COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00561.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 15 Janvier 2013, enregistrée sous le no 11/ 01097
ARRÊT DU 03 Mars 2015
APPELANTE :
Madame Sylvie X......53000 LAVAL (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013 004185 du 05/ 07/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
comparante-assistée de Maître TORDJMAN de la SCP ACR, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMES :
Maître Pascal Y..., mandataire liquidateur de la SARL GALAXIE ... 28000 CHARTRES
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC-CGEA D'ORLEANS 16 rue de la République CS 15802 45058 ORLEANS CEDEX 1
non comparants-représentés par Maître CADORET, avocat substituant Maître CREN de la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC-CGEA DE RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet-CS 96925 35069 RENNES CEDEX
non comparante-ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 03 Mars 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
La SARL Galaxie Pèche dont le siège social était à Leves (28 300) a exploité un fonds de commerce de vente d'articles de pêche dans trois établissements, l'un à Chartres, le second à La Flèche et le troisième à Chateauneuf-sur-Sarthe.
La société a été créée au cours de l'année 1999 par M. Jean-Claude X..., gérant et associé majoritaire et par son épouse Mme Sylvie X....
Mme X...a été recrutée le 1er février 2000 en qualité d'employée administrative par la société Galaxie Pèche dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
En dernier lieu, elle occupait un poste à temps complet moyennant un salaire brut de 1 876. 38 euros par mois.
Par jugement en date du 6 avril 2011, le tribunal de commerce de Chartres a prononcé la liquidation judiciaire de la société Galaxie Pèche et a désigné Me Y...en qualité de mandataire liquidateur.
Par courrier en date du 6 avril 2011, Mme X...a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 15 avril suivant.
Par courrier du 18 avril 2011, Mme X...a reçu notification de son licenciement pour motif économique.
La salariée a accepté la convention de reclassement personnalisé à effet au 9 mai 2011.
Se heurtant au refus du mandataire liquidateur et à l'AGS de lui régler une créance salariale au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un travail salarié, Mme X...a saisi le conseil de prud'Hommes d'Angers en paiement d'un rappel de salaires depuis le mois d'octobre 2010, d'un solde de congés payés et d'indemnités de rupture.
Par jugement en date du 15 janvier 2013, le conseil de prud'hommes d'Angers a :- donné acte à l'AGS de son intervention par le CGEA de Rennes,- dit que Mme X...n'avait pas la qualité de salariée au sein de la société Galaxie Pèche-dit que le refus de paiement des créances opposé par la CGEA d'Orléans et Me Y...était justifié,- débouté Mme X...de ses demandes,- débouté Me Y...de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné Mme X...aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement les 31 janvier et 14 mars 2013.
Mme X...en a régulièrement relevé appel général par courrier du 21 février 2013 de son conseil.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 22 juillet 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme X...demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,- ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Galaxie Pèche de ses créances à hauteur des sommes suivantes :-13 134. 70 euros bruts au titre du rappel de salaires,-1 313. 47 euros bruts au titre des congés payés y afférents,-1 907. 65 euros bruts au titre du solde de congés payés,-4 534. 58 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,- condamner Me Y...es qualité au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- dire la décision commune et opposable à l'AGS-CGEA de Rennes.
Elle fait valoir en substance que :
- la qualité de salariée de la SARL GALAXIE PECHE ne peut pas lui être contestée alors qu'elle a travaillé depuis le 1er février 2000 pour le compte de cette société familiale,, qu'elle dispose de bulletins de salaire et cotise auprès de l'Urssaf et du régime d'assurance chômage,- elle a été admise par Pôle Emploi au bénéfice des prestations chômage,- elle n'a jamais exercé les fonctions de gérante ou de dirigeante de la société dirigée par son mari gérant majoritaire,- le fait qu'elle bénéficie d'une procuration sur un compte bancaire de la société ou qu'elle a pu ouvrir un compte n'était pas surprenant au regard de ses fonctions d'assistance administrative et comptable,- elle a accepté de ne pas percevoir son salaire pendant trois mois (octobre à décembre 2010) pour aider l'entreprise par le prêt de fonds propres sur un compte courant sans que ce prêt puisse exclure la notion de salariat,- elle est donc bien fondée à obtenir la fixation de sa créance sur la passif de la société à hauteur des salaires impayés depuis le mois d'octobre 2010, et les créances de congés payés ainsi que l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles Me Y...es qualité de mandataire judiciaire de la SARL GALAXIE PECHE demande à la cour :
- de confirmer le jugement,- dire que Mme X...n'avait pas la qualité de salariée de la société Galaxie Pèche-de débouter Mme X...de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient essentiellement que :
- un faisceau d'indices démontre l'absence de tout lien de subordination de Mme X...et l'absence de qualité de salariée, en ce qu'elle était l'épouse du dirigeant de la société, en était l'associée, a renoncé à percevoir ses salaires pendant une durée d'un an,- elle s'est davantage comportée en qualité d'associée en disposant de la signature sur le compte bancaire de la société, en ouvrant une convention de compte bancaire en tant que représentante légale de la société,- elle ne rapporte pas la preuve qu'elle recevait des ordres ou directives de la part du gérant.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS) représentée par le CGEA d'Orléans demande à la cour :
- de confirmer le jugement,- de dire que Mme X...n'a pas la qualité de salariée au sein de la société et la débouter de toutes ses demandes,- subsidiairement, de dire que la créance ne sera garantie par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévues par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code,- de condamner Mme X...aux dépens.
L'AGS-CGEA d'Orléans a développé des moyens identiques à ceux exposés par le mandataire judiciaire de la société Galaxie Pèche.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur le contrat de travail,
L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que :
- Mme X...percevait une rémunération régulière attestée par des bulletins de salaire depuis le 1er février 2000- soit depuis plus dix ans avant l'ouverture de la procédure collective-en qualité d'employée administrative et comptable, à temps complet,- elle était déclarée régulièrement auprès de l'Urssaf, Pôle Emploi et la sécurité sociale et cotisait en tant que salariée,- la société Galaxie Pèche a déclaré employer une unique salariée lors de l'audience du tribunal de commerce de Chartres du 6 avril 2011,- Mme X...n'a jamais été désignée comme gérante de la société dont elle était associée minoritaire.
La réalité de la prestation de travail fournie par Mme X...n'a jamais été contesté par le mandataire liquidateur de la société Galaxie Pèche qui ne produit aucun document de nature à établir l'absence d'un lien de subordination au sein d'une entreprise dont l'activité économique était réelle avec un chiffre d'affaires annuel hors taxes de 617 256 euros en 2010.
Mme X...rapporte à tout le moins les éléments établissant un contrat de travail apparent au regard de la délivrance des bulletins de salaires, des déclarations faites aux organismes sociaux et des cotisations acquittées.
Compte tenu de ces éléments, il incombe au mandataire liquidateur de rapporter la preuve du caractère fictif de ce contrat de travail.
Le fait que Mme X...ait eu procuration sur le compte bancaire de la société et qu'elle ait pu ouvrir une convention de compte au nom de la société ne sont pas inconciliables en eux mêmes avec l'existence d'un contrat de travail puisqu'elle a agi dans ces hypothèses en qualité d'associée.
S'agissant du " prêt " consenti à la société Galaxie Pèche à concurrence de trois mois de salaire de Mme X..., il ne permet pas davantage de remettre en cause la qualité de salariée de celle-ci.
Enfin, le fait que Mme X...ait été désignée au cours de l'année 2003 comme liquidateur amiable d'une société Ouest Pèche, société indépendante de la société Galaxie Pèche, est indifférent sur le présent litige.
Il s'ensuit que Mme X...doit être considérée comme salariée de la société Galaxie Pèche de sorte que les refus du mandataire judiciaire et de l'AGS de prendre en charge le paiement de ses créances salariales sont injustifiés. Il convient d'observer au surplus que l'incompétence de la juridiction prud'homale n'a jamais été soulevée.
Mme X...percevant un salaire moyen brut de 1 876. 38 euros par mois, est créancière à l'égard du passif de la société Galaxie Pèche de :
- la somme de 13 134. 70 euros brut au titre du rappel de salaires depuis le mois d'octobre 2010 jusqu'à la date de licenciement,- la somme de 1 313. 47 euros pour les congés payés y afférents,- la somme de 1 907. 65 euros pour l'indemnité compensatrice de congés payés,- la somme de 4 534. 58 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes,
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X...les frais non compris dans les dépens. Me Y...es qualité sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.
Me Y...es qualité, qui sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamné aux frais de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
- INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le refus de paiement des salaires de Mme X...par Me Y...es qualité et par l'AGS-CGEA d'Orléans était justifié, dit que Mme X...n'avait pas la qualité de salariée, débouté Mme X...de ses demandes ainsi qu'aux dépens.
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- DIT que Mme X...était salariée de la SARL Galaxie Pèche jusqu'à la rupture de son contrat de travail intervenu le 9 mai 2011.
- FIXE au passif de la SARL Galaxie Pèche les créances suivantes de Mme X...à :- la somme de 13 134. 70 euros brut au titre du rappel de salaires depuis le mois d'octobre 2010 jusqu'à la date de licenciement,- la somme de 1 313. 47 euros pour les congés payés y afférents,- la somme de 1 907. 65 euros pour l'indemnité compensatrice de congés payés,- la somme de 4 534. 58 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
- CONDAMNE Me Y...es qualité de mandataire judiciaire de la société Galaxie Pèche à payer à Mme X...la somme de 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- DÉBOUTE Me Y...es qualité de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,
- DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervenant par le CGEA d'Orléans, association gestionnaire de l'AGS et par le CGEA de Rennes,
- DIT que celle-ci sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme X...dans les limites et plafonds définis aux articles L 3253-8 à L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail.
- CONDAMNE Me Y...es qualité de mandataire judiciaire de la société Galaxie Pèche aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN Anne JOUANARD