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19/10/2021 | FRANCE | N°19VE03104

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 octobre 2021, 19VE03104


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société HetB Company SRO, venant aux droits et obligations de la société civile Omega, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1601237 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de

décharge présentées par la société HetB Company SRO à concurrence du dégrèvement prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société HetB Company SRO, venant aux droits et obligations de la société civile Omega, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1601237 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par la société HetB Company SRO à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance pour un montant de 296 556 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 août 2019 et 28 mai 2020, la société HetB Company SRO, représentée par Me Nataf, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2° de prononcer la décharge demandée et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société HetB Company SRO soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la SARL Affim avait été régulièrement désignée comme son représentant en France, autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt, conformément aux dispositions de l'article 223 quinquies A du code général des impôts ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen en vertu duquel le seul fait de l'avoir soumise à l'obligation de désigner un représentant en France constituait une entrave à la libre circulation des capitaux qui ne saurait être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général ;

- en tout état de cause, en lui imposant une telle obligation, l'administration a manqué à son devoir de loyauté dans l'exécution de ses opérations de contrôle et de redressement ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute de lui avoir communiqué avant la mise en recouvrement la lettre du 23 mars 2009 adressée par la SCI du Moulin au service chargé de la vérification de sa comptabilité au titre des années 2006 et 2007 ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas pu formellement choisir l'option de traitement de sa comptabilité informatisée, comme le permettent les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

- s'agissant des rehaussements liés aux résultats des SCI absorbées, non déclarés par la SC Omega, c'est à tort que l'administration a procédé au rehaussement des résultats du montant des produits enregistrés entre le 1er et le 13 janvier 2011 ;

- s'agissant des rehaussements résultant des plus-values sur cession de biens immobiliers, les éléments d'actif et de passif devaient être évalués à leur valeur réelle et non à leur valeur comptable ;

- en ce qui concerne la période d'imposition, c'est à tort que l'administration a rattaché les plus-values de cession réalisées courant 2011 par la SC Omega au premier exercice clos le 31 décembre 2012 ;

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

- aucune volonté délibérée d'éluder l'impôt n'est établie ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à obtenir, sur le fondement des dispositions du 1er alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, la décharge de ces pénalités.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil, notamment son article 1844-5 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Nataf, pour la société HetB Company SRO.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... et Mme D... C... ont constitué le 13 janvier 2011 la société civile (SC) Omega, qui a pour objet l'acquisition et la gestion d'actifs et a opté pour l'impôt sur les sociétés. Le 1er février 2011, en sa qualité d'associé unique de la SCI Valenton, de la SCI 34 Wilson et de la SCI du Moulin, la SC Omega a décidé leur dissolution anticipée sans liquidation par transmission universelle de patrimoine à son profit, l'opération de confusion de patrimoine ayant été effectuée le 3 février 2011, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. Le 6 mars 2013, M. B... et Mme C... ont apporté la totalité de leurs parts détenues dans la SC Omega à la société à responsabilité limitée de droit slovaque HetB Company SRO, ayant son siège social à Partizánske en Slovaquie, dont M. B... est le représentant légal. Le 15 mars 2013, la SC Omega a été dissoute sans liquidation par transmission universelle de patrimoine au profit de la société HetB Company SRO, la confusion de patrimoine ayant pris effet au 1er janvier 2013. Cette dernière société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, pour le compte de la SC Omega, du 7 novembre 2013 au 5 février 2014 portant sur la période du 1er février 2011 au 31 décembre 2012. Par une proposition de rectification du 24 mars 2014, établie selon la procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, assortie des intérêts de retard et de la majoration prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts ont été mis à la charge de la société HetB Company SRO. Celle-ci a contesté ces impositions supplémentaires par une réclamation préalable formée le 25 mars 2015. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par la société HetB Company SRO à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance pour un montant de 296 556 euros, résultant de la substitution par l'administration de la majoration de 40% à celle de 80%, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société HetB Company SRO relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la désignation d'un représentant fiscal :

2. Aux termes de l'article 223 quinquies A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les personnes morales désignées au 2 de l'article 218 A peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt ". Dès lors qu'une société étrangère imposable en France a déclaré à l'administration fiscale un représentant en France en application de ces dispositions, le mandat ainsi donné à ce mandataire emporte élection de domicile auprès de lui pour les actes relatifs à son imposition à l'impôt sur les sociétés.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par courrier du 20 juin 2013, la 15e brigade départementale de vérification de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine a invité M. B..., en sa qualité de représentant légal de la société HetB Company SRO, à désigner dans un délai de 90 jours un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt. Par courrier du 7 septembre 2013, M. B..., agissant en sa qualité de co-gérant de la Sarl Affim, a répondu à l'administration en désignant la Sarl Affim comme représentant fiscal de la société HetB Company SRO en France.

4. Alors même que cette désignation n'émane pas de la société HetB Company SRO elle-même mais de la Sarl Affim, dont M. B... est également gérant, et qui se désigne comme mandataire, le contenu du courrier, en date du 7 septembre 2013, fait explicitement référence à la demande de l'administration du 20 juin 2013 adressée à la société HetB Company SRO. Il résulte en outre de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, que M. B..., gérant de la société requérante, a bien reçu toutes les pièces de la procédure. Dès lors, la procédure n'a été, de ce fait, entachée d'aucune irrégularité.

5. En deuxième lieu, la société requérante entend se prévaloir de l'arrêt du 5 mai 2011 par lequel la Cour de justice de l'Union européenne (Commission c/ République portugaise, aff. C-267/09) a dit pour droit que l'obligation de désignation d'un représentant fiscal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à lutter contre la fraude fiscale et que, par suite, elle constitue pour les contribuables non-résidents une restriction non justifiée à la libre circulation des capitaux consacrée à l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. De fait, l'administration a fait, en l'espèce, application des dispositions de l'article 223 quinquies A précitées du code général des impôts à la date du 20 juin 2013, soit dans leur rédaction antérieure à celle issue de leur modification par les dispositions du 2° du I de l'article 62 de loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, qui a exclu l'application de cette obligation aux personnes qui ont leur siège social dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, et il n'est même pas allégué, que l'incompatibilité avec le droit de l'Union européenne de la demande faite à la société HetB Company SRO de désigner un représentant fiscal en France a été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à priver cette dernière d'une garantie ou que cette incompatibilité a eu une quelconque influence sur la décision de redressement.

6. En dernier lieu, la société HetB Company SRO ne saurait sérieusement soutenir que la demande qui lui a été faite de désigner un représentant fiscal en France l'a induite en erreur ou qu'elle a eu pour effet de l'intimider. Par suite, elle n'est pas fondée en tout état de cause à soutenir que l'administration a manqué à son devoir de loyauté.

7. En ce qui concerne les modalités de traitement de la comptabilité informatisée et la remise des copies informatiques des documents comptables :

8. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicables : " " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées ".

9. Dans l'avis de vérification du 7 octobre 2013, l'administration s'est bornée à inviter la contribuable à tenir à sa disposition ses documents comptables ainsi que les pièces justificatives et, dans la mesure où sa comptabilité était informatisée, l'ensemble des informations et données mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, c'est-à-dire celles qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts. Elle n'a ainsi mis en œuvre que les dispositions du I de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité. Après que le comptable de la société eut produit par courriel du 21 novembre 2013 les fichiers comptables de la société, l'administration en a accusé réception en relevant que la société avait satisfait à son obligation de présentation de la comptabilité en optant pour la remise dématérialisée prévue par les dispositions précitées du I de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Elle n'a ainsi procédé à aucun retraitement informatique au sens du II de ce même article. Par suite, le moyen tiré de la violation de cette dernière disposition doit donc être écarté comme inopérant.

10. En ce qui concerne la communication des documents obtenus de tiers sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification :

11. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

12. La société HetB Company SRO soutient pour la première fois en appel que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues au motif que l'administration ne lui a pas communiqué la lettre du 23 mars 2009 émanant de la SCI du Moulin, sur laquelle elle s'est appuyée pour déterminer le prix d'acquisition du lot d'un bien immobilier et établir la rectification contestée par l'appelante. Il résulte, cependant, de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société HetB Company SRO vient au droit de la société civile (SC) Omega, qui elle-même vient aux droits de la SCI du Moulin, suite à des opérations de transmission universelle du patrimoine successives, M. B... étant ou ayant été le gérant des trois sociétés. Ainsi, à la date à laquelle il en a sollicité la communication, il pouvait accéder directement et effectivement au document litigieux. Le moyen doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

13. En ce qui concerne les rehaussements liés aux résultats des SCI absorbées non déclarés par la SC Omega :

14. Aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise. Si, parmi ces opérations, figure une opération de dissolution sans liquidation d'une autre société dont elle détient toutes les parts sociales, réalisée sur le fondement de l'article 1844-5 précité du code civil, les conséquences de cette opération pour la société confondante doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute est intervenue, sans pouvoir l'être dans le bilan précédent. Lorsqu'un effet rétroactif est attaché, sur le plan fiscal, à cette dissolution à une date déterminée, laquelle ne peut être antérieure à la date de clôture du bilan de l'exercice précédent, la société confondante est tenue de prendre en compte toutes les conséquences de la date ainsi stipulée, à laquelle les effets de la fusion remontent au plan fiscal.

16. En l'espèce, il résulte de l'instruction que par un traité du 13 janvier 2011, les deux associés des SCI du Moulin, Valenton, et 34 Wilson, M. B... et Mme C..., ont apporté l'ensemble de titres qu'ils détenaient dans ces sociétés à la SC Omega. Par une résolution du 1er février 2011, l'assemblée générale extraordinaire de la SC Omega, associé unique des trois SCI, a décidé de leur dissolution sans liquidation emportant transmission universelle de leur patrimoine à son profit, sur le fondement de l'article 1844-5 précité du code civil. Il résulte des déclarations de dissolution, souscrites le 3 février 2011 par son gérant, que la SC Omega a décidé d'une date d'effet rétroactive des transmissions universelles de patrimoine au plan fiscal, fixée au 1er janvier 2011. Par suite, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, la SC Omega était tenue de prendre en compte toutes les conséquences de cette rétroactivité lors de la détermination des résultats de l'exercice au cours duquel les opérations de confusion de patrimoine sont devenues définitives, ouvert le 1er janvier 2011 ainsi qu'il résulte de la déclaration d'impôt sur les sociétés souscrite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que sa date de création, le 13 janvier 2011, soit postérieure à la date d'effet qu'elle a elle-même fixée au 1er janvier 2011. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait rehausser les résultats de la SC Omega du montant des produits enregistrés par ses trois filiales entre le 1er et le 13 janvier 2011. En tout état de cause, l'intéressée n'apporte pas davantage en appel de précision ou de pièce de nature à justifier l'existence de produits ou charges enregistrés par les SCI sur cette période.

17. En ce qui concerne les rehaussements résultant des plus-values sur cession de biens immobiliers :

18. En premier lieu, la SC Omega avait pris notamment pour engagement lors des opérations de fusion-absorption des SCI de reprendre leurs éléments d'actif et de passif dans sa comptabilité pour leur valeur comptable. De plus, les opérations de transmission de patrimoine que constituent les opérations de fusion ou assimilées, rémunérées par des titres et retracées dans un traité d'apport prévu à l'article L. 236-6 du code de commerce, auxquelles le règlement n° 2004-01 du 4 mai 2004 du comité de la réglementation comptable, homologué par un arrêté interministériel du 7 juin 2004, s'applique, ne constituent pas des acquisitions de biens à titre onéreux de la part des sociétés absorbantes ou bénéficiaires d'apports, au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 123-18 de ce code, aux termes desquelles " à leur date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition ". Ainsi, les éléments d'actif et de passif des SCI devait être inscrites selon leur valeur comptable.

19. En deuxième lieu, la société HetB Company SRO soutient que les trois SCI n'ont pas pris la décision de gestion leur ouvrant le bénéfice du sursis d'imposition des plus-values latentes, prévu par le II de l'article 202 ter du code général des impôts, en ne déposant pas dans le délai de soixante jours de l'option pour l'impôt sur les sociétés un bilan d'ouverture faisant état de la valeur nette comptable reconstituée de leurs immeubles inscrits en immobilisation, de sorte que l'administration aurait dû constater que ces plus-values latentes étaient immédiatement imposables. Cependant, il ressort des dispositions du II de l'article 202 ter du code général des impôts, aux termes desquelles " La société (concernée) doit, dans un délai de soixante jours à compter de la réalisation de l'événement qui a entraîné le changement de régime mentionné au premier alinéa du présent II, produire au service des impôts les déclarations et autres documents qu'il est normalement tenu de souscrire au titre d'une année d'imposition ", que l'absence de souscription des déclarations n'est pas constitutif d'une décision de gestion opposable aux SCI mais ne révèle qu'un manquement de leur part à leurs obligations déclaratives. En outre, cette obligation déclarative n'est pas au nombre des conditions de fond à remplir pour bénéficier du sursis d'imposition des plus-values latentes. Par conséquent, le moyen doit en tout état de cause être écarté.

En ce qui concerne la période d'imposition :

20. Aux termes de l'article 37 du code général des impôts : " Si l'exercice clos au cours de l'année de l'imposition s'étend sur une période de plus ou de moins de douze mois, l'impôt est néanmoins établi d'après les résultats dudit exercice. / Si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée ou, dans le cas d'entreprise nouvelle, depuis le commencement des opérations jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris ". Par ailleurs, aux termes de l'article 209 du même code : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / Toutefois, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37, l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises créées à compter du 1er janvier 1984 est établi, lorsqu'aucun bilan n'est dressé au cours de la première année civile d'activité, sur les bénéfices de la période écoulée depuis le commencement des opérations jusqu'à la date de clôture du premier exercice et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la création ".

21. Il est constant que la SC Omega, entreprise nouvellement créée en 2011 et assujettie à l'impôt sur les sociétés, n'a établi aucun bilan au cours de l'année 2011 et n'a de fait clos son premier exercice social que le 31 décembre 2012, malgré la mention dans ses statuts d'une clôture du premier exercice au 31 décembre 2011. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a rattaché les plus-values réalisées courant 2011 par la SC Omega au premier exercice de la société clos le 31 décembre 2012, conformément aux dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 209 précité du code général des impôts fixant les règles de détermination de la période d'imposition applicables aux sociétés nouvelles assujetties à l'impôt sur les sociétés, lorsqu'elles n'ont dressé aucun bilan au cours de leur première année civile d'activité.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

22. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La pénalité pour mauvaise foi prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, il appartient à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

23. Il résulte de l'instruction que pour majorer de 40% les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant des plus-values de cession des biens immobiliers de la SC Omega, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que la SC Omega n'avait pas respecté ses engagements pris sur le plan comptable et fiscal dans les différents actes relatifs aux opérations de dissolution-confusion des SCI 34 Wilson, du Moulin et Valenton, ni les règles de transcription des éléments fusionnés à la valeur comptable, en l'absence notamment d'inscription comptable du patrimoine immobilier reçu au moment des opérations de dissolution-confusion des filiales. L'administration fiscale a en outre relevé l'absence de dépôt de bilans d'ouverture pour les trois sociétés civiles immobilières, en dépit de leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'une minoration des produits de la vente des deux plus importants biens immobiliers de la SC Omega, à hauteur de près de 600 000 euros, démontrant ainsi la volonté d'éluder la taxation des plus-values sur cession de ces biens. Alors même que la société appelante fait valoir que les opérations susmentionnées ont été préconisées par un conseil spécialisé et effectuées par un cabinet d'expert-comptable et que le gérant de la SC Omega, marchand de biens autodidacte, ne disposait pas des compétences nécessaires pour contrôler le travail de ces professionnels, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de la SC Omega, et par suite du bien-fondé des pénalités mises à la charge de l'appelante, en application du a. de l'article 1729 précité du code général des impôts.

24. En second lieu, aux terme du premier alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard ". Dans les circonstances de l'espèce, compte-tenu de ce que l'irrégularité invoquée n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, il n'y a pas lieu de faire usage de ces dispositions et de prononcer la décharge de la majoration de 40% des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au motif allégué tiré de l'incompatibilité avec le droit de l'Union européenne de la demande adressée par l'administration fiscale à la société HetB Company SRO de désigner un représentant fiscal en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société HetB Company SRO doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant ni la partie tenue aux dépens, ni la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société HetB Company SRO est rejetée.

6

N° 19VE03104


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 19/10/2021
Date de l'import : 26/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19VE03104
Numéro NOR : CETATEXT000044236711 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-19;19ve03104 ?
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