COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/ 590
N° RG 22/00917 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXCZ
[V] [U]
[F] [U]
C/
[K], [I], [A] [M]
[S] [W]
S.A.S. [N] [R] ET ASSOCIES
S.C.P. [E] [G] [P] [Y]
S.A.S. [H] [D] ET CIE
Etablissement Public CONSEIL DEPARTEMENTAL DES BOUCHES DU RHONE
S.A.R.L. [16]
Caisse CAF DES BOUCHES DU RHONE
S.A.S.U. [11]
Copie exécutoire délivrée le : 20/09/2022
à :
Me FERNANDEZ
Me LEDUC
Me BOUZON-ROULLE
Me ATIAS
+ Notifications LRAR à toutes les parties
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité d'AIX EN PROVENCE en date du 07 Janvier 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 11-21-000626, statuant en matière de surendettement.
APPELANTS
Madame [V] [U], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Mylène FERNANDEZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [F] [U], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Mylène FERNANDEZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [K], [I], [A] [M]
né le 27 Février 1985 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Agnès BOUZON-ROULLE, avocate au barreau de MARSEILLE
Madame [S] [W]
demeurant [Adresse 7]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1250 du 25/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentée par Me Dominique LEDUC, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. [N] [R] ET ASSOCIES
(Ref : 39000002 / 707243 ancien logement), demeurant [Adresse 8]
défaillante
S.C.P. [E] [G] [P] [Y]
(Ref : 148097), demeurant [Adresse 5]
défaillante
S.A.S. [H] [D] ET CIE
(Ref : quit subrogative 1p0007788 663 ; av Pasteur 13330), demeurant [Adresse 17]
représentée par Me Laure ATIAS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Thierry FIRINO MARTELL, avocat au barreau de BORDEAUX
Etablissement Public CONSEIL DEPARTEMENTAL DES BOUCHES DU RHONE
(Ref : RSA), demeurant [Adresse 6]
défaillante
S.A.R.L. [16]
(Ref : ancien loyer voir [H] [D] quit subrogative), demeurant [Adresse 3]
défaillante
Caisse CAF DES BOUCHES DU RHONE
(Ref : 1531786 ; 1531786), demeurant [Adresse 19]
représentée par Mme [X] [J], salariée, en vertu d'un pouvoir spécial
S.A.S.U. [11]
(Ref : 121005353), demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
Conformément à l'article R332-1.2 devenu R331-9-2 du code de la consommation et à l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès DENJOY, Présidente, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès DENJOY, Présidente
Madame Pascale POCHIC, Conseillère
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022
Signé par Madame Agnès DENJOY, Présidente et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par déclaration du 24 novembre 2020, Mme [V] [U] née [O] et M. [F] [U] ont saisi la commission de surendettement des particuliers des Bouches-du-Rhône d'une demande de traitement de leur situation financière.
La commission a déclaré leur demande recevable, le 7 janvier 2021.
Le 1er avril 2021, la commission a imposé le rééchelonnement des dettes des époux [U] sur une durée de 84 mois, sans intérêts, fixant leur mensualité de remboursement à 42 euros, compte tenu de leurs ressources (3 313 euros), de leurs charges (3 271 euros) et du montant de leur endettement (61 395,84 euros, dont 547,23 euros résultant d'une fraude aux prestations sociales de la CAF).
À la suite de la notification de cette décision, M. [K] [M], bailleur des époux [U], a formé un recours, contestant la bonne foi et la situation de surendettement des débiteurs, et sollicitant le rejet des mesures imposées par la commission qui prévoyaient notamment l'effacement de sa créance.
La société [H]-[D] et Cie créancière, subrogée dans les droits d'un autre bailleur, a également formé un recours, en faisant valoir la priorité des créances locatives et sollicitant le rééchelonnement de sa créance.
Par le jugement dont appel du 7 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a, pour l'essentiel :
- infirmé la décision de la commission de surendettement du 7 janvier 2021 ;
- déclaré les époux [U] irrecevables au bénéfice de la procédure de surendettement en raison de leur mauvaise foi.
Le 20 janvier 2022, les époux [U] ont interjeté appel de ce jugement, qui leur avait été notifié le 11 janvier 2022.
À l'audience de la cour du 3 juin 2022, M. et Mme [U] en la personne de leur avocat, ont demandé la réformation du jugement, statuant à nouveau, de dire qu'ils sont de bonne foi et dans l'incapacité de faire face à leurs dettes exigibles et à échoir, et de valider les mesures décidées par la commission de surendettement.
Les époux [U] font valoir en substance qu'ils ont à charge leurs quatre enfants ; qu'ils étaient locataires d'une maison située à [Localité 15] (13) qui leur était louée par l'intermédiaire de l'agence [H]-[D] et Cie et que lors de la conclusion du bail, l'agence a immédiatement encaissé le chèque de caution ce qui a profondément impacté leurs finances et a contribué à leur retard de loyers.
Mme [U] déclare qu'elle avait créé une société en 2017 dénommée "[14]" mais que cette société n'a jamais fonctionné et a cessé toute activité le 21 décembre 2020, date depuis laquelle elle n'est plus affilié à l'URSSAF en tant qu'auto-entrepreneur ; que par la suite, la famille a emménagé au sein d'un camping à [Localité 18] puis dans un logement locatif meublé jusqu'en mars 2020, tandis qu'en fin d'année 2019, Mme [U] retrouvait un emploi en tant que directrice d'un établissement de restauration mais a été immédiatement licencié en mars 2020 en raison du confinement, puis réembauchée et encore licenciée en août 2020 et de même en novembre 2020, époque à laquelle les époux [U] ont déposé leur dossier de surendettement.
Les époux [U] exposent que compte tenu de leurs charges fixes incompressibles, il leur faudrait 15 ans pour rembourser leurs dettes.
Ils affirment avoir été séparés à une certaine époque, durant laquelle c'est M. [U] qui gardait les enfants, puisqu'ils n'avaient pas les moyens de prendre une assistante maternelle et que par la suite ils ont repris la vie commune. Ils contestent toute fraude aux prestations sociales.
La caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône régulièrement représentée demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, en tout état de cause, de prononcer l'exclusion de sa créance de la procédure, cette dernière étant en dernier lieu ramenée à 211,33 €.
M. [K] [M], créancier en vertu d'un bail d'habitation portant sur une maison située à [Localité 18] comparant en la personne de son avocat, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner les époux [U] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose qu'il a consenti aux époux [U] un bail d'habitation le 25 janvier 2020 et que dès le mois d'avril 2020, il a rencontré des difficultés avec ses locataires pour le paiement des loyers et des charges ; que les promesses de paiement émanant de Mme [U] sont restées sans suite, cette dernière avançant différents prétextes pour ne pas payer.
Il invoque une créance locative de 11 385 € en février 2021 portée à 30 585 euros au 22 mai 2022.
Il invoque la mauvaise foi de la débitrice et le fait que cette dernière a une activité commerciale en nom personnel ce qui la rend inéligible à la procédure de surendettement étant précisé qu'elle ne démontre pas que sa société a été radiée du registre du commerce, tout au contraire, au vu du Kbis.
Il soutient que pour obtenir la conclusion du bail, les époux [U] ont produit de fausses quittances de loyer, et que les époux étaient en réalité déjà endettés auprès de leur précédent bailleur.
Il fait état de l'activité de Mme [U] sur les réseaux sociaux qui contredit sa position quant à son surendettement.
Il indique que lui-même est sans emploi depuis mars 2022.
Il estime que la mauvaise foi des débiteurs doit être sanctionnée par des dommages-intérêts à son profit.
La SAS [H]-[D] et Cie, représentée par son avocat, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- à titre subsidiaire, rééchelonner le remboursement de la dette des époux [U] à son égard sur une durée de 36 mois,
- condamner les époux [U] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La société [H]-[D] et Cie expose qu'elle était l'assureur de M. [T] qui était bailleur des époux [U] et qui leur avait loué un appartement situé à [Localité 15] le 3 novembre 2017 moyennant un loyer de 1050 euros ; que les époux [U] n'ont jamais payé leur loyer et que les chèques qu'ils ont remis au bailleur à l'entrée dans les lieux sont restés impayés. Par la suite les époux [U] ne se sont jamais manifestés et ont été condamnés en leur absence à payer au bailleur une somme de 4 481,16 euros et été expulsés du logement avec le concours de la force publique. Elle a dû indemniser le bailleur pour un montant total de 22 319,12 euros, la dette des époux [U] se montant en dernier lieu à 27 409,52 euros.
La société [H]-[D] et Cie invoque la mauvaise foi des époux [U] qu'elle estime coutumiers du non-paiement des loyers. Elle relève la mauvaise foi des appelants eut égard au fait qu'ils se sont également abstenus de payer son salaire à leur assistante maternelle et estime que le fait que l'épouse exerce une profession indépendante ne lui permet pas de bénéficier d'une procédure de surendettement.
Elle estime que les époux [U] ont menti sur leur surface financière lors de la conclusion du bail avec M. [T] et qu'ils ont agi de la même manière avec leur bailleur suivant, M. [M].
Madame [S] [W], intimée, représentée par son avocat, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, subsidiairement si les appelants étais admis à bénéficier de la procédure de surendettement, en exclure sa créance sur le fondement de l'article L.711 ' 4 du code de la consommation et dire n'y avoir lieu à rééchelonnement ou effacement de sa créance et de condamner solidairement les époux [C] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Madame [W] expose qu'elle a été embauchée comme assistante maternelle sans contrat de travail écrit le 17 mars 2018 et moyennant un salaire horaire de 12 euros pour trois enfants à garder ; que l'employeur lui a payé le premier mois avec retard et a rompu le contrat de travail le 11 avril suivant sans lui payer les heures du mois d'avril 2018 et l'a menacée de la frapper. Par ordonnance de référé du 9 janvier 2019 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a ordonné aux époux [U] de lui verser son rappel de salaire et une indemnité de procédure soit au total 1 216 euros et que par jugement du 4 avril 2019 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a requalifié le contrat de travail en contrat à temps plein et a dit que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse et a condamné solidairement les époux [U] en conséquence.
Elle invoque la mauvaise foi des époux [U] pour les mêmes motifs que les autres créanciers représentés et estime que l'épouse ne pouvait être déclarée éligible à la procédure de surendettement puisqu'enregistrée au registre du commerce.
Subsidiairement, elle estime que sa créance a une origine alimentaire ainsi qu'il résulte de l'article L711 ' 4 du code de la consommation, ce qui ne permet pas de l'effacer de l'aménager ou de la rééchelonner.
Les autres créanciers intimés, non comparants, ont tous accusé réception de leur convocation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'épouse à déposer une déclaration de surendettement :
L'endettement déclaré par Mme [U] relevant de son activité privée et non professionnelle cette dernière qui a exercé une profession sous le statut d'auto entrepreneur entre le 1er septembre 2017 le 21 décembre 2020 est recevable en son principe à bénéficier des dispositions de traitement des situations de surendettement des particuliers.
Sur la recevabilité des époux [U] au regard de la bonne foi exigée par la loi :
Comme l'a estimé le premier juge, les époux [U] ont de façon habituelle et délibérée omis de respecter leurs obligations locatives et le dossier dans son ensemble démontre leur volonté persistante à ne pas s'acquitter des loyers dus, ainsi que des indemnités d'occupation mises à leur charge
Les époux [U] ont par ailleurs été sanctionné par la CAF pour fausse déclaration d'une situation de parent isolé afin de bénéficier de l'allocation correspondante. Ils ont été sanctionnés pour cela par la caisse d'allocations familiales.
Ensuite les époux [U] ont été condamnés par la juridiction prud'homale à indemniser l'assistante maternelle qu'ils avaient recrutée sans contrat écrit, pour défaut de paiement des salaires dus et licenciement dans le non-respect de la procédure applicable.
Ensuite les extraits de publications à l'initiative de l'épouse sur les "réseaux sociaux" viennent contredire leur déclaration de surendettement : Il ressort en effet de ces extraits que l'épouse se présente habituellement sur les réseaux sociaux d'un trop plein d'activité en tant que restauratrice.
L'un des créanciers produit ainsi les affirmations de Mme [U] :
- «...Notre petite entreprise est née à [Localité 18], nous avons fait notre place à [Localité 13], une place riche en émotions et en travail (publication du 17 janvier 2021 suivant procès-verbal de constat d'huissier produit par l'un des intimés ) ; « Notre vie de travaux commence entre la rénovation de la maison actuelle, la construction de la nôtre et notre restaurant ! (Publication du 20 février 2021);
- «Ce soir c'est une énorme nouvelle je viens annoncer par ici' notre petite [Z] et ce restaurant que j'ai rêvé depuis petite il est là : dès la réouverture de nos restaurants nous commençons l'aventure les travaux sont de rigueur avant tout ça'(Publication du 19 février 2021)
- suite à la réouverture des établissements de restauration pour juin juillet nous somme à la recherche (sic) restaurant sur [Localité 12], d'un cuisinier capable de travailler les entrées, plat dessert et pizza poste non logé en CDI avec au moins cinq ans d'expérience' de serveurs capables de gérer une salle de 40 couverts l'hiver, 100 couverts l'été'(publication du 13 avril 2021)
- publication du 7 mars 2022 sur le site [10] qui fait ressortir que Madame [V] [O] recherche pour le dimanche 26 juin au soir un disc-jockey et un traiteur "pour un apéritif dînatoire".
- publication du 25 mai 2022 : « Dimanche journée spéciale pour une jolie princesse nommée [Z] son premier anniversaire' sa maman travaille dans l'événementiel a orchestré de main de maître un magnifique buffet gargantuesque dans un décor féerique et magique. »
- publication du 25 mai 2022 au nom de [V] [U] : " Info : 20 ans j'ai créé une énorme société sur [Localité 13] qui été plus que fleurissante (sic)'
Or, les époux [U] ne formulent aucune observation sur ces documents produits par l'un des intimés et certifiés par huissier, qui viennent en contradiction avec leurs affirmations sur leur situation financière dégradée et leur demande d'effacement de leurs dettes.
La mauvaise foi manifestée par les débiteurs : non-paiement délibéré de leurs dettes, spécialement locatives joint à un train de vie en discordance avec leur déclaration de surendettement.
En conséquence le jugement qui a déclaré les époux [U] irrecevables à bénéficier du traitement du surendettement des particuliers sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement déféré
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Monsieur et Madame [L] et [V] [U] née [O] à payer respectivement à Monsieur [K] [M], à la société d'assurances [H]-[D] et Cie et à Madame [S] [W] à chacun la somme de 1 500 euros,
Condamne les époux [U] aux dépens de l'instance d'appel.
La GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE