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24/06/2022 | FRANCE | N°21VE01611

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 24 juin 2022, 21VE01611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1907326 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1907326 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2021, Mme. B..., représentée par Me Lagrue, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de celle fixant le pays de destination, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Lagrue sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;

- il a dénaturé les pièces du dossier en ne tenant pas compte de l'absence de mention de la condition de réfugié de son mari par l'arrêté et des demandes de regroupement familial déposées par ce dernier, et en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-13 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit car elle exige une présence continue sur le territoire français de cinq ans ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle lui oppose la possibilité de recourir à la procédure de regroupement familial au lieu de celle de réunification familiale ;

- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en tant qu'elle méconnaît son droit d'être entendue ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée le 25 janvier 2022 au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 25 novembre 1991, de nationalité sénégalaise, déclare être entrée en France le 30 décembre 2016 au moyen d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 11 octobre 2018 son admission exceptionnelle au séjour sur le territoire français. Par un arrêté du 14 mars 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite. L'intéressée fait appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 14 mars 2019 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est mariée le 5 mai 2015 au Sénégal avec un ressortissant guinéen, reconnu comme réfugié par la France depuis le 6 juillet 2011, qui est titulaire d'une carte de résident renouvelable valable jusqu'au 5 juillet 2021. Elle est entrée sur le territoire français le 30 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour afin précise-t-elle de rejoindre son époux. Eu égard aux liens marital dont justifie la requérante avec un réfugié, le préfet a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie familiale aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé, et a, par suite, méconnu les dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, nonobstant la circonstance que le couple n'a pas d'enfant et que l'intéressée n'est pas dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens notamment de régularité, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution d'une décision juridictionnelle prononçant l'annulation d'un refus de titre de séjour au motif que ce refus porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique que l'administration délivre le titre sollicité ou un titre présentant des garanties suffisantes au regard du droit qu'il tire de l'article 8 de cette convention. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lagrue, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lagrue de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1907326 du 23 janvier 2020 et l'arrêté préfet de la Seine-Saint-Denis du 14 mars 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B..., sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lagrue, avocat de Mme B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

L'assesseure la plus ancienne,

S. COLRATLe président,

B. A...La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01611
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8).

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : AARPI L2MC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-24;21ve01611 ?
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