La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2022 | FRANCE | N°21VE02374

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 12 juillet 2022, 21VE02374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la région Ile-de-France à lui verser une somme de 507 753,08 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, d'enjoindre à la région Ile-de-France de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge du conseil régional une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative.

Par un jugement n° 1906713 du 21 juin 2021, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la région Ile-de-France à lui verser une somme de 507 753,08 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, d'enjoindre à la région Ile-de-France de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge du conseil régional une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1906713 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2021, Mme A..., représentée par Me Ansquer, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2021 ;

2°) de condamner le conseil régional d'Ile-de-France à lui verser une somme de 507 753,08 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) d'enjoindre au conseil régional d'Ile-de-France de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du conseil régional d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'un droit de plaidoirie de 13 euros en application des articles L. 723-3 et R. 723-26-1 et 2 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il n'a pas statué sur la méconnaissance de l'obligation de sécurité et de protection de la loi du 13 juillet 1983, faute de lui proposer un poste adapté ;

- le jugement est irrégulier en tant qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la méconnaissance de l'obligation de sécurité et de protection de la loi du 13 juillet 1983, faute de lui proposer un poste adapté et n'a pas pris en considération l'obligation d'inviter l'agent à effectuer une demande de reclassement ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ; elle aurait dû être invitée à demander son reclassement alors même qu'elle était en situation de congés maladie ; elle a émis le souhait de reprendre son activité le 25 mai et le 6 décembre 2010 et le 20 mai 2012 ;

- le conseil régional a méconnu son obligation de sécurité et de protection de sa santé en l'absence d'invitation à un reclassement ;

- elle a subi un préjudice financier à raison de la perte de chance de percevoir un plein traitement jusqu'à son départ à la retraite pour un montant total de 168 891,84 euros ;

- elle a subi un préjudice financier à raison de la perte de chance de percevoir une retraite à taux plein pour un montant total de 188 041 euros ;

- elle a subi un préjudice de carrière pour 30 000 euros ;

- elle a subi un préjudice résultant de l'atteinte à son intégrité physique pour 25 000 euros ;

- elle a subi un préjudice résultant des souffrances physiques et morales pour l'atteinte à son intégrité physique pour 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice résultant des troubles dans ses conditions d'existence pour 12 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022, la région Ile-de-France, représentée par Centaure avocats, cabinet d'avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Perez, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... A... a réussi le concours d'ouvrier d'entretien et d'accueil de la fonction publique d'Etat le 17 octobre 1991. Titularisée en 1992, elle a été affectée au lycée professionnel Kastler, à Dourdan, puis au lycée professionnel Saint-Hilaire, à Etampes. Elle a intégré le collège Roland Garros, à Arpajon, le 1er septembre 1996, avant d'être une nouvelle fois affectée au lycée professionnel Saint-Hilaire à Etampes. En application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, Mme A... a été intégrée, sur sa demande, dans le cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, à compter du 1er janvier 2008. Mme A..., qui était en congé de maladie ordinaire le 1er janvier 2008, a ensuite été placée en congés de maladie ordinaire, de longue maladie et de longue durée à de multiples reprises, avant que le comité médical ne la déclare inapte à toute fonction le 12 mai 2019, puis le 20 mai 2020, et que la commission de réforme n'émette un avis favorable à sa mise à la retraite, pour invalidité, le 3 novembre 2020. Elle a été mise à la retraite à compter du 1er octobre 2021. Le 3 mai 2019, Mme A... a saisi la région Ile-de-France d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa carence à assurer sa protection. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la région Ile-de-France à lui verser une somme de 507 753,08 euros en réparation de son préjudice. Par un jugement du 21 juin 2021, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme A... soutient que le tribunal administratif a omis d'examiner la branche de son moyen relatif à la méconnaissance par la région de son obligation de sécurité et de protection de sa santé en tant qu'il concerne l'absence d'adaptation de son poste de travail, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a jugé qu'il n'est pas démontré que les préconisations du docteur E..., émises le 18 décembre 2008 lors de la visite systématique annuelle, prévoyant l'exemption de charges lourdes, de station debout prolongée, de travail à la cantine et d'utilisation de la monobrosse, n'auraient pas été suivies lorsque l'intéressée a repris son travail.

3. Il résulte en outre de ce qui précède que le tribunal a suffisamment motivé la réponse à ce moyen. Si Mme A... soutient par ailleurs que le jugement serait insuffisamment motivé en tant qu'il n'a pas pris en compte l'obligation de la région à inviter l'intéressée à formuler une demande de reclassement, le tribunal qui écarte l'obligation de reclassement de Mme A... après avoir constaté qu'elle était en congé de longue maladie, du 9 juillet 2013 au 8 avril 2015, puis en congé de longue durée, du 9 avril 2015 au 8 avril 2020 et qu'elle n'a jamais, entre 2013 et 2019, émis le souhait de reprendre ses fonctions, a suffisamment motivé sa réponse à la deuxième branche du moyen de Mme A.... Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 81 de la même loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Aux termes de l'article 82 de cette loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des cadres d'emplois, emplois ou corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces cadres d'emplois, emplois ou corps, en exécution des articles 36, 38 et 39 et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. (...) ". Selon l'article 2 de ce même décret : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le comité médical compétent déclare qu'un fonctionnaire territorial bénéficiant d'un congé de longue maladie ou de longue durée est apte à reprendre ses fonctions à condition que son poste soit adapté à son état physique, il appartient à l'autorité territoriale de rechercher si un poste ainsi adapté peut être proposé au fonctionnaire. Si l'autorité territoriale ne peut pas lui proposer un tel poste, le congé se poursuit ou est renouvelé, jusqu'à ce que le fonctionnaire ait épuisé ses droits à congé pour raison de maladie ou ait été déclaré définitivement inapte à exercer ses fonctions.

6. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir à l'encontre de la région Ile-de-France d'une faute qu'aurait commise l'Etat en sa qualité d'autorité gestionnaire avant le 1er janvier 2008, date à laquelle elle a intégré, sur sa demande, le cadre de la fonction publique territoriale.

7. Pour la période postérieure, ainsi qu'il a été dit au point 2., le docteur E... a préconisé, le 18 décembre 2008, une exemption du port de charges lourdes, de station debout prolongée, de travail à la cantine et d'utilisation de la monobrosse et a précisé à ce titre qu'un reclassement était à envisager. Ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement soulevé, que ces prescriptions n'auraient pas été suivies lors des périodes de reprise d'activité de Mme A.... Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la région Ile-de-France aurait méconnu les dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en ne lui proposant pas une adaptation de son poste de travail.

8. Mme A... soutient aussi que la région Ile-de-France aurait méconnu son obligation, issue de l'article 81 de la loi du 13 juillet 1983, en ne l'invitant pas à formuler une demande de reclassement. Toutefois, il résulte de l'instruction que le docteur E... a jugé le 18 décembre 2008, après deux accidents de travail survenus le 5 novembre puis le 16 décembre 2008, reconnus imputables au service, que Mme A... était apte à occuper ses fonctions sous réserve d'un aménagement de poste, en se bornant à indiquer " envisager reclassement ". Mme A... a ensuite été placée en congé de longue maladie du 27 août 2009 au 26 mai 2010, prolongé jusqu'au 26 novembre 2010 puis jusqu'au 26 février 2012. Après une reprise en mi-temps thérapeutique le 26 février 2012, elle a été victime d'un accident de trajet le 12 avril 2012. Elle a alors été placée en congé maladie à compter du 13 avril 2012, puis en congé de longue maladie à compter du 9 juillet 2013. Sur sa demande, elle a ensuite été placée en congé de longue durée à compter du 9 avril 2015, prolongé régulièrement à sa demande jusqu'au 8 avril 2020. Mme A... a été déclarée inapte à toute fonction par le comité médical le 12 mars 2019 puis le 12 mai 2020 et admise à la retraite le 1er octobre 2021. S'il résulte du rapport du docteur C... du 13 juin 2013, concluant à la consolidation de son état le 12 juillet 2012, après l'accident du travail survenu le 12 avril 2012, que Mme A... était " inapte définitivement à ses fonctions " et qu'un reclassement sur " un poste administratif ou d'accueil " était préconisé, si le docteur D... a émis le 12 septembre 2013 un avis défavorable à la reprise de fonction avec reclassement à envisager et si le docteur F... a déclaré dans son rapport d'expertise du 16 octobre 2013 l'intéressée inapte de manière totale et définitive à ses fonctions et qu'un reclassement devait être envisagé vers un poste sédentaire, lui évitant la station debout prolongée et le port répété de charges, il résulte de l'instruction, et des propres écritures de Mme A..., qu'elle n'a pas repris son activité après le 12 avril 2012. Il en résulte également que Mme A... a régulièrement demandé le renouvellement de ses congés de longue maladie et de longue durée sans faire état d'un empêchement à reprendre une activité du fait de ses fonctions ou de l'inadaptation de son poste. Il résulte enfin de l'instruction, en tout état de cause, que les droits à congés de la requérante n'étaient pas épuisés et que l'administration n'était donc pas tenue de l'inviter à demander un reclassement. Il suit de là que la région Ile-de-France n'a pas commis de faute en ne procédant pas au reclassement de Mme A..., ni même en s'abstenant de l'inviter à présenter une telle demande.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la région Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, sur leur fondement. Il en va de même, en tout état de cause, du remboursement de droits de plaidoirie.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la région Ile de France sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et à la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président-assesseur,

Mme Moulin-Zys, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02374002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02374
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-12;21ve02374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award