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25/10/2017 | FRANCE | N°15/13304

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 25 octobre 2017, 15/13304


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2017

V.N.

N°2017/229













Rôle N° 15/13304







[E] [N]





C/



[F] [Y]





























Grosse délivrée

le :

à :



Me Paul DRAGON





SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH





Décision déférée à la Cour

:



Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 28 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02887.





APPELANTE



Madame [E] [N]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (13),

demeurant [Adresse 1]



représentée et assisté par Me Paul DRAGON, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2017

V.N.

N°2017/229

Rôle N° 15/13304

[E] [N]

C/

[F] [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Paul DRAGON

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 28 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02887.

APPELANTE

Madame [E] [N]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (13),

demeurant [Adresse 1]

représentée et assisté par Me Paul DRAGON, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [F] [Y]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 2] (13),

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Martine PENTZ, avocat plaidant au barreau de CARPENTRAS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, et Monsieur Joël MOCAER, Président de chambre, chargés du rapport.

Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique NOCLAIN, Présidente

Madame Chantal MUSSO, Présidente de chambre

Monsieur Joël MOCAER, Président de chambre

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2017.

Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [E] [N] a acquis selon acte de cession en date du 30 mai 2000 reçu par Maître [X] au prix de 307.552 [Localité 3] un terrain sis à [Localité 4] sur lequel elle a fait édifier une villa pour un montant de 471.000 francs, la réception des travaux ayant eu lieu le 24 juillet 1997.

De septembre 1997 à septembre 2003, Madame [E] [N] a vécu en concubinage avec Monsieur [F] [Y].

Une expertise confiée à Monsieur [M] a été ordonnée le 26 mars 2008 par le juge des référés de [Localité 5] aux fins de déterminer la réalité, la nature et le coût des travaux faits sur la propriété de Madame [E] [N] par Monsieur [F] [Y]; l'expertise a été déposée le 10 novembre 2011.

Par acte d'huissier du 20 mars 2012, et, suite à la décision du juge de la mise en état constatant l'incompétence du tribunal de grande instance de Draguignan au profit du juge aux affaires familiales de la juridiction, par reprise d'instance devant le juge aux affaires familiales de Draguignan, Monsieur [F] [Y] a sollicité de:

-voir condamner Madame [E] [N] à lui verser la somme de 294.474, 25 euros avec intérêts à compter du 14 février 2007 au titre des travaux par lui réalisés au profit du bien propre de son ex-concubine;

-voir condamner Madame [E] [N] à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts;

-voir condamner Madame [E] [N] à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par écritures en réplique signifiées le 23 janvier 2014, Madame [E] [N] a demandé de:

-déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [F] [Y] pour la période antérieure au 29 septembre 2000 eu égard à la liquidation judiciaire prononcée à l'encontre de Monsieur [F] [Y], le mandataire judiciaire n'ayant pas pour cette période été appelé en la cause;

-à titre subsidiaire, débouter Monsieur [F] [Y] de ses demandes en écartant la demande d'homologation du rapport de l'expert [M] et en ne retenant pas l'existence d'un appauvrissement sans cause;

-à titre infiniment subsidiaire, dire que Monsieur [F] [Y] ne peut réclamer que la somme de 22.485 euros outre le paiement de deux mensualités de prêt souscrit pour la pose de la piscine, soit la somme de 1.165 euros;

-en tout état de cause, condamner Monsieur [F] [Y] au versement d'une somme de 3.000 euros pour procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens et à une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par décision contradictoire du 28 mai 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan a:

-déclaré la demande de Monsieur [F] [Y] recevable;

-condamné Madame [E] [N] à verser à son ex-concubin une somme de 294.474,25 euros au titre de l'enrichssement sans cause, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2012;

-condamner Madame [E] [N] à verser à Monsieur [F] [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral;

-condamner Madame [E] [N] à verser à Monsieur [F] [Y] une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles;

-condamner Madame [E] [N] aux dépens dont compris les frais d'expertise.

Le premier juge retient essentiellement à l'appui de sa décision les éléments suivants:

-les travaux de construction et d'amélioration allégués par Monsieur [F] [Y] sont établis par les factures et témoignages versés aux débats et ont en partie été reconnus par Madame [E] [N] devant l'expert désigné par le juge des référés;

-Madame [E] [N] ne produit aucun document démontrant qu'elle aurait elle-même financé ou fait réalisé les travaux en cause;

-le montant des travaux évalués par l'expert à la somme de 294.474,25 euros serait selon le même expert inférieur au montant de la plus value réalisée par Madame [E] [N], qui s'est donc enrichie;

-Monsieur [F] [Y] a réalisé d'importants travaux au profit du bien de Madame [E] [N] et 'se retrouve aujourd'hui sans aucun droit sur le dit-bien';

-aucune intention libérale n'est démontrée pouvant justifier l'appauvrissement de Monsieur [F] [Y] au profit de Madame [E] [N]; le fait de profiter d'un logement et même de contribuer à certains travaux relatifs à ce logement dépasse largement la contribuation normale d'un concubin aux dépenses communes ou à l'avantage tiré de l'occupation du bien de l'autre;

-le couple est séparé depuis 2003 et Monsieur [F] [Y] n'a reçu aucune contre-partie au travail réalisé et a subi un préjudice moral du fait de l'attitude fautive de son ex-compagne;

Par déclaration reçue le 21 juillet 2015 par le greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, Madame [E] [N] a formé appel de la décision du 28 mai 2015.

L'appelante demande à la cour de:

-dire irrecevables au visa de l'article 815 du code de procédure civile les conclusions déposées par l'appelant pour défaut de mention d'une adresse connue et certaine;

-dire au visa des articles 553 et 1371 du code civil que Monsieur [F] [Y] ne rapporte pas la preuve des travaux allégués ni des dépenses réalisées au profit de la villa de Madame [E] [N] et écarter en conséquence, ses demandes;

-subsidiairement, dire que le travail réalisé par Monsieur [F] [Y] doit être évalué sans charge sociale ni frais ni TVA;

-dire que les sommes éventuellement dues doivent être appréciées à la date de la dépense faite et des travaux exécutés;

-dire que le prêt ayant financé le construction de la piscine n'a pas été payé par Monsieur [F] [Y];

-dire que la somme due à Monsieur [F] [Y] est de 5.242,29 euros et que cette somme a pour 'contre-partie' l'occupation gratuite du logement pendant plus de six ans;

-à titre infiniment subsidiaire, fixer la créance de plus-value de l'immeuble à la somme de 94.000 euros , somme inférieure au prix des travaux allégués; en conséquence, ramener la créance de Monsieur [F] [Y] à ce montant;

-condamner Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [E] [N] une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens y compris au frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de Maître Paul Dragon.

Par écritures transmises par RPVA le 22 juin 2017, Monsieur [F] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Madame [E] [N] à lui verser la somme de 294.474,25 euros avec intérêts à compter du 14 février 2007 et de le réformer s'agissant du montant des dommages et intérêts, qu'il entend voir fixer à la somme de 30.000 euros pour 'résistance abusive depuis 2003"; enfin, il sollicite la condamnation de l'appelante aux dépens ainsi qu'au paiement à son profit d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2017.

Sur ce,

La recevabilité des conclusions de l'intimé au visa de l'article 815 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l'article 815 du code de procédure civile, les conclusions des parties ne sont pas recevables si elles ne comportent pas des indications notamment portant sur le domicile.

Madame [E] [N] demande de dire irrecevables les conclusions déposées par l'intimé pour défaut de mention d'une adresse connue et certaine.

Or, Monsieur [F] [Y] ayant fourni dans ses conclusions avant l'ordonnance de clôture une adresse précise [Adresse 2], la sanction prévue par l'article 805 précité n'a pas lieu d'être appliquée.

Sur le fond

Aux termes des dispositions de l'article 1371 ancien du code civil et 1303 nouveau du code civil, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit à celui qui s'en trouve appauvri une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l''enrichissement et de l'appauvrissement.

Ainsi que précisé par le premier juge, il s'agit pour le demandeur à l'action de démontrer un enrichissement de l'autre concubin, un appauvrisement corrélatif de l'autre et une absence de cause de ce flux patrimonial.

Le premier juge a retenu dans la motivation de sa décision les conclusions de l'expert [M] [M], désigné aux fins d'évaluation des travaux effectués au profit de la villa de Madame [E] [N] pendant la période de concubinage de septembre 1997 à septembre 2003.

L'expert a évalué à la somme totale de 294.474,25 euros le montant total des travaux réalisés pendant la période de concubinage sur la maison de Madame [E] [N], en sachant, ce qui est établi, que la construction de cette villa avait été confiée au constructeur 'Les Mas et Traditions de Provence' pour un montant de 471.000 francs et qu'à la réception du chantier en juillet 1997, l'habitation était alors hors d'eau et hors d'air s'agisssant du garage et de l'étage et achevée au rez-de-chausée, sauf au sujet de l'aménagement de la cuisine.

L'expert a relevé dans ses conclusions que les parties ont été d'accord pour dire que certains travaux avaient bien été réalisés par Monsieur [F] [Y] (5.1); il retient ainsi des travaux d'aménagement de la cuisine avec pose du mobilier pour une somme de 2.900 euros (valeur nominale de la dépense); la réalité de ces travaux et leur évaluation ne sont pas valablement contestées par l'appelante; l'expert retient également une somme de 36.786,83 euros' au titre de fournitures'; toutefois, faute de pièces bancaires versées au débat, il n'est pas possible de savoir sur quels fonds ces fournitures ont été acquises et donc, de retenir la somme de 36.786,83 euros comme une dépense faite par Monsieur [F] [Y] au profit du fonds appartenant à Madame [E] [N].

Pour le surplus, l'expert ne donne pas d'indications plus précises permettant de façon certaine d'attribuer à l'un ou à l'autre des concubins la réalisation de la quasi-totalité des travaux litigieux et en conséquence, de retenir une plus-value (enrichissement) au titre des travaux réalisés par l'intimé.

Madame [E] [N] affirme que les travaux en question ont été réalisés par des membres de sa famille et verse aux débats diverses attestations (pièces 10 à 19) qui sont probantes quant à la participation de sa famille au chantier en cause, sans toutefois qu'il ne soit démontré le montant des travaux ainsi faits ni la plus-value apportée à la villa.

Monsieur [F] [Y] verse également aux débats des attestations confirmant le fait qu'il a réalisé des travaux sur la villa de son ex-concubine. Quant aux factures produites par l'intimé, faute de preuve quant à leur financement, elles ne sont pas probantes Les témoignages produits par Monsieur [F] [Y] permettent de constater que ce dernier a parfois reçu l'aide de tiers (cf attestation Mercurio), aide dont il ne peut se prévaloir au titre d'un appauvrissement personnel; il sera également noté que les divers témoignages produits ne permettent pas de connaître ni le montant des travaux faits par l'intimé ni celui de la plus-value apportée par ces travaux à la villa de Madame [E] [N].

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que si des travaux ont bien été réalisés par Monsieur [F] [Y], ils ne sont pas quantifiables au-delà de la somme de 2.900 euros,aucune indication ne permettant au surplus de fixer précisément, en toutes hypothèses, la plus-value apportée par ces travaux à la villa de Madame [E] [N].

En fixant cette plus-value à la somme de 294.474,25 euros, ce qui représente la valeur de la totalité des travaux réalisés pendant le temps du concubinage, le premier juge a donc fait une mauvaise analyse de l'expertise et des pièces des parties.

Si toutefois la cour retenait la somme sus-dite de 2.900 euros outre les deux échéances de prêt que l'appelante attribue à son ex-concubin au titre du financement de la piscine, soit une somme de 3.803,52 francs, il serait au surplus impossible d'en déduire un appauvrissement de Monsieur [F] [Y], le montant de ces sommes pouvant en outre, au regard de la durée du concubinage, être considéré comme un apport normal et équilibré aux charges du ménage.

Le jugement déféré sera, au regard de ces éléments, infirmé en toutes ces dispositions.

Il n'est pas inéquitable de condamner Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [E] [N] une somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [F] [Y] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont le recouvrement sera assuré selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Condamne Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [E] [N] une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur [F] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 15/13304
Date de la décision : 25/10/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°15/13304 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-25;15.13304 ?
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