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08/07/2021 | FRANCE | N°18VE03826

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 08 juillet 2021, 18VE03826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Damon architecte a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision par laquelle la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a implicitement rejeté sa demande en date du 9 décembre 2015 tendant à ce que le marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 21 novembre 2005 soit résilié et à ce que la somme de 14 007,58 euros lui soit versée au titre du solde du marché, de prononcer la résiliation du marché, et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la

ministre de résilier le marché dans un délai d'un mois à compter de la date de not...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Damon architecte a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision par laquelle la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a implicitement rejeté sa demande en date du 9 décembre 2015 tendant à ce que le marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 21 novembre 2005 soit résilié et à ce que la somme de 14 007,58 euros lui soit versée au titre du solde du marché, de prononcer la résiliation du marché, et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la ministre de résilier le marché dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 007,58 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande préalable, ainsi que la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle successive.

Par un jugement n° 1603401,1705553 en date du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché et à fin d'injonction, a condamné l'Etat à verser à la société Damon architecte la somme de 5 741,12 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires à compter du 6 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter du 6 novembre 2017, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 20 novembre et 19 décembre 2018 et le 11 septembre 2019, la société Damon architecte, représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa requête ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 007,58 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 24 août 2007 au taux légal en vigueur à cette même date, augmenté de deux points, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas été signé par les premiers juges en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conclusions tendant à contester le décompte de résiliation établi par l'administration étaient tardives alors que celui-ci a été adressé à la mauvaise adresse ; ainsi, le délai pour former un mémoire en réclamation n'a pas commencé à courir ; elle n'a eu connaissance du décompte général que le 2 mars 2017 lors de la communication du mémoire en défense ; le mémoire en réclamation réceptionné le 14 avril 2017 a donc été formé dans le délai de quarante-cinq jours fixé par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles ;

- l'administration a méconnu le principe de loyauté en s'abstenant d'envoyer le décompte général au mandataire représentant la société et en ne contactant pas la société afin de s'assurer du bon acheminement du pli contenant le décompte général ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conclusions aux fins d'indemnisation n'étaient pas recevables dès lors qu'elles ne poursuivaient d'autres fins que les conclusions présentées sur le fondement contractuel ;

- elle est en droit de prétendre au versement de la somme correspondant à 10 % du montant de 39 123 euros restant à régler au titre des études d'avant-projet définitif et de 4 % du montant hors TVA, non révisé, de la partie résiliée du marché correspondant, dans sa totalité, à une somme de 14 007,58 euros toutes taxes comprises et non à la somme accordée par le tribunal administratif ;

- par ailleurs, les intérêts moratoires, ainsi que la capitalisation des intérêts devaient être calculés à compter du 24 août 2007 et non à compter du 6 novembre 2016 ;

- la forclusion contractuelle prévue par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles s'oppose au protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de travaux de réhabilitation d'un centre de gestion de policiers auxiliaires en un centre de rétention administrative à Nanterre, un groupement solidaire composé de la société BETCI et du cabinet SDF Damon-Gamboa, au droit duquel vient la société Damon architecte, mandataire du groupement, s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre par un acte d'engagement signé le 21 novembre 2015. Par un courrier du 24 mars 2006, l'administration a informé la société Damon architecte du paiement des prestations relatives à l'avant-projet définitif à hauteur de 90 % du montant des sommes dues. Par des courriers des 11 mai 2009, 12 novembre 2012, 28 avril 2014 et 10 décembre 2015, la société Damon architecte a demandé à l'administration la résiliation du marché et le règlement d'une somme de 14 007,58 euros au titre du solde et des intérêts dus. Par une décision du 15 septembre 2016, la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France a résilié le marché et a établi le décompte de liquidation, faisant apparaître un solde de 5 741,12 euros toutes taxes comprises. Par un mémoire en réclamation, reçu le 14 avril 2017, la société Damon architecte a contesté le décompte de liquidation et demandé au pouvoir adjudicateur d'en fixer le solde à la somme de 14 007,58 euros toutes taxes comprises. La société Damon architecte forme appel du jugement n° 1603401,1705553 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté partiellement ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit, par suite, être écarté.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAGPI) dans sa version issue du décret du 26 décembre 1978, rendue applicable au marché en cause en application de l'article 2.2 du cahier des clauses administratives particulières : " 35.1. La personne publique peut, à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations avant l'achèvement de celles-ci, par une décision de résiliation du marché, notifiée dans les conditions du 4 de l'article 2. / 35.2. Sauf dans les cas prévus au 1 et au 2 de l'article 39, la résiliation prend effet à la date fixée dans la décision de résiliation ou, à défaut d'une telle date, à la date de notification de cette décision. (...) / 35.4. La résiliation fait l'objet d'un décompte qui est arrêté par la personne publique et notifié au titulaire. Les stipulations du 32 de l'article 12 sont applicables à ce décompte. (...) ". Aux termes de l'article 12.32 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. (...) " . Aux termes du 4 de l'article 2 de ce cahier des clauses administratives générales : " 2.41. Lorsque la notification d'une décision ou communication de la personne publique ou de la personne responsable du marché doit faire courir un délai, ce document est notifié au titulaire, soit à son domicile indiqué au contrat, par lettre recommandée ou télégramme avec demande d'avis de réception postal, soit directement à lui-même ou à son représentant qualifié. Dans le cas d'une remise directe, la notification est constatée par un reçu ou un émargement donné par l'intéressé. / 2.42. Les communications du titulaire avec la personne publique auxquelles le titulaire entend donner date certaine sont soit adressées par lettre recommandée, ou télégramme, avec demande d'avis de réception postal, soit remises contre récépissé à la personne responsable du marché. / 2.43. L'avis de réception, le reçu ou l'émargement donné par le destinataire font foi de la notification. La date de l'avis de réception postal ou du récépissé est retenue comme date de notification de la décision ou de remise de la communication. ". Aux termes du 5 de l'article 2 de ce cahier des clauses administratives générales : " Les notifications de la personne publique sont valablement faites au domicile ou au siège social mentionné dans l'acte d'engagement, sauf si le marché fait obligation au titulaire d'élire domicile en un autre lieu et si le titulaire a satisfait à cette obligation. ". Aux termes de l'article 2-22 de ce cahier des clauses administratives générales : " Le titulaire est tenu de communiquer immédiatement à la personne responsable du marché les modifications, survenant au cours de l'exécution du marché, qui se rapportent : (...) - à son domicile ou à son siège social (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la décision de résiliation du marché et le décompte général et définitif de celui-ci ont été envoyés à l'adresse du siège social de la société requérante le 19 septembre 2016 par pli recommandé avec accusé de réception. La société Damon architecte n'ayant pas retiré le pli recommandé dans le délai de quinze jours imparti pour ce faire, celui-ci a été retourné à l'expéditeur pour cause de dépassement de délai d'instance le 7 octobre 2016. Ainsi, la notification de la décision de résiliation et du décompte général doit être réputée être intervenue le jour de la présentation de l'envoi recommandé au siège social de la société, soit le 21 septembre 2016 et le délai pour former un mémoire en réclamation a commencé à courir à compter de cette date. Si la société requérante soutient que ces décisions ont été envoyées à la mauvaise adresse, elle n'apporte pas davantage de preuve en appel qu'elle aurait avisé l'administration de la modification de l'adresse de son siège social et ne peut soutenir qu'elle n'aurait eu connaissance du décompte général en cause que le 2 mars 2017, date à laquelle son conseil a reçu le mémoire en défense en première instance, dès lors qu'il résulte clairement de l'ensemble des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles qu'il lui appartenait d'aviser expressément l'autorité administrative du changement d'adresse de son siège social . Ainsi, l'appelante, qui n'a envoyé sa réclamation que par courrier du 13 avril 2017, reçu le 14 avril 2017, n'a pas respecté le délai de quarante-cinq jours imposé par les stipulations de l'article 12.32 du cahier des clauses administratives générales précité. Par ailleurs, la société Damon architecte ne peut utilement soutenir que l'Etat aurait manqué à son principe de loyauté en raison de son inertie pour répondre aux courriers des 11 mai 2009, 12 novembre 2012, 28 avril 2014 et 10 décembre 2015 par lesquels elle avait sollicité la résiliation et le règlement du marché, dès lors que cette circonstance relève d'un litige distinct et que la forclusion découle de l'application des stipulations contractuelles prévue à l'article 35 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles. Enfin, si la société Damon architecte soutient que la forclusion contractuelle et l'absence de démarches entreprises par l'Etat pour vérifier son adresse, s'opposeraient au protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'application du délai fixé à l'article 12.32 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles, retire toute espérance légitime de bénéficier de sa créance. En outre, la société Damon architecte ne démontre ni même n'allègue que la procédure de forclusion prévue par l'article 12.32 ne serait pas justifiée par un but d'intérêt général ou que l'atteinte au droit au respect de ses biens présenterait un caractère disproportionné. Il résulte de ce qui précède que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que celui-ci était tardif, que ses conclusions tendant au versement de la somme de 14 007,58 euros étaient irrecevables et que la société requérante ne pouvait prétendre qu'au versement du solde fixé par le décompte général, soit la somme de 5 741,12 euros toutes taxes comprises.

5. Enfin, aux termes de l'article 6.5 du cahier des clauses administratives particulières : " Par dérogation au 3ème alinéa de l'article 12.5. du C.C.A.G.-P.I., les délais pour procéder au paiement des acomptes et du solde sont fixés à 45 jours, à compter de l'accusé de réception par le mandataire du décompte mensuel pour le paiement des acomptes, et à compter de l'accusé de réception par le maître d'oeuvre de la notification par le mandataire du décompte général pour le paiement du solde. / Le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de 2 points (décrets n°2002-232 du 21 février 2002). ". Contrairement à ce que soutient la société Damon architecte, l'autorité administrative pouvait faire courir les intérêts moratoires à compter d'un délai de quarante-cinq jours suivant la date du 21 septembre 2016, date de notification du décompte général, en application des stipulations précitées de l'article 6.5 du cahier des clauses administratives particulières, qui dérogent aux stipulations de l'article 12.5 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de prestations intellectuelles. C'est donc à bon droit que les juges de première instance ont fait courir ce délai à compter du 6 novembre 2016 et ont fait droit, en conséquence, à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 6 novembre 2017, date à laquelle ces derniers étaient dus pour une année entière.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Damon architecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté partiellement ses conclusions indemnitaires en limitant sa condamnation de l'Etat à une somme de 5 741,12 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires à compter du 6 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter du 6 novembre 2017. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées, y compris, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Damon architecte est rejetée.

N° 18VE03826 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03826
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SCP THOUVENIN COUDRAY GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-08;18ve03826 ?
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