COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 20 FEVRIER 2015
N°2015/ 90
Rôle N° 13/05718
[F] [T]
C/
SAS TECHNIPRO
Grosse délivrée le :
à :
-Me Vanessa AVERSANO, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Valérie PORET-RATTIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 21 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/367.
APPELANTE
Madame [F] [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Vanessa AVERSANO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS TECHNIPRO, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Valérie PORET-RATTIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller
Madame Laurence VALETTE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Février 2015
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Février 2015
Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Reconnue travailleur handicapé de catégorie C par décision de la COTOREP en date du 23 octobre 2003, [F] [T] a été engagée par la SAS TECHNIPRO selon contrat à durée indéterminée du 3 octobre 2005 en qualité d'opératrice, agent d'exploitation niveau 2, échelon 1de la convention collective nationale d'entreprise de prévention et de sécurité.
La SAS TECHNIPRO offre des services de téléassistance aux personnes handicapées et âgées.
La rémunération mensuelle brute de la salariée était fixée à 1 300 € pour 151,67 heures.
Au cours de la visite médicale d'embauche du 4 octobre 2005, Mme [T] a été déclarée par la médecine du travail apte au travail à condition de procéder à un aménagement de poste, nécessitant la mise en place par l'employeur d'un clavier agrandi, d'un écran adapté, d'un logiciel spécifique et d'un télé agrandisseur ( 21 pouces) eu égard à son handicap visuel .
Mme [T] a été en arrêt maladie du 6 décembre 2008 au 31 mai 2010.
Elle a initié une procédure de mise en invalidité auprès de la CPAM, qui s'est mise en relation avec l'employeur le 3 juin 2011 pour l'informer de ses démarches et solliciter les documents utiles afin de liquider le dossier de pension d'invalidité.
Le 8 juin 2010 , elle a obtenu un titre d'invalidité conduisant au versement d'une pension : 'après examen de votre dossier, le praticien conseil a estimé que vous présentez un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins votre capacité de travail ou de gain justifiant votre classement dans la catégorie 2. Le point de départ de la pension qui vous est attribuée est fixée au 1er juin'.
Entre temps Mme [T] a sollicité une visite de reprise auprès de la médecine du travail qui en a informé par télécopie du 24 juin 2010 la société TECHNIPRO afin qu'elle organise ladite visite de reprise le jour même.
L'employeur n'ayant pas donné suite, le médecin du travail dans un fax du 2 juillet 2010, lui a indiqué :
' J'ai reçu Mme [T] en visite de pré reprise. Nous vous avons demandé par fax du 24 juin une demande de visite de reprise. N'ayant toujours rien de votre part, nous avons contacté l'inspection du travail . Nous fixons la visite de reprise avec l'accord de l'inspection du travail au 6 juillet 2010".
Le 6 juillet 2010, le médecin du travail a conclu à une inaptitude définitive au poste avec suppression de la deuxième visite en raison d'un danger immédiat en application des dispositions de l'article R 4624-31 du code du travail.
Le 27 septembre 2010, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE pour demander la condamnation de l'employeur ( cf demande introductive d'instance ) au paiement de diverses sommes dont indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement , dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée (').
La SAS TECHNIPRO a reçu une convocation devant le bureau de conciliation le 10 octobre 2010.
Le 2 novembre 2010, la société , qui envisageait la rupture de la relation du travail, a convoqué Mme [T] pour un entretien préalable et à l'issue de cette rencontre qui s'est tenue le 10 novembre , lui a notifié son licenciement pour fautes, lui reprochant notamment son absence injustifiée depuis le 1er juin 2010.
La rémunération brute mensuelle de la salariée au dernier terme de la relation contractuelle était de
1 554,55 €.
*
Après une décision de radiation survenue le 23 janvier 2012, l'affaire a été réenrôlée le 14 février 2012.
Au dernier état de ses demandes , Mme [T] demandait :
A titre principal :
- de prendre acte de l'absence de visite de reprise organisée à l'issue de son arrêt maladie ,
- constater la nullité du licenciement,
- ordonner sa réintégration ,
- condamner la société au paiement des salaires de manière rétroactive à compter du 22 novembre 2011 jusqu'au jour de la réintégration,
A titre subsidiaire :
- de condamner l'employeur au paiement de diverses sommes , au titre notamment du défaut de mention légale sur la lettre de convocation à entretien préalable, de l'indemnité compensatrice de préavis , indemnités compensatrices de prévis, de l'indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination...
Par jugement en date du 21 février 2013, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a :
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné Mme [T] aux dépens.
*
Mme [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision .
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , Mme [T] demande de :
- réformer le jugement déféré,
A titre principal, en cas d'absence de visite de reprise
- prendre acte de l'absence de visite de reprise organisée par la société TECHNIPRO à l'issue de la période d'arrêt maladie de Mme [T],
- constater la nullité de son licenciement à défaut de visite de reprise, et le caractère définitif de la rupture intervenue,
En conséquence,
- condamner la société TECHNIPRO à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux qui courront à compter de la décision à intervenir.
A titre subsidiaire, en cas de visite de reprise
- condamner la société TECHNIPRO à lui payer la somme de 20 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner la société TECHNIPRO prise en la personne de son représentant légal à lui payer les sommes de :
- au titre des salaires du 6 août 2010 au 22 novembre 2010 : 4 640 €
- au titre de la réparation de ce manquement : 2 000 €
- au titre du défaut de mention légale sur la lettre de convocation à l'entretien préalable : 1160 € - au titre des indemnités compensatrices de préavis : 2 320 €
- au titre des indemnités journalières complémentaires dues en cas d'arrêt maladie : 10 300 €
- au titre des indemnités compensatrices de congés payés : 333,125 €
outre intérêts légaux qui courront à compter du jugement à intervenir et capitalisation des intérêts
- condamner la société TECHNIPRO à lui payer 20 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination ,
- condamner la société TECHNIPRO à lui communiquer sous peine d'astreinte de 500 € par jour de retard un certificat de travail rectifié faisant mention de ses droits acquis au titre du Droit individuel à la formation, à savoir le solde du nombre d'heures acquises au titre du DIF et non utilisées, ainsi que la somme correspondant à ce solde ,l'organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) compétent pour verser les sommes correspondant à la valorisation de la portabilité ,
-condamner la société TECHNIPRO à lui payer à 20 000 € au titre de l'indemnisation de la perte de chance de suivre une formation individuelle et de d'accéder à un poste adapté,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par le défendeur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner la société TECHNIPRO au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , la SAS TECHNIPRO demande de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions recevoir la concluante en ses demandes, fins et conclusions,
- constater la bonne foi de la SAS TECHNIPRO ,
- débouter Mme [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions comme totalement infondées et injustifiées,
- condamner Mme [T] outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à verser à la SAS TECHNIPRO la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement en date du 22 novembre 2010 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée:
'Vous avez été convoquée le 2 novembre dernier pour un entretien préalable à une décision de licenciement. Cet entretien s'est déroulé le 10 novembre 2010 dans les locaux de l'entreprise à [Localité 1] en présence de Monsieur [D] [B] (Directeur Général) et de Madame [U] [J] (Déléguée du Personnel) vous assistant à votre demande.
Cet entretien avait pour but de vous entendre sur les différents points qui avaient été détaillés dans la lettre de convocation du 2 novembre, et de vous permettre ainsi d'apporter des éléments et des réponses concrètes à nos interrogations, susceptibles d'orienter notre décision future.
Je vous rappelle les termes du courrier de convocation:
« Vous avez été embauchée le 3 octobre 2005 par notre société en contrat à durée indéterminée à temps complet en tant qu'agent administratif pour traiter des appels téléphoniques et des prises de rendez-vous.
