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28/06/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006945055

France | France, Cour d'appel d'agen, 28 juin 2004, JURITEXT000006945055


DU 28 Juin 2004 ----------------------

C.C/S.B Hervé X... C/ Marcel Y... Aide juridictionnelle RG N : 03/00622 - A Z... Z... E T N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique du vingt huit Juin deux mille quatre, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Monsieur Hervé X... représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués assisté de la SCP NONNON - FAIVRE, avocats APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 19 Mars 2003 D'une part, ET : Monsieur Marcel

Y... représenté par Me Jean-Michel BURG, avoué assisté de Me Anne-S...

DU 28 Juin 2004 ----------------------

C.C/S.B Hervé X... C/ Marcel Y... Aide juridictionnelle RG N : 03/00622 - A Z... Z... E T N° - ----------------------------- Prononcé B l'audience publique du vingt huit Juin deux mille quatre, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1Pre Chambre dans l'affaire, ENTRE :

Monsieur Hervé X... représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués assisté de la SCP NONNON - FAIVRE, avocats APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 19 Mars 2003 D'une part, ET : Monsieur Marcel Y... représenté par Me Jean-Michel BURG, avoué assisté de Me Anne-Sophie BABIN, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2003/002234 du 29/08/2003 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN) INTIME D'autre part, a rendu l'arrLt contradictoire suivant aprPs que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 24 Mai 2004, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, Catherine LATRABE et Christian COMBES, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, GreffiPre, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siPge ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date B laquelle l'arrLt serait rendu. FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte reçu le 27 aoft 1997, Victorine Y... a cédé B Hervé X... d'une part les droits immobiliers lui appartenant en totalité sur une propriété agricole sise B Arblade le Haut, d'autre part ceux lui appartenant en pleine propriété sur une parcelle de terre sise B Lanne-Soubiran, se réservant sa vie durant l'usage et l'habitation de la maison sise B Arblade le Haut, moyennant le prix de 220 000 francs, converti en l'obligation de soins et de nourriture que prenait l'acquéreur.

Victorine Y... a trPs rapidement été placée sous sauvegarde de justice le 10 juillet 1998, puis sous tutelle le 27 avril 1999 avant de décéder le 22 aoft 2000, laissant pour seuls héritiers son frPre

Marcel et ses neveux André, Gilles et Michel Y...

Hervé X... a été définitivement condamné le 27 juin 2002 pour avoir abusé de la vulnérabilité de la venderesse B l'occasion de cette cession.

Saisi B la requLte de Marcel Y..., le Tribunal de Grande Instance d'Auch par jugement rendu le 19 mars 2003 a sous le bénéfice de l'exécution provisoire prononcé la nullité du contrat intervenu entre Hervé X... et Victorine Y... le 27 aoft 1997 pour défaut de consentement, ordonné la publication de cette décision B la Conservation des HypothPques et condamné Hervé X... au paiement de la somme de 1 000 ä en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Hervé X... a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Il soulPve l'irrecevabilité des demandes formées par son adversaire B défaut de la preuve de sa qualité d'hériter.

Rappelant ensuite les relations entretenues de longue date entre sa mPre Raymonde X... et Victorine Y..., abandonnée des siens, il conteste la démonstration de l'existence d'un trouble mental présentée par sa venderesse au moment de l'acte soulignant que le certificat médical du 8 juillet 1998 comme les témoignages produits sont insuffisants B démontrer la démence et contraires B ceux qu'il a réunis comme au témoignage du notaire instrumentaire. Il ajoute que Marcel Y... ne pourrait solliciter la résolution du contrat qui n'avait pas été demandée du vivant de Victorine Y..., alors qu'il ne peut au surplus lui Ltre reproché le moindre manquement.

Poursuivant la réformation de la décision critiquée, il conclut au rejet des prétentions adverses et sollicite la condamnation de l'appelant B lui payer la somme de 4 000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. * * *

Marcel Y... qui conteste s'Ltre désintéressé de sa soeur expose qu'il est le dernier en vie des frPres de Victorine et qu'il appartient B son adversaire si celui-ci le juge utile d'appeler en cause ses neveux comme d'apporter la preuve d'un envoi en possession du testament du 4 aoft 1997 qui instituerait celui-ci légataire universel.

Il est recevable B agir en application de l'alinéa 3 de l'article 489-1 du Code civil dés lors que Victorine a été placé sous tutelle le 27 avril 1999. Elle était incapable de manifester un consentement ayant présenté des troubles B partir de l'année 1985 ce que révPlent les témoignages produits et les déclarations de l'intéressée elle-mLme au Juge des Tutelles. Il relPve ensuite que Hervé X... a admis lors de l'enquLte ne pas avoir rempli les obligations mises B sa charge par l'acte de vente ce qui justifierait en tout état de cause la résolution de la vente.

Concluant en conséquence B la confirmation de la décision déférée, il sollicite la condamnation de l'appelant B lui payer la somme de 7 622.45 ä en réparation du préjudice causé par l'absence de contrepartie versée B la jouissance des terres et celle de 1 000 ä au titre de ses frais irrépétibles. MOTIFS

- sur la recevabilité de l'action

Attendu que pour faire un acte valable, il faut Ltre sain d'esprit et qu'il appartient B celui qui agit en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;

Que si cette action ne peut Ltre exercée du vivant de l'individu que par lui-mLme, son tuteur ou curateur s'il lui en a été ensuite nommé un, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs ou le testament, ne pourront Ltre attaqués aprPs sa mort que dans l'un des trois cas limitativement énumérés par l'article 489-1 du Code civil parmi lesquels celui oj une action a été introduite avant le décPs

aux fins de faire ouvrir la tutelle ou la curatelle ;

Qu'en l'occurrence Victorine Y... a été placée sous sauvegarde de justice, le 10 février 1998 puis sous tutelle le 27 avril 1999 avant de décéder le 22 aoft 2000, en sorte que l'action engagée par Marcel Y... remplit les conditions exigées ;

Et que si la loi restreint les cas d'ouverture de l'action aux héritiers, cette qualité ne saurait Ltre discutée au frPre de la défunte, dés lors que dans sa rédaction applicable B l'époque du décPs, l'ancien article 750 du Code civil prévoit qu'en cas de pré-décPs des pPre et mPre d'une personne morte sans postérité, ses frPres et soeurs ou leurs descendants sont appelés B la succession ; que Marcel Y... établit par la production d'actes d'état civil Ltre le seul des collatéraux privilégiés encore en vie ;

Que cette qualité ne peut lui Ltre contestée en l'état de la simple production par Hervé X... du testament olographe fait au profit de celui-ci par la défunte, faute de justifier d'un envoi en possession ou d'une instance actuellement pendante ayant pour objet de déterminer les droits respectifs des héritiers non réservataires et du prétendu légataire universel ;

Qu'il s'ensuit du tout que Marcel Y... est recevable en son action, sans que la participation de l'ensemble des héritiers B la procédure soit une condition nécessaire B la recevabilité de celle-ci ;

- sur la demande en nullité

Attendu que le prononcé de la nullité suppose que soit rapportée la preuve de l'existence d'un trouble grave au moment de l'acte, preuve qui peut Ltre rapportée par tout moyen ;

Qu'il apparaît au cas particulier que Victorine Y... était âgée de 88 ans en 1997 et que le Docteur Z..., son médecin traitant certifie qu'elle avait présenté des troubles mentaux B compter des années 1985-1990 et qu'elle n'était plus en mesure depuis lors d'avoir une

perception normale du monde extérieur ajoutant que cet état la rendait incapable de prendre les décisions la concernant ; que ce constat se trouve confirmé par le Docteur A... qui a examiné l'intéressée en 1998 B la demande du Juge des Tutelles et qui relPve que celle-ci "vit dans son monde, répPte les mLmes mots ou phrases et ne comprend pas la majorité des questions posées...Elle répond B coté et n'a pas conscience de ses difficultés... Elle est désorientée dans l'espace et dans le temps, oublie au fur et B mesure les informations... Le raisonnement est parasité par des pertes de mémoire... Elle lit sans comprendre le texte...La détérioration mentale est globale." ;

Que certes le diagnostic qu'il pose d'une pathologie démentielle de type Alzheimer l'a été quelques mois aprPs que l'acte litigieux ait été passé mais que le caractPre évolutif bien connu de la maladie, comme l'indication apportée par son médecin traitant de l'antériorité des premiers symptômes, sont suffisants B faire la preuve de l'ancienneté de l'affection et de la permanence d'un état, présent au moment de la passation de l'acte authentique, ne lui permettant pas de prendre des décisions conformes B ses intérLts ;

Ce d'autant que les nombreux témoignages judicieusement repris dans le jugement critiqué confirment le caractPre persistant et apparent de troubles manifestés depuis plusieurs années par des visions, des hallucinations, des angoisses, ou encore le fait d'entendre des voix ou de fuir la nuit avec un simple balluchon une hypothétique invasion allemande, tous éléments objectifs démontrant que se trouvait sérieusement entamée la faculté de perception de la réalité par l'intéressée ;

Qu'entendue en outre par le Juge des Tutelles le 15 février 1999 Victorine Y... a elle-mLme reconnu, s'agissant de la compréhension qui avait été la sienne de l'acte litigieux, "Madame X... m'a amené chez le

notaire loin de chez nous. J'ai signé un acte sfrement. Je ne sais pas ce que c'était. Je n'ai rien vu, pas de papier. Je lui ai donné par force..." ;

Qu'elle n'avait d'ailleurs aucune raison particuliPre d'avantager Hervé X... qu'elle connaissait peu, B la différence de la mPre de celui-ci, en se dépouillant pour un prix modeste immédiatement et intégralement converti en une obligation de soins sans aucun rapport avec la valeur du bien vendu, de telle sorte que l'opération lui était particuliPrement désavantageuse ;

Et que les condamnations prononcées B l'encontre des consorts X... sont lB pour établir B tout le moins l'état de vulnérabilité de Victorine Y... au moment de l'acte, en raison de la grave altération de ses facultés mentales, élément constitutif de l'infraction dont Hervé X... a été déclaré définitivement coupable ;

Attendu que ces éléments objectifs et convergents ne sauraient Ltre utilement remis en cause B la faveur de témoignages de personnes ayant approché Victorine Y... de maniPre ponctuelle, dont le notaire choisi par l'acquéreur qui relPve d'ailleurs fort prudemment ne rien avoir remarqué d'anormal B l'occasion d'un rendez-vous dont il estime la durée B une demi-heure ou trois-quart d'heure ; que de mLme le Docteur B..., médecin généraliste, qui l'a examinée B deux occasions en 1997 et 1998 B la suite de malaises ayant conduit B décider de son hospitalisation a pu se méprendre sur son état de santé en raison notamment de la briPveté de chacune de ses interventions ;

Qu'au résultat de l'ensemble la démonstration est faite que Victorine Y... n'était pas en état de comprendre et de vouloir l'acte qu'elle a signé en raison de la grave altération de ses facultés mentales au moment de l'acte ;

Que le premier juge dont la décision sera en conséquence confirmée était dés lors fondé sans encourir les critiques formées par

l'appelant B prononcer la nullité de l'acte ainsi qu'B ordonner les mesures de publicité corrélatives ;

Attendu que l'intimé soutient par ailleurs, sans qu'une telle demande ne tende B réparer le dommage que la conclusion du contrat annulé aurait causé B la victime, qu'Hervé X... jouit toujours de l'exploitation agricole ce qui justifierait en contrepartie sa condamnation au paiement de la somme de 7 622.45 ä B titre de dommages et intérLts ;

Mais qu'en l'absence de la moindre piPce versée B cet effet, cet usage n'apparaît nullement établi et moins encore sa durée et son étendue ; qu'au surplus la réintégration dans le patrimoine successoral des biens objet de la vente annulée laisse entiPre la question - dont la Cour n'est pas saisie - de la détermination des droits respectifs des héritiers non réservataires et du légataire universel comme celle, éventuelle, de la validité du testament produit par Hervé X... ; que cette demande sera en conséquence écartée en l'état ;

Attendu que les dépens sont B la charge d'Hervé X... qui sera tenu de verser B Marcel Y... la somme de 1 000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile en raison des frais irrépétibles que la poursuite de l'instance devant la Cour l'a contraint d'exposer. PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement, par arrLt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare les appels tant principal qu'incident recevables en la forme, Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Hervé X... B

Condamne Hervé X... B payer B Marcel Y... la somme de 1 000 ä sur le

fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties,

Condamne Hervé X... aux dépens,

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile, Maître BURG, avoué, B recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrLt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945055
Date de la décision : 28/06/2004

Analyses

TESTAMENT.

Pour faire un acte valable, il faut Ltre sain d'esprit et il appartient B celui qui agit en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. Si cette action ne peut Ltre exercée du vivant de l'individu que par lui-mLme, les actes faits par lui - autres que la donation entre vifs ou le testament - ne pourront Ltre attaqués aprPs sa mort par son tuteur ou curateur, s'il lui en a été ensuite nommé un, que dans l'un des trois cas limitativement énumérés par l'article 489-1 du Code Civil parmi lesquels celui oj une action a été introduite avant le décPs aux fins de faire ouvrir la tutelle ou la curatelle. En l'occurrence la soeur de l'intimé a été placée sous sauvegarde de justice, puis sous tutelle avant de décéder, en sorte que l'action engagée par l'intimé remplit les conditions exigées. Si la loi restreint les cas d'ouverture de l'action aux héritiers, cette qualité ne saurait Ltre discutée au frPre de la défunte, dés lors que dans sa rédaction applicable B l'époque du décPs, l'ancien article 750 du Code Civil prévoit qu'en cas de pré-décPs des pPre et mPre d'une personne morte sans postérité, ses frPres et soeurs ou leurs descendants sont appelés B la succession. L'intimé établit par la production d'actes d'état civil Ltre le seul des collatéraux privilégiés encore en vie. Cette qualité ne peut lui Ltre contestée en l'état de la simple production par l'appelant du testament olographe fait au profit de celui-ci par la défunte, faute de justifier d'un envoi en possession ou d'une instance actuellement pendante ayant pour objet de déterminer les droits respectifs des héritiers non réservataires et du prétendu légataire universel.

Il s'ensuit du tout que l'intimé est recevable en son action de demande en nullité d'un acte passée par la défunte trPs peu de temps avant son placement sous sauvegarde de justice, acte par lequel elle cédait les droits immobiliers lui appartenant en totalité sur une propriété agricole ainsi que les droits lui appartenant en pleine propriété sur une parcelle de terre, ses réservant, sa vie durant, l'usage et l'habitation de la maison moyennant un prix converti en une obligation de soins et de nourriture pour l'acquéreur.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-06-28;juritext000006945055 ?
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