COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2022
N° 2022/353
Rôle N° RG 19/06511 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEQQ
DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS DE [Localité 4]
C/
SAS SOCIETE DES CARRIERES DE LA MENUDELLE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Anne-Claire MOYEN-NEVOUET
Me Alexandra BOISRAME
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/12952.
APPELANTE
DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS DE [Localité 4],
domicilié, [Adresse 1]
représenté par Me Anne-Claire MOYEN-NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SAS SOCIETE DES CARRIERES DE LA MENUDELLE,
domiciliée [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane CHASSELOUP, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier BRUE, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2022.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2022,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société des Carrières de la Menudelle (SCLM), filiale du groupe Gagneraud constructions' SAS spécialisée dans l'exploitation de carrières et la production de matériaux d'extraction, exploite une carrière sur le territoire de la commune de [Localité 5], au lieu-dit "[Localité 3]".
Suite à un contrôle douanier, le 10 novembre 2015, un procès-verbal de notification d'infraction a été dressé à l'encontre de cette société qui ne déclare aucunes émissions polluantes au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), composante « émissions polluantes », dans le cadre de l'exploitation de la carrière 'La Ménudelle', étant observé que par ailleurs, dans le cadre de son activité de production de matériaux d'extraction, elle déclare sa production à la TGAP au titre de la composante 'matériaux d'extraction'.
Un avis de recouvrement a été émis par la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4] le 1er juillet 2016 pour un montant total de 9 530 € pour non déclaration de la TGAP- poussières totales en suspension (PTS), au titre des années 2013, 2014 et 2015, contravention de 2ème classe (article 411-1 du code des douanes national) .
Le 17 mai 2016, la société SCLM a émis une réclamation qui a été rejetée par les douanes le 2 septembre 2016.
Par exploit du 2 novembre 2016, la SAS Carrières de la Menudelle a fait assigner la Direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4], afin d'obtenir l'annulation de l'avis de paiement émis le 10 mai 2016 et de l' avis de mise en recouvrement n° 0898/16/3440 en date du 1er juillet 2016, pour un montant de 9 530 € .
Par jugement en date du 18 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a
déclaré la société des Carrières de la Menudelle non redevable de la somme de 9530 € au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante 'Émissions polluantes', annulé l'avis de paiement émis le 10 mai 2016 par la direction régionale des douanes de [Localité 4], pour un montant de 9530 €, ainsi que l'avis de mise en recouvrement numéro 898/16/3440 en date du 1er juillet 2016, et dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 11 avril 2019, la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 4], en la personne du directeur régional des douanes de [Localité 4], a relevé appel de cette décision.
Par conclusions écrites du 3 juin 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoiries, l'administration des douanes demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la société des Carrières de la Menudelle de toutes ses demandes, de constater le bien-fondé de l'avis de mise en recouvrement n° 898/16/3440 en date du 1er juillet 2016, et de condamner l'intimée à lui verser la somme de 4000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions du 25 mai 2022, reprises oralement, la SAS Carrières de la Menudelle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l'administration des douanes de toutes leurs demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 5000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
La société des Carrières de la Menudelle fait valoir au soutien de sa demande de dégrèvement:
' que seules les poussières totales en suspension dans l' air visées par les circulaires TGAP, émises par une installation assujettie, entrent dans le champ d' application de la TGAP, à
l'exclusion des poussières déposées au sol ;
' que les circulaires TGAP ne pouvaient pas étendre le champ d'application des poussières totales en suspension (PTS) aux 'poussières totales' qui ne sont pas considérées comme "polluantes"par le droit communautaire ;
' que ni la loi, codifiée aux articles 266 sexies et suivants du Code des douanes, ni même un décret, et ni encore les circulaires successives ne sont venus préciser les outils de mesure devant être utilisés par l'opérateur afin d'évaluer le niveau de PTS émis par l'installation visée au sens de la TGAP et ainsi pouvoir être en mesure de déterminer si cette installation est ou non assujettie à la TGAP composante "Emissions polluantes" ;
' que l'assiette de la TGAP n'est pas claire et que l'administration ne peut pas imposer une méthode de calcul aux opérateurs ce qui est contraire au principe constitutionnel de sécurité juridique au sens de l'article 34 de la constitution et entraîne un aléa juridique au détriment des opérateurs et ce qui vicie le principe même de l'assujettissement à la TGAP-PTS ;
' que les quantités retenues par l'administration pour effectuer le redressement ont été calculées selon la méthode AIRCEC, qui constitue une des méthodes de mesure environnementale dans le cadre de la déclaration GEREP ; qu'il est établi que cette méthode GEREP inclut tant les poussières "en suspension" émises au titre de l'exploitation de la carrière, que les poussières sédimentables, c'est-à-dire posées au sol et "émises lors du transport interne"; qu'il en est de même dans la méthode AIRCEC qui renvoie à l'arrêté préfectoral complémentaire n°2012-173C du 28 mars 2012 duquel il ressort que les données relatives aux poussières émises dans l'atmosphère comprennent inévitablement une quantité de poussières déposées sur le sol et remises ou projetées ultérieurement dans l'atmosphère notamment du fait de la circulation de véhicules au sein de la carrière, alors que le fait générateur de la TGAP vise uniquement "l'émission de la substance taxable dans l'atmosphère par une installation assujettie', ce qui exclut toute réémission ; qu'il en résulte qu'appliquer la "méthode AIRCEC étend le champ d'application de la taxe et contrevient à l' appellation même de la composante "en suspension";
' que la réglementation applicable en matière environnementale, notamment celle relative à la déclaration d'émissions polluantes ne peut avoir aucune conséquence sur la matière douanière; qu 'une telle omission est contraire au principe constitutionnel de sécurité juridique au détriment des opérateurs, ce qui conduit à relever une infraction douanière hypothétique ; que la déclaration obligatoire prévue par l'arrêté ministériel du 31 janvier 2008 modifié ne présente aucune finalité fiscale ou douanière, mais vise uniquement à alimenter le registre environnemental national des principales émissions polluantes, et relève que tant les poussières visées que le seuil d'assujettissement déclaratif ne correspondent pas aux exigences de la TGAP; que cette déclaration ne saurait être opposée en matière douanière ;
' que des poussières soulevées par le passage de camions ne doivent pas entrer dans le champ de la TGAP émissions polluantes ; que toute réémission de poussière est exclue ; que les PTS recouvrent uniquement les particules fines inférieures à 10 microns et les particules grossières de 2,5 microns à 10 microns ; que les poussières totales sédimentent et qu'elles ne sont pas taxables ;
' que si l'administration fiscale, qui a reçu compétence pour recouvrer les TGAP, a publié le 12 janvier 2021 des précisions, c'est qu'il y a une carence dans la définition de la notion de 'PTS';
' que l'administration ne peut imposer la taxe qu'à la condition de démontrer le caractère polluant des substances émises par la société des Carrières de la Menudelle ;
' et qu'assujettir à la TGAP des émissions de poussières totales en suspension au-delà d'un seuil de 5 tonnes, sans préciser quelle est la ou les méthodes de mesures qui sont applicables introduits un aléa contraire la possibilité et à la clarté de la loi.
Aux termes de l'article 266 sexies I. 2 du code des douanes, il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes:
« ( ... )
2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation ou enregistrement au titre du livre V (titre Ier) du code de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations de traitement thermique d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ";
L'article 266-2 septies du code des douanes précise que le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par :
« ( ... ) L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies, d'oxydes de soufre et autres composés soufrés, d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique, d'hydrocarbures non méthaniques, solvants, de benzène et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres composés organiques volatils, d'arsenic, de mercure, de sélénium, de plomb, de zinc, de chrome, de cuivre, de nickel, de cadmium, de vanadium ainsi que de poussières totales en suspension";
L'article 266 nonies du même code prévoit que « 8-Le seuil d'assujettissement des émissions de poussières totales en suspension mentionnées au 2 de l'article 666 septies est fixé à 5 tonnes par an », et l'article 266 octies du même code indique que la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est assise sur le poids des substances « émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies » ;
La circulaire du 18 avril 2016 définit les poussières totales en suspension (PTS) comme étant « les particules émises dans l'air, de taille et de forme variables. Ces particules recouvrent les poussières totales (particules de taille supérieure à 10 microns), ainsi que les PM 10 et les PM 2,5 qui sont les particules les plus fines et les plus nocives pour la santé humaine:
- les PM 10 (particules dont le diamètre est inférieur à 10 microns) : particules essentiellement composées de matériaux terrigènes (oxydes d'aluminium, silice), de carbone, de sulfates, de nitrates et d'ammonium, d'éléments issus de l'érosion (fer, embruns, Hel) ;
-les PM 2,5 (particules les plus fines de taille inférieures à 2,5 microns) : particules composées essentiellement de carbone mais aussi de nitrates, sulfates et de composés organiques comme les HAP (Hydrocarbures Aromatiques polycycliques), qui sont des substances mutagènes et cancérigènes. Elles sont dites insédimentables car elles ne se déposent pas sur le sol. Elles proviennent essentiellement des moteurs diesel, installations de combustion et des procédés industriels tels que cimenteries, fonderies, et verreries ;
Ces particules sont rejetées dans l'air par des sources très diverses telles que les processus de combustion du charbon, ou l'incinération de déchets; que la majorité des émissions de particules proviennent de l'industrie (sidérurgie, cimenterie, incinération); que leur degré de toxicité dépend de leur taille, les plus fines étant les plus nocives, ainsi que de leur composition (substances toxiques allergènes, mutagènes ou cancérigènes) » ;
Les circulaires antérieures reprenaient ces mêmes déftnitions, notamment la circulaire du 9 avril 2013 définissant les poussières totales en suspension comme étant : « des particules émises dans l'air de taille et de forme variables. Ces particules recouvrent les poussières totales (particules de taille supérieure à 10 microns), ainsi que les PM 10 et le PM 2,5 (...) ».
Alors que la loi, insérée au code des douanes, n'avait pas précisé la notion de poussières totales en suspension, les circulaires ont défini cette notion pour préciser qu'étaient concernées par la taxation les poussières totales en suspension comprenant les poussières totales de taille supérieure à 10 microns, mais également les PM 10 et les PM 2,5.
Les circulaires n'ont rien ajouté à la loi, en la précisant pour sa bonne application.
Il en ressort que la loi n'a pas entendu ne taxer que les poussières totales en suspension et qui restent en suspension, ni seulement les plus dangereuses, ni davantage exclure de la taxation les particules qui sont sédimentables.
C'est ainsi que le Conseil d'État par un arrêt du 21 décembre 2018 a déjà eu l'occasion de juger que : « le moyen tiré de l'inapplicabilité en l'état des dispositions des articles 266 sexies et 266 septies du code des douanes, faute pour l'administration d'avoir mis à même les assujettis de mesurer leurs émissions polluantes en suspension, ne peut être utilement soulevé à l'encontre d'une circulaire qui se borne à interpréter les dispositions législatives applicables en ce qui concerne la définition de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes ».
Dans une décision du 17 juin 2019 le Conseil d'Etat ajoute que la notion de PTS, au sens de l'article 266 du code des douanes, devait s'entendre de toutes les poussières dont le
diamètre est au plus égal à 100 micromètres, donc incluant les poussières de taille supérieure à 10 micromètres.
Par ailleurs, dans cet arrêt, la haute juridiction administrative rappelle que « l'article 266 du code des douanes ne restreint pas le fait générateur de la taxe à la seule émission de poussières totales en suspension qui seraient nocives pour la santé humaine. »
Il y a lieu de relever au cas d'espèce que la définition des PTS retenue par la circulaire sur laquelle s'est appuyée l'administration des douanes pour redresser la société des Carrières de la Menudelle correspond en outre à la définition du Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution Atmosphérique (CITEPA) qui est un opérateur d'Etat dont l'expertise est reconnue, qui, s'il indique que les particules les plus grosses ne sont pas les plus dangereuses pour la santé, définit les particules totales en suspension comme l'ensemble des particules, quelle que soit leur taille, sans limiter le champ des particules totales en suspension aux seules particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres.
II n'y a pas lieu en définitive de distinguer entre les particules inférieures ou supérieures à 10 microns, même s'il n'est pas contesté que les plus grosses particules sédimentent, dès lors qu'elles ont été émises -ce qui constitue le fait générateur- et qu'avant de se déposer au sol et de sédimenter, elles ont nécessairement été en suspension.
II n'est dès lors pas établi que la notion de "poussières totales en suspension" soit insuffisamment précise pour pouvoir donner lieu à taxation.
La société des Carrières de la Menudelle, qui ne peut invoquer comme dans ses dernières conclusions un BOI de 2022 qui n'est pas applicable rétroactivement, soutient ensuite que le droit européen notamment le règlement n° 166/2006 relatif à la création d'un registre européen des rejets et des transferts de polluant ne qualifie de polluantes que les PM 10.
Mais ce règlement européen n° 166/2006 précise que « L'exploitant de tout établissement où se déroulent une ou plusieurs des activités énumérées à l'annexe I (dont celle d'extraction à ciel ouvert) au dessus des seuils de capacité applicables spécifiés notifie chaque année à son autorité compétente, en précisant si l'information provient d'une mesure, d'un calcul ou d'une estimation, les quantités ci-après:
a) les rejets dans l'air, dans l'eau et dans le sol de tout polluant indiqué à l'annexe II qui dépassent la valeur-seuil applicable spécifiée à l'annexe II ( ... ) ».
Si cette annexe II ne reprend que les poussières PM 10, cette sous-liste n'est pas limitative. Des poussières plus fines qui sont par la même plus dangereuses pour la santé (PM 2,5 notamment) ne figurent pas davantage à cette annexe II.
En tout état de cause, les textes européens n'excluent pas de la taxation les poussières de taille supérieure aux PM 10, ni qu'elles ne puissent être considérées comme polluantes, et ce d'autant que les États membres de l'Union européenne peuvent chacun adopter des mesures renforcées en matière de protection de l'environnement.
Il n'est donc pas utilement soutenu que les dispositions réglementaires de la circulaire seraient contraires au droit européen.
Si aucun texte ne précise les modalités suivant lesquelles les PTS doivent être mesurées pour le calcul de l'assiette de la TGAP pour déterminer si l'installatlon ayant émis ces PTS est assujettie à la TGAP dans sa composante 'émissions polluantes', l'administration des douanes fait valoir exactement que la société des Carrières de la Menudelle était dès lors libre de proposer un mode de calcul et une méthode pour déterminer quelles sont ses émissions, et ce d'autant plus qu'elle est soumise à la TGAP en ce qui concerne les matériaux d'extraction.
L'absence de définition d'une méthode faute d'indication d'une liste de méthodes permettant les mesures n'est pas un élément préjudiciable aux sociétés exploitantes et ne fait pas obstacle à la détermination de la TGAP applicable à l'activité de la société.
Cette liberté pour l'opérateur n'a pas pour conséquence une atteinte à la sécurité juridique, ou une application non uniforme sur le territoire de la loi, chaque opérateur étant libre de mesurer les émissions selon la méthode qu'il choisit, dans la mesure où celle-ci est fiable.
La société des Carrières de la Menudelle prétend que les méthodes AIRCEC et issue du
guide méthodologique pour l' aide à la déclaration des émissions polluantes, et GEREC, seraient inadaptées, sans pour autant proposer d'autres résultats, en utilisant une autre méthode.
Les éléments issus de la réglementation environnementale peuvent être utilisés par l'administration des douanes et entraîner des conséquences en matière douanière.
En effet, aux termes de la réponse ministérielle du 11 octobre 2018 : 'Les données issues des déclarations GEREP sont publiques et peuvent donc être utilisées par les services douaniers en tant que faisceau d'indices pour asseoir l'assiette de la TGAP."
Selon le guide méthodologique d'aide à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets, dans sa version de décembre 2015, le ministère chargé de l'écologie a élaboré un registre des rejets et transferts polluants afin de connaître les rejets des installations industrielles, des stations d'épuration urbaines et es élevages. Depuis 2005, le ministère a mis à disposition des exploitants concernés un site internet sécurisé (site GEREP) leur permettant de saisir en ligne leurs déclarations.
Certes, l'utilisation des données telle que décrite dans ce guide méthodologique ou dans l'arrêté du 31 janvier 2008 relatif au registre et à la déclaration annuelle des émissions et de transfert de polluants et des déchets est limitée au domaine environnemental, et dans aucun texte émanant du ministère chargé de l'écologie ou de l'administration des douanes il n'est fait
mention de la possibilité d'utilisation de ces données à des fins de taxation.
II ressort toutefois des articles 1 er et 3 de cet arrêté du 31 janvier 2008 que ce registre, établi notamment pour promouvoir l'accès du public à l'information, est publié sur un site internet mis à disposition du public.
Dès lors, la société des Carrières de la Menudelle ne peut sérieusement invoquer le caractère prétendument confidentiel des données de ce registre pour s'opposer à leur utilisation par l'administration des douanes.
Dès lors que les données déclarées dans le registre GEREP sont accessibles à tous et donc à l'administration des douanes, et qu'elles sont identiques à celles taxées par les articles 266 sexies du code des douanes, l'administration douanière peut se fonder sur les déclarations GEREP pour déterminer l'assiette de calcul de la TGAP-PTS.
Il ne peut être soutenu que la loi serait équivoque ou insuffisamment précise au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou serait insuffisamment claire, précise et dépourvue d'ambiguïté au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Par ailleurs, la société des Carrières de la Menudelle reproche aux services des douanes de prendre en compte les poussières qui ne seraient pas émises par les installations industrielles, mais qui pourraient se soulever dans le cadre d'autres activités, comme notamment le passage de camions.
Mais il lui est exactement répondu que si le fait générateur de la TGAP est l'émission dans l'atmosphère de la substance taxable par une installation assujettie, ces émissions ne sont pas limitées à celles découlant directement de l'activité industrielle en elle-même, puisqu'il est fait état de "l'installation assujettie".
Ainsi, doivent être prises en comptes les émissions faites par l'exploitation de la carrière en son entier, en ce compris le transport des matériaux; les opérations d'extraction ne sont donc pas exclusivement visées.
La société des Carrières de la Menudelle ajoute que seule l'émission de polluants est taxable et que leur réémission ne l'est pas ; et que la substance polluante réémise n'a donc pas lieu d'être retenue, dans la mesure où l'émission initiale de poussière, et leur sédimentation puis leur mise en suspension ultérieure n'en multiplie pas pour autant les quantités.
Mais l'administration douanière plaide utilement que la soumission des PTS à la TGAP 'émissions polluantes' vise à renforcer la mise en oeuvre du principe du « pollueur-payeur» en intégrant dans le prix de revient des produits et activités polluants les 'externalités négatives' qu'ils engendrent ; et plus spécifiquement, que la composante 'émissions polluantes' vise à améliorer la qualité de l'air ambiant et à renforcer les comportements vertueux en faveur de l'environnement, comme l'aspersion, la pulvérisation ou encore la brumisation d'eau sur les sols afin d'éviter l'envol des poussières lors des passages de camions ou de bâcher les stocks de matériaux afin d' éviter tout réenvol.
Les PTS, même rejetées une nouvelle fois dans l'atmosphère à la suite du passage de camions dans la carrière peuvent être néfastes pour la santé humaine (inhalation) ainsi que pour l'environnement (effets sur la photosynthèse des végétaux) ; que les carrières constituant un secteur fortement générateur de poussières, le législateur a donc souhaité assujettir à la TGAP les PTS issues de l'ensemble des facteurs d'émissions: extraction, concassage, stockage ou encore transport interne, et non seulement la toute première émission dans l' atmosphère.
En définitive, doit être entièrement réformé le jugement qui a retenu qu'à défaut d'outils de mesure précis et adaptés pour déterminer l'assiette de la TGAP-PTS et calculer la taxe TGA-PTS, il y avait lieu de considérer que l'infraction douanière n'était pas caractérisée, et qui a annulé l'avis de paiement émis le 10 mai 2016 par la Direction régionale des Douanes de [Localité 4] et l'avis de mise en recouvrement n°0898/16/3440 en date du 1er juillet 2016, pour un montant de 9 530 €.
En matière douanière, en première instance et sur appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre, ce qui exclut une condamnation aux dépens, et non aux frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, lequel prévoit que le juge condamne de ce chef « la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès », l'administration appelante est dès lors bien fondée à prétendre au bénéfice de ce texte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant
Valide l'avis de mise en recouvrement n°0898/16/3440 émis par la direction régionale des douanes de [Localité 4] pour un montant de 9530 € adressé le 1er juillet 2016 à la SAS Les Carrières de la Menudelle,
Rappelle que la procédure est sans dépens,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Les Carrières de la Menudelle à payer à la Direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4] la somme de 4 000 € à ce titre.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT