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17/02/2016 | FRANCE | N°14/00497

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 17 février 2016, 14/00497


Ch. civile A
ARRET No
du 17 FEVRIER 2016
R. G : 14/ 00497 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 14 Avril 2014, enregistrée sous le no 12/ 00186

Consorts X... Y...

C/
Consorts Z... SA ABP VIE

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE

APPELANTS ET INTIMES :

Mme Françoise Patricia X... épouse B... née le 30 Avril 1965 à AJACCIO (20000)... 20166 PIETROSELLA

assistée de Me Claudin

e GIUNTI-MURACCIOLE, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Jacqueline Zina X... épouse C... née le 05 Juillet 1953 à AJACCIO...

Ch. civile A
ARRET No
du 17 FEVRIER 2016
R. G : 14/ 00497 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 14 Avril 2014, enregistrée sous le no 12/ 00186

Consorts X... Y...

C/
Consorts Z... SA ABP VIE

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE

APPELANTS ET INTIMES :

Mme Françoise Patricia X... épouse B... née le 30 Avril 1965 à AJACCIO (20000)... 20166 PIETROSELLA

assistée de Me Claudine GIUNTI-MURACCIOLE, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Jacqueline Zina X... épouse C... née le 05 Juillet 1953 à AJACCIO... 20167 MEZZAVIA

assistée de Me Marie Pierre MOUSNY PANTALACCI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Françoise X... épouse D... née le 22 Mai 1956 à AJACCIO... 20090 AJACCIO

assistée de Me Marie Pierre MOUSNY PANTALACCI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Sabine X... épouse E... née le 08 Juillet 1968 à AJACCIO... 20090 AJACCIO

assistée de Me Marie Pierre MOUSNY PANTALACCI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Robert Y... né le 07 Octobre 1987 à AJACCIO... 20090 AJACCIO

assisté de Me Marie Pierre MOUSNY PANTALACCI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMES :

M. Daniel Z... né le 18 Avril 1952 à TROYES... 49400 VILLEBERNIER

assisté de Me Marie Dominique BOLELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Michele F... épouse Z... née le 27 Janvier 1943 à VITRY-SUR-SEINE... 49400 VILLEBERNIER

assistée de Me Marie Dominique BOLELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

SA A. B. P VIE venant aux droits des ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE prise en la personne de son représentant légal 30, Avenue Pierre Mendès France 75013 PARIS

assistée de Me Vanina GENNARI, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Stéphanie COUILBAULT-DI TOMMASO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 février 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Mme Elisabeth X..., née le 28 novembre 1927 à Nice, célibataire, est décédée sans descendance, le 4 août 2006 à Ajaccio, en l'état d'un testament olographe du 8 septembre 2004, instituant M. Daniel Z..., son légataire universel.

Par acte du 23 novembre 2006, Mmes Marylin X..., Françoise Patricia X... épouse B..., Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... ont assigné M. Daniel Z..., et son épouse Mme Michèle F..., au visa des articles 489, 489-1, 901 et 1116 du code civil, devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour qu'il-les dise recevables et fondées en leurs demandes,
En conséquence,
- constate l'existence d'un dol entachant le consentement de Mme Elisabeth X... s'agissant de son testament daté du 8 septembre 2004 et s'agissant de la modification du bénéficiaire du contrat d'assurance vie SOLEVIA no 020 91 481 souscrit auprès de la société Assurances Banques Populaire Vie intervenue le 25 juillet 2005,
- constate l'insanité d'esprit de Mme Elisabeth X... depuis décembre 2003,
En conséquence,
- annule le testament de Mme Elisabeth X... en date du 8 septembre 2004,
- annule la modification du bénéficiaire du contrat d'assurance vie SOLEVIA no 020 91 481 souscrit auprès de la société Assurances Banques Populaire Vie intervenue le 25 juillet 2005,

- condamne la société Assurances Banques Populaire Vie à leur payer la somme de 10. 000 euros de dommages et intérêts,

- condamne solidairement M. Daniel Z... et son épouse Mme Michèle F... à leur payer la somme de 40. 000 euros de dommages et intérêts,
- ordonne l'exécution provisoire,
- condamne solidairement M. Daniel Z..., son épouse Mme Michèle F... et Assurances Banque Populaire Vie au paiement des dépens et de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 7 septembre 2007 le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer.

Par jugement du 02 juillet 2010 confirmé par arrêt du 28 décembre 2011, M. Z... et Mme F... ont été relaxés de la poursuite pour abus de faiblesse.

A la reprise d'instance, suite au décès de Mme Marylin X..., Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D..., et M. Robert Y... ont sollicité au visa des articles 901, 489, 489-1 et 1116 anciens du code civil et du placement sous sauvegarde de justice renforcée de Mme Elisabeth X... du 8 septembre 2004 et du placement sous curatelle renforcée de Mme Elisabeth X... du 2 mars 2005, de
-constater l'insanité d'esprit de Mme Elisabeth X... depuis décembre 2003,
- dire qu'elle n'était pas en mesure à compter de décembre 2003 de donner de consentement libre et éclairé,
- prononcer la nullité de son testament,
- prononcer la nullité des contrats d'assurance vie SOLEVIA no 020 91 481souscrit auprès de la société Assurances Banque Populaire Vie,
- désigner un notaire pour procéder aux opérations de liquidation et partage des biens ayant appartenu à Mme Elisabeth X...,
- condamner M. Daniel Z... à restituer l'ensemble des deniers perçus depuis son envoi en possession,
- condamner la Banque Populaire Vie à leur payer 10. 000 euros de dommages et intérêts,
- condamner M. Daniel Z... et Mme Michèle F... au paiement des dépens et de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Françoise Patricia X... épouse B..., a sollicité également la nullité du testament olographe du 8 septembre 2004, la nullité des modifications en faveur de Mme Michèle F... des contrats d'assurances vie SOLEVIA souscrits par Mme Elizabeth X..., auprès de la société Assurances Banque Populaire Vie, avec effet financier à compter des dates des instructions qui ont pu les provoquer, la désignation d'un séquestre et d'un notaire et la condamnation de M. Daniel Z... et de Mme Michèle F... au paiement des dépens et de 8. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 avril 2014, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a

-rejeté la demande de nullité du testament en date du 8 septembre 2004 établi par Mme Elisabeth X...,
- dit que le testament établi par Mme Elisabeth X... est valide et qu'en conséquence, le testament olographe du 8 septembre 2004, instituant M. Daniel Z... légataire universel recevra son plein effet,
- rejeté la demande de nullité des contrats d'assurance vie SOLEVIA, souscrits par Mme Elisabeth X..., auprès de la société Assurances Banque Populaire Vie, sous le No109/ X8/ 005376, et toutes les modifications de bénéficiaire, notamment celle en date du 25 juillet 2005, en faveur de Mme Michèle F... épouse Z...,
- dit que les contrats d'assurance vie SOLEVIA, souscrits auprès de la société Assurances Banque Populaire Vie, sous le no 109/ X8/ 005376, et toutes les modifications de bénéficiaire, notamment celle en date du 25 juillet 2005, en faveur de Mme Michèle F... épouse Z..., sont valides et en conséquence recevront leur plein effet,
- débouté Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D... et de M. Robert Y... et Mme Françoise Patricia X... épouse B..., de l'ensemble de leurs demandes,
- constaté que la société Assurances Banque Populaire Vie a procédé au blocage du capital décès du contrat d'assurance vie " SOLEVIA " no 109/ X8/ 005376, de Mme Elisabeth X... qui s'élève à 199. 138, 70 euros,
- ordonné l'opposabilité du jugement à la société assurances Banque Populaire Vie dépositaire des sommes dues au titre du contrat,
- dit que la Société Assurances Banque Populaire Vie sera tenue de payer les sommes dues à Mme Michèle F... épouse Z...,

- ordonné en tant que de besoin le paiement du capital décès,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts formée par les époux Z...,
- dit n'avoir lieu à amende civile,
- rejeté la demande d'intérêts légaux sur le capital décès,
- condamné Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D..., M. Robert Y... et Mme Françoise Patricia X... épouse B..., au paiement des dépens et de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande à ce titre de la société Assurances Banque Populaire Vie, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts X... aux entiers dépens.

Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D..., et M. Robert Y... ont interjeté appel le 11 juin 2016. Mme Françoise Patricia X... épouse B... a également interjeté appel incident.

Par dernières conclusions communiquées le 11 septembre 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D..., et M. Robert Y... demandent, au visa des articles 901, 489, 489-11 et 1116 anciens du code civil et du placement sous sauvegarde de justice renforcée puis sous curatelle renforcée de Mme Elisabeth X..., de

-constater l'insanité d'esprit de Mme X... depuis décembre 2003,
- dire qu'elle n'était pas en mesure à compter de décembre 2003 de donner de consentement libre et éclairé,
- prononcer la nullité du testament de Mme X... Elisabeth du 8septembre 2004,
- prononcer la nullité des contrats d'assurance-vie SOLEVIA 020 91481 souscrit auprès de la société Assurance Banque Populaire Vie,
- ordonner la désignation d'un notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation et partage des biens ayant appartenu à Mme X... Elisabeth,
- condamner M. Z... à restituer l'ensemble des deniers perçus depuis son envoi en possession,

- condamner la Banque Populaire vie à leur payer les sommes détenues au titre des assurances vie SOLEVIA souscrites par Mme X... Elisabeth ainsi que la somme de 10. 000 euros de dommages intérêts,

- condamner M. Z... Daniel et Mme Michèle F... au paiement des dépens et de la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées le 27 mai 2015, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Mme Françoise X... épouse B... demande au visa des articles 901, 489 et 510-1 anciens du code civil,

A titre principal, de
-dire que les époux Z...- F... ne rapportent pas la preuve des instants de lucidité à la faveur desquels Mme Elisabeth X... aurait pu rédiger de façon valide, à leurs dates, tant le testament olographe que les instructions bancaires susvisées, les dire nuls et de nul effet,
A titre subsidiaire, de
-constater pour avéré l'état d'insanité d'esprit de Mme Elisabeth X... à laquelle s'attache nécessairement l'autorité de la chose jugée par l'arrêt correctionnel de la cour d'appel du 28 décembre 2011,
- dire que la preuve est faite de l'insanité d'esprit de Mme Elisabeth X... à la date tant du testament que des instructions modificatives du contrat,
- dire nuls et de nul effet tant le testament olographe du 8 septembre 2004 instituant M. Daniel Z... légataire universel que les instructions bancaires des 27 juillet et 30 août 2005 modificatives du contrat d'assurance-vie SOLEVIA en faveur de Mme Michèle F...,
A titre infiniment subsidiaire, de
-dire nulles et de nul effet les instructions modificatives d'assurance-vie données par Elisabeth X... à son banquier faute d'avoir été précédées et assorties de l'autorisation de son curateur légalement désigné,
En toutes hypothèses,
- dire commun à toutes les parties l'ensemble des dispositions de l'arrêt à intervenir,
- désigner un notaire pour procéder aux opérations de liquidation et partage de l'ensemble des biens ayant appartenu à Feu Elisabeth X...,

- condamner M. Z... à rendre compte et à restituer les deniers perçus depuis son envoi en possession et à mettre toutes sommes disponibles au titre des assurances-vie SOLEVIA à la disposition du notaire de la succession,

- condamner les époux Z... Daniel et Michèle F... au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées le 31 octobre 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SA Assurances Banque Populaire Vie demande :

- acte de ce qu'elle a procédé au blocage du capital décès du contrat d'assurance vie SOLEVIA, no 109/ X8/ 005376, de Feue Elisabeth X... qui s'élève à 199. 138, 70 euros et non à 205. 000 euros comme indiqué par les époux Z...,
- acte de ce qu'elle s'en remet à la décision à intervenir sur la validité des actes signés par Feue Elisabeth X... depuis 2003 et, en conséquence, de juger :
- en cas de validité de l'ensemble de ces actes, y compris la modification bénéficiaire du 25 juillet 2005, la société ABP Vie devra régler le capital décès du contrat aux bénéficiaires désignés, à savoir les époux Z...,
- en cas de nullité de la modification bénéficiaire du 25 juillet 2005, la société ABP Vie devra régler le capital décès aux bénéficiaires précédemment désignés, en vertu de la modification du 28 mai 2004, à savoir
= pour 60 %, ses héritiers :
- en cas de nullité du testament litigieux, ses nièces, héritières ab intestat,- en cas de validité du testament litigieux, M. Z..., légataire universel,

= pour 40 %, à Mme Françoise B...,
- en cas de nullité des modifications de bénéficiaires du 28 mai 2004 et du 25 juillet 2005, la Société ABP VIE devra régler le capital décès aux bénéficiaires initiaux, tels que choisis à l'adhésion, c'est-à-dire à ses héritiers :

= en cas de nullité du testament litigieux, ses nièces, héritières ab intestat,
= en cas de validité du testament litigieux, M. Z..., légataire universel,

- en cas de nullité de l'ensemble de ces actes, y compris la souscription du contrat SOLEVIA, no109/ X8/ 005376 du 23 mars 2004, la société ABP VIE devra reverser les primes versées (188. 690, 40 euros) à la succession de l'assurée, entre les mains du notaire chargé de la succession,

En toute hypothèse, de
-juger qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et rejeter toutes les demandes de dommages et intérêts à son encontre,
- juger qu'elle ne pourra verser le capital aux bénéficiaires des contrats souscrits après le 20 novembre 1991 que conformément aux dispositions de l'article 806 III du code général des Impôts et, en conséquence, écarter l'exécution provisoire comme étant incompatible avec la nature de l'affaire,
- condamner toute partie perdante à lui verser la somme de 2. 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner toute partie perdante aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Vanina Gennari, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées le 29 septembre 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. Daniel Z... et Mme Michèle F... demandent, au visa de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel du 28 décembre 2011,

- de confirmer le jugement querellé en ce qu'il
-déboute les consorts X... et Mme B... de l'ensemble de leurs demandes non fondées tendant à l'annulation pour dol ou insanité d'esprit du testament en date du 8 septembre 2004 par lequel Feue Elisabeth X... a institué M. Z... légataire universel et à l'annulation de l'avenant en date du 25 juillet 2005 ainsi que du contrat d'assurance vie SOLEVIA X8-005376 préexistant, désignant Mme Michèle F... épouse Z... en tant que bénéficiaire,
- dit que le testament en date du 8 septembre 2004 instituant M. Z... légataire universel et l'avenant au contrat d'assurance SOLEVIA en date du 25 juillet 2005 instituant Mme Michèle F... épouse Z... bénéficiaire doivent recevoir leur plein effet,- dit que la décision est opposable à la société d'assurance ABP VIE dépositaire des sommes dues au titre du contrat d'assurance et dit la société ABP VIE tenue de payer les sommes dues à Mme Michèle F... et la condamne en tant que de besoin au paiement à cette dernière du capital dû de 205. 000 euros,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leurs demandes de condamnation en paiement des intérêts du capital et condamner à ce titre la société ABP VIE au paiement des sommes dues assortie des intérêts légaux à compter du 9 mars 2007,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leurs demandes de condamnation des appelants pour abus de droit,
- de condamner solidairement les demanderesses au paiement de la somme de 5. 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, de 3. 000 euros d'amende civile,
- de les condamner au paiement de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en procédure d'appel,
- de les condamner au paiement des dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2015.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 décembre 2015.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 17 février 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de nullité du testament :

Aux termes de l'article 901 du code civil, rappelé par les premiers juges, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ; la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

Si l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bastia du 28 décembre 2011, a effectivement confirmé la relaxe des époux Z... des chefs d'abus de faiblesse, l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt interdit seulement d'invoquer les faits objets de la poursuite, étant rappelé que Mme Françoise X... était également poursuivie. Il s'agissait pour Mme Michèle F... d'avoir abusé de l'état de faiblesse de Mme Elisabeth X... pour la conduire à des actes gravement préjudiciables pour elle, en l'espèce la modification du contrat d'assurance dont Mme Z... devenait l'unique bénéficiaire et pour M. Daniel Z..., d'avoir abusé de l'état de faiblesse de Mme Elisabeth X... pour la conduire à des actes gravement préjudiciables pour elle, en l'espèce sa désignation comme légataire universel. De surcroît, la possibilité pour la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, d'obtenir réparation de la part de la personne relaxée d'une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, exclut de se fonder uniquement sur l'arrêt de relaxe pour rejeter la demande. La relaxe pénale n'exclut pas l'existence d'une faute civile, d'autant que les éléments constitutifs de l'abus de faiblesse ne sont pas identiques à ceux du dol.

Toutefois, en l'état de leurs dernières écritures les appelantes ne réclament plus l'annulation du testament ou de la modification du bénéficiaire de l'assurance vie pour dol, mais seulement sur le fondement de l'insanité d'esprit et des articles 489 et 489-1 du code civil dans sa version applicable à l'espèce. Suivant l'article 489 alinéa 1 ancien du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit ; mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. L'article 489-1 du code civil, disposait alors " après sa mort, les actes faits par un individu, autre que la donation entre vifs ou le testament, ne pourront être attaqués pour la cause prévue à l'article précédent que si l'acte porte en lui-même la preuve du trouble mental, s'il a été fait dans un temps où l'individu était placé sous sauvegarde de justice, si une action avait été introduite avant le décès aux fins de faire ouvrir la tutelle ou la curatelle.

Le testament instituant M. Z... légataire universel est daté du 8 septembre 2004, il a été déposé le même jour par M. Z... à l'office notarial (pièce36). Or, le 7 septembre 2004, le docteur H..., neurologue, a examiné Mme Elisabeth X... qui " présentait une perte d'autonomie (troubles de la mémoire et de la marche, ralentissement idéo moteur et altération cognitive modérée) en rapport avec une maladie neuro-dégénérative (atrophie multi-systématisée probable). Le 8 septembre 2004, date de l'acte litigieux, le docteur I... psychiatre signalait au Procureur de la République l'altération des fonctions cognitives de sa patiente avec troubles du jugement, acalculie nécessitant un suivi. Il indiquait qu'elle n'était pas en possession de ses moyens et qu'il fallait la protéger de toute urgence et préconisait un placement sous sauvegarde de justice. Le 9 septembre 2004, le docteur J..., attestait donner ses soins à Mme X... et qu'elle présentait une maladie neuro-dégénérative avec oublis cognitifs, troubles de l'équilibre et de la mémoire. Or, le même jour, au visa d'un certificat du docteur K..., le juges des tutelles a placé Mme X... sous sauvegarde de justice.
Trois médecins différents ont donc constaté la veille, le jour et le lendemain de la rédaction du testament que Mme X... ne disposait pas de toutes ses facultés mentales, puisqu'elle présentait une maladie neuro-dégénérative, une altération des fonctions cognitives avec troubles du jugement, acalculie, oublis cognitifs, troubles de l'équilibre et de la mémoire. Ils suffisent à fonder l'action en nullité du testament pour insanité d'esprit des appelantes. Ils sont confirmés par l'examen du 30 mars 2006 pour l'expertise du docteur L... désigné par ordonnance du juge d'instruction qui conclut à l'existence d'un état démentiel de type Alzheimer avancé sur une maladie de Parkinson connue et traitée, avec perte de lucidité et à une altération de l'état général dès la fin de l'année 2003, caractérisée par des chutes, une confusion, une perte d'autonomie progressive. Il ajoutait qu'au moment de la signature des actes, Mme X... présentait un infléchissement important de son psychisme, avec des épisodes confusionnels suite à des chutes, un diagnostic d'accident vasculaire cérébral et de maladie de Parkinson.
Les intimés quant à eux ne démontrent pas que le testament a pu être établi dans un instant de lucidité. En effet, le certificat médical du docteur M... produit par les intimés (pièce8) portant la date du 9 octobre 2004, biffée et remplacée par septembre 2004, visé au soutien de la plainte de Mme X... contre sa nièce adressée au Procureur de la République le 21 décembre 2004, n'est pas de nature à modifier cette appréciation, puisque ce médecin a attesté qu'il avait vu Mme X... et effectué le test le 9 octobre 2004 et non le 9 septembre 2004 (pièce 53), même si de ce fait ce document n'a pas pu être déposé le 10 septembre 2004. De surcroît, quand même le test réalisé par le médecin ferait état de capacités cognitives et mnésiques satisfaisantes pour son âge, il est tempéré par le constat d'une apraxie constructive,- difficulté à définir les relations des objets entre eux dans l'espace-, d'une hypertonie liée à un syndrome parkinsonien. Le certificat médical du docteur K..., psychiatre, expressément visé par le premier juge est en réalité daté du 19 octobre 2004, même s'il faisait référence à un test du 9 septembre 2004 " montrant un score correct à 25/ 30 " ; il concluait cependant à la nécessité d'une assistance et d'un contrôle de tous les actes de la vie civile sous forme d'une curatelle " pour préserver son patrimoine et son argent ", considérant que " sa fragilité physique et psychique pouvaient en faire une proie facile face à des personnes peu scrupuleuses et intéressées pouvant abuser de son état de faiblesse ". Le certificat médical du docteur N... daté du 16 septembre 2004 est lui aussi postérieur au testament et au placement sous sauvegarde de justice, il fait suite à un seul examen, de telle sorte que la référence faite aux événements de l'année précédente, ne résulte pas de ses constatations et que le constat que l'état de santé et les capacités intellectuelles de Mme X... lui permettent d'exprimer ses volontés est tempéré par le constat de " son affection " qui nécessite un recul de plusieurs mois.
Aucun moyen n'est développé permettant de dire que l'insanité d'esprit s'était manifestée dès décembre 2003, en revanche, elle était caractérisée dès le 7 septembre 2004.
Il résulte de ces éléments, sans qu'il soit besoin de suivre les parties plus avant dans le détail de leur argumentation, que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité du testament pour insanité d'esprit de la testatrice. En conséquence de la nullité du testament instituant M. Daniel Z... légataire universel, ce dernier devra restituer les deniers perçus depuis son envoi en possession. En présence d'une succession sans testament, l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage sera ordonnée et le président de la chambre des notaires, avec faculté de délégation, sera désigné pour y procéder.

Sur le changement de bénéficiaire des contrats d'assurance vie :

Le 23 mars 2004, Mme Elisabeth X... a adhéré à un contrat d'assurance vie SOLEVIA par l'intermédiaire de la Banque Populaire. Le 5 avril 2004, la société Assurance Banque Populaire Vise lui a adressé un certificat d'adhésion. Le 28 mai 2004, Mme X... a modifié son contrat pour y effectuer un versement complémentaire de 125. 000 euros et modifié la clause bénéficiaire en cas de décès en faveur de ses héritiers. Le 25 juillet 2005, Mme X..., placée sous sauvegarde de justice le 9 septembre 2004 et sous curatelle renforcée le 2 mars 2005, a modifié la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie pour désigner Mme Michelle F... et à défaut M. Danielle Z.... Mme X... est décédée le 4 août 2006 à l'âge de 79 ans.

La validité de la souscription du contrat d'assurance vie est contestée par Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D... et M. Robert Y.... Ils ne motivent toutefois pas spécifiquement cette demande. Même s'ils relatent des épisodes confusionnels antérieurs à la signature de ce contrat, ils ne produisent aucune pièce et notamment les certificats médicaux susceptibles d'étayer leurs demandes. S'agissant des instructions bancaires du 28 mai 2004 changeant l'identité du bénéficiaire, aucune pièce n'est produite et la demande n'est pas explicitée.
La validité des instructions bancaires des 27 juillet 2005 et 30 août 2005 est également contestée. A leur date, Mme Elisabeth X... se trouvait sous protection judiciaire et les dispositions de l'article 489-1 ancien du code civil, s'appliquent. Aux termes de l'article 510 du code civil, applicable, le majeur en curatelle ne peut, sans l'assistance de son curateur, faire aucun acte qui, sous le régime de la tutelle des majeurs, requerrait une autorisation du conseil de famille ; il ne peut non plus, sans cette assistance, recevoir des capitaux ni en faire emploi.
Le changement de bénéficiaire du contrat d'assurance est un acte de disposition que le majeur protégé ne peut effectuer seul, mais seulement avec l'assistance de son curateur. Ce dernier n'a pas approuvé l'acte postérieurement. La sanction du défaut d'assistance du curateur est la nullité. En tout état de cause, il ne pouvait être sérieusement soutenu que Mme Elisabeth X... était en état de prendre seule les décisions relatives à ses biens, alors qu'elle avait oublié avoir souscrit le contrat d'assurance vie, qu'elle suspectait sa nièce de l'avoir fait à sa place. Peu importe qu'elle ait pu justifier ses décisions ou donner l'impression d'une cohérence puisqu'elle était légalement empêchée de prendre seule une décision portant disposition. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité des instructions bancaires portant changement de bénéficiaire des contrats d'assurance vie et ordonné le paiement des sommes aux époux Z... F....

Sur la faute de la banque

En absence de lien contractuel entre les consorts X... et la banque, il ne peut s'agir que d'une responsabilité fondée sur l'article 1382 du code civil.

Selon les consorts X..., elle résulterait du changement de bénéficiaire du contrat d'assurance sans aviser le curateur. Or, la Banque avait été seulement avisée par le curateur, le 4 mars 2005, de l'existence d'une simple sauvegarde de justice et non d'une mesure de curatelle renforcée, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas pris les précautions liées à l'existence d'une curatelle. Ayant reçu les demandes de changement de bénéficiaire du contrat d'assurance vie, par courriers des
25 juillet 2005 et 30 août 2005, elle les a transmises à M. Jacky O..., visant la sauvegarde de justice, pour solliciter son aval. En effet, la décision du majeur sous protection prise à tort sans assistance, pouvait être approuvée postérieurement par l'administrateur. Informée de l'existence de la curatelle et du refus du curateur d'approuver la décision, elle a bloqué les fonds dans l'attente que soit identifié le bénéficiaire des fonds. Elle n'a commis aucune faute de nature à causer un préjudice aux consorts X..., la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
En vertu de la nullité de la modification du bénéficiaire du 25 juillet 2005, la société ABP Vie devra régler le capital décès aux bénéficiaires précédemment désignés, en vertu de la modification du 28 mai 2004, à savoir pour 60 %, à ses héritiers, en l'état de la nullité du testament litigieux, ses nièces, héritières ab intestat et pour 40 %, à Mme Françoise B..., à charge pour elle de respecter les obligations de déclaration qui lui incombent.
En conséquence de la présente décision, les demandes de M. Z... et Mme F... seront rejetées s'agissant notamment du paiement des sommes et des intérêts. L'arrêt rendu en dernier ressort, exclut le prononcé de l'exécution provisoire. La présence en la cause de Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D... et M. Robert Y..., d'une part, de Mme Françoise X... épouse B... d'autre part, de M. Daniel Z... et de Mme Michèle F..., ensuite et de la banque ABP VIE, enfin, suffit à leur rendre la décision commune et opposable.
M. Z... et Mme F... succombent, ils seront solidairement condamnés au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Vanina Gennari, pour ceux des frais dont avance aurait été faire sans avoir reçu provision.
Ils seront également condamnés solidairement à payer à Mme Françoise X... épouse B... une somme de 1. 200 euros, la même somme à Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D... et M. Robert Y..., parties communes d'intérêts et à la banque APB Vie.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- Infirme le jugement critiqué en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,
- Prononce la nullité du testament de Mme Elisabeth X... du 8 septembre 2004 pour insanité d'esprit de la testatrice,
- Ordonne à M. Daniel Z... de restituer les deniers perçus depuis son envoi en possession en qualité de légataire universel,
- Ordonne l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme Elisabeth X... née le 28 novembre 1927 à Nice et décédée le 4 août 2006 à Ajaccio,
- Désigne pour y procéder le président de la chambre départementale des notaires, avec faculté de délégation,
- Constate la nullité des instructions portant modification du bénéficiaire du contrat d'assurance vie SOLEVIA du 25 juillet 2005 et du 30 août 2005,
- Dit que la société ABP Vie devra régler, en respectant les obligations de déclaration qui lui incombent, le capital décès aux bénéficiaires précédemment désignés, en vertu de la modification du 28 mai 2004,
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Condamne M. Z... et Mme F... solidairement au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Vanina Gennari, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamne M. Z... et Mme F... solidairement à payer la somme de mille deux cents euros (1. 200 euros) à Mme Françoise X... épouse B..., d'une part, à Mmes Sabine X... épouse E..., Jacqueline X... épouse C..., Françoise X... épouse D... et M. Robert Y..., parties communes d'intérêts, d'autre part et enfin à la banque APB Vie.
GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00497
Date de la décision : 17/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-02-17;14.00497 ?
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