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07/06/2024 | FRANCE | N°19/19509

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 07 juin 2024, 19/19509


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2024



N° 2024/101













Rôle N° RG 19/19509 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKV2







[N] [K]





C/



SARL AV ALUMINIUM



















Copie exécutoire délivrée

le : 07 Juin 2024

à :



Me Laurent-Attilio SCIACQUA, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Marianne COLLIGNON-T

ROCMEavocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 05 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00598.





APPELANTE



Madame [N] ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUIN 2024

N° 2024/101

Rôle N° RG 19/19509 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKV2

[N] [K]

C/

SARL AV ALUMINIUM

Copie exécutoire délivrée

le : 07 Juin 2024

à :

Me Laurent-Attilio SCIACQUA, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Marianne COLLIGNON-TROCMEavocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 05 Novembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00598.

APPELANTE

Madame [N] [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent-Attilio SCIACQUA de la SELARL EY VENTURY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL AV ALUMINIUM Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marianne COLLIGNON-TROCME de la SELARL ELLIPSE AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julien DEVAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024, délibéré prorogé au 07 Juin 2024

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024

Signé par Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [N] [K] a été embauchée le 2 janvier 2008 par la société AV Aluminium dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (20 heures par semaine) en qualité d'aide magasinier polyvalent classée niveau I, échelon 3, coefficient 155 de la grille des emplois de la convention collective de la convention collective de la métallurgie des Bouches-du-Rhône et Alpes de Haute Provence (IDCC 2630) applicable à la relation de travail compte de tenu de l'activité de l'entreprise, laquelle est spécialisée dans la fabrication de structures métalliques et de parties de structures.

Les tâches confiées à la salariée étaient les suivantes :

- Répondre au téléphone

- Réceptionner les commandes

- Editer les BL

- Préparer les commandes

- Vérifier les quantités et la qualité des marchandises,

- Expédier les marchandises

- Contrôler la livraison

- Réception des camions avec utilisation d'un chariot élévateur, déchargement,

rangement, contrôle des marchandises,

- Entretien de l'entrepôt, des locaux et des outils de travail (outillage, véhicules, etc)

- Aménagement de l'espace de travail

- Montage des maquettes

- Coupe et usinage de barres d'aluminium

- Livraisons

- Toutes autres tâches en fonction des besoins de l'entreprise et de la satisfaction de l'attente des clients.

Par avenant du 27 octobre 2008, la durée du travail de Mme [K] a été fixée à 35 heures par semaine.

La salariée a été victime d'un accident du travail le 16 septembre 2009, suite à une chute d'une charge métallique la blessant gravement à la jambe droite.

En arrêt de travail pendant cinq mois, à l'issue des deux visites médicales de reprises des 2 et 16 février 2010, elle a été déclarée apte avec les réserves suivantes : 'pas de port de charges, pas de travail en hauteur, pas de conduite de chariot de levage, pas de port de chaussures de sécurité'.

Un nouvel avenant du 1er mars 2010 a augmenté la durée du travail de la salariée à 169 heures par mois (39 heures par semaine), fixé sa rémunération mensuelle brute à 1.652,07 € et instauré une prime de 63,64 € par mois, dont le versement était conditionné par l'atteinte de l'objectif de qualité suivant : l'absence d'erreur dans les expéditions ou entre le stock réel et le stock théorique au cours du mois considéré.

En parallèle, les fonctions de Mme [K] ont été adaptées et elle est devenue responsable logistique.

Suite à une visite médicale réalisée le 12 juillet 2010, le médecin du travail a conclu que la salariée était 'apte à l'essai' à ce poste de responsable logistique.

Le 1er septembre 2010, ce professionnel de santé au travail a indiqué - toujours au visa de ce poste de responsable logistique - qu' « en attendant de trouver la paire de chaussures de sécurité qui lui aille bien (ou voir si montante '), [elle pouvait] travailler avec ses baskets ».

L'état de santé de Mme [K] a été déclaré consolidé au plan médical par un certificat daté du 19 novembre 2010 constatant des séquelles algiques et orthopédiques, à savoir

- une diminution flexion / extension / abduction / varus,

- une cicatrice,

- une limitation des amplitudes des articulations de la cheville droite,

- une raideur de la cheville droite.

A l'issue d'examens réalisés au sein du service médical de la caisse primaire d'assurance maladie le 19 décembre 2010, Mme [K] s'est vue reconnaître un taux d'incapacité permanente de 10%, donnant lieu à l'attribution d'une rente.

Le 7 octobre 2011, la salariée a été déclarée « apte » (sans autre indication) au poste de responsable logistique, tandis que le 6 mai 2014, elle a été jugée : « apte, (mais sans) manutention de charge lourde (ni) station debout prolongée », et le 30 octobre 2014 : « apte, (mais sans) conduite de chariot élévateur jusqu'en mai 2015 ».

Le 24 juin 2014, la société AV Aluminium a mis en place un accord d'intéressement lié aux résultats de l'entreprise, qui prévoyait pour tous les salariés justifiant de trois mois d'ancienneté le versement d'une prime de 8% du salaire annuel brut dans l'hypothèse où le résultat courant avant impôt atteindrait 75.000 € pour les trois exercices sociaux du 1er juillet au 20 juin 2015, 2016 et 2017.

Indépendamment de cet intéressement et calculée sur les derniers mois de paie complets, la rémunération mensuelle brute de Mme [K] était de 2.018,67 € (1.605,80 € au titre du salaire de base sur 151.67 heures, 229.35 € pour les 17,33 heures supplémentaires majorées à 25 % et 183.52 € de prime d'ancienneté).

La salariée a en effet bénéficié de plusieurs nouveaux arrêts de travail, liés d'abord à un état de grossesse pathologique à compter du mois de janvier 2015, puis à un congé maternité du 2 mai au 24 août 2015.

A cette date , elle a fait l'objet d'un examen médical de reprise qui a donné lieu à un avis d'aptitude au poste de responsable logistique, mais avec les restrictions suivantes : « Station debout prolongée à éviter. Port de charges lourdes contre indiqué. A revoir dans un mois ».

Après deux nouveaux arrêts de travail pour maladie des 26 au 28 août 2015 et 3 au 11 septembre 2015, elle a de nouveau été examinée le 14 septembre 2015 à la demande de l'employeur par le médecin du travail qui a conclu qu'elle était « apte en regard de la fiche de poste émise le 14 septembre 2015 et visée par la salariée, station debout prolongée à éviter / Manutention de charges lourdes contre indiquée ».

Cette fiche de poste jointe à l'avis médical mentionnait que Mme [K] était 'responsable des tâches logistiques, magasinier cariste polyvalent' et que ses missions étaient les suivantes :

- Renseigner la CRM sur la disponibilité de ses commandes dans l'entrepôt

- Accueillir les clients

- Préparer ses commandes (picking, emballage) -

- Procéder au chargement des camions

- Editer ses BL

- Contrôler ses expéditions : vérification des quantités et de la qualité (+ photos) 

- Livrer si nécessaire

- Réceptionner les livraisons et déchargement avec chariot élévateur, contrôle des quantités et rangement

- Entretien de l'entrepôt et de l'outil de travail

- Respecter les règles de sécurité

Logistique entrepôt :

o S'assurer que le stock est bien ordonné et approvisionné et que les quantités sont justes dans le logiciel de gestion ;

o Faire des inventaires tournants ;

o Contrôler la qualité et les quantités des marchandises reçues

o Contrôler la quantité et la qualité de l'ensemble clés marchandises livrées

o Contrôler le bon chargement et déchargement clés camions 

Toutes autres tâches en fonction des besoins de l'entreprise.

Cependant, le 16 septembre 2015, Mme [K] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail et, le même jour, elle a déposé plainte contre M. [Y] [I], le gérant de la société AV Aluminium, en l'accusant de l'avoir giflée le 14 septembre 2015, plainte qui sera ultérieurement classée sans suite pour le motif suivant : infraction insuffisamment caractérisée (le 17 mars 2016).

A l'issue d'une visite unique de reprise en date du 4 janvier 2016, le médecin du travail l'a déclarée « inapte à tous postes dans l'entreprise », pour danger immédiat.

Le 5 janvier 2016, interrogé par la société AV Aluminium afin de recueillir ses préconisations en vue du reclassement de Mme [K], ce professionnel de santé a confirmé qu'il n'avait « aucune proposition de reclassement à (vous) faire compte tenu de l'état de santé actuel » de l'intéressée. De nouveau le 11 janvier 2016, alors qu'il était précisément interrogé sur la possibilité de reclasser Mme [K] sur un poste d'assistant commercial bilingue anglais-espagnol, il a répondu qu'aucun poste dans l'entreprise ne pouvait convenir à la salariée.

Le 14 janvier 2016, la société AV Aluminium a alors convoqué la salariée - qu'il avait informée le 12 de cette impossibilité - pour un entretien préalable au licenciement fixé au 27 janvier suivant.

Mme [K] a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par un courrier du 1er février 2016.

C'est dans ce contexte que le 30 mai 2016, elle a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence pour contester cette décision et solliciter le paiement de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ainsi que pour préjudice moral, d'une indemnité compensatrice de préavis et de diverses sommes en application de son contrat de travail (complément de prime d'ancienneté et de salaire sur maladie et maternité, rappel de salaire sur intéressement).

Vu le jugement qui a débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a et condamnée la première aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de cette salariée en date du 20 décembre 2020,

Vu ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 22 août 2022, par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance et en substance de :

- juger que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société AV Aluminium à lui payer les sommes suivantes :

- 734,08 € au titre du rappel de salaire sur prime d'ancienneté,

- 623.50 € au titre du complément de salaire maladie et maternité,

- 1.937,57 € correspondant à la prime d'intéressement,

- 7.340,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 734.06 € au titre des congés payés sur préavis,

- 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,

- 5.000 € nets au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- ordonner la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés à compter du mois de février 2010, sous astreinte journalière de 20 €,

- condamner la société AV Aluminium à lui payer 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 septembre 2022 pour la société AV Aluminium aux fins de confirmation du jugement entrepris, rejet de toutes les demandes de l'appelante et condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 janvier 2024,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de l'audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 12 avril 2024 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé du délibéré au 7 juin 2024.

SUR CE :

Sur les sommes réclamées au titre du contrat de travail :

- La prime d'ancienneté

Le conseil des prud'hommes a débouté Mme [K] de sa demande de paiement d'une somme de 734,08 € réclamée à ce titre pour la période d'octobre 2015 à janvier 2016 après avoir constaté qu'à cette époque, la salariée était en arrêt de travail et qu'elle percevait des indemnités journalières calculées sur la base de son salaire brut précédent son arrêt.

La salariée réitère sa demande dans le cadre de son appel en faisant valoir :

- que les dispositions des articles 8 et 9 de l'avenant de la convention collective applicable, aux termes desquelles les salariés ayant au moins trois ans d'ancienneté bénéficient d'une prime d'ancienneté aux taux respectifs mentionnés ci-après :

- 5 % après 3 ans d'ancienneté,

- 10 % après 6 ans d'ancienneté,

- 12 % après 12 ans d'ancienneté,

- 15 % après 15 ans d'ancienneté.

- que l'article 8 de cet avenant mensuel indique que la présence continue du salarié doit s'entendre comme le temps écoulé depuis la date d'engagement du contrat de travail en cours sans que ne soient exclues les périodes pendant lesquelles le contrat a été suspendu,

- qu'elle avait été engagée par la société AV Aluminium à compter du 2 janvier 2008 et bénéficiait donc d'une ancienneté excédant 6 années à compter du 2 janvier 2014 lui permettant de revendiquer le taux de 10%,

- que cette prime d'ancienneté lui avait été versée à compter du mois de janvier 2014 jusqu'au mois de septembre 2015 inclus,

- qu'à compter du mois de d'octobre 2015, l'employeur avait cessé de la lui verser et ce en mesure de rétorsion face au différend que les opposait alors.

La Société AV Aluminium objecte qu'il ne s'agissait nullement d'une mesure de rétorsion et que les indemnité journalières qui lui ont été versées à compter du mois d'octobre 2015 intégraient la prime d'ancienneté.

Cependant l'attestation de versement des indemnités journalières et le bulletins de salaire auxquels l'employeur se réfère ne permettent pas de vérifier que la prime d'ancienneté était intégrée aux sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie.

En revanche, la cour constate que sur les bulletins de paie précédent (notamment ceux des mois de janvier à juin 2015 ainsi que d'août et septembre 2015), la salariée percevait une prime d'ancienneté de 183,52 € en sus des indemnités journalières qui lui étaient servies et qui venaient en déduction, ce qui n'a plus été le cas à partir du mois d'octobre 2015.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et la société AV Alumium condamnée à payer le rappel de prime d'ancienneté justement réclamé par Mme [K].

