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24/06/2022 | FRANCE | N°20VE02238

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 24 juin 2022, 20VE02238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) a exercé le droit de préemption sur des locaux commerciaux situés 46 et 48 avenue Jean Jaurès à Pantin.

Par un jugement n° 1900467 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 18 août 2020, sous le n° 20VE

02238, la SOREQA, représentée par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) a exercé le droit de préemption sur des locaux commerciaux situés 46 et 48 avenue Jean Jaurès à Pantin.

Par un jugement n° 1900467 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 18 août 2020, sous le n° 20VE02238, la SOREQA, représentée par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOREQA soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé sur la question de la compétence de la directrice de la SOREQA pour signer la décision litigieuse ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le conseil d'administration de la SOREQA ne pouvait déléguer à sa directrice le pouvoir de prendre les décisions de préemption qu'après le 28 janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2017, dès lors que rien n'interdisait à cette société d'exercer le droit de préemption avant cette date et donc de consentir une délégation en cette matière à sa directrice ;

- la directrice générale a, aux termes d'une délibération du 25 juin 2015, bénéficié d'une délégation de compétence pour signer les actes relatifs à la société dans les limites de son objet social à la seule exception des concessions d'aménagement et de leurs avenants et cette délégation concernait nécessairement les décisions de préemption susceptibles d'intervenir dans le cadre d'une délégation consentie par un actionnaire ultérieurement ;

- les autres moyens de la demande doivent être rejetés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, M. B..., représenté par Me Teboul-Astruc, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SOREQA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 18 aout 2020, sous le n° 20VE02239, la SOREQA demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1900467 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Montreuil et de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés au fond à l'encontre du jugement attaqué justifient son annulation et l'infirmation de la solution retenue par les premiers juges.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- les observations de Me Bigas, substituant Me Foussard, pour la SOREQA, et de Me Belain, substituant Me Teboul-Astruc, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 16 juin 2020, annulé, à la demande de M. B..., acquéreur évincé, la décision du 15 novembre 2018 par laquelle la directrice de la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) a exercé le droit de préemption sur des locaux commerciaux situés 46 et 48 avenue Jean Jaurès à Pantin. La SOREQA fait appel de ce jugement.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., directrice, a reçu délégation, par délibération du conseil d'administration de la SOREQA du 25 juin 2015, pour signer tous les actes relatifs à la société dans les limites de son objet social, à l'exception des traités de concessions d'aménagement et de leurs avenants. Par une délibération du conseil territorial de l'établissement public territorial Est ensemble du 7 janvier 2016, délégation a été donnée à son président pour exercer le droit de préemption urbain. Par une décision du 8 novembre 2018, le président de l'établissement public territorial Est ensemble a délégué l'exercice de ce droit à la SOREQA, en ce qui concerne les biens ayant fait l'objet de la déclaration d'intention d'aliéner transmise le 6 septembre 2018. La circonstance que la délégation consentie par le conseil d'administration à sa directrice, Mme C..., pour tous les actes relevant de l'objet social de la société soit antérieure à la délégation donnée à la SOREQA par décision du président de l'établissement public territorial, est sans incidence sur la délégation accordée à sa directrice par le conseil d'administration de la SOREQA et ne nécessitait pas que ce dernier accorde une nouvelle délégation spécifique à l'exercice du droit de préemption à Mme C.... Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de l'incompétence de Mme C... pour annuler la décision litigieuse.

3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés M. B... tant en première instance qu'en appel.

4. En premier lieu, il n'est pas contesté que le service des domaines, saisi le 3 octobre 2018, a rendu le 15 novembre 2018 un avis relatif à la valeur vénale des biens ayant fait l'objet de la préemption litigieuse. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce service manque en fait.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 de ce même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ".

6. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

7. Il ressort des termes de la décision attaquée que l'établissement public territorial Est Ensemble a, dans le cadre du traité de concession d'aménagement signé le 15 novembre 2018, confié à la SOREQA la mission d'assurer le traitement de l'habitat dégradé dans le quartier des Quatre Chemins à Pantin. Cette décision précise que la préemption a pour but de traiter les situations d'habitat indigne des bâtiments A et B de la parcelle située 46 avenue Jean Jaurès par une opération de recyclage foncier permettant la réalisation, après démolition et reconstruction des bâtiments, d'une opération portant sur 11 logements sociaux et un local d'activités, soit 646 m² de surface de plancher pour le logement et 57 m² à usage de commerces. Ainsi, la décision de préemption justifie de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement entrant dans le cadre de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et en fait apparaître la nature. Elle répond, par suite, à l'exigence de motivation renforcée prévue par les dispositions rappelées aux points 5 et 6 précitées et n'est pas insuffisamment motivée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SOREQA est fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Montreuil et le rejet de la demande de M. B... et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de la SOREQA à fin de sursis à exécution dudit jugement.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOREQA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros à verser à la SOREQA sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les deux requêtes susvisées n° 20VE02238 et 20VE02239 sont jointes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1900467 du 16 juin 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20VE02239 de la société SOREQA.

Article 5 : M. B... versera à la société SOREQA la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOREQA et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

La rapporteure,

S. A...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE02238...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02238
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SCP FOUSSARD - FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-24;20ve02238 ?
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