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10/06/2021 | FRANCE | N°20VE00893

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 10 juin 2021, 20VE00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous astreinte de 50 euros par jour de

retard, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, de lui dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans un délai de sept jours à compter du jugement, une autorisation provisoire de séjour et, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1909410 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, M. C..., représenté par Me E..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, les premiers juges ont, à tort, écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'interdiction de retour prise sur le fondement d'une décision d'obligation de quitter le territoire elle-même illégale et méconnu le III. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne permet pas d'apprécier la réalité de l'examen opéré à la lueur des critères énoncés par le huitième alinéa du III. de l'article L 511-1 susmentionné, est entachée d'un défaut d'examen circonstancié et méconnaît le III. de l'article L. 511-1.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien né en 1965 à Kanamakouna (Mali), a sollicité, le 3 septembre 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 24 juillet 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il fait appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus d'admission exceptionnelle au séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

3. D'une part, si M. C... soutient résider en France depuis le 5 septembre 1991, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'attester d'une résidence habituelle depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, notamment s'agissant des années 2009, 2010 et 2011 pour lesquelles il ne produit que quelques pièces, très parcellaires, dont la nature ne permet d'ailleurs pas, le plus souvent, de justifier d'une quelconque présence en France, a fortiori continue. N'établissant pas avoir été présent en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté litigieux en application de l'article L. 313-14 précité.

4. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis plus de vingt-neuf années, qu'il dispose d'une expérience professionnelle significative dans la mesure où il justifie de 105 mois d'activité professionnelle pour le compte de diverses sociétés, et que son frère réside régulièrement sur le territoire français. Toutefois, ainsi qu'il a été précisé au point 4. du présent arrêt, il ne justifie pas d'une présence continue en France depuis plus de dix ans, ni d'ailleurs de son entrée en France en 1991. Par ailleurs, il ne fait état que d'emplois dans le secteur du nettoyage et de la restauration de durée limitée, et donnant lieu, le plus souvent, au versement de rémunérations très limitées, de quelques centaines d'euros. Enfin, il n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence, ni a fortiori l'intensité, de liens personnels et familiaux en France ou encore d'une quelconque forme intégration sociale. Ces éléments ne suffisent donc pas à établir l'existence d'un motif d'admission exceptionnelle ou de considérations humanitaires, alors qu'il est constant qu'il est célibataire et sans enfant. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

7. M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France, de son insertion professionnelle, du soutient de son employeur dans ses démarches et de son insertion sociale et personnelle dans la société française. Toutefois, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point 5. et dès lors qu'il n'est justifié d'aucune forme d'intégration autre que professionnelle, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, après avoir rappelé la date d'entrée alléguée et non démontrée en France de M. C..., le fait qu'il n'établit pas sa présence en France notamment pour les années 2009 à 2011 et 2013 à 2016 puis avoir évoqué sa situation personnelle, familiale et professionnelle, et ainsi tenu compte de la durée de séjour en France de l'intéressé, de la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fondé sa décision sur le comportement de l'intéressé qui, par le passé, s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 2 avril 2014. Dans ces conditions, la décision attaquée est suffisamment motivée en ce qu'elle permet, contrairement à ce que soutient M. C..., d'apprécier la réalité de l'examen opéré à la lueur des quatre critères énoncés au 8ème alinéa du III de l'article L 511-1. Elle n'est pas davantage entachée d'une défaut d'examen circonstancié de sa situation.

10. D'autre part, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, l'intéressé n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

11. Enfin, pour les motifs de fait rappelés au point 9. du présent arrêt, les moyens tirés de ce qu'en prononçant à l'encontre de M. C... un interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 et commis une erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Danielian, présidente,

Mme B..., première conseillère,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2021.

La rapporteure,

M. A...La présidente,

I. DANIELIANLa greffière,

A. FOULON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE00893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00893
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-10;20ve00893 ?
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