COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUIN 2014
N°2014/482
Rôle N° 12/19613
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
C/
ASSOCIATION HOPITAL SAINT JOSEPH
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)
Grosse délivrée
le :
à :
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
Me David JONIN de la SCP GIDE LOYRETTE NOUEL, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 06 Septembre 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21003814.
APPELANTE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [E] [F] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
ASSOCIATION HOPITAL SAINT JOSEPH, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me David JONIN de la SCP GIDE LOYRETTE NOUEL, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS), demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2014
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
L'URSSAF a fait appel d'un jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 6 septembre 2012 qui a annulé les trois mises en demeure du 3 décembre 2009 et les chefs de redressement relatifs au versement transport, a infirmé les décisions de commissions de recours amiable du 26 mars 2010 concernant les trois recours 10/10, 11/10 et 12/10, a condamné l'Urssaf à reverser à l'association les sommes de 3.049.117 euros, 7.575 euros et 57.733 euros, avec intérêts légaux, outre la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 7 mai 2014, l'Urssaf a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de confirmer les décisions de commissions de recours amiable du 26 mars 2010 concernant les trois recours 10/10, 11/10 et 12/10 et de condamner l'association Hôpital Saint-Joseph et ses deux établissements IFSI et CAMAS à lui payer les sommes de :
- 2.675.515 euros au titre du compte 1212218822 (siège),
- 54.592 euros au titre du compte 1313092523 (IFSI),
- et 7.192 euros au titre du compte 1913334529 (CAMAS),
L'Urssaf a demandé la condamnation de l'association Hôpital Saint-Joseph au paiement des intérêts au taux légal, soit 68.008,02 euros au titre du compte 1212218822 (siège), 1.287,69 euros au titre du compte 1313092523 (IFSI), et 168,95 euros au titre du compte 1913334529 (CAMAS).
L'Urssaf a demandé enfin la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'Association Hôpital Saint-Joseph a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter l'Urssaf de ses demandes et de condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ARS régulièrement avisée n'a pas comparu.
MOTIFS DE LA DECISION
Par application de l'article L2333-64 du code général des collectivités territoriales, une association qui emploie plus de neuf personnes dans un périmètre défini par ce texte, peut être exonérée du versement servant à financer les transports en commun, si elle respecte trois conditions cumulatives : être reconnue d'utilité publique, avoir un but non lucratif et avoir un caractère social.
L'exonération est accordée par décision de l'Autorité Organisatrice des Transports (AOT), seule compétente pour vérifier que les conditions sont respectées.
L'association Hôpital Saint Joseph a un but non lucratif et un caractère social.
Prétendant à l'exonération du versement « transport », objet des redressements notifiés en 2010, elle a prétendu avoir respecté une observation antérieure de l'Urssaf (lettre d'observation du 24 avril 2006 concernant la période 2003-2004-2005) selon laquelle elle devrait justifier, pour l'avenir, qu'elle avait fait une demande de reconnaissance d'utilité publique.
Elle a fait valoir qu'elle avait fait la demande auprès de l'autorité administrative et que cela suffisait à remplir la condition posée par la décision précitée de l'organisme, même si elle s'était vue opposer un refus du Ministre de l'Intérieur.
L'Urssaf a contesté la décision du Tribunal qui avait considéré que l'association avait respecté la seule obligation mise à sa charge par l'Urssaf, à savoir faire la demande de reconnaissance d'utilité publique.
La Cour constate que l'exonération est soumise à trois conditions cumulatives imposées par la loi, que l'association ne respecte pas l'une d'elles puisqu'elle s'est vue refuser sa demande et que ce refus est définitif puisqu'elle n'a pas exercé de recours devant la juridiction administrative.
Pour appuyer ses recours contre les décisions de la commission de recours amiable, l'association avait donc estimé que l'Urssaf lui avait imposé uniquement de justifier d'une demande de reconnaissance d'utilité publique afin de pouvoir bénéficier pour l'avenir d'une exonération du versement « transport ».
Une lettre d'observation de l'Urssaf n'a aucune valeur normative et ne peut déroger à un texte législatif, dont nul n'est censé ignorer le contenu.
Dans sa lettre d'observation du 24 avril 2006, l'Urssaf avait rappelé les textes applicables soit : la loi du 12 juillet 1971 et la loi du 11 juillet 1973, modifiées par la loi du 5 juillet 1975, ainsi que les articles L2333-64, L2531-2 et suivants du code général des collectivités territoriales ainsi que les circulaires 74-210 du 16 décembre 1974 et 76-170 du 31 décembre 1976 qui rappellent expressément les cas d'exonération du versement « transport ».
Puis les inspecteurs chargés du contrôle avaient précisé : « Pour bénéficier de l'exonération, (elles) doivent obtenir une décision expresse de l'Autorité Organisatrice des Transports, seule compétente. ». : ces termes clairs et précis ne permettaient aucune interprétation contraire, comme voudrait le laisser croire l'association intimée.
Le contrôleur a ensuite noté : « La Direction de l'Hôpital nous a informé qu'une demande de reconnaissance d'utilité publique se demande après trois années d'exercice. Les trois années se sont terminées le 1er janvier 2006, la direction doit faire sa demande à l'autorité compétente pour être à jour sur ce point lors du prochain contrôle qui portera sur les années 2006-2007-2008. Lors de cette demande l'employeur demandera à ce que l'association soit reconnue d'utilité publique à compter de son immatriculation ».
La Cour constate que ce passage de la lettre d'observation relate uniquement les dires de l'association contrôlée et la démarche qu'elle envisage de faire pour pouvoir bénéficier de la reconnaissance d'utilité publique, non seulement pour l'avenir mais aussi à titre rétroactif, à compter de son immatriculation.
Cette annotation figurant dans la lettre d'observation confirme que l'association savait parfaitement que la reconnaissance d'utilité publique ne pouvait résulter que d'une décision expresse de l'autorité compétente, constituant elle-même le préalable obligatoire à une décision autorisant l'exonération du versement « transport ».
Aucun passage de cette lettre ne permet de dire que l'Urssaf aurait consenti à l'association contrôlée une dérogation aux conditions d'une exonération pour laquelle aucun texte ne lui donnait compétence.
C'est donc par une mauvaise interprétation des termes clairs et précis de cette lettre du 24 avril 2006 et des textes abondamment rappelés par cet organisme, que le tribunal a pu considérer que l'Urssaf aurait délibérément violé les dispositions légales en s'octroyant le droit de dire qu'une simple demande d'exonération aurait eu les mêmes effets juridiques et administratifs qu'une décision expresse de reconnaissance d'utilité publique émanant du Ministre de l'Intérieur et qu'une décision expresse d'exonération du versement « transport » émanant de l'Autorité Organisatrice des Transports.
Il importe peu que l'Urssaf ait pu savoir en 2006 que l'association ne remplissait pas les conditions lui permettant d'obtenir la reconnaissance d'utilité publique et que sa demande se heurterait à un refus, l'association n'ayant même pas tenté de contester le refus de l'autorité administrative.
Par ailleurs, l'Urssaf n'avait pas à vérifier si son affiliation à une fondation reconnue d'utilité publique lui aurait permis de bénéficier de l'exonération, comme elle le prétend.
L'Urssaf est en effet un organisme de recouvrement et n'a aucun pouvoir décisionnel en matière d'exonération du versement « transport ».
En conséquence, la Cour infirme le jugement déféré et fait droit aux demandes de paiement de l'Urssaf dont les montants, en principal et intérêts, n'ont pas été critiqués.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en matière de sécurité sociale,
Infirme le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 6 septembre 2012,
Et statuant à nouveau,
Confirme les décisions de commissions de recours amiable du 26 mars 2010 concernant les trois recours 10/10, 11/10 et 12/10,
Condamne l'Association Hôpital Saint-Joseph et ses deux établissements IFSI et CAMAS à payer à l'Urssaf les sommes de :
- 2.675.515 euros au titre du compte 1212218822 (siège),
- 54.592 euros au titre du compte 1313092523 (IFSI),
- et 7.192 euros au titre du compte 1913334529 (CAMAS),
Condamne l'Association Hôpital Saint-Joseph à payer à l'Urssaf les intérêts au taux légal, soit 68.008,02 euros au titre du compte 1212218822 (siège), 1.287,69 euros au titre du compte 1313092523 (IFSI), et 168,95 euros au titre du compte 1913334529 (CAMAS).
Condamne l'Association Hôpital Saint-Joseph à payer à l'Urssaf la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT