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14/06/2022 | FRANCE | N°21VE03415

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 14 juin 2022, 21VE03415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui perme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2104492 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2021, Mme B... épouse D..., représentée par Me Bouallag, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris sans consultation préalable de la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 431-1 et du 4° de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code et apparaît entaché d'une erreur de droit ;

- il méconnaît aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Zekri, substituant Me Bouallag, pour Mme B... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse D..., ressortissante marocaine, née le 18 avril 1961, a demandé au préfet des Hauts-de-Seine un titre de séjour, le 24 septembre 2020, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Elle relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". En vertu de l'article L. 111-2, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce code s'applique sous réserve des conventions internationales. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ".

3. En premier lieu, ainsi que l'ont exactement précisé les premiers juges, les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain régissent l'intégralité des conditions dans lesquelles un titre de séjour portant la mention " salarié " est délivré aux ressortissants marocains. Ces stipulations font, dès lors, obstacle à l'application, aux ressortissants marocains, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelées au point 2, en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. En tout état de cause, en se bornant à produire douze bulletins de salaire " CESU " à temps partiel, et à supposer qu'elle ait entendu soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle, Mme B... épouse D... n'apporte pas en appel la preuve de l'existence d'un motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.

4. En deuxième lieu, si les ressortissants marocains ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", ils peuvent, en revanche, se prévaloir des dispositions de cet article à l'appui d'une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

5. Tout d'abord, Mme B... épouse D... soutient encore en appel, sans élément nouveau, que le préfet des Hauts-de-Seine aurait dû saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'elle est arrivée en France en 2010. Elle ne produit encore aucune pièce à même de justifier de son arrivée en France en 2010 et d'une résidence habituelle effective dès cette époque, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de situation familiale qu'elle a signée le 24 septembre 2020, qu'elle a déclaré au préfet être arrivée en France le 28 avril 2011. Par suite, l'appelante ne saurait justifier d'un séjour habituel en France supérieur à dix ans à la date de la décision lui refusant un titre de séjour, laquelle a été prise le 25 février 2021, et n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait été tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour.

6. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse D... est entrée en France le 28 avril 2011, ainsi qu'il a été dit, pour s'occuper de sa sœur lourdement handicapée à la suite d'une accident vasculaire cérébral, et que cinq de ses enfants résident en France, comme elle le soutient, ainsi que sa sœur et ses trois petits-enfants. Elle justifie ainsi de liens familiaux et d'attaches personnelles en France où elle résidait depuis neuf ans à la date de la décision en litige. Toutefois, il ressort aussi des pièces du dossier et n'est pas contesté en appel qu'à la date de la décision en litige, dont la légalité doit être appréciée par le juge de l'excès de pouvoir à la date à laquelle elle est intervenue, trois des cinq enfants de la requérante étaient en situation irrégulière en France, l'un d'eux ayant en outre fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, et que l'un de ses fils demeurait toujours au Maroc, où elle-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de 50 ans. En outre, il n'est pas contesté par l'appelante que son mari était titulaire d'un titre de séjour espagnol et qu'elle ne peut justifier de longs séjours de l'intéressé, dont elle était séparée, sur le territoire français. Dans ces conditions, l'admission au séjour en France de Mme B... épouse D... ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas non plus au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elles concernent la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ainsi que d'une erreur de droit, doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) : 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait, en prenant l'arrêté attaqué, porté au droit de Mme B... épouse D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelées ci-dessus, ne peuvent qu'être écartés.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait, en prenant l'arrêté en litige, entaché son appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de Mme B... épouse D... d'une erreur manifeste.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 février 2021. Par suite, ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Moulin-Zys, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. C...La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE03415002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03415
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : BOUALLAG

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-14;21ve03415 ?
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