Vous étiez lors de cette embauche classée en tant que travailleuse handicapée de catégorie C (handicap lourd) par la COTOREP des Bouches du Rhône, suite à une décision du 16/05/2003.
Dans ce cadre, l'entreprise vous a aménagé un poste de travail spécifique pour tenir compte de votre handicap.
Vous avez été ensuite en arrêt maladie du 6 décembre 2008 au 31 mai 2010, période pendant laquelle vous nous avez fait parvenir régulièrement vos arrêts de travail successifs.
Depuis le 1er juin 2010, nous n'avons de votre part plus aucune nouvelle.
A la date du 1er juin 2010, vous auriez dû vous présenter à l'entreprise pour que nous puissions organiser la reprise de votre travail. A cette date, et depuis cette date, vous ne l'avez pas fait, et n'avez jamais contacté la société, ni par téléphone, ni par écrit.
Lors de l'établissement de la paie de juin 2010, nous avons constaté ne pas avoir reçu d'avis d'arrêt de travail et vous vous êtes retrouvée en absence irrégulière et injustifiée depuis la date du 1er juin 2010.
Le 4 juin 2010, nous avons été informés par le service social de la CPAM, qu'un dossier de pension d'invalidité était en cours de constitution, ce qui n'est pas nécessairement en contradiction avec la poursuite d'une activité salariée, et nous avons fourni immédiatement à la CPAM les renseignements demandés.
Nous avons appris début juillet 2010, que vous aviez demandé à la Médecine du Travail une visite de reprise. La Médecine du Travail nous a fait parvenir un avis le 6 juillet 2010 indiquant une inaptitude définitive à votre poste, en stipulant qu'il n'y aurait pas de seconde visite du fait d'un danger immédiat.
Cette Fiche de Visite Médicale n'était accompagnée d'aucune indication permettant de savoir si vous pouviez encore avoir une activité professionnelle et pour quel type de poste. Le médecin du travail ne s'est pas non plus rapproché de la société pour voir comment nous pouvions vous permettre un retour à l'emploi.
A aucun moment nous n'avons reçu de nouvelles ou d'écrit de votre part, nous indiquant les démarches que vous accomplissiez, ni votre souhait ou non de reprise d'une activité professionnelle, et si vous entendiez contester ou non les conclusions de la Médecine du Travail.
Vous avez considéré n'avoir plus aucune obligation découlant de votre contrat de travail, alors que ce dernier n'était plus suspendu depuis le 1er juin 2010.
L'entreprise a cependant continué de vous faire parvenir chaque mois sans aucune interruption par courrier à votre adresse personnelle vos feuilles de paie indiquant clairement la mention 'absence injustifiée'. Ce qui n'a jusqu'à ce jour provoqué aucune réaction de votre part.
Le 6 octobre 2010, nous recevons une convocation devant le bureau de conciliation du Conseil des Prud'hommes de [Localité 1] établie à votre demande pour non respect de la procédure de licenciement.
Dans ces circonstances, nous vous convoquons à un entretien préalable à une éventuelle décision de licenciement le 10 Novembre 2010 à 11 heures dans le bureau de monsieur [D] [B] directeur général de la société.
Nous vous rappelons que pour cet entretien, vous pouvez vous faire assister par un membre du personnel de la société.'
La communication avec vous, lors de cet entretien, a été particulièrement difficile, du fait que vous n'avez pas souhaité vous exprimer sur les différents points de la lettre de convocation, autrement que par 'oui', 'non', 'c'est faux', sans jamais justifier votre position, ni verbalement, ni en apportant un début de démonstration ou de preuves à vos dires.
Depuis cet entretien, nous n'avons reçu de votre part, ni appel téléphonique, ni courrier venant nous apporter la moindre information supplémentaire.
