La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°20VE01921

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 20VE01921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 26 mai 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005527 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val d'Oise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2020, le préfet du Val

d'Oise demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 26 mai 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005527 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val d'Oise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce qu'il n'apportait pas la preuve que la décision de la Cour nationale du droit d'asile avait bien été notifiée à M. A... alors que la fiche Telemofpra produite en première instance justifiait de la réalité de cette notification.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, M. A..., représenté par Me Benveniste, avocate, conclut :

- à ce qu'il soit admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

- au rejet de la requête du préfet du Val d'Oise ;

- à ce que l'Etat soit condamné à verser à son conseil une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de cette même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen soulevé par le préfet du Val d'Oise n'est pas fondé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est illégale dès lors qu'elle n'est pas suffisamment motivée et qu'elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa demande ; qu'elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne lui a été notifiée régulièrement et qu'il n'est pas établi que cette décision a été lue en audience publique ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle n'est pas suffisamment motivée et qu'elle est dépourvue de base légale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant malien, né le 31 décembre 1995, est entré en France le 6 janvier 2019. Il a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 18 octobre 2019 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. Par décision du 4 février 2020 la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le rejet de la demande d'asile de M. A.... Par un arrêté en date du 14 mai 2020 le préfet du Val d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Val d'Oise relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. " Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. : La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. : Les décisions de rejet sont transmises, sur sa demande, au ministre chargé de l'immigration ". Enfin, aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " III. - La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci.

6. Pour annuler l'arrêté litigieux du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la circonstance que le préfet du Val d'Oise n'établissait pas que la décision du 4 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile avait été effectivement notifiée à M. A... avant l'édiction de son arrêté. Toutefois, contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé, et conformément aux dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mentions du relevé des informations de la base de données " TelemOfpra " relative à l'état des procédures de demandes d'asile produit par le préfet en première instance, indiquant que la décision du 4 février 2020 a été notifiée à l'intéressé le 13 février 2020, suffisaient, en l'absence de preuve contraire apporté par l'intimé, à établir la réalité de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile antérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué du 26 mai 2020. Le préfet du Val d'Oise est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les autres moyens soulevés :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté en litige que celui-ci a été signé par délégation du préfet du Val d'Oise, par l'adjointe au directeur des migrations et de l'intégration, Mme C..., qui bénéficiait d'une délégation du préfet en date du 2 septembre 2019, publiée le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux du préfet du Val d'Oise comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne précise pas la nature de la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile s'est prononcée sur sa demande d'asile.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Val d'Oise n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

11. En quatrième lieu, si M. A... soutient que le préfet du Val d'Oise ne justifie pas que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été bien lue en audience publique, ce moyen doit être écarté dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la décision du 4 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à l'intéressé le 13 février 2020 et qu'ainsi, en tout état de cause, il ne bénéficiait plus, à la date de la mesure d'éloignement, du droit de se maintenir sur le territoire français.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en janvier 2019, qu'il y est célibataire et ne justifie pas y avoir des attaches familiales ou personnelles d'une particulière intensité. Dès lors, le préfet du Val d'Oise, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. En dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Val d'Oise aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est, par suite, suffisamment motivée. M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'édiction de cette décision n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de sa situation.

16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est illégale. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondée et doit être rejetée.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. Si M. A..., dont la demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'il encourt des risques en cas de retour au Mali, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité des risques allégués. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations précitées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 26 mai 2020. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit, dans toutes ses conclusions, être rejetée. Il en va de même de ses conclusions présentées en appel sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. A... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2005527 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera adressée au préfet du Val d'Oise.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE01921 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : BENVENISTE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 10/05/2022
Date de l'import : 17/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20VE01921
Numéro NOR : CETATEXT000045795487 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve01921 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award