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10/05/2022 | FRANCE | N°21VE00962

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 21VE00962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté, en date du 16 février 2018, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1903918 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e et un mémoire enregistré les 2 et 26 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Rochiccioli, avo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté, en date du 16 février 2018, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1903918 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistré les 2 et 26 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Rochiccioli, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 16 février 2018;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de régulariser sa situation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est illégale par voie d'exception ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation;

Sur le délai de départ :

- la décision n'est pas dument motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

.

Par un mémoire en défense enregistrés le 8 novembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2021 modifiée par une décision du 22 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité tunisienne, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 16 février 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif du 29 juin 2020 a rejeté sa demande.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision est revêtue de la signature de Mme D... G..., chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement à la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture des Hauts-de-Seine. Par arrêté en date du 5 mars 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 8 mars 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a donné à Mme G... délégation à l'effet de signer " les refus de délivrance et de renouvellement de titre de séjour ", les " décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi ", en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... B..., directeur des migrations et de l'intégration. Par ailleurs, Mme C... n'apporte aucun élément de nature à contester que M. B... n'aurait pas été absent ou empêché. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

4. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Enfin, les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne font pas obstacle à l'application, aux ressortissants tunisiens, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

5. Mme C... fait valoir qu'elle a des attaches familiales en France, où réside notamment sa sœur qui dispose d'un titre de séjour pluriannuel. Toutefois, la requérante est célibataire, sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales en Tunisie. Entrée en France en 2005 munie d'un visa " étudiant " pour poursuivre ses études, Mme C... a obtenu un diplôme de maîtrise d'" administration économique et sociale " de l'université de Montpellier I, en 2011, et un " master of business administration " spécialisé " marketing management des industries du luxe " de l'Institut supérieur du commerce de Paris, en 2013. Au titre de son activité professionnelle, elle produit un contrat à durée indéterminée signé le 3 juin 2015 avec la société " Simply Obsèques " et un contrat à durée déterminée signé le 5 octobre 2016 avec la société " Compagnie française d'agencement et de décoration ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a déclaré à l'administration fiscale, dans la rubrique " salaires et assimilées ", que les sommes de 8 605 euros au titre de l'année 2015, 744 euros au titre de l'année 2016 et aucun revenu au titre de l'année 2017. Ainsi, Mme C..., dont le préfet des Hauts-de-Seine a considéré qu'elle n'exerçait aucune activité professionnelle depuis 2015 à la suite d'une démission volontaire, ne justifie pas d'une insertion professionnelle particulière en France. Par ailleurs, si Mme C... soutient souffrir d'une sclérose en plaque et bénéficier d'un suivi régulier en France, il est constant qu'elle n'a pas sollicité de titre de séjour pour soins mais en qualité de salarié. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de Mme C... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu les dispositions, précitées, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, si Mme C... a entendu soutenir que le préfet n'a pas examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation compte tenu des pièces portées à sa connaissance, il ressort au contraire des termes de la décision attaquée que le préfet des Hauts-de-Seine a examiné la possibilité de faire bénéficier Mme C... d'une régularisation à titre purement gracieux. Par ailleurs, pour les motifs exposés au point précédent, la décision de refus du préfet d'user de son pouvoir discrétionnaire de régularisation n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 5, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet des Hauts-de-Seine aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire

9. En premier lieu, la décision refusant la délivrance du titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit, par suite, être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

11. Mme C... soutient qu'elle est atteinte de la sclérose en plaques et que le traitement qui lui est administré à base de glatiramère n'est pas commercialisé en Tunisie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le système de santé en Tunisie ne permettrait pas une prise en charge pluridisciplinaire de la sclérose en plaques ni que Mme C... ne pourrait pas y bénéficier d'un traitement approprié pour compenser le dérèglement du système immunitaire lié à sa pathologie. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en arrêtant la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée.

12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur le délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jour, délai de droit prévu par les dispositions de l'article L.511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas à faire l'objet d'une motivation.

14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet se serait cru lié pour fixer à trente jours le délai de départ volontaire ou n'aurait pas examiné la nécessité d'accorder à titre exceptionnel un délai de départ supérieur à trente jours.

15. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine a, en fixant à trente jours le délai de départ volontaire, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DE C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022 .

La rapporteure,

A.C. E...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°21VE00962

2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 10/05/2022
Date de l'import : 17/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21VE00962
Numéro NOR : CETATEXT000045795505 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;21ve00962 ?
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