En particulier, vous prétendez avoir envoyé de nombreux courriers à l'entreprise depuis le 1er juin dernier, et vous n'apportez aucune explication au fait qu'aucun de ces courriers ne nous soient parvenus.
Vous n'avez pas non plus montré de copies de ces courriers, ni produit les avis d'arrêt maladie que l'entreprise n'a jamais reçus.
Vous n'avez pas justifié de votre situation présente, et en particulier du fait que vous bénéficiez ou non d'une pension d'invalidité à compter de début juin 2010, vous garantissant depuis cette date 80% de votre salaire.
Sur la visite médicale de pré-reprise que vous avez demandée en juillet 2010 au médecin du travail, vous restez complètement évasive, et vous ne répondez pas à notre question de savoir si vous avez ou non contesté les conclusions du médecin du travail et si vous avez l'intention de reprendre une activité professionnelle.
A toutes fins utiles, nous joignons à ce courrier le compte-rendu de l'entretien du 10 novembre tel qu'il a été établi contradictoirement par monsieur [D] [B], directeur général, et madame [U] [J], déléguée du personnel.
Nous ne pouvons donc que persister dans les fautes évoquées dans notre courrier de convocation à l'entretien, et confirmées lors de l'entretien préalable dont en particulier:
- N'avoir pas prévenu votre employeur de votre absence à compter du 1er juin 2010, d'abord par téléphone, puis par courrier dans un délai de 48 heures, comme cela est explicitement défini dans la Convention Collective des Entreprises de Prévention et de Sécurité à l'article 7.02.
-N'avoir fourni, à aucun moment jusqu'à ce jour, les justificatifs de vos absences depuis la date du 1er juin 2010.
- Ne vous être jamais présentée à l'entreprise pour une reprise de votre travail depuis le 6 décembre 2008, date du début de votre premier arrêt maladie.
- N'avoir jamais eu le moindre contact avec l'entreprise depuis cette même date.
- N'avoir à aucun moment prévenu l'entreprise que vous souhaitiez subir un examen , médical de pré-reprise en juillet 2010.
-N'avoir pas contacté l'entreprise, ni par téléphone, ni par écrit suite à cet examen médical pour en étudier les conséquences et les possibilités de reprise d'une activité professionnelle.
- N'avoir pas contacté l'entreprise pour l'avertir que vous entamiez des démarches dans le but de vous voir attribué une pension d'invalidité à 80% vous exonérant de devoir retrouver une activité, ni du résultat de ces démarches.
- De n'avoir toujours pas exprimé à l'entreprise si vous souhaitiez ou non retrouver une activité professionnelle au sein de la société.
- De n'avoir pas jamais réagi aux courriers que l'entreprise vous a envoyés chaque mois, indiquant chaque mois que vous étiez pour l'entreprise en absence injustifiée.
En outre, vous saviez que pendant votre absence, nous avions embauché en CDD, une salariée pour pourvoir à votre remplacement, laquelle se devait d'être prévenue d'un éventuel retour de votre part.
Vous savez également que nous n'avons pas rompu votre contrat de travail pendant votre arrêt de longue maladie, comme le Code du Travail et la Convention Collective nous en donne pourtant la
possibilité.
Nous estimons en conséquence, que vous n'avez fait aucun cas de l'entreprise, qui s'est pourtant toujours comportée de façon loyale et irréprochable à votre égard, en particulier du fait de votre handicap lourd.
Nous sommes donc particulièrement choqués par votre attitude, et ne trouvons pas d'excuse à vos comportements fautifs et répétés.
En conclusion, nous vous informons que nous procédons ce jour à votre licenciement pour fautes, ce qui va entraîner après la période de préavis, la rupture de votre contrat de travail, dans les conditions prévues par la Convention Collective.
Au terme de cette période de préavis, nous vous ferons parvenir les différents documents prévus par les textes.'
Il convient d'emblée de souligner que contrairement à ce qu'indique la SAS TECHNIPRO dans ses écritures (et ce qu'a repris le conseil de prud'hommes) la lettre de licenciement ne fait pas état d'un licenciement pour faute grave de sorte que les développements sur ce point sont inopérants.
A titre principal, l'appelante soutient que son licenciement est nul pour avoir été prononcé durant la suspension du contrat de travail. Elle ne sollicite toutefois plus sa réintégration.
Mme [T] , tour à tour considère que la visite du 6 juillet 2010 qualifiée par le médecin du travail de 'visite de reprise' n'est pas une visite de reprise, puis, à titre subsidiaire, qu'elle en est une.
L'employeur soutient quant à lui, que la visite du 6 juillet 2010 n'ayant pas été réalisée à son initiative et n'en ayant pas été directement avisé par la salariée elle-même, ne peut être qualifiée de visite médicale de reprise et emporter ses effets juridiques, exposant que Mme [T] qui n'a 'jamais demandé de nouvelle visite médicale de reprise, s'est volontairement obstinée à laisser son employeur dans le flou, pour finir par le contraindre à la licencier pour abandon de poste'.
Seule la visite de reprise devant le médecin du travail met fin à la suspension du contrat de travail.
Pour autant, l'article L.1132-1 du code du travail ne fait pas obstacle au licenciement d'un salarié en arrêt de travail pour maladie , lorsqu'il est motivé par une cause réelle et sérieuse étrangère à l'état de santé du salarié, ce que l'intéressée ne prétend pas.
Si elle fait référence à cet article dans ces écritures, c'est à l'occasion de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral pour inadaptation de son poste, point qui sera examiné ultérieurement .
Au demeurant, l'employeur souligne pertinemment que la salariée ne pourrait prétendre avoir été écartée de son emploi en raison d'un handicap qui pré-existait à l'embauche et qui n'avait alors pas constitué un obstacle.
Dès lors , même à supposer que la visite du 6 juillet 2010 ne puisse être qualifiée de visite médicale de reprise, et que le contrat de travail de Mme [T] se trouvait toujours suspendu, le licenciement ne pourrait, de ce seul fait, être considéré comme nul et il importerait de rechercher s'il reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Mme [T] ne peut qu'être déboutée de demande au titre d'un licenciement nul.
Se pose la question de la qualification à donner à la visite du 6 juillet 2010.
Il est constant que la visite prise à l'initiative du salarié chez le médecin du travail, sans en avertir l'employeur ni s'être présenté à son travail pour l'organisation de celle-ci, ne peut être qualifiée de visite de reprise et emporter ses effets juridiques.
Il est toutefois admis que la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, puisse être sollicitée par le salarié qui se trouve face à une carence de ce dernier, mais à condition d'avertir celui-ci de cette demande.
En l'espèce, si la SAS TECHNIPRO n'a reçu les justificatifs du placement en invalidité 2ème catégorie de la salariée que postérieurement au licenciement ,elle n'était pas sans connaître les démarches de cette dernière auprès de la médecine du travail, ayant été à deux reprises, les 24 juin et 2 juillet 2010, dûment informée par le médecin du travail de la volonté exprimée par l'appelante de reprendre le travail et qu'elle n'a pas entendu donner suite.
Ainsi le médecin du travail dans un fax du 2 juillet 2010, lui a écrit:
' J'ai reçu Mme [T] en visite de pré reprise. Nous vous avons demandé par fax du 24 juin une demande de visite de reprise. N'ayant toujours rien de votre part, nous avons contacté l'inspection du travail . Nous fixons la visite de reprise avec l'accord de l'inspection du travail au 6 juillet 2010".
La SAS TECHNIPRO indique par ailleurs dans la lettre de licenciement ' la médecine du travail nous a fait parvenir un avis le 6 juillet 2010 un avis indiquant une inaptitude définitive à votre poste , en stipulant qu'il n'y aurait pas de seconde visite du fait d'un danger imminent', reconnaissant avoir eu connaissance le jour même des conclusions du médecin du travail.
