COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2022
N° 2022/
NL/FP-D
Rôle N° RG 19/13909 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2JL
[W] [O]
C/
SA SELECTA
Copie exécutoire délivrée
le :
17 NOVEMBRE 2022
à :
Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 11 Août 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00154.
APPELANT
Monsieur [W] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA SELECTA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE,
et par Me Cédric GUILLON, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Selecta (la société) exerce une activité de vente, distribution, mise en place et approvisionnement de distributeurs automatiques de boissons et de nourritures. Elle applique la convention collective nationale du commerce de gros.
Suivant contrat à durée indéterminée qui n'est pas versé aux débats, elle a engagé M. [O] (le salarié) à compter du 22 janvier 1996.
Le salarié a exercé successivement les fonctions de technicien chef d'équipe et de contrôleur.
Ensuite, et suivant avenant du 25 février 2014, il a été promu aux fonctions de responsable des opérations, niveau VIII échelon 1 statut cadre autonome, au sein de l'établissement de [Localité 5] comprenant les départements de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis à compter du 03 mars 2014 moyennant un salaire mensuel brut de 2 973.72 euros outre des éléments variables.
L'article 8 de l'avenant a stipulé une clause de non-concurrence d'une durée de 12 mois sur le secteur géographique de l'Ile-de-France moyennant une indemnité mensuelle de 20% du salaire moyen brut des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail.
Suivant avenant du 1er décembre 2014, le salarié, domicilié à [Localité 4] (93), a exercé ses fonctions au sein de l'établissement de [Localité 8] comprenant la zone géographique de [Localité 6] et des départements limitrophes, à compter du 1er décembre 2014.
Le salarié a bénéficié de la prise en charge de ses frais de déménagement.
En dernier lieu, il a perçu une rémunération mensuelle brute de 3 084.68 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 04 octobre 2017, la société a notifié au salarié un avertissement pour un défaut de suivi du travail de son équipe et de son secteur et un défaut d'application des process de qualité.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 04 décembre 2017, la société a convoqué le salarié le 12 décembre 2017 en vue d'une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 janvier 2018, la société a notifié au salarié son licenciement dans les termes suivants:
'Monsieur,
Par courrier du 4 décembre 2017, nous vous avons informé que nous envisagions à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. A ce titre, nous vous avons convoqué à un entretien au sujet de la mesure envisagée le 14 décembre 2017. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien. Aussi, par courrier du 19 décembre 2017, nous vous avons informé du report de cet entretien au jeudi 4 janvier 2018. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.
Nous vous informons de notre décision de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :
Vous occupez le poste de Responsable Opérationnel au sein de notre société. A ce titre, il vous appartient notamment de gérer un parc de distributeurs automatiques (DA) chez nos clients, et de vous assurer de la bonne application des process opérationnels et de qualité par l'équipe de vendeurs approvisionneurs que vous managez.
Or, nous avons constaté de nombreux manquements dans l'exercice de vos fonctions.
- Sur le défaut de suivi du travail de votre équipe et de votre secteur
o Le mardi 21 novembre 2017, vous avez contacté Monsieur [Y] [K], Directeur d'Exploitation Agence, afin de lui demander si vous pouviez travailler de chez vous les jeudi 23 et vendredi 24 novembre suivants. Monsieur [K] vous a donné son accord.
Le jeudi 23 novembre suivant, Monsieur [J] [G], Responsable Clientèle sur votre secteur, a appelé Monsieur [K] car il ne parvenait pas à vous joindre. De même, Monsieur [U], Vendeur Approvisionneur, s'inquiétait de ne pas réussir à vous joindre . en effet, vous ne lui aviez toujours pas soumis son contrat de travail qui devait commencer le jour-même. Il a malgré tout pris son poste mais, sans réponse de votre part malgré ses nombreux appels jusqu'à 10 heures, Monsieur [U] a décidé de ne pas terminer sa tournée et nous a restitué ses outils de travail. Monsieur [U] vous a adressé un SMS pour vous informer de sa décision. Ce n'est pourtant que le lundi 27 novembre suivant au soir, quand de votre propre aveu vous avez pris connaissance de vos messages, que vous avez finalement appris son départ.
Ainsi, vous avez non seulement fait travailler un salarié sans contrat de travail mais vous n'aviez prévu aucun remplacement sur cette tournée jusqu'au 28 novembre suivant. C'est Monsieur [K] qui a été contraint de pallier votre défaut d'organisation pour que les DA en place chez les clients de la tournée soient tout de même garnis.
De plus, il apparait que, contrairement à vos engagements, vous n'avez pas travaillé les 23 et 24 novembre 2017. Vous avez d'ailleurs soumis une feuille de demande de congés pour régulariser ces deux jours à Monsieur [K] le 30 novembre suivant.
o Nous avons eu à plusieurs reprises à déplorer vos défauts de management.
A titre d'exemple, le 6 novembre 2017, de nombreux produits périmés ont été trouvés dans les distributeurs du client Aéroport de [Localité 7], sur la tournée de Monsieur [N], vendeur approvisionneur. Malgré la demande de Monsieur [K], et ses relances, notamment le 27 novembre 2017, vous n'avez pas entrepris de recevoir Monsieur [N] en entretien pour entendre ses explications sur ces faits.
C'est finalement Monsieur [K] qui a dû le recevoir.
Plusieurs Opérateurs Service Clients de votre équipe se plaignent d'ailleurs eux aussi de vos défauts d'encadrement.
A titre d'exemple :
Le 2 octobre 2017, Madame [P] vous a soumis une demande de congés pour la semaine du 25 au 29 décembre suivant. Vous avez refusé ses congés le 21 novembre 2017, au motif d'un besoin d'effectif pour assurer la prestation à cette période. Pourtant, l'équipe était au complet puisque vous avez refusé les congés de l'ensemble de vos collaborateurs.
Le 28 novembre 2017, ne parvenant pas à vous joindre, Monsieur [X] a été contraint d'adresser un message à Monsieur [K] pour lui demander si sa semaine de congés du mois de décembre lui avait été accordée.
Le 4 décembre 2017, Monsieur [S] a adressé un message à Monsieur [K] déplorant que vous lui ayez transmis des informations contradictoires : en effet, vous lui aviez accordé oralement une semaine de congés, lui aviez demandé d'établir une feuille de congé papier, pour finalement lui refuser sa semaine de vacances.
Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes tenu de planifier et garantir les procédures de collecte et de transfert des fonds, et de proposer et mettre en 'uvre, le cas échéant, des actions correctives sur les écarts cash.
Pourtant, nous avons constaté que vous ne mettiez pas en place les actions correctives sur le terrain.
Ainsi, à défaut de mettre en place les moyens mis à votre disposition pour maîtriser les écarts cash de votre secteur, vous n'avez pas respecté l'objectif d'écart cash de 0,300/0. Ainsi, le taux de l'écart cash sur votre secteur était de .
2,13 0/0 au mois de septembre 2017, alors que la moyenne nationale est de 0,47 % ; 1,11 % au mois d'octobre 2017, alors que la moyenne nationale est de 0,36 0/0, et ce malgré vos échanges avec Monsieur [K] sur le suivi à réaliser et les actions correctives à prendre (revue mensuelle complémentaire les faibles écarts, sécurisation des caisses identifiées...).
Force est de constater que vos défauts de suivi et de gestion de votre équipe et de votre secteur, pour lesquels vous avez déjà fait l'objet d'un avertissement le 4 octobre 2017, persistent.
Défaut de gestion de la prestation auprès des clients
Le 1er décembre 2017, à l'issue d'un rendez-vous chez le client CROUS de [Localité 7], Monsieur [I] [C], Directeur d'Agence, vous a fait part de nombreux défauts de prestation sur le site du client. Vous étiez notamment chargé de:
-vous assurer du remplissage des monnayeurs, et d'identifier la raison des ruptures de denrées pour éviter les ruptures de monnaies et de produits ;
- fournir des trousseaux de clés au client afin qu'il puisse gérer ses DA ;
- mettre en place dans les DA impulse un " bon plan " snack et de la cristalline à 0,80€ avec une signalétique " bon plan "
Or, le 8 décembre 2017, vous n'aviez toujours mis en place aucune action corrective, ce dont s'est plaint le client.
A l'issue d'une visite au CH de [Localité 7] le 14 novembre 2017, celui-ci nous a adressé - par l'intermédiaire de notre client Médiance - un courrier de mise en demeure d'établir un plan d'actions pour corriger notamment de nombreux défauts de service et un non respect des procédures d'hygiène et de qualité depuis l'été 2017.
Vous étiez notamment chargé de vous assurer que la vérification des dates des produits, de la mise en place deux spires de Gerblé par DA du nettoyage des appareils, de la vérification des étiquettes et de leur emplacement, si nécessaire, et du remplacement du numéro de téléphone pour le service clients par un numéro gratuit.
Or, le 8 décembre 2017, vous n'avez toujours mis en place aucune action corrective, ce dont s'est plaint le client. C'est finalement Monsieur [G], Responsable Clientèle, qui a été contraint de résoudre l'ensemble de ces points à votre place, et ce dans l'urgence, afin de ne pas avoir de remarque supplémentaire lors d'un audit du client le 15 décembre suivant.
L'ensemble de ces fait, qui porte préjudice à notre image de marque et à nos relations commerciales, témoigne de votre manque de sérieux et d'implication dans l'exercice de vos fonctions. Aussi sommes-nous contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement qui prendra effet à la date de première présentation de ce courrier.
Votre contrat de travail prendre fin à l'issue de votre préavis de deux mois (...)'.
Le 27 février 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nice pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 11 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a:
- jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;
- condamné la société à payer au salarié la somme de 7 387.56 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence;
- débouté le salarié de ses autres demandes;
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur les dépens.
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La cour est saisie de l'appel formé le 29 août 2019 par le salarié.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 23 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:
DIRE ET JUGER Monsieur [O] recevable et bien fondé en son appel.
-CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu'il a fait droit à la demande au titre de l'indemnité de non concurrence
CONDAMNER la société SELECTA au paiement de la somme de 7.387,56 € au titre de l'indemnité de non concurrence.
LE REFORMER POUR LE SURPLUS,
-DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [O] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
-CONDAMNER la société SELECTA au paiement des sommes suivantes :
Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : --------------- 20 000,00 €
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : ------------ 75 000,00 €
-CONDAMNER la société SELECTA au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. et aux entiers dépens.
Par ses conclusions régulièrement remises au greffe le 17 février 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il a
Dit et jugé que la Société a rempli ses obligations de sécurité vis-à-vis de Monsieur [O] ;
Dit et jugé que la procédure de licenciement mise en 'uvre par la Société a respecté le délai légal de notification du licenciement ,
Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,
Débouté Monsieur [O] de toutes ses demandes afférentes ,
- INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nice en qu'il a considéré que la clause de non-concurrence de Monsieur [O] n'avait pas été levée et a condamné la Société au paiement de la somme de 7.387,56 au titre de l'indemnité de non-concurrence ;
Statuant à nouveau, DEBOUT ER Monsieur [O] de sa demande formulée au titre de la clause de non-concurrence ;
A titre subsidiaire .
-DIRE ET JUGER que les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du Code du travail dans leur version en vigueur au 12 janvier 2018 sont applicables à l'espèce et opposables aux parties et LIMITER toute condamnation éventuelle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaires ;
En tout état de cause :
-CONDAMNER Monsieur [O] au paiement de la somme de 3.000 euros au profit de la Société au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
DEBOUTER Monsieur [O] de la demande qu'il formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 26 septembre 2022.
MOTIFS
1 - Sur la rupture du contrat de travail
En cas de litige reposant sur un licenciement notifié en raison d'un motif personnel pour cause réelle et sérieuse, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement; le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; que si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié notamment un défaut de suivi du travail de son équipe et de son secteur caractérisé par les faits suivants:
- il a fait travailler M. [U], affecté aux fonctions de vendeur approvisionneur, à compter du 23 novembre 2017 sans lui soumettre un contrat de travail alors que ni M. [K], directeur d'exploitation agence, ni M. [G], responsable clientèle sur son secteur, ne sont parvenus à joindre le salarié qui se trouvait en autorisation de télétravailler à son domicile les 23 et 24 novembre 2017, avec la précision que M. [U] étant dans l'impossibilité de joindre le salarié a décidé à 10 heures 00 de cesser sa tournée et de restituer ses outils de travail; en outre, le salarié s'est abstenu de prévoir jusqu'au 28 novembre 2017 un remplacement sur la tournée qui devait être affectée à M. [U], cette absence ayant été palliée par l'intervention de M. [K];
- il n'a pas reçu M. [N], vendeur approvisionneur chargé de la tournée des distributeurs de l'aéroport de [Localité 7], alors que des produits périmés ont été trouvés dans les distributeurs de ce client le 06 novembre 2017, et malgré les demandes réitérées de M. [K], notamment le 27 novembre 2017;
- il refusé le 02 octobre 2017 à Mme [P] des congés du 25 au 29 décembre 2017 pour des nécessités tendant à assurer la prestation alors que l'équipe était au complet à cette période compte tenu des refus de tout congé qu'il a opposés aux demandes de ses collaborateurs;
- il n'a pas traité le 28 novembre 2017 la demande de congé de M. [X] qui a été contraint de s'adresser à M. [K] pour connaître la position de la société;
- il a accordé le 04 décembre 2017 oralement à M. [S] une semaine de congés puis il a refusé la demande de congé une fois établie par écrit, cette situation ayant contraint M. [S] à informer M. [K].
La société verse aux débats:
- la facture d'un hébergement en hôtel à [Localité 7] du 27 novembre 2017 au 1er décembre 2017 établie au nom de la société, outre le courriel de transmission de cette facture adressée par M. [K] à Mme [L] en indiquant qu'il a déplacé un opérateur d'[Localité 3] pour pallier la désorganisation;
- un courriel de la hot-line informatique de la société en date du 30 novembre 2017 enregistrant une demande de congés du salarié pour les 23 et 24 novembre 2017 portant la date du 22 novembre 2017;
- un courriel de l'Aéroport de [Localité 7] en date du 06 novembre 2017 transférant un courriel du même jour établi par un consommateur qui s'est plaint d'avoir acheté dans un distributeur Selecta de l'aéroport un produit qui se trouvait périmé depuis le 15 octobre 2017;
- la feuille de demande de congés du 25 au 29 décembre 2017 de Mme [P] refusée par le salarié pour 'besoin effectif pour assurer la prestation clientèle', Mme [P] ayant alors apposé de façon manuscrite sur la feuille de demande de congés: 'besoin d'un manager pour assurer le reste...';
- le SMS adressé par M. [X] à M. [K] le 29 novembre 2017 pour l'avertir qu'il ne pouvait pas joindre le salarié depuis plusieurs jours alors qu'il était dans l'attente de connaître la réponse à sa demande de congés pour décembre 2017;
- le SMS adressé par M. [S] à M. [K] le 12 décembre 2017 pour se plaindre de ce que le salarié lui a refusé un congé pour la semaine 50, demandé par écrit, alors que ce congé avait été accepté oralement, M. [S] indiquant dans son message: '(...) Franchement ça me saoule!!!! Même quand il n'y a personne sur le planning, on ne peut pas poser une semaine(...)'.
Le salarié fait valoir au soutien sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le grief de défaut de suivi du travail de son équipe et de son secteur les éléments suivants:
- il a été autorisé par son employeur selon un courriel du 21 novembre 2017 à travailler à son domicile les 23 et 24 novembre 2017 car il s'est retrouvé seul pour gérer ses deux enfants après le départ précipité de son épouse à l'étranger pour des raisons familiales urgentes le 21 novembre 2017;
- il a envoyé les plans des tournées à partir de son domicile;
- il a ensuite demandé que les 23 et 24 novembre 2017 soient décomptés comme des jours de congés car il était conscient qu'il n'a pas pu se consacrer à ses tâches professionnelles durant ces deux journées;
- il n'a commi aucune faute dans la gestion de la situation de M. [U], salarié en contrat à durée déterminée renouvelé qui devait faire l'objet d'un avenant de renouvellement le 23 novembre 2017, en ce qu'il n'a jamais reçu de la direction ledit avenant à faire signer à M. [U];
- il n'a aucun pouvoir disciplinaire à l'égard de M. [N] et l'absence de traitement de la demande de M. [K] n'a duré que trois jours puisqu'elle a été faite le 27 novembre 2017 et que le salarié a été en congé le 29 novembre 2017;
- les membres de son équipe voyaient leurs demandes de congés refusées 'à la dernière minute' du fait des dysfonctionnements du système mis en place par M. [K].
Le salarié ne verse aucune pièce pour étayer ses allégations.
La cour dit qu'il résulte de l'ensemble de ces élément que tous les faits reprochés au salarié au titre du grief de défaut de suivi du travail de son équipe et de son secteur sont établis, étant précisé:
- qu'il appartenait au salarié, compte tenu de la nature de ses fonctions de responsable des opérations, statut cadre, de s'assurer que M. [U] disposait d'un avenant de renouvellement du contrat à durée déterminée signé au premier jour d'exécution de cet avenant le23 novembre 2017;
- qu'il s'est trouvé en situation de télétravail les 23 et 24 novembre 2017 à sa demande, ce dont il résulte qu'il était tenu de s'assurer qu'il était joignable par son employeur et les membres de son équipe durant cette période.
Et il convient de relever que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 04 octobre 2017, la société avait notifié au salarié un avertissement pour un défaut de suivi du travail de son équipe et son secteur et un défaut d'application des process de qualité (distributeurs vides car non garnis par défaut d'organisation des tournées chez les clients malgré les consignes de M. [K]).
Cet avertissement ne fait l'objet ici d'aucune demande d'annulation, ce dont il résulte qu'il est valable.
Force est donc de constater que le salarié n'a tenu aucun compte de cet avertissement.
Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des griefs énoncés à la lettre de licenciement, la cour dit que le salarié a commis des faits qui caractérisent des manquements à ses obligations découlant de son contrat de travail.
Ces manquements justifient la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il y a lieu de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2 - Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés; que doit l'employeur veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Le constat d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne suffit pas à établir l'existence d'un préjudice dont aurait souffert le salarié. Il appartient à ce dernier d'apporter la preuve de son préjudice, l'existence de celui-ci et son évaluation.
En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité que ses conditions de travail ont été dégradées en ce que la société:
- n'a pas respecté le périmètre géographique d'affectation contractuellement prévu en lui confiant le département des Alpes-Maritimes;
- a augmenté le nombre de sites qui lui étaient confiés sans recrutement de personnel supplémentaire.
Le salarié ajoute qu'il a été victime d'un burn-out du fait de ces agissements de l'employeur.
La société conteste tout manquement à son obligation de sécurité.
La cour relève après analyse des pièces du dossier d'abord que les faits reposant sur l'augmentation des sites ne sont corroborés par aucun élément objectif de sorte qu'il y a lieu de dire qu'ils ne sont pas établis.
Ensuite, comme il a été précédemment dit à l'occasion de l'examen du grief de défaut de suivi du travail de son équipe et de son secteur, le salarié a effectivement été chargé du département des Alpes-Maritimes alors qu'en vertu de l'avenant du 1er décembre 2014, il a exercé ses fonctions au sein de l'établissement de [Localité 8] comprenant [Localité 6] et les départements limitrophes.
Or, il n'est pas discutable que le département des Alpes-Maritimes n'était pas limitrophe de sorte que la société a ajouté aux prévisions contractuelles.
Le salarié rapporte donc la preuve d'un manquement de la société à son obligation de sécurité.
Mais sur le préjudice, il convient de relever que les pièces médicales produites par le salarié (pièce n°4: attestation de suivi individuel par la médecine du travail du 31 octobre 2017 portant la mention: 'à revoir au plus tard le novembre 2017') ne permettent pas d'établir que le salarié souffre d'une affection type burn-out résultant d'une dégradation des conditions de travail du salarié.
La preuve du préjudice n'est donc pas rapportée.
Dans ces conditions, la cour dit que la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
3 - Sur l'indemnité de non-concurrence
L'article 8 de l'avenant du 25 février 2014 qui promeut le salarié aux fonctions de responsable des opérations, niveau VIII échelon 1 statut cadre autonome, au sein de l'établissement de [Localité 5] comprenant les départements de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis à compter du 03 mars 2014, prévoit une clause de non-concurrence d'une durée de douze mois sur le secteur géographique de l'Ile-de-France moyennant une indemnité mensuelle de 20% du salaire moyen brut des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail.
Suivant avenant du 1er décembre 2014, le salarié, domicilié à [Localité 4] (93), a exercé ses fonctions au sein de l'établissement de [Localité 8] comprenant [Localité 6] et les départements limitrophes à compter du 1er décembre 2014 et il a bénéficié de la prise en charge de ses frais de déménagement.
Le salarié fait valoir au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité de non-concurrence que la société n'a pas levé la clause de non-concurrence.
La société s'oppose à la demande en faisant valoir qu'aucune somme n'est due au salarié compte tenu du changement dans l'affectation géographique du salarié.
La cour relève après analyse des pièces du dossier que l'avenant du 1er décembre 2014 ne comporte aucune stipulation relative à la clause de non-concurrence en vigueur en vertu du précédent avenant du 25 février 2014.
Or, l'article 4 de l'avenant du 1er décembre 2014 dispose:
'Les autres articles et dispositions du contrat de travail signé par Monsieur [W] [O] demeurent inchangés.'
Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail n'a pas été supprimée ni même modifiée par l'avenant du 1er décembre 2014.
Dès lors, et faute pour la société d'avoir levé la clause de non-concurrence convenue entre les parties, elle se trouve redevable d'une indemnité dont le montant n'est pas contesté même à titre subsidiaire.
En conséquence, la cour confirme le jugement déféré de ce chef.
4 - Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En ajoutant au jugement déféré, la cour condamne la société aux dépens de première instance.
La société est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Selecta aux dépens de première instance,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,
CONDAMNE la société Selecta aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT