COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 30 MARS 2023
N° RG 19/04437 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFU4
SAS DALLAGES CENTRE
c/
SCEA MALLERET
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SARL BERNARDINI
SELARL MALMEZAT-PRAT [C]
SELARL PHILAE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 juillet 2019 (R.G. 18/08035) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 01 août 2019
APPELANTE :
La société DALLAGES CENTRE,
SAS au capital de 200.000 € immatriculée au RCS de BRIVE n° 433191343, dont le siège social est sis [Adresse 5]
Représentée par Me KREMERS substituant Me Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
La SCEA MALLERET
domiciliée [Adresse 4], immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°343 068 672
Représentée par Me Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,
Société, immatriculée au RCS de LE MANS sous le n' 775 652 126, dont le siège social est [Adresse 2]) prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me MORA substituant Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX
La SARL BERNARDINI
Immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro B 305 331 399, dont le siege social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [X] [W], pour qui domicile est élu au Cabinet de la SELASU QUADRILEGE AVOCATS
placée en redressement puis en liquidation
Représentée par Me Mounia BELHAIMER de la SELASU QUADRILEGE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
La SELARL MALMEZAT- PRAT-LUCAS- DABADIE
Immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 444 809 792, en sa qualité de commissaire a l'exécution du plan de redressement de la SARL BERNARDINI, nommé a ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX du 22 février 2017, dont le siege social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal
pour qui domicile est élu au Cabinet de la SELASU QUADRILEGE AVOCATS
Représentée par Me Mounia BELHAIMER de la SELASU QUADRILEGE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
LA SELARL PHILAE
représentée par Maitre [V] [C], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL BERNARDINI, Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° B 305331399 dont le siège social était situé [Adresse 3], désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce en date du 1er septembre 2021, et demeurant en cette qualité [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
non représentée, assignée en intervention forcée selon acte d'huissier en date 16.12.21 délivré à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Au cours de l'année 2013, la Société Civile d'Exploitation Agricole Malleret (la SCEA Malleret) a confié à la société Bernardini, assurée auprès de la société Anonyme Mma Iard Assurances Mutuelles (la SA Mma), le lot gros oeuvre dans le cadre de la création d'un bâtiment de stockage de bouteilles de vin, situé au Pian Médoc.
La société Bernardini s'est rapprochée de la société par Actions Simplifiées Dallages Centre (la SAS Dallages Centre), spécialiste en sols industriels et chapes liquides, dans le cadre d'une sous-traitance spécialisée.
Les travaux ont été achevés le 10 octobre 2014.
Dans le courant de l'année 2015, la SCEA Malleret a constaté l'apparition de cloques et de fissures au niveau de la dalle en béton et est entrée en relation avec la société Bernardini en vue de remédier aux désordres.
Ultérieurement, un jugement rendu le 25 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la S.A.R.L. Bernardini et désigné la SELARL Malmezat-Prat es qualité de mandataire judiciaire.
Par voie d'assignation délivrée le 9 juin 2016, la SCEA Malleret a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de la société Bernardini, de la SELARL Malmezat-Prat et de la SA Mma Iard, son assureur.
L' ordonnance du 29 août 2016 a fait droit à cette demande et désigné M. [D]. Les opérations d'expertise ont été par la suite déclarées communes et opposables à la SAS Dallages Centre.
Par jugement du 22 février 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de continuation de la société Bernardini.
La SCEA Malleret a déclaré sa créance au passif de la société Bernardini, que cette dernière a contestée. Par ordonnance du 17 mai 2017, le juge commissaire a sursis à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal de grande instance.
M. [D] a déposé son rapport le 8 novembre 2017.
Suivant actes d'huissier du 17 août 2018 délivrés à l'encontre de la SA Mma, la S.A.R.L. Bernardini, la SELARL Malmezat-Prat, es qualité de mandataire judiciaire de la S.A.R.L. Bernardini et la SAS Dallages Centre, la SCEA Malleret a saisi la le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'obtenir, au visa des articles 1147 ancien, 1382 ancien et 1792 du code civil, l'indemnisation de divers préjudices.
Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- condamné la S.A.R.L. Bernardini, représentée par la SELARL Malmezat-Prat, son mandataire judiciaire, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre à verser à la SCEA Malleret les sommes de :
- 36 196,50 euros HT au titre de la réfection du dallage,
- 19 005,70 euros HT au titre des frais annexes,
- dit que dans leurs rapports entre elles, la SAS Dallages Centre devra garantir et relever intégralement indemne la S.A.R.L. Bernardini et son assureur Mma des condamnations prononcées à son encontre,
- dit que le jugement sera déclaré commun et opposable à la SELARL Malmezat-Prat es qualité de mandataire judiciaire de la S.A.R.L. Bernardini,
- débouté la S.A.R.L. Bernardini de sa demande reconventionnelle,
- condamné la S.A.R.L. Bernardini, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec la SA Mma et la SAS Dallages Centre, à verser à la SCEA Malleret la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- dit que la S.A.R.L. Bernardini, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre seront condamnés aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit que dans leurs rapports entre elles, la SAS Dallages Centre devra garantir et relever intégralement indemne les sociétés Bernardini et Mma des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais et dépens,
- rejeté plus amples demandes des parties,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La SAS Dallages Centre a relevé appel de cette décision le 1er août 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 février 2020, la SAS Dallages Centre demande à la cour sur le fondement des articles 1315 et 1240 du code civil :
- de dire et juger son appel recevable et bien fondé et en conséquence :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la SCEA Malleret fondée sur l'application de la garantie décennale,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec la société Bernardini, représentée par la SELARL Malmezat-Prat, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective et son assureur la SA Mma à verser à la SCEA Malleret la somme de 36 196,50 euros HT au titre de la réfection du dallage outre la somme de 19 005,70 euros HT au titre des frais annexes,
- dit que dans leurs rapports entre elles, elle devra garantir et relever intégralement indemne la S.A.R.L. Bernardini et son assureur Mma des condamnations prononcées à son encontre,
- l'a condamnée in solidum avec la société Bernardini, représentée par la SELARL Malmezat-Prat, son mandataire judiciaire sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective et son assureur la société Mma à verser à la SCEA Malleret la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- dit qu'elle-même et la S.A.R.L. Bernardini, représentée par la SELARL Malmezat-Prat, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective in solidum avec son assureur la société Mma seront condamnés aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise, qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit que dans leurs rapports entre elles, elle devra garantir et relever intégralement indemne la société Bernardini et son assureur Mma des condamnations prononcées à son encontre,
statuant à nouveau :
- de dire et juger que les conditions de sa responsabilité délictuelle ne sont pas réunies en l'absence de faute et de préjudice réparable,
en conséquence :
- de débouter la SCEA Malleret de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
- de débouter la SELARL Malmezat-Prat-[C], ainsi que la société Mma, de leur demande de relever indemne formulée à son encontre,
à titre subsidiaire :
- d'ordonner un partage de responsabilité pour moitié chacun entre la société Bernardini représentée par son mandataire judiciaire la SELARL Malmezat-Prat-[C], et elle-même,
en tout état de cause :
- de condamner la SCEA Malleret au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens, en ce compris les frais de première instance et d'expertise et dont distraction pour ceux de la présente procédure au profit de la SELARL Caporale Maillot Blatt, avocats à la Cour, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2020, la société Mma demande à la cour, sur le fondement des articles 1147 et 1382 anciens du code civil, de :
à titre principal :
- dire et juger qu'il n'est pas démontré l'existence d'une faute de la société Bernardini permettant d'engager sa responsabilité contractuelle,
en conséquence :
- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa garantie au titre des désordres intermédiaires,
statuant à nouveau :
- débouter la SCEA Malleret de l'ensemble des demandes formulées à son encontre,
- condamner la SCEA Malleret au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
à titre subsidiaire :,
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la SAS Dallages Centre à la garantir et relever indemne intégralement des condamnations prononcées à son encontre,
- dire et juger que la SAS Dallages Centre, sous-traitante en charge de la réalisation du sol béton, est tenue d'une obligation de résultat envers la S.A.R.L. Bernardini,
en conséquence :
- débouter la SAS Dallages Centre de son appel,
- débouter la SCEA Malleret, la société Bernardini et la SELARL Malmezat-Prat de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens formulées à son encontre,
- condamner la SAS Dallages Centre à payer à la compagnie Mma la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 mars 2020, la SCEA Malleret demande à la cour, sur le fondement des articles 1147, 1153 et suivants, 1289 et suivants, 1382 anciens du code civil, de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- condamné la société Bernardini, représentée par la SELARL Malmezat-Prat, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre à lui verser la somme de 36 196,50 euros HT au titre de la réfection du dallage outre la somme de 19 005,70 euros HT au tire des frais annexes,
- dit que dans leurs rapports entre elles, la SAS Dallages Centre devra garantir et relever intégralement indemne la société Bernardini et son assureur Mma des condamnations prononcées à son encontre,
- dit que le présent jugement sera déclaré commun et opposable à la SELARL Malmezat-Prat es qualité de mandataire judiciaire de la société Bernardini,
- condamné la S.A.R.L. Bernardini, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre lui à verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la S.A.R.L. Bernardini, sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit que dans leurs rapports entre elles, la SAS Dallages Centre devra garantir indemne et relever intégralement indemne la S.A.R.L. Bernardini et son assureur Mma des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais et dépens,
- rejeté plus amples demandes des parties,
y ajoutant,
- ordonner la compensation entre la créance de 5 749,55 euros de la S.A.R.L. Bernardini et la sienne,
- condamner in solidum la S.A.R.L. Bernardini sous la forme d'une fixation de créance au passif de la procédure collective, in solidum avec son assureur Mma et la SAS Dallages Centre au paiement :
- de la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,
- des dépens de la présente instance,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la SARL Malmezat-Prat.
La Selarl Philae, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. Bernardini, a été assignée en intervention forcée le 16 décembre 2021 par la bbc. Les conclusions de la sss lui ont été régulièrement signifiées le 07 mars 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 février 2023.
MOTIVATION
Deux observations à titre liminaire doivent être formulées :
- l'application des règles relatives à la garantie décennale n'est plus sollicitée en appel par la SCEA Malleret ;
- la cour n'est pas saisie de la demande reconventionnelle en paiement présentée à l'encontre du maître d'ouvrage par la S.A.R.L. Bernardini et la SELARL Malmezat-Prat, prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement, suivant leurs conclusions signifiées le 19 novembre 2019. En effet, la première nommée a été placée le 1er septembre 2021 sous le régime de la liquidation judiciaire. Or, son mandataire liquidateur, en l'occurrence la Selarl Philae, est seul habilité à poursuivre la procédure mais n'a pas déposé de conclusions afin de poursuivre l'instance au nom de la personne morale liquidée.
Sur les désordres
Le bâtiment de la société viticole est destiné au stockage de plus de 1,4 millions de bouteilles. Son sol en constitué d'un dallage en béton armé de 15 cm d'épaisseur réalisé sur un film. La surface du dallage comporte un chape dans laquelle sont incorporé des granulats minéraux, teintée noire. Un seul joint de dilatation est situé à mi-longueur.
Les travaux de dallages ont été réalisés par la SAS Dallages Centre, sous-traitante de la société Bernardini.
L'expert judiciaire, sans être contredit par les parties sur ce point, a relevé la présence :
- d'une micro fissuration du dallage, peu ouverte et sans désaffleur, située au Sud Ouest du revêtement ;
- de nombreuses zones cloquées de faibles dimension, avec ou sans faïençage de la couche d'usure, visibles aléatoirement, couvrant la presque totalité de la partie Est.
Il précise :
- qu'il existe un risque certain de dégradation des zones cloquées du fait des contraintes d'exploitation avant le terme du délai décennal ; Qu'une désagrégation de la couche superficielle pourrait entraîner l'émission de poussières et de défauts du revêtement gênant l'exploitation ;
- que dans les lieux où le cloquage n'a pas été constaté, les risques de généralisation de ce phénomène sont faibles.
Ces dommages peuvent être qualifiés d'intermédiaires en l'absence de toute atteinte à la solidité du bâtiment ou impropriété de l'ouvrage.
Ses conclusions sont en revanche contestées par l'appelante .
Après avoir clairement exclu des erreurs de conception, l'existence de mouvements de fondations et les effets de la présence d'adjuvants dans le béton, M. [D] estime que la responsabilité de la SAS Dallages Centre dans la survenance des désordres est totalement engagée en raison 'd'erreurs aléatoires et non décelables' de réalisation de la couche d'usure survenues lors du coulage du dallage.
La société sous-traitante considère que l'expert judiciaire s'est montré extrêmement imprécis et n'a pas été en mesure de démontrer la faute qui lui serait imputable.
Cependant, comme indiqué ci-dessus, M. [D] a procédé par élimination pour écarter d'autres causes pouvant expliquer la micro fissuration et le phénomène de cloquage et notamment retenu l'hypothèse d'une pose d'un béton trop sec nonobstant les conditions climatiques favorables lors de l'intervention de la SAS Dallages Centre.
Cette dernière fait également état de l'absence d'application d'un bouche pore juste après décapage, opération pourtant prévue dans son devis et qui n'a pas été réalisée par la société Bernardini. Elle en déduit que cette carence, qui peut expliquer l'apparition des désordres, est uniquement imputable à son entrepreneur principal de sorte que sa responsabilité doit être écartée.
Cependant, le fait que la micro fissuration et le phénomène de cloquage ne concernent qu'une partie du dallage permet d'exclure toute incidence de l'absence de pose d'un bouche pore sur l'apparition des désordres.
Enfin, l'appelante ne peut tirer argument de l'absence, lors des opérations d'expertise, d'un conseil l'assistant pour tenter de remettre en cause les observations de M. [D]. Il sera d'une part observé que celle-ci apparaît totalement responsable de la situation qu'elle dénonce et d'autre part que cette absence est sans incidence sur les conclusions expertales venant démontrer sa responsabilité dans l'apparition des désordres.
Il résulte donc de ces éléments que la SAS Dallages Centre a commis une faute dans l'exécution de sa prestation.
En sa qualité de sous-traitante, elle est tenue à une obligation de résultat envers la société Bernardini. Sa faute d'exécution :
- engage la responsabilité contractuelle de son entrepreneur principal envers le maître d'ouvrage, celle-ci ayant été justement retenue par le premier juge sous la forme d'une fixation au passif ;
- engage sa propre responsabilité délictuelle envers la SCEA Malleret.
Selon M. [D], la société Bernardini n'était pas en capacité de se rendre compte de la faute d'exécution commise par son sous-traitant lors de la livraison de l'ouvrage à la SCEA Malleret. Elle sera en conséquence garantie et relevée intégralement indemne par la SAS Dallages Centre des sommes qui seront mises à sa charge au titre de la réparation des désordres.
Sur le préjudice de la SCEA Malleret
Si l'expert judiciaire a pu indiquer dans son rapport que la fissuration du dallage et la présence de zones cloquées ne perturbent pas à l'heure actuelle l'exploitation du bâtiment, la SCEA Malleret est en droit de recevoir un ouvrage exempt de malfaçons commises par la SAS Dallages Centre.
Certes, le devis présentée par l'appelante précise que 'nous ne pouvons pas vous assurer un dallage sans fissure'. Cette observation qui peut apparaître techniquement adaptée au regard du type de sol à vocation industrielle. Toutefois, la situation relative à la présence de cloques peut défavorablement évoluer vers une dégradation plus prononcée dans un délai proche. Le risque qualifié d'incertain, voire de peu probable par l'expert judiciaire, d'atteinte à la destination du bâtiment n'est cependant pas écarté. Les photographies postérieures à la date du dépôt du rapport d'expertise font d'ailleurs apparaître une détérioration supplémentaire d'une partie du dallage déjà affecté par les désordres.
Le préjudice de la SCEA Malleret est donc réel de sorte qu'elle doit être indemnisée à hauteur des sommes de 36 196,50 euros au titre de la réfection du dallage et de 19 005,70 euros au titre des frais annexes (perturbation des travaux sur l'activité de stockage, déplacement nécessaires des bouteilles, etc.). Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point.
Sur la garantie de la société Mma
Après avoir vainement contesté en première instance la mobilisation de sa garantie souscrite par la société Bernardini en raison de la clause d'exclusion figurant à l'article 33 des conventions spéciales, la société Mma soutient désormais en appel qu'elle ne peut être condamnée à indemniser les désordres subis par la SCEA Malleret en raison de l'absence de faute commise par son assurée à l'origine des désordres intermédiaires.
Cependant, la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 définit expressément la sous-traitance comme étant une opération par laquelle un entrepreneur confie, sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, tout ou partie de l'exécution du contrat qui lui a été confié. En conséquence, la faute du sous-traitant est également celle de l'entrepreneur principal.
Le jugement entrepris ayant condamné l'assureur au paiement des sommes mises à la charge de la société Bernardini sera donc confirmé ainsi que la condamnation de la SAS Dallages Centre à intégralement la garantir et relever indemne.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt commun et opposable à la Selarl Malmezat-Prat, désormais dénoncée Philae, dans la mesure où les conclusions des parties, à l'exception de la société Mma, lui ont été régulièrement signifiées.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La décision de première instance ne pouvait pas fixer au passif de la société Bernardini la condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que celle relative aux dépens, ses dettes étant nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective. L'entrepreneur principal sera donc condamné, toujours in solidum avec la société Mma et la SAS Dallages Centre, au paiement de cette somme au maître d'ouvrage et des dépens de première instance comprenant les frais de référé et d'expertise, étant ajouté que la SAS Dallages Centre devra intégralement garantir et relever indemne l'entrepreneur principal et son assureur comme indiqué par le tribunal.
En cause d'appel, il y a lieu de condamner in solidum la SAS Dallages Centre et la société Mma à verser à la SCEA Malleret une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
L'appelante et l'assureur de la société Bernardini seront également condamnés in solidum au paiement des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- Infirme le jugement rendu le 09 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a condamné la société Bernardini, sous la forme de fixation de créance au passif de la procédure collective, à verser à la société civile d'exploitation agricole Malleret une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et, statuant à nouveau dans cette limite :
- Condamne la société Bernardini, in solidum avec la société par actions simplifiées Dallages Centre et la société Anonyme Mma Iard Assurances Mutuelles à verser à la société civile d'exploitation agricole Malleret une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société Bernardini, in solidum avec la société par actions simplifiées Dallages Centre et la société Anonyme Mma Iard Assurances Mutuelles au paiement des dépens de première instance comprenant les frais de référé et d'expertise ;
- Confirme le jugement déféré pour le surplus avec la précision que la société à responsabilité limitée Bernardini est désormais représentée par son mandataire liquidateur, la Selarl Philae ;
Y ajoutant ;
- Condamne in solidum la société par actions simplifiées Dallages Centre et la société Mma Iard Assurances Mutuelles à verser à la société civile d'exploitation agricole Malleret la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne in solidum la société par actions simplifiées Dallages Centre et la société Mma Iard Assurances Mutuelles au paiement des dépens d'appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE