immobilière « Ville la Grand parc ingénierie » et la société civile immobilière « Trèfle à quatre feuilles » donnaient en location à M. [F] [Z], pour une durée de 9 ans commençant à courir le 1er janvier 2019, des locaux commerciaux au sein d'un immeuble situé [Adresse 1]. Le loyer annuel était fixé à 95 040 euros, outre la taxe sur la valeur ajoutée, payable par échéances semestrielles et d'une provision sur charges semestrielle d'un montant initial de 6 960 euros.
Par acte sous seing privé en date du 7 mai 2019, les parties signaient un avenant au contrat de location en vertu duquel M. [Z] se substituait la société à responsabilité limitée Haldys en qualité de locataire, lui-même s'engageant en tant que caution solidaire du nouveau locataire.
Le contrat de bail signé par les parties comportait une clause résolutoire stipulant qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, ou d'imposition ou charges en constituant l'accessoire, le bail serait résilié de plein droit un mois après commandement de payer demeuré infructueux.
Par action en date du 4 novembre 2021, la société « Ville la grand parc ingénierie » et la société « Trèfle à quatre feuilles » faisaient délivrer à leur locataire un commandement de payer la somme de 63 984 euros visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par ordonnance de référé rendu le 22 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains :
- renvoyait les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront,
- constatait la résiliation au 5 décembre 2021 du bail commercial liant la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles d'une part, la société Haldys d'autre part et portant sur des locaux situés [Adresse 1], par l'effet de la clause résolution y étant stipulée .
- ordonnait en conséquence à la société Haldys de libérer les lieux loués et de les laisser libres de toute personne et de tout bien dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et une fois ce délai expiré, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, étant précisé que la libération effective ne pourra être considérée comme acquise qu'après restitution de l'ensemble des clés ;
- réservait le cas échéant la liquidation de l'astreinte ;
- autorisait la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles, à défaut de libération volontaire des lieux, à procéder après délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, à l'expulsion de la société Haldys et de tout occupant de son chef des lieux loués, ainsi qu'à la mise sous séquestre des meubles et objets pouvant se trouver dans les lieux et à leur transfert en garde-meuble aux frais, risques et périls de la société Haldys, sauf pour cette dernière à demander au juge des référés ou au juge de l'exécution des délais ;
- condamnait solidairement la société Haldys et M. [F] [Z] à payer à la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles la somme de 70 382, 40 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2021 pour la somme de 63 984 euros et à compter du 23 décembre 2021 pour le surplus, à titre de provision à valoir sur la dette de loyers, charges, taxes et indemnités d'occupation arrêtée au 31 décembre 2021 ;
- disait que les condamnations prononcées à l'encontre de M. [F] [Z] au titre du loyers et de ses accessoires, des intérêts et des frais ne pourront excéder la somme totale de 384 000 euros et que celui-ci ne sera plus tenu des indemnités d'occupation au-delà du 31 décembre 2027 ;
- condamnait solidairement la société Haldys et M. [F] [Z] à payer à la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait solidairement la société Haldys M. [F] [Z] aux entiers dépens de l'instance, lesquels comprendront le coût du commandement de payer, de l'assignation, du droit de plaidoirie et de la signification de l'ordonnance.
Par déclaration au greffe en date du 13 mai 2022, la société Haldys et M. [Z] interjetaient appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 27 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Haldys et M. [Z] sollicitent l'infirmation du jugement déférée et demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise ;
- accorder à la société Haldys et à M. [F] [Z] des délais de paiement de l'arriéré locatif avec effet suspensif de la clause résolutoire ;
- condamner la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, la société Haldys et M. [Z] exposent essentiellement que :
- le juge peut octroyer un délai de paiement et écarter l'application de la clause résolutoire,
- ils se sont toujours acquittés des loyers dus jusqu'en 2021,
- le magasin de M. [Z] a fait face à des difficultés économiques et financières ne lui permettant pas de s'acquitter des loyers dus. Toutefois, il est aujourd'hui en mesure de régulariser la dette locative et demande donc un échelonnement du paiement,
- la mise en 'uvre de la clause résolutoire aurait des conséquences particulièrement graves pour les 17 salariés de la société,
- M. [Z] est de bonne foi et a fait preuve de volonté pour régulariser la situation, maintenir son activité et continuer sa collaboration avec les sociétés bailleresses.
Par dernières écritures en date du 11 juillet 2022 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles sollicitent de la cour de :
- les recevoir en leurs prétentions et les déclarer recevables et bien fondés,
- rejeter les prétentions de la société Haldys et M. [F] [Z], comme infondées,
- confirmer l'ordonnance entreprise
- condamner solidairement la société Haldys et M. [F] [Z], en sa qualité de caution, à payer à la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de commandement de payer (424,88 euros) et de dénonciation aux éventuels créanciers inscrits, distraits au profit de Me Christian Forquin, avocat.
Au soutien de leurs prétentions, la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles font valoir que :
- la société Haldys est redevable du 2ème trimestre de l'année 2021 et du 1er et 2ème trimestre 2022 ce qui représente une somme totale de 191 952 euros ;
- la société Haldys ne produit aucun justificatif de sa situation financière et ne fait aucune proposition de paiement échelonné de sa dette ;
- aucun élément ne permet de retenir la capacité de la société Haldys à apurer sa dette par des versements échelonnés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 10 octobre 2022 clôture l'instruction de la procédure et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 15 novembre 2022.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et le montant des sommes dues
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que :
- la clause résolutoire figurant dans le bail était acquise au 5 décembre 2021 dès lors que :
- à la date de délivrance du commandement de payer, le locataire était redevable de la somme de 63 984 euros ;
- le commandement de payer faisait état de l'intention du bailleur de se prévaloir de la clause résolutoire et reproduisait les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce faisant apparaître le délai d'un mois devant séparer la délivrance du commandement de l'acquisition de la clause résolutoire ;
- l'état des inscriptions et nantissements versé aux débats ne révélait pas de créanciers inscrits antérieurement à la délivrance de l'assignation et les défendeurs ne justifiaient pas avoir payé la somme de 63 984 euros dans le délai d'un mois.
- le maintien de la société dans les lieux en dépit de la résiliation du bail constituait un trouble manifestement illicite causant nécessairement un préjudice aux sociétés bailleresses puisqu'il les privait de la jouissance du bien dont elles sont propriétaires ;
- le bail prévoyait expressément une majoration de 10 % des sommes dues en cas de délivrance d'un commandement de payer ;
- M. [Z] s'est porté caution solidaire dans la limite de 384 000 euros et jusqu'au 31 décembre 2027 de la bonne exécution par le preneur des obligations lui incombant dans le cadre du bail.
Sur la suspension de la clause résolutoire
Aux termes de l'article L145-1 al 2 du code de commerce, ' Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge', l'article 1345-5 du code civil prévoyant dans son alinéa 1 que 'le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.'.
La société Haldys et M. [F] [Z] sollicitent la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement.
Cependant, ils ne produisent aucun élément notamment sur la situation financière de la société de nature à établir qu'ils seraient en capacité d'apurer la dette locative dans un délai maximum de deux ans, étant précisé d'une part, qu'ils ne font aucune proposition ni de délai ni de montant d'échéances, d'autre part, que les loyers ne sont plus réglés depuis fin 2021, qu'ils ne l'ont pas été pendant toute l'année 2022 et que le montant de la dette s'élevait fin 2022 à 191 952 euros.
En conséquence, la demande de délais de paiement avec suspension de la clause résolutoire sera rejetée et l'ordonnance entreprise confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance entreprise sera confirmée sur l'indemnité procédurale et les dépens de première instance.
La société Haldys et M. [F] [Z] seront condamnés in solidum au paiement des dépens d'appel.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale des intimées à hauteur de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Haldys et M. [F] [Z] aux dépens d'appel,
Condamne in solidum la société Haldys et M. [F] [Z] à payer à la SCI Ville la grand parc ingénierie et la SCI Trèfle à quatre feuilles ensemble une indemnité procédurale de 2 000 euros en cause d'appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le
à
Me Sid ahmed ZOUAOUI
Me Christian FORQUIN
Copie exécutoire délivrée le
à
Me Christian FORQUIN