S'ensuit que la SAS TECHNIPRO a été dûment informée du souhait de la salariée de voir organiser une visite médicale de reprise et qu'elle ne peut opposer sa propre carence pour dénier à la visite du 6 juillet 2010 le caractère de visite médicale de reprise ayant mis fin à la suspension du contrat de travail de Mme [T].
Si Mme [T] n'a pas communiqué à la SAS TECHNIPRO d'arrêt de travail postérieurement au 1er juin 2010, et ne s'est jamais présentée sur son lieu de travail , force est de constater qu'en l'état d'un avis d'inaptitude définitif en date du 6 juillet 2010, elle ne peut plus être considérée , à compter de cette date en absence injustifiée, et que , même à supposer établie, l'absence injustifiée sur la période précédente, celle-ci ne peut qu'être considérée que comme prescrite, la procédure de licenciement ayant été mise en oeuvre plus de 2 mois plus tard.
En réformation du jugement déféré, le licenciement de Mme [T] doit être jugé sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant l'argumentation des parties.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaire
- sur le rappel de salaire du 6 août au 22 novembre 2010 et les dommages et intérêts sollicité en réparation du manquement de l'employeur
A défaut de reclassement ou de licenciement à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de la visite de reprise, l'employeur est tenu de rémunérer la salariée au -delà de ce délai ( en l'espèce le 6 août 2010) jusqu'à la date du licenciement pour absence injustifiée survenu le 22 novembre 2010.
Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire dont le montant n'est pas en soi discuté.
Mme [T] a subi un nécessaire préjudice du fait de ce manquement qui sera indemnisé à hauteur de 150 €.
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La SAS TECHNIPRO ne contredit pas l'affirmation des premiers juges selon laquelle elle employait 11 salariés.
L'article L.1235-3 du code du travail applicable en l'espèce dispose que le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.
Tenant à l'ancienneté de la salariée, à son âge ( elle est née en 1955 ), et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 12 000 €.
- sur les dommages et intérêts pour irrégularité de procédure
Mme [T] sollicite des dommages et intérêts pour défaut de mention légale dans la lettre de convocation à entretien préalable sans toutefois expliciter sa demande.
En tout état de cause, les indemnités pour irrégularité de procédure ne sont pas cumulables avec celles de l'article L 1235-3 du code du travail de sorte qu'elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.
- sur l'indemnité compensatrice de préavis
C'est à juste titre que Mme [T] qui n'a bénéficié que d'un mois de préavis, et qui a été reconnue travailleur handicapé par décision de la COTOREP en date du 23 octobre 2003, soutient que conformément aux dispositions combinées des articles L.1234-5 et L.5213-9 du code du travail , elle peut prétendre 3 mois de préavis et sollicite en conséquence le paiement de 2 mois supplémentaires.
Il sera fait droit à sa demande dans la limite de la somme sollicitée.
- sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Le bulletin de salaire du mois de novembre 2010 fait état d'un solde de 32,5 jours.
Le salarié dont le contrat de travail est rompu avant qu'il ne bénéficie de la totalité du congé auquel il avait droit doit recevoir une indemnité compensatrice de congés.
Par ailleurs ,en cas de rupture du contrat de travail, les congés non pris au cours de l'année en raison d'absence liée à une maladie, doivent être indemnisés au titre de l'article L.3141-26 du code du travail.
Il sera fait droit à la demande de Mme [T] .
- sur les indemnités journalières complémentaires
La convention collective applicable prévoit qu'en cas d'arrêt maladie d'un agent d'exploitation ayant plus de 3 ans et moins de 8 ans d'ancienneté, l'employeur doit maintenir le salaire net à 90 % pendant 30 jours et à 70 % pendant 30 jours supplémentaires sous déduction des indemnités journalières de sécurité sociale et de tout versement des organismes de prévoyance.
Ce complément doit être fait par l'entreprise dès lors que l'attestation de paiement des indemnités journalières lui a été transmise par le salarié.
Il est également prévu qu'en cas d'incapacité temporaire de travail des salariés non cadres, le régime de prévoyance AG2R verse une indemnité égale à 80 % du salaire brut de référence (salaire des 12 derniers mois avant l'arrêt divisé par 12) y compris les prestations brutes de la sécurité sociale.
Mme [O], comptable de la société DATACET qui assure la gestion des salaires pour la société TECHNIPRO, atteste: 'dès réception de l'attestation de versement des indemnités journalières de la sécurité sociale de Mme [T] datée du 23 juin 2009, j'ai procédé au calcul du complément aux indemnités journalières de sécurité sociale conformément à la convention collective «Prévention et Sécurité» qui prévoit un maintien de salaire net de 30 jours à 90 % et de 30 jours supplémentaires à 70 % sous déduction des indemnités de sécurité sociale versées à la salariée. La somme de 722,56 € a ainsi été versée à Mme [T] le 31 juillet 2009".
La somme de 722,56 € a été versée à Mme [T] le 31 juillet 2009 au titre de la régularisation des indemnités complémentaires pour la période du 18 décembre 2008 au 15 février 2009 comme en témoigne le bulletin de salaire de juillet 2009.
Un chèque de 1 958,41 € lui a également été adressé en novembre 2009 par la SAS TECHNIPRO en règlement des indemnités versées par AG2R.
La salariée a directement perçu la somme de 4974,72 € de la CPAM pour la période du 9 décembre 2008 au 18 juin 2009.
Il ressort par ailleurs des relevés de prestations produites par la salariée elle-même qu'elle a perçu la somme de 13 965,49 € pendant toute la durée de la maladie allant du 9 décembre 2008 au 31 mai
2010.
Le jugement sera confirmé sur ce point en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande.
- sur les dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination
Mme [T] expose qu'elle n'a jamais bénéficié d'un poste de travail spécifiquement adapté conformément aux dispositions à l'article de l'article 6-10 de la convention collective applicable et aux prescriptions du médecin du travail lors de la visite médicale d'embauche du 4 octobre 2005 ( mise en place d'un clavier agrandi, d'un écran adapté, d'un logiciel spécifique et d'un télé agrandisseur ) et du certificat transmis à l'employeur par le médecin du travail suite à la visite médicale systématique périodique indiquant le matériel nécessaire permettant d'adapter le poste de travail à son handicap ( clavier de PC agrandi, téléagrandisseur, souris sans fil).
Il ressort du grief invoqué par la salariée qu'il n'entre pas dans le champ des dispositions de l'article L.1132 du code du travail relatives à la discrimination du fait notamment du handicap.
Il n'en demeure pas moins que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultant quant à la santé de ses employés, à fortiori handicapés, se doit de respecter les préconisations du médecin du travail et doit pouvoir justifier de la réalité de l'aménagement de poste effectué.
Ne peut constituer une preuve le compte-rendu d'entretien préalable rédigé par la déléguée du personnel dans lequel est indiqué que Mme [T] a répondu 'oui' à la lecture de ' vous étiez lors de cette embauche classée en tant que travailleuse handicapée catégorie C par la COTOREP, dans ce cadre, l'entreprise vous a aménagé un poste de travail spécifique pour tenir compte de votre handicap', la salariée contestant avoir fait cette réponse, et l'employeur reconnaissant lui-même dans la lettre de licenciement que la communication avait été difficile , Mme [T] ne répondant que par oui ou non.
La SAS TECHNIPRO produit une facture de janvier 2006 correspondant à l'achat d'un grand écran ainsi que les attestations de deux salariées , mesdames [P] et [E] lesquelles certifient que Mme [T] bénéficiait comme outil de travail d'un écran 16/9ème de 32 pouces et d'un clavier adapté à son handicap.
Mme [T] réplique que ces documents ne font pas mention de l'intégralité du matériel prescrit par la médecine du travail.
Faute pour l'employeur de rapporter la preuve du respect de l'ensemble des prescriptions, Mme [T] sera indemnisée au titre du préjudice moral subi à hauteur de 200 €.
- sur les dommages et intérêts pour perte de chance de suivre une formation individuelle et d'accéder à un poste adapté
Mme [T] sollicite la somme de 20 000 € au titre de perte de chance de suivre une formation individuelle et d'accéder à un poste adapté ainsi que la délivrance sous astreinte d'un certificat de travail rectifié au motif, qu'en violation des dispositions de la loi relative à la formation professionnelle du 24 novembre 2004 et du décret du 18 janvier 2010, son certificat de travail ne fait pas mention de ses droits en matière de DIF et de l'organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) compétent pour verser les sommes correspondant à la validité de la portabilité.
Elle ajoute qu'en dépit d'une sommation de communiquer l'ensemble de ces informations par lettre RAR du 4 mai 2011, la SAS TECHNIPRO ' se refuse à fournir à la concluante lesdits renseignements la privant ainsi d'un accès à la formation individuelle et par conséquent à un poste adapté , celle-ci se trouvant au chômage depuis le mois de novembre 2010, date de son licenciement pour absence injustifiée'.
Il est constant que dans les documents de rupture , (sauf cas de faute lourde), l'employeur doit informer le salarié de ses droits en matière de DIF.
Pour autant, la SAS TECHNIPRO produit le courrier transmis à Mme [T] le courrier en date du 23 décembre 2010 transmis à l'appelante et faisant mention de son cumul d'heures de DIF, soit 102,81 heures correspondant à une allocation de 940,71 €.
S'ensuit que la salariée ayant conservé le bénéfice de son DIF après rupture de son contrat de travail, la SAS TECHNIPRO n'est dès lors en rien responsable des suites de sa carrière professionnelle.
Mme [T] ne peut être indemnisée que de son nécessaire préjudice né de l'insuffisance du certificat de travail.
La SAS TECHNIPRO devra lui verser la somme de 250 € et lui remettre un certificat de travail rectifié sans qu'il n'ya ait lieu à astreinte.
Sur les autres demandes des parties
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, rappel de salaire ...) portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement , convocation qui vaut sommation de payer soit le 16 février 2012.
En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.
L'équité en la cause commande de condamner la société, en application de l'article 700 du code de procédure civile , à payer à Mme [T] la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de la débouter de ses demandes de ce chef.
Il n'y a pas lieu à exécution provisoire en cause d'appel.
La demande sur le fondement de l'article 10 du décret du 8 mars 2001n'est pas justifiée.
La SAS TECHNIPRO, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Infirme le jugement déféré rendu le 21 février 2013 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de [F] [T] au titre de l'irrégularité de procédure et des indemnités journalières complémentaires, et celle de la SAS TECHNIPRO en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme [T] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS TECHNIPRO à payer à Mme [T] les sommes suivantes :
- 4 600 € à titre de rappel de salaire pour la période 6 août -22 novembre 2010,
- 150 € à titre de dommages et intérêts ,
- 12 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- 2 320 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,
- 333,125 € à titre d'indemnités compensatrices de congés payés,
- 200 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- 250 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le DIF,
- 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'entière procédure,
Dit que la SAS TECHNIPRO devra remettre à Mme [T] un certificat de travail rectifié sans qu'il y ait lieu à astreinte,
Condamne la SAS TECHNIPRO aux dépens de première instance,
Déboute Mme [T] de ses demandes plus amples ou contraires,
Y ajoutant,
Dit que les sommes dues en exécution du contrat de travail portent intérêts de droit à compter du 16 février 2012 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Déboute la SAS TECHNIPRO de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne La SAS TECHNIPRO aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT