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03/02/2022 | FRANCE | N°20VE01148

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 03 février 2022, 20VE01148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le maire du Plessis-Robinson l'a radiée des effectifs de la commune pour abandon de poste, de condamner cette commune à lui verser une indemnité totale de 53 844 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle aurait subis à raison de l'illégalité de cet arrêté, d'enjoindre au maire de la réintégrer dans ses fonctions ou, à défau

t, de réexaminer sa situation au regard de l'article 39-3 du décret du 15 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le maire du Plessis-Robinson l'a radiée des effectifs de la commune pour abandon de poste, de condamner cette commune à lui verser une indemnité totale de 53 844 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle aurait subis à raison de l'illégalité de cet arrêté, d'enjoindre au maire de la réintégrer dans ses fonctions ou, à défaut, de réexaminer sa situation au regard de l'article 39-3 du décret du 15 février 1988 et de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1711210 du 13 février 2020, ce tribunal a annulé l'arrêté contesté du 3 octobre 2017, enjoint à la commune du Plessis-Robinson de réintégrer Mme B... dans ses effectifs et de mettre en œuvre la procédure de licenciement prévue à l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 8 avril 2020 et 27 janvier 2021, la commune du Plessis-Robinson, représentée par Me Cazin, avocat, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de la demande présentée par Mme B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la circonstance que Mme B... aurait, pour un motif légitime, refusé la proposition qui lui avait été faite de modifier son contrat de travail, afin de l'affecter comme animatrice en centre de loisirs, est sans incidence sur la légalité de la décision ultérieure par laquelle l'intéressée a été radiée des effectifs pour abandon de poste, faute pour elle d'avoir, dans le délai fixé par la mise en demeure lui ayant été adressée, soit rejoint ses précédentes fonctions à la Maison des Arts soit, justifié médicalement de son absence, justification que ne saurait constituer l'avis d'inaptitude rendu par le médecin de prévention le 26 juin 2017 ; la seule circonstance que l'intéressée se soit rendue à l'entretien du 2 octobre 2017 est sans incidence sur le constat d'abandon de poste C... lors qu'elle a refusé de reprendre le travail ;

- C... lors que les conclusions indemnitaires de la demande étaient, en l'absence de réclamation préalable, entachées d'irrecevabilité, comme l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, ces conclusions, reprises par Mme B... en appel, ne peuvent qu'être rejetées ;

- les conclusions reconventionnelles présentées en appel et tendant à sa condamnation au versement de dommages-intérêts pour procédure abusive sont irrecevables devant le juge de l'excès de pouvoir et sont également infondées.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure public,

- et les observations de Me Geissmann, substituant Me Cazin, pour la commune du Plessis-Robinson, et celles de Me Depoix, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la commune du Plessis-Robinson en qualité de technicien supérieur non titulaire, à compter du 5 mai 2004, pour exercer les fonctions de photographe au sein du service de communication de la ville, l'engagement à durée déterminée de l'intéressée ayant, ensuite, été continuellement renouvelé jusqu'à sa transformation, à compter du 13 mars 2012, en contrat à durée indéterminée. A la suite de l'annonce de la suppression de son poste par la commune, Mme B... a été affectée, à compter de mars 2016, dans le service des relations publiques, puis, à compter du 13 juin 2016, comme hôtesse d'accueil et de billetterie à la Maison des Arts de la ville. Alors qu'elle se trouvait placée en congé de maladie ordinaire, au cours des mois de février à août 2017, Mme B... a été informée de ce que la commune entendait l'affecter, à compter du 15 mars 2017, à un emploi d'animatrice au service de la petite enfance, en centre de loisirs, puis s'est vu adresser par le maire du Plessis-Robinson, le 23 juin 2017, une proposition de modification corrélative de son contrat, par application de l'article 39-4 du décret du 15 février 1988, en vue de l'employer en qualité d'animateur principal de 2ème classe en centre de loisirs, ces fonctions comprenant des missions de conception et réalisation d'ateliers photographiques, sans lien avec le service communication dans lequel l'intéressée avait été primitivement employée. Après que le médecin de prévention, par avis du 26 juin 2017, l'a déclarée temporairement inapte à l'exercice de ces fonctions d'animatrice, Mme B... a, par lettre du 5 juillet 2017, refusé la proposition de modification de son contrat et, par lettre du 11 août 2017 adressée par son conseil, invité le maire à tirer les conséquences de ce refus en engageant à son égard une procédure de licenciement. Alors que Mme B... n'avait plus transmis à la commune, à compter du 1er septembre 2017, de nouveaux certificats médicaux d'arrêt de travail, le maire, par lettre du 25 septembre 2017, a mis l'intéressée en demeure de justifier de son absence ou, à défaut, de reprendre ses fonctions, en se présentant à la direction des ressources humaines le 2 octobre 2017, ce sans quoi serait engagée à son encontre une procédure de radiation des effectifs pour abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable. Mme B... s'est présentée au rendez-vous ainsi fixé, sans justifier de son absence depuis le 1er septembre 2017, et a réitéré son refus d'accepter la proposition de modification de son contrat. Par arrêté du 3 octobre 2017, le maire du Plessis-Robinson a alors radié Mme B... des effectifs de la commune pour abandon de poste. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté, de condamner cette commune à lui verser une indemnité totale de 53 844 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle estimait avoir subis à raison de l'illégalité de cet arrêté et d'enjoindre au maire de la réintégrer dans ses fonctions ou, à défaut, de réexaminer sa situation au regard du décret du 15 février 1988. Par un jugement du 13 février 2020, ce tribunal a annulé l'arrêté contesté du 3 octobre 2017, a enjoint à la commune de réintégrer Mme B... dans ses effectifs et de mettre en œuvre la procédure de licenciement prévue à l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La commune du Plessis-Robinson relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B.... Cette dernière, par voie d'appel incident, demande la réformation du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur l'appel principal de la commune du Plessis-Robinson :

2. Le licenciement d'un agent territorial contractuel dans les cas prévus aux articles 39-2 et suivants du décret du 15 février 1988, d'une part, et la radiation d'un tel agent des effectifs de la collectivité qui l'emploie en cas d'abandon de poste, d'autre part, constituent deux décisions d'éviction distinctes, dont la légalité est subordonnée au respect de conditions procédurales et de fond propres à chacune d'elles. C... lors, la circonstance qu'un agent territorial contractuel serait susceptible d'être licencié, par application des dispositions susmentionnées du décret du 15 février 1988, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la collectivité qui l'emploie puisse, par ailleurs, légalement prononcer, C... lors que l'ensemble des conditions requises pour se faire sont réunies, sa radiation des effectifs pour abandon de poste. Ainsi, et en l'espèce, la commune du Plessis-Robinson est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté contesté du 3 octobre 2017, le tribunal administratif, après avoir constaté que Mme B... pouvait être licenciée sur le fondement des dispositions du 4° de l'article 39-3 du décret du 15 février 1988 pour avoir refusé la proposition qui lui avait été faite de modifier substantiellement son contrat, en a déduit que l'intéressée ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de radiation des effectifs pour abandon de poste.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.

4. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 25 septembre 2017, reçue le surlendemain, le maire du Plessis-Robinson a invité Mme B... à justifier du motif de son absence, depuis le 1er septembre 2017, et, à défaut d'une telle justification, a mis l'intéressée en demeure de reprendre ses fonctions à compter du 2 octobre 2017, en se présentant à cette date, à 9h00, à la direction des ressources humaines, ce sans quoi serait engagée à son encontre une procédure de radiation des effectifs pour abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable. Toutefois, le maire a également adressé au conseil de Mme B... C... le lendemain, le 26 septembre 2017, une autre lettre indiquant notamment qu'aucune décision de licenciement, à la suite du refus de l'intéressée de modifier son contrat, ne pouvait être prise tant que l'aptitude physique de celle-ci, compte tenu de son état de santé, n'avait pas recueilli l'avis du médecin agréé, auprès duquel Mme B... se trouvait convoquée le 11 octobre 2017. Dans ces conditions, la quasi-concomitance de ces courriers a pu mettre Mme B... dans l'incertitude quant aux intentions réelles de la commune à son égard et, par suite, quant aux démarches qu'elle avait à suivre. Pour autant, Mme B... justifie, d'une part, avoir confirmé sa présence à ce rendez-vous médical, ainsi qu'il ressort du courriel adressé par son conseil à la commune C... le 26 septembre 2017, et, d'autre part, s'être effectivement rendue, conformément à la mise en demeure qui lui avait été notifiée, à l'entretien prévu à la direction des ressources humaines le 2 octobre 2017 à 9h00. Ainsi, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, Mme B..., alors même qu'elle n'aurait pas repris ses fonctions après l'entretien du 2 octobre 2017, ne peut être regardée comme ayant alors, de sa propre initiative et sans justification, rompu tout lien avec le service. C... lors, l'intéressée est fondée à soutenir qu'à la date de l'arrêté contesté du 3 octobre 2017, une situation d'abandon de poste n'était pas caractérisée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Plessis-Robinson n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté contesté du 3 octobre 2017.

Sur l'appel incident de Mme B... :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées en première instance :

7. Si Mme B... a demandé au tribunal administratif de condamner la commune du Plessis-Robinson à lui verser une somme totale de 53 844 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle estimait avoir subis à raison de l'illégalité de l'arrêté contesté du 3 octobre 2017, l'intéressée ne justifie pas avoir présenté une réclamation indemnitaire préalable auprès de cette commune et, par suite, lié le contentieux à ce titre, conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. C... lors, le tribunal administratif a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, rejeter pour ce motif d'irrecevabilité les conclusions indemnitaires de Mme B.... Par suite, l'appel incident formé, à cet égard, par l'intéressée ne peut qu'être rejeté, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées en appel pour procédure abusive :

8. D'une part, des conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui amènent le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée, ne peuvent être présentées, à titre reconventionnel, que dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables. D'autre part, en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive sont irrecevables.

9. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la requête de la commune du Plessis-Robinson tend à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté contesté du 3 octobre 2017. Ainsi l'appel principal formé par cette commune présente à juger d'un litige relevant uniquement du contentieux de l'excès de pouvoir. C... lors, les conclusions reconventionnelles présentées par Mme B... et tendant à la condamnation de la commune du Plessis-Robinson à lui verser une indemnité pour procédure abusive sont, comme l'oppose celle-ci, irrecevables et doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune du Plessis-Robinson demande en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

11. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement à Mme B... C... la somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune du Plessis-Robinson est rejetée.

Article 2 : La commune du Plessis-Robinson versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

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N° 20VE01148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01148
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-03;20ve01148 ?
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