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28/09/2021 | FRANCE | N°19VE00365

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 19VE00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Trane BVBA a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 195 565 euros au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, l'octroi d'intérêts moratoires et le versement par l'État d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707966 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Trane BVBA a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 195 565 euros au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, l'octroi d'intérêts moratoires et le versement par l'État d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707966 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février et 30 juillet 2019, la société Trane BVBA, représentée par Mes Marik et Schiele, avocats, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement sollicité à hauteur de 195 565 euros, assorti des intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le service lui a, à tort, refusé le remboursement sollicité au motif que la taxe sur la valeur ajoutée déduite ne concourrait pas à la réalisation d'opérations pour lesquelles elle serait redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France alors que, d'une part, pour la période concernée, elle exerçait une activité économique taxable à la taxe sur la valeur ajoutée en France et, d'autre part et en conséquence, le principe du droit à déduction de ladite taxe devait conduire au remboursement sollicité, alors même qu'elle a cessé son activité.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Deroc,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ingersoll Rand International a repris, à compter du mois de janvier 2015, l'activité de fabrication et vente de systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation de la société Trane BVBA, société de droit belge domiciliée à Sint-Stevens-Woluwe (Belgique) et identifiée à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) française auprès du service des impôts des entreprises étrangères (SIEE), l'opération étant traitée comme une transmission d'universalité de patrimoine. La société Trane BVBA, non dissoute, a toutefois continué à recevoir des factures de prestataires français à raison de son activité réalisée avant le transfert à la société Ingersoll Rand International. Cette dernière a reporté ces factures dans ses déclarations de TVA. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a néanmoins remis en cause un tel report en estimant que ces factures devaient être prises en compte par la société Trane BVBA, ses nom et numéro de TVA figurant dessus. Celle-ci a, en conséquence, déposé une demande de remboursement de crédit de TVA auprès du SIEE à hauteur du montant rejeté, soit 195 565 euros, selon la procédure dite de droit commun régie par les dispositions des I, II et IV de l'article 271 du code général des impôts et celles des articles 242-0 A à 242-0 L de l'annexe II à ce code. Cette demande ayant été rejetée le 13 janvier 2017 pour ne pas avoir été déposée par télédéclaration, la société Trane BVBA en a déposé une seconde, également rejetée le 5 mai suivant. La société Trane BVBA fait appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à que le remboursement de ce crédit de TVA soit prononcé.

2. D'une part, aux termes des I et IV de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Les articles 242-0 A à L de l'annexe II à ce code fixent les conditions, modalités et limites prévus au IV de cet article 271.

3. D'autre part, aux termes du V de ce même article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans d'autres pays. / (...) ". Aux termes de l'article 242-0 N de l'annexe II au même code, pris pour l'application du V de l'article 271, dans sa rédaction applicable à la période au titre de laquelle le remboursement est demandé : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : / 1° les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ; / 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 242-0 O. " et de l'article 242-0 O : " Un assujetti non établi en France doit satisfaire aux conditions suivantes pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 242-0 N : / 1° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti doit avoir été établi hors de France au sens du 1° de l'article 242-0 M ; / 2° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti ne doit avoir effectué aucune livraison de biens ni prestations de services en France à l'exception des opérations suivantes : / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions applicables au litige qu'un assujetti non établi en France mais dans un État membre de l'Union européenne peut demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible soit sur le fondement des dispositions de l'article 271 du code général des impôts dès lors qu'il est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France au titre des opérations qu'il réalise dans ce pays et qu'il dispose d'un numéro d'identification conformément au 1° de l' article 286 ter du code général des impôts, soit sur le fondement de l'article 242-0 N de l'annexe II au code général des impôts lorsqu'il ne réalise pas en France d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ou qu'il y réalise des opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est acquittée par le preneur.

5. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par le ministre de l'action et des comptes publics, que le crédit de TVA dont la société requérante demande le remboursement est relatif à des factures d'achat émanant de prestataires français, afférentes à l'activité qu'elle exerçait jusqu'en décembre 2014. La société Trane BVBA fait valoir, sans davantage être contestée, que ces biens ont concouru à une activité taxable en France, conformément au I. de l'article 258 du code général des impôts, car il s'agissait de livraisons de biens meubles corporels qui se situaient en France au moment de l'expédition, à savoir des livraisons intracommunautaires et des exportations entrant le champ d'application territorial de la TVA en application du a. du I de l'article 258 du code général des impôts. Il n'est, à aucun moment soutenu par le ministre de l'action et des comptes publics que la TVA figurant sur les factures en cause ne serait pas devenue exigible avant la cessation d'activité de la société requérante et, par suite déductible en vertu du 2. du I de l'article 271 du code général des impôts, et ce alors même qu'elles auraient été reçues la société Trane BVBA, à compter du mois de janvier 2015, alors que, conformément à l'article 269 de ce code, pour les livraisons de biens, l'exigibilité de la taxe intervient au moment où la livraison est effectuée. Dans ces conditions et contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, la société Trane BVBA était fondée à demander le remboursement de la taxe afférente à ces factures, selon la procédure dite de " droit commun ", sur le fondement des dispositions des I, II et IV de l'article 271 du code général des impôts et celles des articles 242-0 A à 242-0 L de l'annexe II à ce code.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Trane BVBA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les intérêts moratoires :

7. En l'absence de litige né et actuel opposant la requérante au comptable public concernant le versement des intérêts moratoires, les conclusions tendant au versement par l'administration de ces intérêts sont prématurées et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707966 du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'État remboursera à la société Trane BVBA un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 195 565 euros au titre des factures afférentes à la période antérieure à sa cessation d'activité.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à la société Trane BVBA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 19VE00365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00365
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-28;19ve00365 ?
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