- La prime d'intéressement

Le conseil des prud'hommes a également rejeté la demande de paiement d'une somme de 1.937,90 € présentée par la salariée après avoir constaté que, le 29 mars 2017, l'employeur lui avait adressé un chèque de 262,73 € en règlement de la prime d'intéressement pour 2016, somme correspondant au net de la prime de 285,57 € brut mentionnée sur un bulletin de salaire de mars 2017.

Au soutien de son appel, Mme [K] fait valoir qu'elle était toujours employée au 31 janvier 2016, de sorte qu'elle peut prétendre, au titre de l'exercice 2015/2016 au versement de la prime d'intéressement calculée comme suit :

- salaire de base : 2.018,65 € (1.835,15 + 183,50 € au titre de la prime d'ancienneté)

- salaire annuel : 24.223,80 €

- prime d'intéressement : 24.223,80 € x 8% = 1.937,90 €.

La société AV Aluminiumobjecte qu'aucune prime d'intéressement n'était due au titre du premier exercice 2014/2015 au vu du résultat courant avant impôt ainsi que cela est attesté par son expert-comptable, et que pour l'exercice suivant, la salariée a été remplie de ses droits puisqu'elle a perçu une prime calculée de la manière suivante :

3.569,67 € * 8 %= 285,57 € - 22,58 € de CSG-CRDS = 262,73 €

La cour constate cependant que l'employeur ne conteste pas qu'il était redevable d'une prime d'intéressement à Mme [K] du fait qu'elle faisait effectivement partie de ses effectifs au 1er janvier 2016 mais il ne fournit aucune indication sur la détermination du montant de 3.569,67 € retenu, qui ne correspond pas même au total des salaires perçus en janvier et février 2016 par la salariée.

L'accord d'intéressement stipulait (article 4) que :

- l'attribution des primes d'intéressement était effectuée le dernier jour du septième mois suivant la clôture de l'exercice, soit avant le 31 janvier,

- toute répartition donnait lieu à la remise d'une fiche distincte du bulletin de paie, indiquant le montant global de l'intéressement, le montant moyen perçu par les bénéficiaires, la part revenant au bénéficiaire et le montant des prélèvements décomptés, avec en annexe une note rappelant les règles essentielles de calcul et de répartition de l'intéressement telles qu'elles résultaient de l'accord,

- la fiche et l'annexe doivent être adressées au salarié en droit de bénéficier de l'intéressement mais ayant quitté l'entreprise avant que celle-ci n'ait été en mesure de calculer et de répartir les droits dont il est titulaire.

Or la société AV Aluminium ne justifie pas avoir respecté ces dispositions.

Faute d'élément de détermination des modalités de calcul de la somme allouée à Mme [K], la cour valide celui proposé par cette dernière qui est conforme aux stipulations conventionnelles qui aux termes desquelles 'la formule de calcul est la suivante : si le résultat Courant Avant Impôt (RCAI) est supérieur à 75.000 €, il sera distribué à chacun des bénéficiaires de l'intéressement 8% de son salaire annuel brut', sans pouvoir dépasser annuellement 20% du total des salaires bruts versés aux salariés concernés (article 1er).

Il convient simplement de déduire des 1.937,90 € résultant du calcul de Mme [K] la somme de 285,57 € en brut versée le 29 mars 2017, à savoir à une date ne correspondant à rien au regard des stipulations conventionnelles mais le lendemain de la première audience du bureau de jugement du conseil des prud'hommes saisi par la salariée.

Le jugement sera donc infirmé et la société AV Aluminium condamnée à payer à Mme [K] un complément de 1.652,33 € de ce chef,

- Le maintien du salaire pendant les congés maladie et maternité

Le conseil des prud'hommes d'Aix en Provence a rejeté la demande présentée par Mme [K] à ce titre aux motifs qu'elle avait perçu 6.101,76 € de l'assurance maladie pour la période de maternité du 2 mai au 21 août 2015.

Or, en raison d'une grossesse pathologique, la salariée a alterné des périodes de maladie et de maternité entre le 1er février et le 21 août 2015 comme cela résulte de l'attestation de la caisse primaire d'assurance maladie qu'elle verse aux débats et dont il résulte qu'elle a été indemnisée durant cette période :

- 45 jours au titre de la maladie,

- 126 jours au titre de la maternité.

Il est par ailleurs établi que les sommes versées par la société AV Alumium au titre du maintien du salaire à 100% auquel Mme [K] avait droit conformément aux dispositions de la convention collective ne couvraient pas le salaire qui lui était dû et que - sans la prime d'ancienneté que la salariée n'a pas décomptée - il manque effectivement, en brut :

- 62 € sur la paie de mars 2015 (1.835,15 [salaire de base et majoration pour heures supplémentaires] - 1.245,67 [IJSS] - 527,48 [salaire payé])

- 138,58 € sur la paie de mai 2015 (1.835,15 [salaire de base et majoration pour heures supplémentaires] - 1.634,40 [IJSS] - 62.17 [salaire payé])

- 138,58 € sur la paie de juin 2015 (1.835,15 [salaire de base et majoration pour heures supplémentaires] - 1.634,40 [IJSS] - 62.17 [salaire payé])

- 146,27 € sur la paie de juillet 2015 (1.835,15 [salaire de base et majoration pour heures supplémentaires] - 1.688,80 [représentant 31 jours x 54.48 € IJSS])

- 138,09 € sur la paie du mois d'août 2015 (1.835,15 [salaire de base et majoration pour heures supplémentaires] - 1.144,80 [représentant 21 jours x 54.48 € IJSS] 6 552,98 € [salaire payé]).

La cour infirmera le jugement qui a rejeté les prétentions de la salariée et condamnera la société AV Aluminium - qui se borne à affirmer que les calculs de Mme [K] ne sont pas compréhensibles - à payer un rappel de salaire justement réclamé à hauteur de 623.50 €.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de licenciement pour inaptitude physique, la lettre de licenciement doit mentionner expressément ce motif ainsi que l'impossibilité de reclassement.

Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'époque du licenciement, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise; l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le point de départ de l'obligation de reclassement est la seconde visite, sauf hypothèse d'une déclaration d'inaptitude pour danger immédiat, en une seule visite médicale.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise dans laquelle travaille le salarié devenu inapte mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent la mutation de tout ou partie du personnel.

Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise, accompagnée le cas échéant d'un examen supplémentaire, peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur des obligations mises sa charge. En effet, si l'obligation de reclassement d'un salarié inapte ne constitue pas une obligation de résultat, elle doit se concilier avec l'obligation de sécurité en matière de protection de la santé des salariés, qui est une obligation de résultat. A cet égard, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail en vue du reclassement du salarié, au besoin en les sollicitant.

L'obligation de reclassement est ainsi une obligation de moyen renforcée et les difficultés de reclassement du salarié ne sont pas assimilables à la preuve de l'impossibilité de reclassement, laquelle incombe à l'employeur.

Si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation (Cass. Soc. 8 juin 2017, n° 1610791 notamment).

En l'espèce, le conseil des prud'hommes a estimé que le licenciement de Mme [K] était fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que cette dernière ne démontrait pas que la société AV Aluminium ne lui avait pas mis à sa disposition le matériel de sécurité adapté à ses besoins.

Pour contester son licenciement, la salariée fait à nouveau valoir :

- qu'est abusif le licenciement pour inaptitude physique consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ,

- qu'en l'espèce, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, faute d'avoir respecté les restrictions médicales

notamment en 2011 et 2012 (entraînant des rechutes à répétition suite à son accident du travail), ainsi qu'en 2014 (car il l'obligeait à effectuer de la manutention et des préparations de commandes),

- que la société AV Aluminium n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires à la préservation de la santé et la sécurité de ses salariés, malgré la dangerosité de l'activité de l'entreprise, en l'absence d'affichage préventif et de formation concernant notamment les gestes à adopter pour la manutention des charges, en l'état de barres rendant les issues de secours inaccessibles, d'absence de protection de certains fils électriques, compte tenu du dépôt d'objets encombrant le passage et de racks de stockage surchargés et mal positionnés, ce qui lui avait été dénoncé dans un courrier du 10 septembre 2015,

- que le comportement agressif et menaçant du dirigeant à son retour de maternité, ajouté au fait qu'il avait modifié ses fonctions, démontrait qu'il cherchait à tout prix à la voir quitter son poste de travail,

- qu'il avait adopté des attitudes violentes physiquement et moralement ayant conduit à la dégradation de son état de santé et à son inaptitude,

- l'existence de manquement à son contrat de travail (non respect des dispositions du code du travail relatives à la protection de la maternité et imposant à l'employeur de lui offrir son précédent emploi ou un emploi équivalent ; manquements en matière de paiement des salaires et sommes assimilées),

- un non respect de l'obligation de reclassement en l'état d'échange de courriers démontrant la volonté de l'employeur de l'évincer.

Cependant, et comme l'objecte légitimement la société AV Aluminium, il n'est pas démontré que cette dernière n'a pas respecté les préconisations et restrictions médicales posées après l'accident du travail de Mme [K].

Au contraire, il résulte des explications des parties et des pièces produites que l'intitulé de son poste de la salariée a été modifié pour la nommer en qualité de responsable logistique à son retour d'arrêt de travail, en relation notamment avec la problématique de l'inadaptation des chaussures de sécurité à son état de santé ainsi qu'à l'interdiction du port de charges lourdes.

Si Mme [K] affirme avoir été obligée en 2011 et 2012 à intervenir au dépôt, elle ne le démontre pas, pas plus qu'elle n'établit un lien avec les arrêts de travail qui lui ont été prescrits à cette période avec son activité professionnelle ou encore avec un manque de formation ou d'information en termes de sécurité au travail.

Quant à la modification de ses fonctions à son retour de congé maternité, vers un poste plus opérationnel en qualité de 'responsable des tâches logistiques, magasinier cariste polyvalent', il convient de constater qu'elle a effectivement été déclarée apte, certes avec restrictions, à cet emploi. Par ailleurs, Mme [K] ne démontre pas l'existence d'un lien avec cet aménagement ou redéfinition de son poste de responsable logistique et l'inaptitude physique qui a été constatée à l'issue d'une visite unique pour danger immédiat.

D'autres paramètres semblent en effet être entrés en ligne de compte, qui ont poussé Mme [K] à évoquer toute une série de manquements à l'obligation de sécurité qui ne sont pas davantage établis, le seul écrit qu'elle a adressé à l'employeur n'étant pas suffisant à cet égard. Quant aux attestations qu'elle verse aux débats, si elles établissent qu'elle est tombée en dépression à ce moment-là, il n'est pas possible à la cour de dire - sur cette seule base, notamment les déclarations de son conjoint ou de sa mère ne faisant que relater ses propres dires - que l'aggravation de son état de santé de la salariée est en relation causale avec l'attitude du dirigeant de la société AV Aluminium à son égard.

Si la cour constate que la société AV Aluminium reste redevable de certains éléments de rémunération à l'égard de Mme [K], il n'est pas démontré que cette réalité a contribué à l'inaptitude de cette dernière.

Quant à la recherche de solution de reclassement, enfin, l'employeur établit qu'il a interrogé le médecin du travail, d'abord d'une manière générale puis - après de nouvelles recherches - au sujet d'un poste d'assistante commerciale bilingue anglais-espagnol qu'il était manifestement prêt à créer au sein de l'entreprise qui employait 6 salariés seulement. Or il lui a été répondu sans équivoque par le médecin du travail qu'aucun poste dans l'entreprise ne pouvait convenir à la salariée.

Par conséquent et au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats, la cour confirmera le jugement certes peu motivé du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence en ce qu'il a rejeté la contestation du bien fondé du licenciement de Mme [K].

Sur les autres demandes :

La société AV Aluminium sera condamnée à remettre un bulletin de salaire en régularisation compte tenu des rappels de salaires ou accessoires de salaire alloués à Mme [K], ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés en conséquence, sans que l'astreinte soit nécessaire.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, cette société supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à la salariée une indemnité au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe et dans les limites de sa saisine :

- Infirme le jugement rendu le 5 novembre 2019 par le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement d'un rappel de prime d'ancienneté, d'une somme au titre de l'intéressement et d'un rappel au titre du maintien du salaire durant les congés maladie et maternité présentées par Mme [N] [K] ;

- Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société AV Aluminium à payer à Mme [N] [K] les sommes suivantes :

- 734,08 € à titre de prime d'ancienneté, en brut,

- 1.652,33 € au titre du solde des sommes dues au titre de l'intéressement, en brut,

- 623,50 € au titre du maintien du salaire pendant la période de maladie et maternité au cours des mois de mars à août 2015, en brut,

- Dit que la société AV Aluminium devra transmettre à Mme [N] [K] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle emploi (devenu France Travail) conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

- Condamne la société AV Aluminium à payer à Mme [N] [K] la somme de 2.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure ;

- Condamne la société AV Aluminium aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 19/19509
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;19.19509 ?
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