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23/05/2023 | FRANCE | N°21/01570

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 23 mai 2023, 21/01570


ARRÊT N°



MW/FA











COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 23 MAI 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Contradictoire

Audience publique du 21 mars 2023

N° de rôle : N° RG 21/01570 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENKH



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT en date du 06 juillet 2021 [RG N° 20-0412]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-pa

iement du prix





S.A.R.L. COURVOISIER STORES ET FERMETURE C/ S.A.S. MENUISERIE BIEBER







PARTIES EN CAUSE :





S.A.R.L. COURVOISIER STORES ET FERMETURE Prise en la personne de son r...

ARRÊT N°

MW/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 23 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 21 mars 2023

N° de rôle : N° RG 21/01570 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENKH

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT en date du 06 juillet 2021 [RG N° 20-0412]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

S.A.R.L. COURVOISIER STORES ET FERMETURE C/ S.A.S. MENUISERIE BIEBER

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. COURVOISIER STORES ET FERMETURE Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Inscrite au RCS de Belfort sous le numéro 317 471 662

Représentée par Me Caroline OHANA de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

APPELANTE

ET :

S.A.S. MENUISERIE BIEBER RCS de SAVERNE

Sise [Adresse 1]

Inscrite au RCS de Saverne sous le numéro 676 680 366

Représentée par Me Michel MIGNOT de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BELFORT, avocat postulant

Représentée par Florence PUJOL, avocat au barreau de Grasse, avocat plaidant

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Dominique RUBEY, vice-président placé et Cédric SAUNIER, conseiller.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur

ASSESSEURS : Messieurs Dominique RUBEY, vice-président placé et Cédric SAUNIER, conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 21 mars 2023 a été mise en délibéré au 23 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Dans le cadre du chantier de construction d'une école pour la ville de [Localité 2], la SARL Courvoisier Stores et Fermetures (la société Courvoisier) a, courant juillet 2018, commandé à la SAS Menuiserie Bieber (la société Bieber) la fourniture de plusieurs menuiseries bois de grandes dimensions, fabriquées sur mesure.

Les menuiseries ont été livrées le 24 septembre 2018. Des réserves, dont la teneur exacte n'était pas précisée, ont été portées sur les bons de livraison. Par courrier recommandé du 9 octobre 2018 adressé à la société Bieber, la société Courvoisier a fait état de traces de chocs sur certains châssis, les rendant impropres à leur mise en oeuvre.

La société Bieber est intervenue dans les locaux de la société Courvoisier les 8 et 9 janvier 2019, puis directement sur le chantier les 4 et 5 février 2019, pour remédier aux imperfections.

La société Courvoisier a laissé impayé un solde de 44 065,40 euros sur le prix des menuiseries.

Par exploit du 21 janvier 2020, la société Bieber a fait assigner la société Courvoisier devant le tribunal de commerce de Belfort en paiement du solde sur factures, avec intérêts de retard de 3 fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2019, et capitalisation des intérêts, ainsi qu'en règlement d'une somme de 6 609 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 15 %. En réponse aux demandes reconventionnelles, elle a contesté toute non-conformité et tout désordre qui lui soit imputable, a fait valoir que le délai de réclamation n'avait pas été respecté, que l'absence de réserve à réception avait purgé les défauts de conformité, et qu'il n'était pas justifié du quantum des demandes.

La société Courvoisier a sollicité avant dire droit l'organisation d'une expertise judiciaire. Au fond, elle a conclu au rejet des demandes formées à son encontre et à la condamnation reconventionnelle de la société Bieber à lui verser la somme de 45 234,75 euros à titre de dommages et intérêts, soit 7 854,84 euros pour reprise des finitions, 27 379,92 euros pour frais de manutention et d'échafaudages et 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son image et de la mise à l'arrêt d'autres chantiers. Elle a exposé que les menuiseries présentaient à réception des défauts d'aspect, et que, d'autre part, leur mise en oeuvre s'était révélée complexe du fait qu'elles avaient été livrées montées, ce qui avait nécessité le déploiement de moyens particuliers au regard de leur masse unitaire, ce dont il était résulté un surcoût de pose, et un retard d'exécution l'ayant mise en difficulté à l'égard du maître de l'ouvrage.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce a :

Vu l'article 1650 du code civil,

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu l'article 1217 du code civil,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Vu l'article 146 du code de procédure civile,

- débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de sa demande tendant à la nomination d'un technicien ;

- dit et jugé que la créance détenue par la société Menuiserie Bieber sur la société Courvoisier Stores et Fermetures s'élève à la somme de 44 065,40 euros ;

- condamné la société Courvoisier Stores et Fermetures à payer à la société Menuiserie Bieber la somme de 44 065,40 euros, augmentée des intérêts de retard de trois fois le taux légal à compter du 12 novembre 2019 et ce, jusqu'à complet paiement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de sa demande d'indemnisation à hauteur de 27 379,92 euros relative à des dépenses supportées au titre des assemblages des châssis et à l'importance de leur masse unitaire ;

- dit et jugé la société Courvoisier Stores et Fermetures mal fondée en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros et l'en a déboutée ;

- condamné la société Courvoisier Stores et Fermetures à payer à la société Menuiserie Bieber la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de sa demande ;

- constaté l'exécution provisoire du présent jugement en application de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version postérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 ;

- condamné la société Courvoisier Stores et Fermetures aux dépens d'instance, comprenant les frais de greffe s'élevant à la somme de 73,22 euros ;

- débouté les parties du surplus de leurs conclusions, fins et moyens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- qu'il appartenait à la société Courvoisier d'expliquer, de détailler et de justifier le quantum de ses prétentions ; qu'en vertu de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ;

- qu'il n'était pas discuté qu'il subsistait un solde sur factures de 44 065,40 euros ; que les conditions générales de vente stipulant une pénalité égale à trois fois le taux de l'intérêt légal et une indemnité de 15 % avaient été approuvées par la société Courvoisier, et lui étaient donc opposables ; que, compte tenu des différends notoires et des questions encore pendantes, il n'y avait pas lieu d'appliquer l'indemnité de 15 % ;

- que, s'agissant des griefs faits par la société Courvoisier au titre des imperfections esthétiques et marques de choc, la société Bieber, sans reconnaître sa responsabilité, était intervenue à titre commercial pour prendre en charge les réserves émises à réception, une première fois dans les locaux de la société Courvoisier, puis sur le chantier ; que cette dernière intervention n'avait pas permis de lever les dernières réserves, dans la mesure où les menuiseries n'avaient pas encore été posées par la société Courvoisier ; que celle-ci n'avait pas donné suite aux deux propositions d'intervention ultérieure formulées par la société Bieber ; que la demanderesse produisait une correspondance de l'architecte confirmant qu'aucun problème n'était constaté sur les menuiseries ; qu'il devait en être déduit que la société Bieber avait mis en oeuvre les moyens nécessaires pour reprendre de façon satisfaisante les imperfections esthétiques, et que les produits étaient finalement conformes, de sorte que la demande en paiement par la société Courvoisier de deux factures d'un montant total de 7 854,84 euros pour reprise des joints d'étanchéité et finitions devait être rejetée ;

- que, s'agissant du grief tiré du fait que les menuiseries n'aient pas été livrées cadres et vitrages séparés, entraînant des frais de manutention et d'échafaudages à hauteur de 27 379,92 euros, il résultait des confirmations de commandes signées par la société Courvoisier que

celle-ci avait commandé en parfaite connaissance des caractéristiques des marchandises, dont les dimensions, le poids, le nombre de parties constitutives et le fait que les vitrages étaient montés en usine étaient expressément indiqués ; que les bons de livraison étaient conformes aux bons de commande ; qu'en sa qualité de professionnelle, la société Courvoisier ne pouvait ignorer les moyens à mettre en oeuvre au regard de la commande qu'elle avait passée, ces moyens ne faisant que respecter les préconisations des bonnes pratiques éditées par la CARSAT pour limiter les manutentions manuelles ;

- que la société Courvoisier ne rapportant pas la preuve d'une faute commise par la société Bieber, sa demande de dommages et intérêts devait être rejetée.

La société Courvoisier a relevé appel de cette décision le 23 août 2021, en déférant à la cour l'ensemble de ses chefs, à l'exception de celui ayant rejeté la demande formée par la société Bieber au titre de l'indemnité contractuelle de 15 %.

Par conclusions transmises le 7février 2023, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil et 1231-5 du code civil,

- de confirmer partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Bieber de sa demande tendant à voir condamner la société Courvoisier Stores et Fermetures à la somme de 6 609 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 15 % ;

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau :

Avant dire droit :

- de nommer tel technicien qu'il plaira afin d'émettre un avis technique quant à la livraison par la société Bieber des baies vitrées de grandes tailles, objet du présent litige, déjà assemblées sans possibilité de démontage, et le cas échéant, quant aux sommes qui doivent être mises à la charge de la société Bieber du fait des non-conformités constatées et des importants frais engagés par la société Courvoisier pour y remédier ;

Au fond :

- de débouter la société Bieber de l'intégralité de ses demandes ;

- subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions le montant des pénalités contractuelles ;

- de condamner la société Bieber à régler à la société Courvoisier la somme totale de 45 234,75 euros à titre de dommages et intérêts ;

- de condamner la société Bieber à régler à la société Courvoisier Stores et Fermetures la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Bieber aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 13 février 2023, la société Bieber demande à la cour :

Vu les dispositions de l'article 1650 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1103 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1104 du code civil,

Vu les dispositions des articles 1604 & 1610 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 135 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 1231-5 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile,

Sur les sommes dues par la société Courvoisier à la société Bieber

- de condamner la société Courvoisier Stores et Fermetures au paiement, au profit de la société Menuiserie Bieber, de la somme 44 065, 40 euros au titre du solde des factures dues, outre intérêts de retard de 3 fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2019 et jusqu'à parfait paiement ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- de confirmer en conséquence le jugement du 6 juillet 2021 en ce qu'il a :

* jugé que la créance détenue par la société Menuiserie Bieber sur la société Courvoisier Stores et Fermetures s'élève à la somme de 44 065,40 euros ;

* condamné la société Courvoisier Stores et Fermetures à payer à la société Menuiserie Bieber la somme de 44 065, 40 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2019 et ce, jusqu'à complet paiement ;

* ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- d'infirmer le jugement du 6 juillet 2021 en ce qu'il a débouté la société Menuiserie Bieber de sa demande tendant à voir condamner la sociétéCourvoisierStores et Fermetures au paiement, au profit de la société MenuiserieBieber, de la somme 6 609 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 15% ;

Statuant de nouveau de ce chef

- de condamner la société Courvoisier Stores et Fermetures au paiement, au profit de la société Menuiserie Bieber, de la somme 6 609 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 15% ;

Sur les demandes de la société Courvoisier

Au titre des 'désordres constatés'

A titre principal

- de juger que l'absence d'intervention de la société Bieber au titre des joints d'étanchéité procède du seul fait de la société Courvoisier ;

- de débouter en conséquence la société Courvoisier de sa demande indemnitaire à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

A titre subsidiaire,

- de juger que la société Courvoisier ne justifie pas du quantum de ses demandes ;

- de débouter en conséquence la société Courvoisier de sa demande indemnitaire à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

Au titre des 'non conformités contractuelles relativement à l'assemblage des menuiseries commandées'

A titre principal

- de juger que la société Courvoisier n'a pas respecté le délai de réclamation contractuellement fixé ;

- de déclarer en conséquence irrecevables l'ensemble des prétentions de la société Courvoisier à ce titre ;

A titre subsidiaire

- de juger que les marchandises livrées sont conformes à la commande faite ;

- de débouter en conséquence la société Courvoisier de sa demande indemnitaire à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

A titre infiniment subsidiaire

- de juger que l'absence de réserves faites sur le défaut de conformité au moment de la livraison purge les défauts apparents des choses vendues ;

- de débouter en conséquence la société Courvoisier de sa demande indemnitaire à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

A titre encore plus infiniment subsidiaire

- de juger que la société Courvoisier ne justifie pas du quantum de ses demandes ;

- de débouter en conséquence la société Courvoisier de sa demande indemnitaire à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

Sur le surplus

- de juger n'y avoir lieu à nommer avant dire droit un technicien et de débouter la société Courvoisier Stores et Fermetures de ses demandes à ce titre ;

- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Courvoisier Stores et Fermetures de sa demande tendant à la nomination d'un technicien ;

- de débouter la société Courvoisier Stores et Fermetures de sa demande tendant voir réduire à de plus justes proportions le montant des pénalités contractuelles ;

- de débouter la société Courvoisier du surplus de ses demandes ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Courvoisier Stores et Fermetures au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et aux entiers dépens de première instance ;

- de condamner la société Courvoisier Stores et Fermetures au paiement, au profit de la société Menuiserie Bieber d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;

- de condamner la société Courvoisier Stores et Fermetures aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 février 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur l'expertise

L'appelante sollicite avant dire droit la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer si le fait pour la société Bieber d'avoir livré les châssis avec leurs vitrages montés constituait ou non un défaut de conformité contractuelle, et le cas échéant de déterminer les frais ayant dû être engagés pour la société Courvoisier au titre du coût des interventions nécessaires pour y remédier.

C'est cependant à juste titre que les premiers juges ont écarté cette demande au motif qu'une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve lui incombant. Tel est en effet précisément le cas en l'espèce, où la société Courvoisier se prévaut du défaut de conformité qu'elle souhaite voir consacrer par expertise pour s'opposer aux demandes de la société Bieber et réclamer l'allocation de dommages et intérêts.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la demande en paiement

Pour s'opposer au paiement du solde sur factures réclamé par la société Bieber, et réclamer l'allocation de dommages et intérêts, la société Courvoisier soutient que les menuiseries livrées étaient affectées de désordres auxquels il n'avait pas été remédié par l'intimée, et qu'elles n'étaient pas conformes à la commande.

1° Sur les désordres

La société Courvoisier fait état de désordres à la réception, à type de traces de choc sur certaines menuiseries.

Les bons de livraison en date du 24 septembre 2018 portent mention de l'émission de réserves, mais sans toutefois en préciser la nature, dès lors qu'elles se bornent à renvoyer à des photographies, dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas été transmises en retour à la société Bieber. C'est par un courrier du 9 octobre 2018 que la société Courvoisier a précisé à la société Bieber la nature des désordres et lui a transmis des photographies.

Il est constant qu'un technicien Bieber est intervenu dans les locaux de la société Courvoisier le 9 janvier 2019. Si l'appelante soutient que ce technicien n'a pas été en mesure d'intervenir pour remédier aux désordres faute de pouvoir manipuler les menuiseries en raison de leur encombrement et de leur poids, cette affirmation est contredite par le bon d'intervention établi le jour-même par la société Bieber, et faisant état du fait que seuls restaient, à l'issue de cette intervention, à effectuer la reprise d'un couvre-joint, de deux arrondis et des joints silicone, précision étant faite que ces opérations seraient réalisées lorsque les fenêtres seront posées, ce qui était prévu en semaine 5. Il s'en déduit que tous les autres désordres dénoncés par la société Courvoisier ont bien été repris à l'occasion de cette intervention, ce que cette dernière est d'autant moins fondée à contester que le bon d'intervention est contresigné sans la moindre réserve par son propre représentant.

Il n'est ensuite pas contesté que l'intervention prévue sur chantier n'a pas pu être réalisée faute de montage des menuiseries sur site à la date convenue. C'est ce que la société Bieber a rappelé à la société Courvoisier par un courrier du 20 février 2019, indiquant qu'elle repasserait une fois que les châssis seraient effectivement posés. Par courrier en réponse du 5 mars 2019, la société Courvoisier a indiqué à sa cocontractante avoir fait réaliser des constats d'huissier, et lui a fait grief de son inaction, mais ne lui a fixé aucune date d'intervention. Par lettre du 14 mars 2019, la société Bieber a sollicité de la société Courvoisier la communication d'une nouvelle date d'intervention, en proposant elle-même la semaine 12. En l'absence de réponse à ce courrier, la société Bieber a une nouvelle fois vainement pris l'attache de la société Courvoisier par courrier du 1er avril 2019, en lui indiquant qu'elle avait constaté que les menuiseries étaient posées sur site, et en sollicitant son accord pour intervenir sur celles-ci en début de semaine 16.

Il résulte de cette chronologie que, comme l'a pertinemment souligné le tribunal, la société Courvoisier n'a jamais donné suite aux propositions réitérées de la société Bieber d'effectuer les interventions réservées le 9 janvier 2019, de sorte qu'elle est désormais mal fondée à prétendre lui faire supporter le coût de reprises qu'elle aurait elle-même effectuées, à une date ignorée, et selon facture qu'elle a elle-même établie le 31 octobre 2019, soit 7 mois après la dernière proposition d'intervention de la société Bieber.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'agumentation tirée par la société Courvoisier de l'existene de désordres, et écarté en conséquence la demande de paiement de dommages et intérêts à ce titre.

2° Sur le défaut de conformité

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'appelante fait grief à la société Bieber d'avoir livré un produit non conforme à la commande au motif que les menuiseries ont été livrées avec les vitrages fixés sur les châssis, alors qu'au regard des dimensions et du poids de ces ensembles, les éléments constitutifs auraient dû être livrés séparés, en vue de leur assemblage définitif sur le chantier par le poseur.

L'intimée, outre la contestation de tout défaut de conformité, oppose l'absence de réserve émise sur ce point lors de la livraison, en contrariété avec les conditions générales de vente stipulant l'obligation d'émettre de telles réserves dans un délai de 8 jours.

Pour s'opposer à cet argument, la société Courvoisier soutient que les conditions générales de vente invoquées par l'intimée lui sont inopposables comme n'étant pas entrées dans le champ contractuel de la vente litigieuse.

Toutefois, la société Bieber verse aux débats le contrat par lequel la société Courvoisier a ouvert un compte client auprès de la société Bieber le 12 juillet 2016. Ce document porte la mention expresse selon laquelle 'le client déclare accepter les conditions de vente ci-jointes', suivi d'une signature et du tampon de la société Courvoisier. A ce document est en outre joint un exemplaire des conditions générales de vente de la société Bieber, sur la dernière page desquelles figure une nouvelle fois la signature et le tampon de la société Courvoisier, précédés de la mention manuscrite 'lu et approuvé'. Dès lors que la commande litigieuse prend ainsi manifestement place dans le cadre de relations contractuelles préétablies, dont la société Courvoisier a expressément accepté qu'elles soient régies par les conditions générales de vente de sa cocontractante, ces dernières sont indubitablement applicables en l'espèce.

Or, celles-ci énoncent à leur paragraphe 10.5 que 'en cas de livraison non conforme ou sujette à litige, toute réclamation doit nous être signalée par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours de la réception des marchandises ou travaux.'

C'est d'abord vainement que pour s'opposer à l'argument tiré du défaut de respect de cette obligation, l'appelante indique qu'elle avait bien émis des réserves à réception. En effet, comme il l'a été rappelé précédemment, le courrier du 9 octobe 2018 précisant la teneur des réserves portées sur les bons de livraison vise exclusiement des traces de choc, et ne fait à aucun moment allusion à un défaut de conformité tenant au fait que les châssis avaient été livrés équipés de leurs vitrages.

Elle fait ensuite valoir qu'elle n'avait pu se convaincre du défaut de conformité qu'au mois de janvier 2019, lorsqu'elle avait voulu démonter les vitrages dans l'optique du transport des menuiseries vers le chantier. D'une part, cette affirmation est en contradiction avec la position précédemment adoptée par cette même partie, qui avait indiqué avoir constaté le

défaut de conformité à la livraison. L'explication selon laquelle cette précédente position résultait d'une mauvaise compréhension par le conseil de la société Courvoisier des faits qui lui avaient été rapportés peine à convaincre, dès lors que cette société, à laquelle les écritures de son avocat ont nécessairement été soumises par ce dernier préalablement à leur communication à la partie adverse, n'aurait pas manque de relever une erreur aussi grossière. Ensuite, et en tout état de cause, le fait que les vitrages aient été montés sur les châssis est une circonstance manifestement apparente lors de la réception, qui pouvait être décelée par le simple examen des marchandises auquel se doit de procéder le client, et qui ne pouvait échapper à la professionnelle de la menuiserie qu'est la société Courvoisier. Celle-ci ne peut donc pas utilement soutenir qu'elle ne s'était aperçue de cet état de fait que près de quatre mois plus tard.

Dès lors ainsi que le défaut de conformité, à le supposer démontré, n'a pas été porté à la connaissance de la société Bieber dans le délai contractuel, la société Courvoisier n'est désormais plus admise à solliciter une indemnisation de ce chef, ni à s'en prévaloir pour s'opposer à la demande en paiement du prix.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré du défaut de conformité, et rejeté les demandes qu'il fondait.

3° Sur le paiement de la marchandise

Il résulte de ce qui précède que la société appelante ne justifie d'aucune circonstance lui permettant de s'opposer au paiement du solde restant dû sur la fourniture des menuiseries litigieuses, étant observé que la société Courvsoisier ne conteste pas ne pas s'en être acquittée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement, y compris en ce qu'il accordé les intérêts au taux de trois fois le taux légal, par application de la stipulation contractuelle expresse prévue au paragraphe 4.5 des conditions générales de vente.

L'infirmation s'impose en revanche en ce que les premiers juges ont écarté l'application de la clause pénale contractuelle prévue par le même paragraphe 4.5 des conditions générales de vente en cas de retard de paiement, au seul motif de l'existence d'un différend, lequel n'est pas de nature à faire échec à la mise en oeuvre de cette clause. Toutefois, compte tenu du montant restant dû, et du triplement de l'intérêt légal, la clause pénale apparaît manifestement excessive en ce qu'elle est fixée à 15 % des sommes dues. Elle sera ramenée à un montant de 3 000 euros, que la société Courvsoisier sera condamnée à payer à la société Bieber.

Sur les autres dispositions

Le jugement déféré sera confirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Bieber la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Belfort, sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée par la SAS Menuiserie Bieber au titre de la clause pénale contractuelle ;

Statuant à nouveau de ce chef, et ajoutant :

Condamne la SARL Courvoisier Stores et Fermetures à payer à la SAS Menuiserie Bieber la somme de 3 000 euros au titre de la clause pénale conventionnelle ;

Condamnela SARL Courvoisier Stores et Fermetures aux dépens d'appel ;

Condamne la SARL Courvoisier Stores et Fermetures à payer à la SAS Menuiserie Bieber la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01570
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.01570 ?
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