La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2021 | FRANCE | N°19VE02989

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5eme chambre, 09 juin 2021, 19VE02989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne, du 10 janvier 2019 lui infligeant un avertissement, d'enjoindre à cette autorité de retirer les témoignages versés à son dossier administratif et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n

° 1902725 du 25 juin 2019, la présidente du tribunal administratif de Versailles...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne, du 10 janvier 2019 lui infligeant un avertissement, d'enjoindre à cette autorité de retirer les témoignages versés à son dossier administratif et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1902725 du 25 juin 2019, la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 14 août 2019 et

12 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Lehot, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler cette sanction ;

3° d'ordonner le retrait des témoignages versés à son dossier administratif ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme irrecevable;

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- cette sanction est infondée dès lors que la matérialité des faits reprochés n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Clot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeur des écoles depuis le 1er septembre 1994, exerce ses fonctions au sein de l'école maternelle Jules Ferry d'Athis-Mons. Par un courrier du 10 janvier 2019, l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne, l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un avertissement pour manquement à ses obligations professionnelles et pour comportements malveillants à l'égard d'autres enseignants. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 25 juin 2019 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté, en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Selon l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. (...) ".

3. L'ordonnance attaquée a rejeté comme irrecevable la demande présentée par Mme B... motif pris de sa tardiveté. Toutefois, il ressort des pièces produites en appel que Mme B..., qui a reçu notification le 23 janvier 2019 de la décision attaquée du 10 janvier 2019, a formé le 13 février 2019 un recours gracieux contre cette décision, qui a été reçu par l'administration le lendemain. Ce recours gracieux a ainsi eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux. Dans ces conditions, la demande de Mme B..., enregistrée au greffe du tribunal le 9 avril 2019, n'était pas tardive. Par suite, et alors qu'il appartient au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de tenir compte de l'ensemble des éléments, produits tant en appel qu'en première instance, de nature à établir le respect, devant le juge de première instance, de la condition de délai posée par l'article R. 421-1 cité ci-dessus,

Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme irrecevable. L'ordonnance attaquée doit donc être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. La sanction attaquée du 10 janvier 2019 se borne à indiquer que Mme B... a manqué à ses obligations professionnelles et eu un comportement malveillant à l'égard d'autres enseignants de son établissement sans apporter aucune précision sur les faits reprochés à l'intéressée. Ces mentions, dépourvues de toute considération de fait, ne permettent pas à l'intéressée de connaître les motifs de la sanction qui la frappe. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante, celle-ci est fondée à soutenir que la sanction qu'elle conteste est entachée d'une illégalité de nature à justifier son annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Dans la mesure où le dossier de Mme B... comporterait des éléments faisant référence à la sanction du 10 janvier 2019, l'exécution du présent arrêt, qui annule cette décision, implique nécessairement le retrait de ces éléments. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'Etat de procéder sans délai à ce retrait.

Sur les frais liés à instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1902725 de la présidente du tribunal administratif de Versailles du 25 juin 2019 est annulée.

Article 2 : La décision de l'inspectrice d'académie, directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne, du 10 janvier 2019 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de procéder sans délai au retrait du dossier de Mme B... de tout élément faisant référence la sanction du 10 janvier 2019 dans la mesure où le dossier de Mme B... comporterait de tels éléments.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin Icre, présidente,

M. A..., premier conseiller,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 09 juin 2021.

Le rapporteur,

T. A... La présidente,

C. SIGNERIN ICRE

La greffière,

V. BRIDET

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 19VE02989 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5eme chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02989
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SCP SAID LEHOT WATREMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-09;19ve02989 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award